Internet et l’histoire de l’art

         En octobre 2003, un vendeur français a mis en ligne sur le site d’enchères eBay un curieux assemblage de deux aquarelles de Louise Abbéma. Il ne savait visiblement pas de quoi il s’agissait, ni nous non plus. Il s’agissait d’une sorte de sac de 15,2 cm sur 30,5 formé de deux feuilles de papier épais cousues sur tout le tour, avec un bord supérieur dentelé.

     Chacune de ces deux aquarelles était signée et présentait un motif floral, à savoir des œillets. Le recto seul porte au centre FOUCHER, PARIS, tandis qu’on voyait au verso un curieux bâtiment circulaire constitué d’une coupole reposant sur des colonnes et abritant une statue difficile à identifier.

     Nous avions mis alors en ligne une première page présentant ces premières données. Nous notions que l’entreprise Chocolats Faucher, fondée en 1880, existe toujours à Paris, 30, avenue de l’Opéra, dans le premier arrondissement: c’est une entreprise de commerce de détail, de pain, pâtisserie et confiserie, et un caviste renommé. Dès le 22 novembre, nous avons justement été contacté par M. Bernard Grangé, arrière-arrière-petit-fils de Louis Foucher, et actuel président des Chocolats Foucher, qui nous a communiqué le décembre 2003 de précieuses informations, ainsi que plusieurs nouveaux documents à mettre en ligne. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.       

Sacs de Chocolats Foucher

 
     Jusque vers 1950 de nombreux confiseurs vendent les chocolats dans des sacs tels que celui-ci. A partir de 1900, Louis et Caroline Foucher deviennent la référence de la société parisienne grâce à leurs boites décorées par de grands artistes.
 
     Louis Foucher et son épouse fréquentaient un milieu élégant ou beaucoup d’artistes étaient reçus. Il est probable qu’ils aient rencontré Louise Abbema à Dieppe, où la famille Foucher avait une propriété, chez Madeleine Lemaire qui y avait également une résidence d’été.

     Louis Foucher a commandé ce dessin à Louise Abbéma en 1911, alors que l’artiste était âgée de 58 ans. Il a d’ailleurs commandé de tels dessins d’emballage à de nombreux artistes tels que Madeleine Lemaire, Harry Elliott, Raymond Stab, Eugène Belville, George Barbier, Guy Arnoux, Hérouard, Touraine, etc.

     Ce motif œillets fait partie de ceux que la Maison Foucher envisage de rééditer comme elle le fait cette année 2003 pour une très belle boite d’Eugène Belville, représentant des Pavots.

     Le temple dans le fond est inspiré du temple de l’amour à Versailles, édifié sous la direction d’Edme Bouchardon (1698-1762) et Richard Mique (1728-1794). Mais il faut surtout noter que le poète parisien Robert de Montesquiou a également fait éléver vers 1912 une imitation de cette même rotonde dans sa résidence du Vésinet, appelée le Palais Rose.

     Robert de Montesquiou fut très à la mode dans les salons du début du XXème siècle. Il était précisément lui aussi un familier du salon de Madame Lemaire, où les Foucher ont pu rencontrer Louise Abbéma; et il se trouve que nous avons justement mis en ligne récemment un poème satirique posthume de Montesquiou sur Louise Abbéma, «Abîme», où il donne à entendre qu’il aurait subi un assaut amoureux aussi inattendu que brutal, de cette artiste réputée lesbienne.

     C’est le 29 octobre 1908 que Robert de Montesquiou avait acheté à l’ingénieur Arthur Schweitzer cette résidence au Vésinet, ultérieurement appelée Palais Rose, et dont l’architecture était inspirée de celle du Grand Trianon de Versailles. En 1912, il acheta un terrain boisé contigu, où il fait dessiner un parc et dresser de nombreux vases et statues. Il y fit surtout construire une rotonde, baptisée Temple de l’Amour, abritant la vasque qui avait été la baignoire de marbre de l’appartement de Madame de Montespan à Versailles.

     L’aquarelle de Louise Abbéma, selon les informations que nous a transmises M. Bernard Grangé, remonte à 1911, et, à ce qu’il semble, la rotonde du Palais Rose ne fut pas construite avant 1912; il faut donc croire que Louise Abbéma ne s’est pas directement inspirée de la rotonde du Vésinet; mais il est possible que Robert de Montesquiou ait fait part à son entourage dès 1911 du projet qu’il avait d’ériger une rotonde de ce genre dans sa nouvelle résidence, qui était fort à la mode. On notera d’ailleurs que pour les besoins de son décor, Louise Abbéma n’a pas hésité à poser son Temple de l’Amour sur un monticule assez élevé au terme d’un escalier monumental, topographie purement imaginaire qui n’a pas plus de répondant au Vésinet qu’à Versailles.

La Maison Foucher: chocolats et tradition

 
     Les amoureux de Louise Abbéma et du chocolat n’hésiteront pas à visiter la Maison Foucher, 30, avenue de l’Opéra, encore tenue par les descendants de Louis Foucher.
     Quant à nous, nous ne manquerons pas de signaler ou de mettre en ligne toute réédition des aquarelles de Louise Abbéma que pourrait faire une Maison si justement fière de ses origines, et de la tradition qu’elle poursuit d’allier le commerce à la culture.

 

B. G., décembre 2003

     Type:  Painting,  Watercolor. Dominant Color:  Soft/Pastel Tones, Age:  Pre-1900. Largest Dimension:  6" - 12". Subject:  Botanical .
     Louise Abbéma (1858 [in fact 1853]-1927), painter, engraver, sculptor and writer. A word search on Internet will give you further info. She was a pupil of Charles Chaplin (1825-1891). A well known French artist, she is renowned for her portraits of Sarah Bernhardt in her early years, and also for her watercolors of flowers, which brings us to this item...
     It is a most unusual piece: a recto verso watercolor on a Foucher Paris chocolate packet, dating around 1880/1890. Foucher was a fashionable coffee shop/ chocolatier in Paris in the "belle époque" years of Art Nouveau. The painting is on thick paper, stitched around the edges, with a pie rim border at the top. Whether this was a project for Foucher I do not know.
     It is a genuine piece, and, as it is recto verso, can be divided and framed to make two wonderful and interesting watercolors. Or left as is.... a great little piece of art history. In the background is a delicate study of a statue surrounded by corinthian columns, no doubt some edifice in Paris. There is a little staining and slight creasing, but it is in good general condition. Her important works fetch sums up to $25000. This one is considerably more accessible. Dimensions: 11 x 7 inches. Do not hesitate to send questions, and we can send other photos if desired......