CORPUS ARTISTIQUE ÉTAMPOIS
 
Atelier de Pierre Seguin
Les serpents des druides
bas-relief, 1925
     
Les serpents des druides, par l'Atelier Seguin (1925)


Les serpents des druides (détail), par l'Atelier Seguin (1925)  


     Ce bas-relief réalisé par l’atelier de Pierre Seguin fait partie d’un ensemble monumental à la réalisation duquel il a participé en 1925 à l’occasion de l’Exposition des Arts décoratifs et industriels. Nous proposons ici une visite guidée de ce monument, et nous en donnons une interprétation symbolique nouvelle.

     On peut naviguer de page en page à travers cette œ
uvre collective et les légendes qu’elle fait revivre. Cliquez sur les titres en noir du plan ci-dessous.


Les serpents des druides, par l'Atelier Seguin (1925)

Le Monument néocletique sur son site actuel, depuis 2005
Le Monument néoceltique sur son site actuel
    
Les serpents des druides
 
 
Les serpents des druides, par l'Atelier Seguin (1925)      Le thème de ce bas-relief n’a pas été compris jusqu’à présent par ceux du moins qui en ont parlé ou écrit. Les trois serpents qui s’y entrelacent ne le font pas pour une raison purement décorative, et ne symbolisent pas la prudence. Les deux têtes de serpents qui s’affrontent en haut de la plaque ne s’apprêtent pas un gober un œuf comme on pourrait le croire à première vue. Il s’agit bien au contraire d’une scène de régurgitation fondée sur une des rares croyances druidiques que nous connaissions précisément, celle de l’ovum anguinum ou “œuf de serpent”.

Ovus anguinum (Gravure sur bois de 1497)      Cette tradition nous a été conservée par Pline l’Ancien, auteur au premièr siècle après Jésus-Christ d’une très vaste encyclopédie dont il nous reste quelques tomes, l’Histoire Naturelle. Voici le passage considéré, aux paragraphes 52 à 54 du Livre IX, traduit du latin:
     Il est une espèce d’œuf, oubliée par les Grecs, mais en grand renom dans les Gaules: en été, des serpents innombrables se rassemblent, enlacés et collés les uns aux autres par la bave et l’écume de leur corps; cela s’appelle œuf de serpent (anguinum). Les druides disent que cet œuf est projeté en l’air par les sifflements des reptiles et qu’il faut le recevoir dans une saie (sagum, mot latin d’origine gauloise, qui signifie ici probablement “drap”) avant qu’il touche la terre.

     Le ravisseur doit s’enfuir à cheval, car les serpents le poursuivent jusqu’à ce qu’ils en soient empêchés par l’obstacle d’une rivière. On reconnaît cet œuf à ce qu’il flotte contre le courant. Mais comme les mages sont habiles à dissimuler leurs fraudes, ils affirment qu’il faut attendre une certaine lune pour recueillir cet œuf comme si la volonté humaine pouvait faire coïncider la réunion des serpents avec la date indiquée.

Ovus anguinum (Gravure sur bois de 1497)      J’ai vu cet œuf: il est de la grosseur d’une pomme ronde moyenne et la coque en est cartilagineuse, avec de nombreuses cupules, comme celles des bras des poulpes.Il est célèbre chez les druides. On en loue l’effet merveilleux pour le gain des procès et l’accès auprès des rois; mais ceci est faux: un chevalier romain du pays des Voconnes qui, pendant un procès, en portait un dans son sein, fut mis à mort par le divin Claude, empereur, sans aucune autre raison, à ma connaissance.

     Il semble que cette légende soit l’explication mythique de l’existence des oursins fossiles, qui paraissent avoir joué un certain rôle dans les rituels celtiques, au témoignage de l’archéologie. Les auteurs du Dictionnaire des symboles (Bouquins, 1996) font état de trouvailles archéologiques précises. L’une à Saint-Amand (Deux-sévres): au centre d’un tertre qui ne comportait aucun vestige funéraire, on a retrouvé une petite capse formée de six plaques de schiste d’une vingtaine de centimétres de longueur, au centre de laquelle se trouvait un oursin fossile. Le deuxième à Barjon (Côte-d’Or), sur l’aire de base d’un tertre également dépourvu de vestiges funéraires [
Référence: OOAC, 17, 218 et 224 (?)].

Place de cette scène dans le programme iconographique du Monument

     Quoi qu’il en soit le thème savant de cette scène montre bien que le programme iconographique du Monument néoceltique d’Étampes est extrêmement réfléchi, renseigné et subtil.
 
     Nous sommes dans le pôle côté de la Magie, et du côté animal, ce qui explique qu’on ait ici un talisman d’origine animale. De l’autre côté du bloc se trouve un talisman d’origine humaine, le Saint Graal, présenté par Joseph d’Arimathie, et contenant le sang du Christ recueilli lui non dans un drap mais dans un vase. A l
autre bout du monument, symétriquement, nous trouvons de part et dautre, les deux ressources, plus triviales, du Chevalier, à savoir le Cheval et l’Épée.
     

Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
L’atelier de Pierre Seguin


       Pierre Seguin a été l’élève de Lucien Woog qui enseignait à l’École des Arts Décoratifs et connut un certain succès à l’exposition des Arts Décoratifs de 1925, celle-là même où fut dabord exposé notre Monument néoceltique.

     Seguin est considéré comme un des plus grands ornementistes de son temps. Il a exécuté de nombreux décors pour des immeubles parisiens, des chapiteaux pour le Sacré-Cœur. Il a participé par exemple avec son maître Woog dès 1902 à l’ornementation sculptée de l’Opéra de Vichy: c'est lui qui a sculpté les masques dans la Salle célèbre où ont été votés les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain en 1940, ainsi que les deux têtes dites pseudo-byzantines qui encadrent la scène.


     Pierre Seguin, après avoir été élève à l’École des arts décoratifs, y est devenu lui-même professeur. Nous sommes donc sans doute en présence d’une réalisation collective de ses élèves.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.

Schéma
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BIBLIOGRAPHIE
 
1. Sur l’Ovum anguinum

     PLINE, Histoire  Naturelle, Livre X, §§ 52-54:
     Praeterea est ovorum genus in magna fama Galliarum omissum Graecis. Angues innumeri aestate convoluti salivis faucium corporumque spumis artifici conplexu glomerant, anguinum appellatur. Druidae sibilis id dicunt in sublime iactari, sagoque oportere intercipi ne tellurem attingat. Profugere raptorem equo, serpentis enim insequi donec arceantur amnis alicuius interventu. Experimentum eius esse, si contra aquas fluitet vel auro vinctum. Atque, ut est Magorum sollertis occultandis fraudibus sagax, certa luna capiendum censent, tanquam congruere operationem eam serpentium, humani sit arbitri. Vidi equidem id ovom mali orbiculati modici magnitudine, crusta cartilaginis, velut acetabulis bracchiorum polypi crebris, insigne Druidis. Ad victorias litium ac regum aditus mire laudatur, tantae vanitatis ut habentem id in lite in sinu equitem Romanum e Vocontiis a divo Claudio principe interemptum non ob aliud sciam.


     Cf. Gustave CHAUVET, Ovum anguinum [in-8°; 7 p.; extrait de la Revue archéologique], Paris, E. Leroux, 1900 [trouvaille au Poiron, Hautes-Alpes].


     Eugène LEFÉBURE (1838-1908), «L’œuf de serpent», in Gaston MASPÉRO (1846-1916) [éd.], Eugène Lefébure. Œuvres diverses [3 volumes (XCI+372 p.; 490 p.; 424 p.); illustrations], Paris,  E. Leroux [«Bibliothèque égyptologique» 34-36], 1910-1915, t. III (1915) [dont une réédition en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k555190, en ligne en 2007], pp. 89-93 [avec d’intéressants parallèles, et un curieux développement sur la croyance aux ectoplasmes en vogue du temps de l’auteur].

     Françoise LE ROUX, «L’ovum anguinum et l’Oursin fossile», in J. BIBAUW [dir.], Hommages à Marcel Renard. II. Histoire, histoire des religions, épigraphie, Bruxelles, Société d’Études Latines de Bruxelles - Latomus [«Collection Latomus» 102], 1969, pp. ?-?.

2. Sur Pierre Seguin et son atelier

     Alain CARTERET, «Patrimoine Vichy», in Tout sur Vichy, http://perso.orange.fr/carteret/Patrimoine%20Vichy.htm, en ligne en 2007.

    VILLE DE VICHY, «Architecture [de l’Opéra]», in Bienvenue à Vichy [site officiel de la Ville], http://ville-vichy.fr/architecture.htm, en ligne en 2007.

     Merci de nous adresser des renseignements sur Seguin et son atelier.

     Bernard GINESTE, «Atelier de Pierre Seguin: Les serpents des druides (bas relief pour un monument néoceltique, 1925)», in Corpus Étampoishttp://www.corpusetampois.com/cae-20-doucefrance1925a3.html, 2007.

3. Sur le Monument néoceltique d’Étampes



  
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