CORPUS  SCIENTIFIQUE  ÉTAMPOIS
 
Jean-Étienne Guettard
Trois observation de médecine
Mémoires de l’Académie des sciences, 1759
   
  Portrait de Jean-Etienne Guettard conservé au Musée intercommunal d'Etampes
Jean-Étienne Guettard

     Jean-Étienne Guettart fut d’abord médecin, c’est ce qu’on oublie trop souvent. Nous rééditons ici trois Observations de médecine, dont l’une sur son propre cas, qu’il publia en 1759 dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences.
B.G.,  19 février 2011
 
Jean-Étienne Guettard
Trois observation de médecine
Mémoires de l’Académie des sciences, 1759

     Nous réédition ici Trois observations de médecine publiées par Guettard dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences de 1759, pp. 41-62, en y joignant le résumé anonyme qui en fut donné dans l’Histoire de l’Académie de la même année, qui était comme d’habitude publiée en tête de ces Mémoires, pp. 66-74.

     Nous engageons les lecteurs étampois à lire plutôt l’article original, qui contient plus de données autobiographiques, et qui précise par exemple les noms de patients: le premier est Jean-Étienne Guettard lui-même, alors âgé de 44 ans.
     La deuxième malade, âgée d’environ huit ans, et nommé Laforest, était de la famille du troisième patient.
     Ce dernier était un certain sculpteur appelé Chevalier, qui travaillait alors la construction du château de Bellevue, d’abord pour Madame de Pompadour, puis, depuis 1757 pour Louis XIV lui-même.
 


TROIS OBSERVATIONS DE MÉDECINE
Par M. GUETTARD.

     La part que plusieurs Membres de cette Académie ont prise à un accident qui m’est arrivé depuis peu & l’envie qu’ils m’ont paru avoir que je le décrivisse & que j’en communiquasse la description à l’Académie ont été pour moi des motifs prenans d’exécuter ce qu’en quelque sorte on exigeoit; je l’aurois dû faire quand je n’aurois pas eu d’autre raison que celle qu’a tout Médecin, de recueillir ce qu’il peut remarquer de singuiler dans l’exercice de sa profession.

     Platon* a dit qu’il seroit à souhaiter que les Médecins eussent passé par toutes les maladies: ils seroient en effet plus en état de reconnoître ce que ressentent les malades qui les appellent à leur secours, & de bien déterminer les accidens qui peuvent survenir dans leur maladie, & en conséquence appliquer à propos les remèdes convenables.

     S’il y auroit une certaine cruauté à exiger l’accomplissement de ce souhait, il seroit du moins très avantageux que chaque Médecin décrivît lui-même les maladies dont il peut être attaqué. Personne n’est plus en état qu’eux de dire exactement ce qu’ils ont ressenti, & quelles sont les parties qui ont été affectées: les connoissances préliminaires qu’ils prennent de l’Anatomie, & par conséquent de la position des viscères, les éclairent sur l’espèce de ceux qui sont le siége de la douleur, & ils peuvent mieux que personne les bien désigner.

     Toutes ces raisons m’ont déterminé a vaincre la répugnance que j’avois à parler d’une chose qui m’étoit personnelle; mais comme tout doit céder à l’utilité publique, & que les moindres évènemens qui peuvent l’intéresser ne doivent
[p.42] pas être négligés, j’ai cru que ce seroit une fausse délicatesse de ma part, que de ne pas me rendre à ce motif péremptoire, d’autant plus que l’accident qui m’est arrivé dépendant d’une très-petite cause, & qui peut se trouver tous tes jours, il est bon qu’on en soit averti, pour qu’on puisse la prévenir.

     Pour rendre encore ce Mémoire plus utile, j’ai cru devoir ajouter à la description de ce que j’ai ressenti, deux autres observations qui ne paroîtront pas, à ce que je crois, moins importantes; l’une pourra peut-être engager à entreprendre une opération de Chirurgie, qui seroit le seul moyen de soulager & de sauver même le malade; l’autre pourra faire connoître de quelle importance la saignée peut être dans des cas où elle ne sembleroit pas aussi bien indiquée qu’elle l’est réellement.
     * Plato, lib. 3. de republ. [Platon, De la République, livre III (B.G.)]


PREMIÉRE OBSERVATION
Sur une position horizontale, cause d’un effet singulier, & qui pouvoit être mortel.



     Le mercredi 28 du mois de Mars 1759, m’étant mis, à mon ordinaire, dans mon fauteuil pour faire la méridienne après mon dîner, je plaçai mes jambes horizontalement & appliquai les pieds assez près de la plaque; il y avoit dans la cheminée un assez bon feu; je m’endormis dans cette attitude, & le sommeil dura environ une demi-heure ou trois quarts d’heure; lorsque je m’éveillai, je fis un effort pour me remettre sur mon séant dans le fauteuil; ce mouvement ne put s’exécuter sans que l’os sacrum & les dernières vertèbres des lombes ne portassent sur la traverse du fauteuil, dont le coussin qui est mobile, avoit été repoussé dans le fond de ce siége; dans l’instant de cette pression je ressentis une douleur des plus violentes; croyant qu’elle passeroit, je restai quelques secondes dans la position horizontale où j’étois encore, n’ayant pu à cause de la douleur me relever; la douleur continuant à être aussi vive, je fis un second effort en appuyant les mains sur les montans du fauteuil, je me redressai, mais ce ne fut pas sans occasionner [p.43] une douleur aussi violente que la première; je me jetai alors sur un des bras du fauteuil, non sans une augmentation de douleur qui prit encore quelqu’accroissement, lorsque je voulus tirer comme je fis, le cordon d’une sonnette pour faire venir quelqu’un; lors de ce dernier mouvement, je devins froid comme marbre depuis la tête jusqu’aux pieds; je perdis le mouvement de toutes les parties inférieures, c’est-à-dire depuis le bassin jusqu’au bout des pieds, & je sentis une faiblesse considérable dans les bras; la personne qui étoit venue au bruit de la sonnette me trouva penché sur un des côtés du fauteuil, les bras pendans & ne pouvant remuer; elle me souleva en me prenant par dessous les aisselles, je lui embrassai le cou avec peine, & dans cette attitude elle me traîna jusqu’à mon lit où je m’étendis sur le dos; mais ne pouvant lever mes jambes, on me tourna sur le ventre, comptant qu’au moyen de mes mains je pourrois me tirer sur le lit; mes mains me refusant le service on m’y jeta du mieux qu’on put; étant alors étendu ou plutôt recourbé, & comme replié, je sentis le froid s’augmenter par tout le corps d’une manière étonnante, la respiration devint difficile, & ne s’exécutoit que par sanglots; la foiblesse des bras devint plus grande & des picotemens se firent sentir jusque dans le bout des doigts, il sembloit qu’on me les piquoit avec des épingles.

     Je fus alors couvert, quoique tout habillé, de deux couvertures; l’on mit dans le lit une bassinoire remplie de feu, l’on me plaça aux pieds un fer à repasser, échauffé & enveloppé d’un linge; on m’étendit sur la poitrine une serviette chaude, & on m’enveloppa les mains & le visage de serviettes également chaudes, on les renouveloit lorsqu’elles se refroidissoient; avec ces secours la chaleur revint, & avec elle le mouvement des jambes & des bras, les sanglots diminuoient, & les picotemens des doigts cessoient; on me proposa de prendre de l’élixir de Garus (1), du vin d’Alicante, ce que je refusai, craignant que ces liqueurs ne me fissent soulever le cœur, sentant quelques mouvemens dans l’estomac capables d’exciter le vomissement; j’appréhendois que cette évacuation ne [p.44] se fit dans le temps du froid, il ne pouvoit qu’en être augmenté; on s’en sent ordinairement saisi, même aux approches & dans le temps des nausées; ainsi je devois craindre pour moi de rien faire qui pût l’augmenter.
     (1) Élixir mis au point au XVIIe siècle par Joseph Garus ou Garrus, d’après une recette de Paracelse, composé de myrrhe, de safran, d’essence de lavande, d’encens, de cire, de térébenthine, de cannelle, de girofle, de muscade, d’aloès et de mercure. Il passait pour effacer les marques de la petite vérole et guérir un très grand nombre de maux au XVIIIe siècle et XIXe siècle (B. G.).

     Tant qu’il dura, le pouls resta très-petit, concentré & presqu’insensible; le visage étoit verdâtre & défiguré; ce froid se faisoit sentir même au travers des bas & du bonnet; tout ceci me fut confirmé par plusieurs personnes qui se trouvèrent autour de moi, & principalement par M. le Brun, garçon-apoticaire du Palais royal; la douleur des reins existoit encore lorsque la chaleur fut revenue, mais elle étoit tres-supportable, & elle ne se renouveloit que lorsqu’on me remuoit ou que je voulois faire quelque mouvement; pendant le temps que le froid dura, ma tête fut un peu embarrassée, je ne perdis cependant point connoissance, les fonctions de l’ame étoient seulement affoiblies, je sentois le danger de mon état, je n’en étois pourtant point effrayé de façon à occasionner le froid que la frayeur produit souvent; je croyois pouvoir mourir ou rester au moins paralytique des parties inférieures & je le disois, mais sans en être agité: je fais ces remarques, pour qu’on n’attribue pas le froid dont je fus saisi à la crainte de mourir. Enfin ce froid s’étant dissipé environ une heure & demie après que j’en eus été saisi, il ne me resta qu’une foiblesse dans toute l’habitude du corps, & la douleur très-supportable de la région des reins; cet état a duré pendant le reste du jour; je me levai quelques heures après la cessation du froid, je ne marchois qu’avec quelque peine; la nuit suivante je dormis très-bien, je soupai même avant de me coucher; je sortis le lendemain, mais je rentrai un peu fatigué, la douleur étoit dissipée le surlendemain ou n’étoit presque plus sensible, mais la foiblesse a duré plusieurs jours; le lendemain de mon accident m’étant alongé un peu sur mon fauteuil, je sentis la foiblesse augmenter très-peu, & une douleur se manifesta intérieurement vers le sommet de la tête, elle n’eut pas de suite.

     A quelle cause attribuera-t-on ces différens accidens? je pense qu’ils n’ont été occasionnés que par une extension violente [p.45] des muscles, des nerfs & de moelle épinière; les muscles qui ont été distendus ne peuvent être que ceux du dos, des lombes & des parties inférieures; un de ceux qui doivent l’avoir principalement été, c’est le très-long du dos, encore n’est-ce que très-peu; le dos portoit sur le siége du fauteuil, & les muscles étoient par conséquent dans un état de relâchement: il n’en étoit pas ainsi du muscle appelé le long des lombes, du sacro-lombaire, du demi-épineux & de ceux des parties inférieures; les premiers portoient sur la traverse de la chaise, principalement, lorsque je voulus me relever; ceux des cuisses & des jambes avoient toujours été dans une extension violente pendant le sommeil, me trouvant machinalement obligé de les tendre fortement & de presser même des pieds le fond de la cheminée, pour ne pas tomber dans le feu.

     Cette extension violente des muscles ne pouvoit se faire sans que les nerfs qui s’y répandent, ne fussent violemment tirés; quoique cette extension dut être considérable pendant le sommeil, elle le fut encore beaucoup plus lorsque je voulus me relever, & sur-tout lorsque l’os sacrum & la dernière vertèbre des lombes furent comprimés par la traverse du siége; alors les nerfs des lombes qui viennent de la moelle épinière, dûrent violemment s’étendre. L’Anatomie nous a appris que ces nerfs se distribuent dans les unes ou dans les autres des parties inférieures; que celui qui s’étend dans une partie de la cuisse & dans la jambe, est le plus gros de tous les nerfs du corps: l’Anatomie nous a encore appris que la huitième paire des nerfs a une communication par ses branches avec plusieurs de celles des nerfs lombaires: les distributions de ceux-ci ne peuvent par conséquent être distendues, sans que celles de la huitième paire ne le soient aussi.

     Au moyen de ces connoissances, on peut facilement expliquer les différens symptômes qui se manifestèrent pendant tout le temps que mon accident dura; les parties inférieures restèrent paralytiques, parce que l’action des nerfs qui s’y distribuent, fut interrompue, & que le suc nerveux ne put plus y couler librement; l’estomac ressentit des soubresauts, parce que le rameau [p.46]  que ce viscère reçoit de la huitième paire fut incommodé: c’est aussi ce qui arriva à celui qui se rend au diaphragme, ce qui fut cause de la respiration sanglotante, & par une semblable cause le mouvement du cœur ne put qu’être très-interrompu; les fluides du cœur & des nerfs étant ainsi considérablement dérangés dans leur cours, il ne pouvoit que s’ensuivre un froid excessif, une pâleur considérable & un relâchement dans les muscles de la face qui devoit la défigurer; comme les nerfs des bras n’avoient pas apparemment autant souffert que les autres, le mouvement de ces parties n’étoit pas autant diminué & les picotemens des doigts n’existoient que parce que le sang faisoit des efforts pour se débarrasser & continuer son mouvement; la douleur ne fut aussi violente qu’elle l’a été dans l’endroit de la compression, que parce que l’os sacrum & la dernière des vertèbres des lombes furent comme distendus & éloignés l’un de l’autre, écartement qui occasionne la distension ou du moins la compression de la moelle épinière.

     En un mot, le tiraillement des nerfs étant admis pour cause de tous ces symptômes, il est facile de les expliquer d’une manière très-satisfaisante; je ne crois pas qu’on puisse raisonnablement les regarder comme la suite d’une indigestion: j’ai appris qu’une personne éclairée en Médecine, & qui l’exerce, vouloit que c’en fût une; les indigestions, il est vrai, peuvent bien occasionner un froid général; mais je ne crois pas que ce froid puisse être aussi excessif qu’étoit celui que j’ai ressenti; outre cela les indigestions ne font point perdre le mouvement, n’occasionnent point de sanglots & des picotemens dans les extrémités des doigts; &, ce qui est sans réplique, c’est que je ne m’aperçus point de rapports, ni que l’estomac fut chargé; les soulèvemens de cœur que j’eus ne furent pas longs, & je ne me ressentis nullement de l’estomac par la suite: il faut donc avoir recours pour l’explication de ces symptômes à une cause plus active & plus forte, & je ne crois pas qu’on puisse en trouver une plus propre à éclairer que celle que j’admets; je dirois même que le froid qu’on ressent dans certaines ivresses, que celui dont on est quelquefois [p.47] subitement saisi en buvant des liqueurs rafraîchissantes (a), lorsqu’on a extrêmement chaud & qu’on est couvert de sueur (b), ne peuvent guère être, sur-tout le premier, aussi violens & aussi cuisans.

     Ce n’est pas cependant que je veuille dire que le froid dont j’ai été saisi dans le cas dont il s’agit, soit le plus grand qui puisse se faire sentir; je sais qu’il est très-grand dans les deux états dont je viens de parler; je sais de plus qu’il est violent dans le frisson des fièvres intermittentes, dans la fièvre épiale (2), soit qu’il s’y fasse ressentir extérieurement, soit que ce soit intérieurement (
c), & quelquefois dans les gangrènes internes, [p.48] dont je donnerai un exemple singulier dans la troisième observation; je veux seulement dire que je crois qu’il n’est guère aussi violent dans ces différentes maladies, que dans l’accident dont il est question.

     Au reste, je n’examinerai pas ici quelle est la cause qui peut occasionner le froid dans ces différentes maladies; je sais qu’on en apporte différentes; peut-être ne seroit-il pas difficile de faire voir que l’affection irrégulière des nerfs est la seule vraie; mais un pareil examen seroit déplacé ici; je me contenterai donc pour le présent de dire un mot sur la cure qu’on doit se proposer dans un cas pareil à celui que je viens de détailler.

     On doit avoir principalement en vue de rétablir la circulation qui est interrompue; il faut à cet effet employer tout ce qui peut ranimer; le premier objet qui se présente est de réchauffer au moyen des linges chauds, des bassinoires remplies de feu, de fers échauffés de boules pleines d’eau chaude; les frictions sur l’épine du dos ne peuvent qu’être très-utiles, de même que les liqueurs, les élixirs un peu spiritueux pris intérieurement; les saignées qui sembleroient être indiquées à cause de l’espèce de paralysie qui survient, me paroîtroient
[p.49] plutôt funestes qu’avantageuses; il est vrai que le sang circule alors bien lentement: mais les lignées ne pouvant dans cette occasion qu’affoiblir encore un peu dans l’instant qu’elles seroient faites, il me paroît qu’il y auroit à craindre un affaissement subit ou au moins une diminution de force, & conséquemment une augmentation de froid dont les suites ne pourroient qu’être très-dangereuses: si l’on vouloit employer la saignée, il me semble qu’elle ne devroit être placée que lorsque la chaleur naturelle se seroit rétablie; elle serviroit à résoudre les embarras que le sang pourroit avoir occasionnés dans quelques parties par son rallentissement; la moelle épinière, par exemple, ayant une communication si intime avec le cerveau, il pourroit y avoir à craindre que le cerveau n’eût reçu une sorte de commotion, & que les vaisseaux déliés qui y rampent ne se gorgeassent de sang, de façon à y former quelque dépôt; il seroit peut-être pour cette raison prudent de faire une saignée ou deux du bras ou même du pied: je ne les ai pas fait faire & ne m’en suis pas mal trouvé; je laisse à la prudence des Médecins plus éclairés que moi, à juger si j’ai bien ou mal fait, & à se conduire en conséquence si jamais ils sont appelés pour secourir quelques malades attaqués d’un pareil accident.
     (a) Je connois une personne qui pour avoir, comme l’on dit, sabré un verre de liqueur après avoir bu largement du vin dans un dîner, tomba dans une ivresse profonde, resta très-long-temps entièrement froide & sans trop de connoissance; elle n’en sortit qu’au moyen de l’attention qu’on eut de la réchauffer.

     (b) Un cas à peu près semblable m’arriva pour avoir bu deux verres de bière dans un moment où j’avois très-chaud & où la sueur me ruisseloit par tout le corps: j’avois dans la plus grande chaleur d’un jour d’été, fait quatre lieues à pied; engagé malgré moi par une personne avec laquelle je voyageois, à me rafraîchir de quelques verres de bière; je n’eus pas avalé le premier que je me sentis pris d’un froid universel; le second verre que je refusois de boire, & que je bus par complaisance l’augmenta considérablement, & je perdis peu après presqu’entièrement la connoissance; un petit verre d’eau-de-vie que mon compagnon me fit prendre environ deux heures après, dans le préjuge où il étoit, avec bien du monde, que cette liqueur fait passer la bière par les urines, me jeta dans une espèce de léthargie, pendant laquelle j’étois froid comme marbre, & dont je ne sortis que plus de quatre ou cinq heures après, encore ne fût-ce que parce qu’on s’imagina de m’appliquer à nu sur la plante des pieds, des fers à repasser qui étoient très-chauds.

     (c) Une personne, dont je prends soin dans les maladies dont elle est attaquée, m’a fourni l’occasion d’observer deux fois le fait suivant; ce fait doit être rare, je ne l’ai du moins trouvé rapporté que dans les Ouvrages de Fernel (3), quoique j’aie consulté beaucoup de ceux qui ont été écrits sur la Médecine pratique: cette personne affligée à deux reprises d’une fièvre continue, se plaignoit d’un très-grand froid dans les intestins & demandoit qu’on la couvrît plus qu’elle ne l’étoit, quoiqu’elle le fût déjà beaucoup; lui  ayant touché la peau & l’ayant trouvée d’une chaleur au dessus même de la naturelle, je représentai à la malade ce que j’observois; mais elle, insistant sur le froid qu’elle ressentoit intérieurement, on la chargea de couvertures & de hardes plus qu’elle ne l’étoit; je lui fis même appliquer des linges chauds sur la peau; au moyen de ces secours le froid se passa.
     Ce froid est un symptôme de la [p.48] fièvre épiale; mais il ne s’observe pas aussi communément que celui qui est son inverse, c’est-à-dire celui qui se manifeste par un grand froid des parties externes, & par une grande chaleur des parties internes: il me paroît que dans ce dernier cas le froid n’est occasionné que parce que la circulation est très-gênée à l’habitude extérieure du corps, & il me semble que dans le premier il avoit pour cause une crispation des nerfs ou un mouvement spasmodique ou vaporeux, d’autant plus que la persbnne malade étoit une personne du sexe. Fernel attribue ce symptôme «non à une pituite vitrée & acide, mais à ce que la matière de la fièvre se jetant le cœur, y cause un froid qu’on appelle horreur, & à ce qu’elle porte la chaleur naturelle à l’extérieur». Cette explication étoit bonne pour le temps de Fernel; elle pourroit peut-être s’expliquer dans les principes de cet Auteur, & se concilier avec celle que j’ai admise, mais je ne m’arrêterai pas à faire cette conciliation.
     Je ferai seulement remarquer que dans ces trois cas, savoir l’ivresse, l’usage des liqueurs froides & la fièvre epiale, il n’y a pas une cessation réelle du mouvement de quelques parties comme dans l’accident qui m’est arrivé; & que si les nerfs sont affectés, ils ne le sont pas à un point capable d’interrompre le mouvement du fluide qui y circule; ce qui paroît être arrivé dans mon accident.

     (2) Fièvre épiale: nom chez les anciens, selon Émile Littré,,d’une fièvre continue dans laquelle on sentait avec une chaleur générale des frissons intercurrents (B.G.).

     (3) Jean Fernel (1497-1558), médecin français célèbre, mais dont les vues avaient déjà beaucoup vieilli (B.G.).


 SECONDE OBSERVATION
Sur une tumeur enkistée du foie, cause de mort.


     Je fus appelé le 24. Août 1751, pour voir une jeune fille âgée d’environ huit ans, nommée Laforest; elle se plaignoit de douleurs dans le ventre, & dont la violence augmentoit par intervalles, au point qu’elle en tomboit presqu’en foiblesse; le ventre étoit gonflé & tendu, il se déchargeoit souvent d’une assez grande quantité de matières verdâtres & blanchâtres, qui nageoient dans une autre qui étoit séreuse & abondante; le pouls étoit élevé, très-prompt, & il annonçoit une fièvre violente; la malade avoit été saignée trois fois & avoit reçu des lavemens émolliens; il paroissoit que ces remèdes avoient apporté quelque soulagement dans le temps qu’on les avoit administrés. [p.50]

     M’étant informé de ce qui pouvoit avoir occasionné cette maladie, j’appris que cet enfant portoit dès ses premières années une grosseur qui s’étendoit du côté droit, depuis environ la partie antérieure des fausses côtes jusqu’à la moitié ou environ de leur longueur; on me dit encore que cette tumeur avoit disparu tout-à-coup dans une chute que l’enfant avoit faite sur le pavé de la rue, poussée par un homme qui marchoit assez vite, & qui par-là lui occasionna une chute rude & violente; l’action s’en fit principalement sentir sur la partie affectée; dans le moment de cette chute, l’enfant avoit été attaquée de douleurs dont elle se plaignoit encore, & le ventre étoit devenu libre presque dans le même temps. 

     Ce rapport ne pouvoit me faire penser que deux choses au sujet de la tumeur; je ne pouvois la regarder que comme une tumeur du foie ou une du colon; les symptômes formoient cependant quelque difficulté contre l’une & l’autre opinion. En plaçant la tumeur dans le foie, il étoit assez difficile d’expliquer d’où pouvoit provenir cette grande quantité de matières que cet enfant rendoit par les selles: il me sembloit qu’elle ne pouvoit venir du foie dans les intestins, à moins que ce ne fût par le canal choledoque; mais ce canal auroit-il pu donner un passage libre à une aussi grande quantité de matières qui paroissoient lui être étrangères? il étoit plus naturel de penser qu’elle venoit des intestins & qu’elle couloit de la tumeur qui s’étoit formée dans le colon; mais ce qui m’arrêtoit, c’est qu’une pareille tumeur auroit dû rétrécir l’intestin de façon que l’enfant, dans son état de santé, auroit dû souffrir des douleurs vives & presque continuelles, principalement dans le temps de la digestion; il est vrai qu’on m’assura qu’elle s’en plaignoit assez souvent, & qu’elle étoit toujours dans un malaise qui augmentoit dans certains temps; que cela arrivoit principalement lorsque le ventre devenoit plus tendu & plus élevé qu’à l’ordinaire, & que l’appétit de l’enfant diminuoit ou augmentoit considérablement selon les vicissitudes où elle étoit exposée.

     Dans ces incertitudes sur la cause de la maladie, je pensai [p.51] à calmer la violence des symptômes: les remèdes qu’on avoit déjà administrés ayant eu un heureux succès, je conseillai de les répéter, & de plus, je fis appliquer sur le ventre une fomentation de lait chaud, renfermé dans une vessie de cochon, & ordonnai une potion antispasmodique, qu’on faisoit prendre à la malade de temps en temps & par cuillerée: ces remèdes agirent pour quelque temps heureusement; les douleurs diminuèrent, & le soir du jour que je fus appelé, la malade étoit assez tranquille; mais la nuit suivante les douleurs se réveillèrent, devinrent convulsives & la malade périt dans ces douleurs.

      Curieux de m’assurer de la cause d’une mort si douloureuse & si prompte, je demandai à faire l’ouverture du cadavre; après les difficultés qu’une fausse délicatesse fait ordinairement faire aux parens, on consentit à ce que je demandois, & on y acquiesça d’autant moins difficilement que la mère de l’enfant étoit, à ce qu’on me dit morte d’une maladie assez semblable. L’ouverture fut donc faite: j’étois accompagné d’un Chirurgien fort habile & qui avoit travaillé très-long-temps sous M. Hunauld, de cette Académie (1), pour lequel il préparoit les Démonstrations anatomiques qu’il faisoit à ses écoliers.
     (1) François-Joseph Hunauld (1701-1742), premier médecin du roi, chirurgien et auteur médical célèbre (B.G.)
     A la première inspection, lorsque le ventre fut ouvert, nous remarquâmes une fente longitudinale de plus de trois à quatre pouces de longueur & placée à la partie inférieure & convexe du grand lobe du foie; ayant écarté les bords de cette fente, nous tirâmes d’une cavité qui s’étoit formée dans le foie, un kiste qui la tapissoit intérieurement, & qui étoit d’une ligne ou environ d’épaisseur, & ouvert d’une fente semblable à la précédente: ce kiste étoit entièrement vide; la cavité qui le renfermoit ne contenoit également aucune autre matière ni vésicules ni hydatides. Bien différente en cela de celle que M. Littre (2) trouva dans un grand lobe du foie d’un malade qu’il ouvrit, celle-ci étoit remplie d’un grand nombre de vésicules ovales qui contenoient une liqueur transparente & visqueuse.  (V. l’Hist. De l’Acad. Royale des Scienc. An. 1714).
     (2) Alexis Littre (1658-1726),médecin et anatomiste français, membre de l’Académie des sciences (1699-1724) (B.G.)
     Notre première attention fut alors de voir ce que pouvoit être devenue la matière que le kiste avoit renfermée; nous [p.52] n’en trouvames point dans la capacité du ventre qu’on put soupçonner être celle du sac; il n’y avoit que quelques sérosités qu’on rencontre toujours dans les cadavres, & qui sont dûes aux parties que l’on coupe dans cette opération.

      Nous ouvrîmes ensuite les intestins, qui étoient distendus, gonflés & blancs, ils contenoient de l’air dilaté; ils étoient nets de toute matière, & comme s’ils eussent été lavés; nous ne remarquames rien d’extraordinaire dans les autres viscères, ils étoient tous bien conditionnés. La cause de la maladie étant connue, nous ne nous amusames point à ouvrir la poitrine ni la tête, nous l’aurions fait à pure perte; mais ce qui nous surprit l’un & l’autre, fut de ce que nous n’avions point trouvé dans le ventre la matière qui avoit rempli la tumeur formée dans le foie; après y avoir bien pensé, nous ne pûmes que conclure qu’elle avoit été pompée par les intestins & rendue dans les selles abondantes que la malade avoit eues.

     Il est vrai que la tumeur n’ayant que trois ou quatre pouces de diamètre en longueur & environ autant en largeur, ce qui fait neuf ou douze pouces de circonférence, ne pouvoit contenir la quantité de matière qui étoit sortie par les selles; mais comme cette matière en passant par les intestins ne pouvoit que les irriter, elle occasionna, après la sortie des gros excrémens, une expression de la sérosité que les glandes des intestins fournissent à ces parties: cette sérosité étoit probablement celle où nageoit la matière verdâtre ou blanchâtre, qui me paroissoit être celle que le kiste contenoit.

     J’admettrois d’autant plus volontiers cette explication, qu’on sait que les intestins étant retournés & remplis d’eau, laissent passer à travers leurs tuniques l’eau dont on les a remplis; ce qui semble prouver que ces parties sont également perméables par leur surface interne & externe, & que par conséquent les liqueurs peuvent les pénétrer, sur-tout dans une cavité exactement fermée, telle qu’est la capacité du ventre, où les liqueurs qu’elle renferme s’échauffent à un degré qui doit leur donner une force d’extension, capable de pénétrer des corps plus compactes que les intestins. [p.53]

     En admettant cette explication, on peut aisément rendre raison des symptômes & des douleurs cruelles que la malade ressentit: la matière renfermée dans la tumeur en étant sortie ne pouvoit qu’agacer les intestins, & par-là occasionner des convulsions qui ont dû causer les douleurs, exprimer subitement les excrémens & ensuite les sérosités abondantes que la malade a rendues, sur-tout lorsque la matière de la tumeur eut passé dans les intestins.

     Je n’insisterai pas davantage sur cette explication; il sera peut-être plus utile de faire quelques remarques sur la cure qu’on pouvoit faire de la tumeur avant la chute qui en occasionna l’ouverture; qu’est-ce qu’on se propose communément dans la cure de ces sortes de tumeurs? deux choses, de les fondre & de les mettre par-là en état d’être repompées & ensuite évacuées par les selles ou par les voies des autres excrétions, & même par celles des sécrétions: ces vues font certainement justes, mais elles ne peuvent avoir un succès heureux que lorsque ces tumeurs sont commençantes, qu’elles ne sont pas parvenues, à un état aussi avancé que l’étoit celui de la tumeur en question.

     En effet, que peuvent faire alors les tisanes apéritives, les bols fondans, les eaux minérales, les purgatifs & la saignée; les deux derniers remèdes ne peuvent agir que comme palliatifs, les purgatifs en vidant les intestins & donnant par-là plus de jeu au foie; la saignée, en diminuant la quantité du sang facilite la circulation dans les vaisseaux du foie qui n’y peut être que très-gênée par le volume de la tumeur: ces remèdes ne peuvent être curatifs; les tisanes & les autres remèdes dont j’ai parlé ne peuvent l’être davantage; peut-on espérer qu’ils rendent la matière, contenue dans le kiste, assez fluide pour qu’elle puisse le pénétrer? ces sortes de kisles ont ordinairement de la dureté & ne sont pas organisés, comme les parties qui ne sont point contre nature; & cela étant, la liqueur extravasée pourroit-elle être repompée par les vaissaux lymphatiques du foie ou par les vaisseaux biliaires? il n’en est pas ici comme des obstructions du foie; ces obstructions se font dans les [p.54] glandes de ce viscère ou dans les vaisseaux biliaires; si dans ce cas on peut parvenir à dissoudre la matière qui les obtrue & à la rendre fluide, ces vaisseaux sont prêts à la repomper, ils ont une action vitale; au lieu que dans la tumeur dont il s’agit, la liqueur est extravasée, elle est contenue dans un kiste qui n’est point organisé & qui n’a point d’action vitale; l’absorbition de cette matière me paroit donc impossible, & il ne reste plus de ressource que dans l’opération chirurgicale.

     Je pense donc qu’il n’y a pas d’autre parti dans cette occasion, que de faire faire la ponction; cette opération ne peut pas être difficile, douloureuse ni beaucoup à craindre pour les suites; la difficulté ne pourroit venir que de la profondeur de la tumeur & de son peu d’apparence à l’extérieur; mais dans le cas dont il s’agit, elle avoit un volume considérable, elle se manifestoit au dehors & étoit très-bien circonscrite; il n’étoit pas difficile de s’assurer par le tact, si la matière étoit fluide ou dure; elle devoit céder à la pression: circonstance qui rend cette observation intéressante, vu la difficulté qu’il y a à reconnoître les tumeurs enkistées du foie; difficulté qui est telle, qu’elle a fait dire à M. Monro le fils, dans son Essai sur l’Hydropisie (3), qu’il n’est pas aisé de reconnoître les kistes formés dans la substance du foie ou de la rate: cette difficulté ne peut venir dans de pareils cas, que de celle qu’il y a à s’assurer de la fluctuation de matière que ces kistes contiennent; cette difficulté ne doit cependant pas être insurmontable, malgré l’épaisseur des tégumens, lorsque la tumeur est aussi considérable qu’elle l’étoit dans la malade dont il s’agit, & lorsqu’elle est située, comme celle-ci, à la partie convexe de cette partie; en pressant fortement cette tumeur on devoit sentir assez. aisément que la matière cédoit à la pression & prenoit différentes figures, qui sont, à ce que je pense, les marques auxquelles on peut reconnoître les tumeurs enkistées dont la matière n’est pas encore un stéatome, ou seulement un méliceris.
     (3) Donald Monro (1728–1802), médecin écossais, auteur de An Essay on the dropsy and its different species. 2nd edition [in-12; 216 p.], London, D. Wilson & T. Durham, 1756. Il est à noter que la traduction française de cet ouvrage ne parut que l’année suivant notre Mémoire Guettard y a-t-il participé? Elle fut donné par Jacques Savary, docteur en médecine de Paris: Essai sur l’hydropisie et ses différentes espèces, par M. Monro, le fils,traduit de l’anglais sur la 2e édition et augmentée de notes par Mr S. D. M. P. [in-12; XXIV+367 p., Paris, L. E. Ganeau, 1760. (B.G.)
     Il étoit donc aisé de savoir où il falloit porter l’instrument ou le trois-quart; l’opération ne pouvoit pas non plus être bien douloureuse: l’on sait par des observations journalières [p.55] que la pondion du ventre dans l’Hydropisie ascite ne l’est pas beaucoup, les malades la souffrent assez tranquillement; celle du foie ne peut guère l’être davantage; on n’a que les mêmes tégumens à percer, & la substance même du foie n’est pas des plus sensibles; outre cela l’ouverture qu’on a déjà faite plus d’une fois d’abscès situés dans la plus grande épaisseur du foie, doit donner beaucoup d’espérance pour la réussite de l’opération; dans le cas dont il s’agit ici la tumeur est à l’extérieur de ce viscère; elle est très apparente au dehors; la matière qu’elle contient peut plus aisément s’évacuer; les injections détersives peuvent se faire plus commodément, & la plaie doit promptement se conduire à cicatrice.

     Les suites de la cure ne peuvent pas être beaucoup à craindre; le régime, la diète blanche l’usage des tisanes détersives & apéritives, les purgatifs répétés, les eaux minérales & l’exercice du cheval, sont des secours qui ne peuvent qu’être très-utiles alors, conduire à une guérison radicale & obvier à tous les inconvéniens qu’il y auroit à craindre par rapport à la régénération d’une pareille tumeur, ou au reflux sur une autre partie de la matière qui pourroit infecter le sang.


     N.B. Voyez notre Annexe, où sont racontés par un jeune vétérinaire de notre temps, le dignostic et le traitement immédiat d’une tumeur du foie chez un berger allemand, avec plusieurs similitudes intéressantes, mais des moyens de diagnostic et de traitement tellement différents... (B.G.)


TROISIÉME OBSERVATION
Sur une gangrène de la rate, cause de la cessation presque entière du mouvement des artères.

Le château de Meudon peint par Jacques-André Portail (XVIIIe siècle)
Le château de Meudon peint par Jacques-André Portail (XVIIIe siècle)

     Le mois de Septembre de la même année que je fis l’observation précédente, j’eus occasion d’en faire une autre, qui ne m’a pas paru moins intéressante un parent* de l’enfant dont il a été parlé ci-dessus, se trouvant dans un état des plus tristes, me fit appeler après quelques jours de sa maladie; je le trouvai avec tout son bon sens, répondant très-bien à tout ce qu’on lui demandoit, & ayant l’air d’une personne qui n’étoit pas malade, se donnant dans son lit tous les mouvemens d’une personne en santé, c’est-à-dire, se mettant [p.56] sur son séant, se retournant a droite & à gauche, avec facilité, enfin n’ayant, au premier coup d’œil, pour marque de maladie qu’une pâleur répandue sur le visage. Malgré cet état, ce malade étoit à la mort; il ressentoit un froid général, & lorsqu’on le touchoit, ce froid étoit semblable à celui qui se fait sentir lorsqu’on touche un corps mort; il étoit outre cela couvert d’une sueur froide & gluante.

     * Nommé M. Chevalier.
     Frappé de ce triste état, je me fis expliquer par le Chirurgien, le commencement de la maladie; elle avoit commencé, ainsi que le Chirurgien le malade & les assistans me l’assurèrent, par une fièvre continue légère, & qui avoit de légers redoublemens, pendant lesquels il n’y avoit pas de mal de tête, ni d’autres douleurs, qu’une, qui étoit lourde & peu sensible, vers la région de la rate; les premiers assauts de la maladie s’étoient fait sentir au retour de la chasse, où le malade avoit été & où il alloit assez souvent, ayant une espèce de passion pour cet exercice; on me dit de plus qu’il s’étoit souvent plaint de gonflemens de rate occasionnés par la promptitude avec laquelle il marchoit lorsqu’it étoit en santé, & par les voyages qu’il étoit obligé de faire souvent de Paris au château de Bellevue, qu’on bâtissoit alors (1) & où il étoit employé en qualité de Sculpteur.

     Il avoit été saigné deux ou trois fois, avoit pris des lavemens purgatifs, observé une diète sévère & fait usage de tisane ordinaire; au moyen de ces remèdes, la fièvre s’étoit calmée. Alors le Chirurgien avoit purgé le malade avec de la casse & de la manne; la médecine eut l’effet attendu; mais l’après midi du jour de cette médecine, le malade tomba dans le froid que j’ai décrit ci-dessus; c’est dans ce moment que je fus appelé.

     Après que j’eus fait les questions dont il est parlé plus haut, je cherchai à m’assurer de l’état du pouls, il me fut impossible de le trouver aux deux poignets, ni à la jugulaire; je ne pus même apercevoir le moindre mouvement du cœur en appliquant la main sur sa région; il n’y eut que l’artère temporale qui se fit sentir & encore très-foiblement; effrayé de
[p.57] la situation mortelle où étoit le malade, j’annonçai qu’il n’étoit pas trop possible de l’en retirer, qu’il falloit l’administrer promptement, lui faire usage d’une potion cordiale, le frotter chaudement & l’emmailloter de linges chauds; tout ceci fut exécuté ponctuellement.
     (1) Le château de Bellevue fut construit à Meudon pour Madame de Pompadour, favorite de Louis XIV, à partir de 1748, puis revendu en 1757 par cette dernière au roi, qui le fit alors remanier sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel. Entre autres artistes célèbres y travaillèrent les sculpteurs Jacques Caffieri (mort en 1755), Jacques Verberckt (mort à Paris en 1771) et Jules-Antoine Rousseau. Il faut noter que ce dernier, sculpteur ornemaniste né à Versailles en 1710, mourut en 1782 à Lardy (Essonne). On sait que Jean-Étienne Guettard de son côté s’est intéressé au moulin papetier de Lardy. Il faudrait rechercher si le patient de Guettard, sculpteur du nom de Chevalier, n’était pas un collaborateur de ce Jules-Antoine Rousseau (B. G., 2011).
     Étant retourné quelques heures après chez ce malade, je le trouvai dans le même état, c’est-à-dire avec le même bon sens, la même facilité à se mouvoir, aussi froid & les artères aussi peu sensibles; réfléchissant sur tout ce que je voyois, je pensai qu’il devoit y avoir dans quelqu’endroit du bas-ventre une partie qui se gangrenoit, & dont la gangrène n’étoit peut-être déjà que trop avancée, & que cette gangrène avoit été occasionnée par un engorgement de sang qui ne s’etoit pas résout.

     Sur ces principes je pensai qu’il falloit faire au malade une saignée du bras, & lui faire prendre des infusions de quinquina; la proposition que je fis de la saignée étonna le malade & les assistans; j’insistai & expliquai mes raisons, on parut s’y rendre; mais je ne fus pas plutôt sorti, qu’on eut recours à un ancien Medecin qui, ne pouvant pas venir, en substitua un jeune à sa place: ce jeune Médecin jugeant apparemment de l’état du malade comme j’en avois jugé d’abord, rejeta la saignée &ordonna une nouvelle potion cordiale; elle n’eut pas plus de succès que la première.

     Ce malade m’intéressant d’autant plus qu’il étoit cher et utile à sa famille, je retournai le voir le soir; il étoit toujours dans le même état: sans m’arrêter à ce qu’on n’avoit point fait la saignée, je la proposai de nouveau & les infusions de quinquina, je  supprimai la potion cordiale; le malade fut saigné, & il fit usage du quinquina: le lendemain matin, je trouvai que le pouls s’étoit un peu rétabli, & qu’il se faisoit sentir au bras; je proposai une nouvelle saignée, qui fut faite; à midi, le pouls étoit un peu plus fort, la chaleur étoit un peu revenue, je voulus insister sur la saignée; les assistans s’y opposèrent & me proposèrent une consultation, que j’acceptai très-volontiers.

     Le Médecin qui fut appelé, & qui étoit un ancien Praticien, [p.58] voyant le succès que les deux saignées avoient eues, fut, ainsi que moi, de l’avis qu’on en fît une troisième; le malade la soutint très-bien & avec courage; le lendemain matin le pouls étoit assez bon, la tête du malade n’étoit nullement affectée; je voulois qu’on en revînt à la saignée; l’ancien fut pour une potion cordiale: je cédai au droit de l’ancienneté; on se retrouva chez le malade, vers les une ou deux heures du soir, le malade avoit une respiration forte & gênée, il respiroit de façon que les muscles du bas-ventre faisoient des ondulations; je fus d’avis qu’on cessa  tout remède, assurant que le malade mourroit dans peu; l’ancien proposa un apozème simple; je l’assurai que le malade n’en boiroit pas, parce qu’il seroit mort avant que l’apozème fut fait; en effet nous ne fûmes pas sortis que le malade expira. Je n’avois porté un tel pronostic, que parce que j’avois déjà observé plusieurs fois que la respiration forte & ondulante étoit, dans les maladies inflammatoires, un symptôme mortel, & j’ai eu depuis occasion de confirmer cette observation encore plus souvent.

     Le malade étant mort, je fus averti par le Chirurgien, auquel j’avois fait sentir que je serois bien aise de faire l’ouverture du cadavre; il m’intéressoit d’autant plus de la faire, que j’avois, contre l’avis de l’ancien, prétendu que le siége de la maladie étoit dans le bas-ventre, & que la partie affectée tendoit à la gangrène ou étoit gangrenée, au lieu qu’il prétendoit, quoique le malade conservât toujours sa tête, que le cerveau étoit la partie affectée, & qu’on devoit regarder cette maladie comme une fièvre maligne.

    Je trouvai encore quelques difficultés de la part des parens, elles ne furent pas grandes cependant, & leur contentement ayant été donné, le Chirurgien* & moi nous procédâmes à cette ouverture; nous la commençâmes à l’ordinaire par le bas-ventre; nous ne trouvâmes rien à l’estomac, au foie, aux intestins, toutes ces parties étaient belles & bien constituées, ainsi que la vessie & les autres parties contenues dans cette [p.59] cavité; pour la rate elle étoit entièrement pourrie, elle tomboit par lambeaux lorsqu’on vouloit la prendre, les doigts passoient au travers, il étoit presqu’impossible d’en retenir quelques morceaux.

     * C’étoit celui avec qui j’avois fait l’ouverture du corps de l’enfant, dont il a été question dans la seconde observation.
     Nous cherchames ensuite à nous assurer s’il n’y avoit pas dans la poitrine quelque partie ainsi gangrenée; tout y étoit en bon état & bien conditionné; le cœur n’étoit en aucune façon endommagé ni embarrassé; nous n’y trouvames ni concrétions ni polypes, ni dureté; il en étoit de même par rapport au poumon; les viscères de la tête étoient également sains; le cerveau étoit sans engorgement, sans inflammation, sans concrétion & sans pourriture.

     La seule cause de la mort du malade étoit donc la gangrène de la rate; cela suffisoit sans doute: mais que la gangrène de la rate ait presqu’entièrement arrêté la circulation du sang, & à un point que le mouvement ne se faisoit point sentir, c’est ce qui paroîtra peut-être assez singulier; ce n’est même que cette singularité qui m’a engagé à’ rapporter ici cette observation; en effet, il est assez extraordinaire qu’une partie comme la rate ait pu occasionner un pareil embarras; il est vrai que ce viscère reçoit une grande quantité de sang, mais cette quantité n’est pas telle que lorsque le sang s’y porte & qu’il ne peut y entrer, il ne lui soit facile de refluer dans le foie & dans les autres viscères du bas-ventre; il arrive même que la rate se durcit & s’oblitère presqu’entièrement, comme je l’ai observé une fois dans une personne âgée de plus de quatre-vingts ans, & qui étoit morte d’une hydropisie de poitrine, ce cas arrive, dis-je, sans que la circulation soit interrompue, comme elle l’éioit dans le cas dont il s’agit, mais cet effet est plutôt dû aux parties du sang de la rate, qui étoient gangrenées & qui passoient dans le reste de la masse du sang, qui se gangrenoient lui-même & ralentissoit ainsi son mouvement, en agissant sur les vaisseaux mêmes. On objectera peut-être qu’il arrive souvent que d’autres viscères se gangrènent ainsi sans cependant que la circulation du sang s’arrête d’une façon si marquée; je répondrai à cela qu’il y a peu de viscères qui aient des vaisseaux aussi gros & aussi abondans que la rate, [p.60] & qui, étant gangrenés, puissent fournir au sang autant de parties gâtées, & capables par conséquent d’agir aussi promptement sur le sang.

     On objectera peut-être encore que je n’ai pas trouvé d’autres parties tombées en gangrène, comme il auroit dû arriver s’il étoit vrai qu’il eût passé dans la masse du sang des parties gangrénées, fournies par la rate; je répondrai en second lieu que la maladie a été trop prompte pour que cette gangrène se  manifestât; le sans pouvoit porter de ces parties capables d’agir sur le mouvement des vaisseaux sanguins, de façon à en arrêter ou à en suspendre l’action, mais pas assez abondantes pour le gangréner, & les viscères qu’il traverse, dans un temps aussi court.

     Au reste, quoi qu’il soit important de savoir que la rate gangrénée peut occasionner un tel symptôme, il le seroit sans doute encore beaucoup plus de connoître ce qui peut occasionner une gangrène aussi prompte; & ce qui le seroit encore beaucoup plus, comment on peut la guérir. Il peut sans doute y avoir plusieurs causes de gangrène de la rate; je ne chercherai pas à les détailler ici, je rapporterai seulement ce que je pense pouvoir l’avoir occasionnée dans ce cas-ci.

     Je crois trouver cette cause dans la façon de vivre de la personne dont il s’agit: c’étoit un homme fort & robuste, d’un tempérament vif & d’un très-bon embonpoint: il marchoit toujours tres-vîte & beaucoup; il aimoit, comme je l’ai dit, la chasse à pied, il faisoit souvent des voyages de Bellevuë a Paris ou de Paris à Bellevue, & les faisoit très-promptetment. Un pareil exercice ne pouvoit qu’agiter considérablement le sang & le raréfier; & comme la rate est un viscère qui n’a pas une action bien vive, le sang devoit y stagner facilement, s’y dénaturer par son séjour, s’y gâter & tendre par-là à la gangrène. Il est d’expience que le sang qui est dans un état de stagnation sur-tout dans une partie interne & échauffée, s’y gâte promptement & s’y dénature; par conséquent il n’a pas fallu beaucoup de temps au sang ralenti dans la rate, pour passer à cet état & y occasionner tout le ravage que j’ai rapporté. [p.61]

     Cette ætiologie établie, il est facile d’en déduire l’explication des symptômes; la douleur a été peu considérable, parce que la rate étant peu sensible d’elle-même, elle n’a pas dû faire ressentir de grandes douleurs; en outre les parties gangrenées perdent tout le sentiment; la fièvre n’a pas dû-être bien considérable, ce symptôme tombant même lorsqu’une partie enflammée qui en occasionnoit une violente, tourne tout-à-coup à la gangrène; in n’est donc pas étonnant que la fièvre soit, dans la maladie dont il est question, tombée après deux ou trois saignées; & quoiqu’on ne puisse pas dire que le purgatif que le malade a pris ait augmenté la gangrène, on peut cependant penser qu’il l’a un peu accélérée; l’abbattement des forces que tout purgatif occasionne ordinairement, du moins pour quelque temps, ne pouvoit que ralentir encore la circulation & par contre-coup rendre la gangrène beaucoup plus prompte.

     Qu’y avoit-il donc de plus efficace à faire? je crois qu’on ne peut douter que ce ne fût des saignées répétées coup sur coup dans le commencement de la maladie; ce remède étoit le seul qui pouvoit être d’une efficacité plus prochaine; c’est ce qui m’engagea à les proposer, dans la pensée où j’étois que le froid & le ralentissement de la circulation n’étoient occasionnés que par la gangrène de quelque partie; je pensois il est vrai qu’il étoit bien tard pour espérer beaucoup, mais dans de pareils cas il faut toujours agir plutôt que de rester oisif; les ressources de la Nature sont si grandes, que souvent pour peu qu’on l’aide, elle fait se dégager des embarras qu’elle trouve dans ses opérations; l’heureux succès du peu de saignées que je fis faire, me confirme dans cette pensée; si j’ordonnai du quinquina, c’est que dans des cas si désespérés il faut tout mettre en œuvre, sur-tout les remèdes qui passent pour être aussi utiles que le quinquina a coutume de l’être dans ces sortes de maladies; ce n’est pas cependant que j’y eusse autant de confiance que dans la saignée: ce remède promptement employé me paroît le seul qui puisse guérir dans ce cas, comme dans toutes les maladies inflammatoires: on aura beau prôner les antiseptiques, les purgatifs, les relâchans les délayans, je ne les regarde que [p.62] comme des remèdes auxiliaires de la saignée: ces remèdes ne peuvent agir que lentement, au lieu que la saignée dégorge promptement & efficacement; il est vrai qu’il faut la placer plutôt dans le commencement des maladies que lorsque la maladie a fait du progrès; mais si cette maladie est de nature à faire gangréner les parties, ces parties le seront avant, que les remèdes, pris intérieurement, aient eu le temps d’agir, comme il est arrivé dans la maladie que je viens de décrire.




HISTOIRE DE L’ACADÉMIE ROYALE
[tome 1, le tome étant constitué des Mémoires eux-mêmes.]

***

SUR QUELQUES OBSERVATIONS DE MÉDECINE.
[Résumé anonyme du Mémoire dité ci-dessus.]


      Nos sensations ne peuvent se deviner; on ne peut les bien connoître qu’après les avoir éprouvées soi-même; c’est une difficulté dans la connoissance des maladies qu’il y a long-temps qu’on a remarquée. Platon disoit autrefois qu’il seroit à souhaiter que les Médecins eussent passé par toutes les maladies. En effet, il y a nombre de signes, de symptômes qui ne sont que pour le malade; souvent il éprouve un état & des sensations qu’il ne sait pas trop bien démêler, & qu’il peut encore moins définir ou expliquer. Tout cela est perdu pour le Médecin: ici, rien n’est échappé; c’est tout à la fois le malade & le Médecin qui parle. M. Guettard rend compte de ce qu’il a éprouvé lui-même, dans un accident auquel l’Académie a pris beaucoup de part, & dont elle lui a demandé une description. Il a joint au détail qu’il en a donné, deux observations qui n’y ont aucun rapport mais qui n’en sont pas moins intéressantes.
     V. les Mem. p. 41.
     M. Guettard s’étant endormi après le dîner dans un fauteuil auprès de son feu, les pieds appuyés contre le fond de la cheminée, de façon que ses jambes étoient horizontales & étendues pour le soutenir dans cette attitude: il se réveilla, au bout d’une demi heure ou de trois quarts d’heure, & faisant un effort pour se relever dans le fauteuil, il ressentit dans l’instant une douleur des plus violentes; cette douleur fut causée par la pression qu’éprouvèrent par ce mouvement contre la traverse de ce siége, l’os sacrum & les dernières vertèbres des lombes: ces parties avoient porté sur cette traverse, parce que le coussin avoit glissé de dessous les reins dans le fond du fauteuil. Croyant que cette douleur passeroit, M. Guettard garda pendant quelques secondes la même position horizontale où il étoit encore: cependant, sentant la douleur toujours fort vive, il fit un second effort, en appuyant les mains sur les [p.67] montans du fauteuil, & il se redressa non sans éprouver par ce nouveau mouvement, une douleur aussi violente que la première. Enfin M. Guettard ayant voulu tirer, comme il le fit, le cordon d’une sonnette pour faire venir quelqu’un, il devint après ce dernier effort froid comme marbre, depuis la tête jusqu’aux pieds; il sentit une foiblesse considérable dans ses bras, & il perdit le mouvement de la moitié du corps; c’est-à-dire, depuis la ceinture jusqu’en bas. La personne qui vint au bruit de la sonnette, le trouva penché sur un des côtés du fauteuil, les bras pendans & incapables de se mouvoir: elle le prit par-dessous les aisselles & l’ayant soulevé, & M. Guettard lui ayant embrassé le cou avec peine, elle le traîna de cette sorte jusqu’à son lit. Mais comme il ne pouvoit ni lever les jambes, ni s’aider en aucune façon, on le mit dessus du mieux qu’on put: alors, recourbé & comme plié sur ce lit, il sentit le froid s’augmenter par tout son corps d’une manière prodigieuse; sa respiration devint difficile & ne s’exécutoit que par sanglots; la foiblesse de ses bras augmenta & les picotemens se firent sentir jusque dans le bout des doigts; il sembloit qu’on les lui piquoit avec des épingles: quoique tout habillé on le recouvrit encore de deux couvertures, & on employa pour le réchauffer tous les moyens usités en pareil cas; on lui enveloppoit le visage & les mains de serviettes chaudes, on lui en étendoit de même sur la poitrine, & on les renouveloit dès qu’elles se refroidissoient. Avec ces secours on parvint à le réchauffer, & avec la chaleur revint le mouvement des jambes & des bras; les sanglots diminuèrent, & les picotemens des doigts cessèrent: cependant le retour de la chaleur ne dissipa pas la douleur des reins, mais elle devint très-supportable; elle ne se ranimoit que lorsqu’on le remuoit ou qu’il vouloit faire quelque mouvement. Pour le réchauffer plus promptement, on lui avoit proposé de prendre de l’élixir de Garus ou du vin d’Alicante; mais il refusa ces liqueurs, il craignoit qu’elles ne l’excitassent à vomir, parce qu’il s’y sentoit quelques dispositions, & qu’elles n’augmentassent encore par-là le froid qu’il ressentoit. On sait que dans le vomissement, [p.68] & même aux approches des nausées, on est saisi d’un froid très-sensible.
[Résumé de la première Observation.]
     Tant que M. Guettard éprouva ce froid extrême, qui se faisoit sentir même au travers de ses bas & de son bonnet, son pouls resta très-petit, concentré & presqu’insensible. Il eut le visage verdâtre & défiguré, & la tête un peu embarrassée: cependant il ne perdit pas connoissance, les fonctions de son ame étoient seulement affoiblies; il sentoit le danger de son état; il croyoit qu’il pouvoit mourir, ou rester au moins paralytique des parties inférieures; mais il le disoit sans en être agité; & cette tranquillité de M. Guettard, dans un état si fâcheux, marque bien que la crainte de la mort n’a voit aucune part à ce grand froid qu’il ressentoit. Au bout d’une heure & demie, il fut absolument passé; il ne resta à M. Guettard qu’une foiblesse dans toute l’habitude du corps & la douleur très supportable de la région des reins: quelques heures après il se leva; il ne marchoit qu’avec peine: cependant il soupa avant de se coucher, & dormit très bien. Le lendemain il sortit, il en fut un peu fatigué, & s’étant par hasard encore alongé sur son fauteuil il sentit sa foiblesse s’augmenter un peu, & il éprouva une douleur intérieurement vers le sommet de la tête, mais elle n’eut pas de suite. Enfin le sur-lendemain, la douleur des reins fut presque entièrement dissipée, il n’y eut que la foiblesse qui dura encore quelques jours.

     L’extension violente que les muscles des lombes, des nerfs & la moelle épinière éprouvèrent dans les différens efforts que fit M. Guettard dans l’attitude où il étoit pour se redresser, l’extrême pression que l’os sacrum & la dernière des vertèbres subirent contre la traverse du fauteuil, lors de ces efforts, furent sans doute, comme il le pense, les causes de tous les symptômes fâcheux qu’il éprouva. L’extension de toutes les parties dont nous venons de parler, ne put avoir lieu sans que les nerfs de ces parties n’éprouvassent une grande distension, & particulièrement ceux des lombes & de la moelle épinière, lorsque l’os sacrum fut comprimé contre la traverse du fauteuil. [p.69]

     Or, par les communications de ces nerfs & leur distribution, il ne sera pas difficile d’expliquer ces symptômes. Les nerfs qui partent de la moelle épinière animent les parties inférieures, & dès qu’ils sont affectés, ou que le cours du fluide nerveux y est suspendu, ces parties, comme on sait, tombent en paralysie: M. Guettard dut donc éprouver un état pareil dans les parties inférieures de son corps, par l’effet que la distension des nerfs de la moelle épinière avoit souffert: l’estomac ressentit des soubresauts parce que le rameau que ce viscère reçoit de la huitième paire, fut sympathiquement affecté, à cause de la communication de plusieurs des branches de cette paire de nerfs avec d’autres branches des nerfs lombaires: la même chose arriva au diaphragme; de-là la respiration sanglotante, & par une cause semblable, l’altération du mouvement du cœur. Les fluides de cet organe & des nerfs étant ainsi considérablement troublés dans leur cours, il devoit vraisemblablement en résulter un froid excessif, la pâleur & le relâchement des muscles de la face qui la défiguroient.

     On ne peut regarder tous ces effets comme les suites d’une indigestion; cette indisposition n’occasionne pas la perte du mouvement, les sanglots & les picotemens aux extrémités des doigts & les autres symptômes que l’on observa dans l’accident de M. Guettard; enfin ce qui est sans replique, c’est qu’ils ne se montrèrent qu’après l’extrême douleur qu’il ressentit par la compression des parties inférieures du dos contre la traverse du fauteuil. Quant aux légers mouvemens de nausées qu’il eut, ils ne furent pas longs & son estomac ne s’en ressentit nullement après.

     M. Guettard auroit pensé que ce détail sur son accident seroit incomplet s’il n’y ajoutoit un mot sur les moyens qu’on doit employer dans la cure d’un cas ou d’un accident semblable: en effet la description d’une maladie, sans les moyens de la guérir, n’est en quelque sorte qu’une connoissance stérile, ce n’est plus que la description d’un phénomène de Physique: M. Guettard indique en conséquence ce qu’il croit qu’il faudroit faire en pareille occasion; il pense que le premier objet qu’on [p.70] doit avoir en vue, est de rétablir la circulation; & que pour cet effet, il faut employer tout ce qui peut ranimer, en commençant par réchauffer le malade par tous les moyens connus, comme les linges chauds, les bassinoires remplies de feu, des fers échauffés, &c. ensuite en lui faisant prendre des élixirs un peu spiritueux, en lui frottant l’épine du dos, &c. les saignées qui paroîtroient indiquées pour la paralysie, lui semblent dans ce cas plutôt funestes qu’avantageuses, On pourroit peut-être y avoir recours après que la chaleur seroit rétablie, pour éviter les engorgemens qu’il y auroit à craindre dans quelques parties, & particulièrement dans le cerveau, mais M. Guettard ne s’est pas fait faire de saignée, & ne s’en est pas mal trouvé.

     A quoi tient notre existence dans la meilleure santé, un certain effort, un certain mouvement peuvent nous mettre aux portes de la mort? un effort de plus, M. Guettard n’en seroit peut-être jamais revenu.

     Une jeune fille âgée de huit ans, avoit dès son enfance une grosseur ou tumeur, qui s’étendait du côté droit à peu près depuis la partie antérieure des fausses côtes jusqu’à la moitié ou environ de leur longueur; un homme qui marchoit assez vîte l’ayant poussée, elle tomba; rudement sur le pavé; & le coup ayant apparemment porté sur cette tumeur, elle disparut à l’instant: cet enfant fut aussitôt attaquée de douleurs; le ventre devint libre presqu’en même temps. Bientôt la maladie devint grave, & M. Guettard ayant été appelé pour voir cette fille, il la trouva avec un pouls élevé, très-prompt & qui annonçoit une fièvre violente; elle se plaignoit de douleurs dans le ventre, dont la violence augmentoit par intervalles, au point qu’elle en tomboit presqu’en foiblesse; son ventre étoit gonflé & tendu, & il se déchargeait souvent d’une assez grande quantité de matières verdâtres & blanchâtres, qui nageoient dans une autre qui étoit séreuse & abondante. On avoit déjà saigné cet enfant trois fois & on lui avoit donné quelques lavemens émoliens; remèdes qui paroissoient avoir apporté quelque soulagement dans le temps qu’on les lui avoit administrés. [p.71]
[Résumé de la seconde Observation.]
     La tumeur dont nous avons parlé, & qui avoit disparu par la chute de l’enfant paroissoit devoir appartenir ou au foie ou au colon, cependant c’est ce qui n’étoit pas facile à concilier avec les symptômes dont nous venons de parler, parce qu’il se rencontroit plusieurs difficultés dans l’une ou l’autre supposition; c’est ce qui fit que, dans ces incertitudes sur la cause de la maladie, M. Guettard pensa d’abord à calmer la violence des symptômes; il ordonna en conséquence une potion antispasmodique & d’autres remèdes convenables mais quoiqu’ils parussent d’abord agir favorablement, les douleurs se réveillèrent la nuit suivante, elles devinrent convulsives & emportèrent la malade.

     Curieux de savoir ce qui avoit pu faire mourir cet enfant d’une mort si prompte & si douloureuse, M. Guettard obtint des parens, après beaucoup d’instances, qu’on en feroit l’ouverture.

     On commença par le ventre, au premier coup-d’œil M. Guettard y vit à la partie inférieure & convexe du grand lobe du foie une fente de plus de trois ou quatre pouces de longueur, & après en avoir écarté les bords, il en tira un kiste qui étoit contenu dans une cavité à laquelle cette fente servoit d’ouverture: ce kiste tapissoit intérieurement cette cavité & étoit ouvert par une fente semblable à la précédente; il avoit une ligne ou environ d’épaisseur, & étoit entièrement vide comme la cavité qui le renfermoit, qui ne contenoit de même aucune autre matière, ni vésicules, ni hydatides.

     La première attention de M. Guettard fut d’examiner s’il ne trouveroit pas dans la capacité du ventre, quelque matière qu’on pût imaginer être celle du kiste; mais il fut fort surpris de n’y en pas trouver; il n’en trouva pas davantage dans les intestins; ils étoient nets de toute matière, & comme s’ils avoient été lavés; enfin il ne remarqua rien d’extraordinaire dans les autres viscères. Cependant, que pouvoit-être devenue cette matière renfermée dans le kiste? Après y avoir bien réfléchi, M. Guettard pensa qu’elle pouvoit bien avoir été reprise ou être repassée dans les intestins par la compression des muscles & de toutes les parties du ventre, & rendue dans les selles [p.72] abondantes que la malade avoit eues; cette conjecture étoit d’autant plus vraisemblable, qu’il paroît par plusieurs observations que des matières extravasées dans la capacité du ventre, sont repassées dans les intestins & qu’ils semblent perméables de dehors en dedans, comme de dedans en dehors, puisque retournés & remplis d’eau, ils la laissent passer. Il restoit une difficulté; d’où pouvoit venir cette grande quantité de matière que la malade avoit rendue par les selles, car la capacité du kiste n’en pouvoit contenir à beaucoup près autant, n’ayant que quatre pouces de diamètre en longueur & autant en largeur M. Guettard suppose avec raison que la matière du kyste, en passant par les intestins, les irritoit; d’où il devoit résulter en même temps une évacuation abondante de la sérosité des glandes qu’ils renferment. Tout paroît donc indiquer que la matière du kyste, qui vraisemblablement fut crevé dans l’instant de la chute de l’enfant, se répandit d’abord dans sa cavité du ventre, & qu’ensuite elle repassa peu-à-peu par les intestins; ce qui donna lieu à tous les symptômes & à tous les accidens dont nous avons parlé.

     Une tumeur de la nature de celle de cet enfant, ne pouvoit être guérie, comme l’observe M. Guettard, par tous les remèdes internes qu’on emploie pour fondre les tumeurs ordinaires; on ne pouvoit espérer aucune action des fondans; un kyste n’ayant pas par sa nature, cette action organique par laquelle les différentes parties de notre corps tendent (lorsqu’elles ne sont pas obstruées à un certain point ) à se débarrasser des matières étrangères qui y sont engorgées: d’ailleurs ce kyste étoit trop épais pour qu’on pût espérer de rendre la matière assez fluide pour passer au travers; cependant M. Guettard ne trouve pas que l’état de cet enfant, avant sa chute, fut sans ressource, & il prétend que dans ce cas & les autres du même genre, il faudroit avoir recours à l’opération ou à la ponction, qui ne peut être fort douloureuse ni fort difficile; en effet lorsque, comme dans le cas dont il s’agit, le volume de la tumeur est assez considérable pour être bien sensible au dehors, & qu’on peut facilement s’assurer par le tact, si sa [p.73] matière est dans un état de fluctuation propre à pouvoir ouvrir la tumeur, il ne paroît pas qu’il puisse y avoir alors aucun danger ni une grande difficulté; après l’ouverture de la tumeur, on la traiteroit comme les autres maladies de cette nature.

     Un parent de l’enfant dont nous venons de parler, se trouvant dans un état des plus tristes, voulut après quelques jours de maladie consulter M. Guettard, qui se transporta chez lui. Il le trouva avec tout son bon sens, répondant bien à tout ce qu’on lui demandoit, se donnant dans son lit tous les mouvemens d’une personne en santé, c’est-à-dire, se mettant sur son séant, se retournant à droite & à gauche; enfin n’ayant au premier coup-d’œit l’air d’une personne malade, que par la pâleur qui étoit répandue sur son visage: malgré ces apparences, ce malade étoit à la mort. Il ressentoit un froid général, & il étoit couvert d’une sueur froide & gluante; telle qu’en le touchant, il sembloit qu’on touchoit un corps mort. Sa maladie n’avoit commencé que par une fièvre continue, légère & avec de foibles redoublemens, sans aucun autre mal qu’une douleur sourde & peu sensible, qu’il ressentoit vers la région de la rate. Lorsque M. Guettard le vit, il avoit été saigné deux ou trois fois; on lui avoit donné des lavemens purgatifs, & fait observer une diette sévère; au moyen de ces remèdes, la fièvre s’étant calmée, on le crut mieux; le Chirurgien le purgea, & la médecine fit son effet; mais l’après-midi il tomba dans l’état dont nous venons de parler. Ce qu’il y avoit de vraiment singulier dans cet état, c’est qu’on ne pouvoit trouver de pouls à ce malade, ni aux deux poignets ni à la jugulaire, comme M. Guettard l’observa; il ne put même apercevoir le moindre mouvement au cœur en appliquant la main sur sa région; il n’y eut que l’artère temporale qui se fit sentir, & encore très-foiblement. Ces symptômes annonçoient que le malade étoit dans le plus grand danger, M. Guettard en avertit & le quitta après avoir ordonné ce qu’il falloit pour le réchauffer, en même temps que l’usage d’une potion cordiale. Il revint quelques heures après il le trouva comme auparavant, [p.73] toujours aussi froid & avec le mouvement des artères aussi peu sensible. Réfléchissant encore sur tous ces symptômes, M. Guettard jugea qu’il y avoit dans le bas-ventre quelque partie qui se gangrénoit, & dont la gangrène n’étoit déjà peut-être que trop avancée & que cette gangrène avoit été occasionnée par un engorgement de sang qui ne s’étoit pas résout; il insista en conséquence sur la saignée & le quinquina; le malade fut saigné deux fois, prit du quinquina, & il parut que le pouls se ranimoit. Il y eut une consultation pour une troisième saignée, qui fut faite, mais le malade étoit dans un état trop fâcheux pour en revenir; la respiration devint fort gênée, & il respiroit de façon que les muscles du bas-ventre faisoient des ondulations, M. Guettard en conclut qu’il mourroit bientôt; en effet, à peine étoit-il sorti qu’il expira. Son pronostic étoit fondé sur l’observation qu’il avoit faite déjà plusieurs fois, que la respiration forte & ondulente étoit un symptôme mortel dans les maladies inflammatoires.
[Résumé de la troisième Observation.]
     Il étoit trop intéressant de savoir ce qui avoit pu causer une maladie aussi singulière que celle dont ce malade étoit mort, pour que M. Guettard ne désirât pas qu’on en fit l’ouverture; les parens y consentirent; l’ayant commencée à l’ordinaire par le bas-ventre, on trouva l’estomac, le foie & les intestins en très bon état & bien constitués; mais la rate étoit entièrement pourrie, les doigts passaient au travers, & elle tomboit par lambeaux lorsqu’on vouloit la prendre: cependant la vessie & les autres parties contenues dans le ventre, étoient, comme le foie & l’estomac, parfaitement sains & en très-bon état, ainsi que tous les autres viscères de la poitrine & du cerveau; on ne remarqua dans le cœur, ni polype ni dureté, & dans le cerveau ni inflammation, ni engorgement, ni concrétion, ni pourriture.

     Il étoit ainsi évident que la gangrène de la rate avoit été la cause de la mort du malade; mais que cette gangrène ait pu arrêter presqu’entièrement la circulation du sang, au point que son mouvement ne se faisoit presque pas sentir, c’est ce qui paroîtra fort singulier: la rate reçoit, à la vérité, une [p.74] grande quantité de sang; mais lorsqu’il trouve des obstacles pour y entrer, il peut refluer ailleurs. La preuve en est, que ce viscère s’est ossifié & pétrifié, même plusieurs fois, comme nombre d’observations le prouvent, sans que pour cela il ait causé la mort du sujet dans lequel il se trouvoit dans cet état; il paroît donc, comme M. Guettard l’observe, que ce n’est point en arrêtant le cours du sang que la rate a produit tous les symptômes dont nous avons fait mention, mais par les parties gangrenées qui s’en détachoient, & qui, passant dans le reste de la masse du sang, le gangrenoient lui-même & ralentissoient son mouvement en agissant sur les vaisseaux.

     Cependant on ne trouva point d’autres parties tombées en gangrène, comme il paroît que cela auroit dû arriver s’il eût passé dans la masse du sang des parties gangrenées, fournies par la rate. M. Guettard remarque à ce sujet que la maladie a été trop prompte, pour que cette gangrène se manifestât, quoique les parties gangrenées que le sang charioit, pussent agir sur le mouvement des vaisseaux sanguins, de manière à en suspendre l’action. M. Guettard conclut tout ceci par observer que dans de semblables maladies, les saignées répétées coup sur coup dans le commencement, sont ce qu’il y a de plus avantageux, & qu’on doit y avoir beaucoup plus de confiance que dans tous les antiseptiques, les purgatifs, les relâchans, &c.


 
Annexe
Traitement d’une tumeur du foie par un jeune vétérinaire
Blog d’un vétérinaire, Anthony, 23 juin  2008
http://kikivet.over-blog.com/10-categorie-940973.html

     Où l’on constate que les bergers allemands du XXIe siècle ont plus de chance que les fillettes du XVIIIe siècle.

     Un autre vieux chien, un Berger Allemand de 12 ans, revient me voir pour une échographie abdominale (encore une!) suite à un bilan sanguin de contrôle qui m’a révélé des PAL à 1960. Il se trouve que ce chien boit plus de 9L d’eau par jour pour 40 kg (faites le calcul, ça fait beaucoup...trop!). L’écho est en faveur d’une tumeur localisée du foie en arrière du rein D. Le reste du parenchyme hépatique est ok. La rate ne semble pas bien catholique non plus...

     Après discussion avec le propriétaire, une laparotomie en vue de biopsie est décidée. Si je tombe sur quelque chose que je peux enlever, je le ferai; sinon je me "contenterai" de prélever un morceau pour analyse histologique.

     Et là, 2 côtés de ma personnalité se réveillent: le côté St Bernard qui veut que j’assume tout de A à Z pour ne pas surcharger les collègues et le côté qui dit que je voudrais quand même bien vérifier personnellement ce que j’ai observé à l’écho sans que quelqu’un y mette son grain de sel...Ce n’est pas une urgence à la minute mais autant le faire vite. Beaucoup de ponts, pas beaucoup de places dispo en chirurgie les jours à venir...ça remettrait la chir à bien plus tard si on ne le fait pas rapidement. Il est 17h, je décide de me bloquer à partir de 18h pour opérer le toutou. Mes collègues peuvent terminer leurs consultations en paix, je m’occupe de tout en sollicitant une ASV pour m’aider au besoin.

     J’anesthésie, je débute l’incision, je pénètre en cavité abdominale. Et là, je confirme: on a affaire à une volumineuse tumeur du lobe caudé du foie. Le rèste de l’organe est macroscopiquement nickel. Je fais un petit tour d’orientation: à part la rate qui présente un volumineux nodule isolé (fréquent pour un BA de cet âge), je ne vois rien d’autre. On a des chances d’avoir affaire à une tumeur hépatique primitive.

     Et là, c’est le drame...hémorragie massive! La tumeur étant nécrotique, une partie s’est rompue et irrigue abondamment l’abdomen. La décision est prise, je vais devoir lui enveler ce lobe du foie. Petite précision importante: je n’en ai encore jamais fait mais je connais bien mon anatomie. C’est le genre de chirurgie qu’on ne nous présente pas à l’école ou pour laquelle on nous dit "laisse faire les Grands". Ah ok, encore une...mais je n’étais pas bon à l’école alors...Un chirurgien, c’est un débrouillard avant tout. Je n’aime pas réparer des os mais trifouiller les entrailles me plait bien!

     Bon, je place un clamp à la base du lobe, qui prend en masse les vaisseaux sanguins, biliaires et les ligaments. Et là je me rends compte que le pédicule qui retient le lobe est assez large, environ 4 cm de long. Ca va être coton à ligaturer ce truc-là! Après 5 minutes d’épongeage massif, on y voit plus clair et je peux commencer à faire plusieurs ligatures transfixantes à travers le pédicule. Merci à l’ASV qui a 3 mains pour écarter l’abdomen et me tenir le clamp pendant que je ligature!! Je coupe avec précaution à la base du clamp, je vérifie les saignements. Bilan: c’est bon! Ca ne saigne pas et j’ai réussi à ne pas clamper la veine cave qui me narguait juste en dessous!

     Bon, ça, c’est fait. Je reprends mes esprits en me disant que c’est fini mais j’en oublie presque la rate. On ne va pas la laisser ici après ce qu’on a déjà fait. 10 minutes plus tard, elle est en dehors du chien et je peux refermer tranquillement. Une bonne perf, des antibios, un coup de morphine et hop, le p’tit pansement qui va bien.

[Anthony]
Tumeur du lobe caudal du foie (cliché d'Anthony, 2008)
Tumeur du lobe caudal du foie (© Anthony, 2008)
 
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE

Éditions de ce texte

     Jean-Étienne GUETTARD, «Trois observations de médecine», in Histoire de l’Académie royale des sciences. Année M.DCCLIX, avec les Mémoires de mathématique & de physique, pour la même année, tirez des registres de cette Académie [1 volume en deux parties; t 1 (276 p.): Histoire de l’Académie royale des sciences; t. 2 (576 p.): Mémoires de mathématiques et de physique], Paris, Imprimerie royale, 1759, t.1, pp. 66-74 (résumé anonyme) et t. 2, pp. 41-62 (texte intégral du mémoire).
     Dont une mise en ligne par la BNF sur son site Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3557b/f327
(Mémoire de Guettard) et http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3557b/f74 (résumé).

     Bernard GINESTE [éd.], «Jean-Étienne Guettard: Trois observations de médecine (Mémoires de l’Académie des sciences, 1759)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cse-18-guettard1759troisobservationsdemedecine.html, 2011.

Sur Jean- Étienne Guettard

     Bernard GINESTE, «Jean-Étienne Guettard: bibliographie dynamique», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cbe-guettard.html, depuis 2002.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome

Source: édition numérique en mode image de la BNF, saisie de B.G, février 2011.
  
Explicit
   
SommaireNouveautésBeaux-Arts — HistoireLittératureTextes latinsMoyen Age NumismatiqueLiensRemerciementsAssociationNous écrire - Mail