Eugène Bois, né en 1872 à Issoudun
s’était installé en 1894 à Étampes comme peintre
en bâtiment. En 1906, alors qu’il venait de reprendre la Maison Perrot,
au n°74 de la rue Saint-Jacques, il en vint à produire une série
de cartes postales dans les circontances que nous allons maintenant évoquer,
point par point, et preuves à l’appui.
Nous ne nous intéresserons pas ici aux autres
aspects de la vie d’Eugène Bois, ni à ses origines, ni au transfert
ultérieur de son magasin aux numéros 14 et 16 de la rue Saint-Antoine,
ni à la part qu’il prit à la Grand Guerre de 1915 à
1919, ni enfin à la réouverture de son entreprise lorsqu’il
put enfin regagner ses foyers. Tout cela, vous pourrez l’apprendre dans la
page spéciale que nous avons
consacrée à cet artisan et à son entreprise.
Quelle est l’entreprise qui réalisa cette série
de cartes postales destinées à être débitées
à Étampes par Eugène Bois? Aucune des cartes de cette
collection que nous avons pu consulter ne l’indique ni au recto, ni au verso.
Cependant elles présentent un aspect très
caractéristique qu’on retrouve dans d’autres séries locales
de la région parisienne, qui, pour certaines, indiquent heureusement
au verso des références explicites.
Quel est cet aspect caractéristique? Il s’agit
de vues colorisés qui présentent usuellement, c'est-à-dire
presque toujours, une marge inférieure laissée en blanc où
sont portées trois sortes d’indications.
D’abord, en haut et au centre de cette marge, le titre
de chaque vue. Ce titre porte d’abord le nom de la ville d’Étampes
en lettres capitales et sans accent sur le E initial, suivi d’un point et
d’un tiret long après lequel on trouve le nom du site ou du monument
photographié, en caractère minuscules et sans ponctuation finale.
Exemple: ETAMPES. — Le Pont de Pierre
Ensuite on trouve au bas de la même marge deux
indications portées de part et d’autre, symétriquement, en
caractère italiques. A gauche, indication du procédé
utilisé: Simili-Bromure. A droite,
indication du débitant dépositaire de la collection: Col. Bois
Cette configuration très précise se retrouve
dans bien des séries locales de la région parisienne. Comparez
par exemple, ci-contre, une carte de la collection Bois d’Étampes,
avec une carte de la collection Soudant de Verrières-le-Buisson (Essonne).
Les cartes de ces deux collections, d’ailleurs ont pour point commun de n’avoir
aucune indication du fabriquant réel ni au recto ni au verso.
Par chance une troisième série va nous
permettre de sortir de l’incertitude. Il s’agit de la collection Lescuyer
de Noailles (Oise). On y retrouve exactement la même configuration,
avec des nuances toutes à fait infimes et insignifiantes. Mais cette
fois on trouve porte au verso l’indication suivante, à gauche, verticalement:
Imp. Phot. Choisy-le-Roi.
On pourrait en multiplier les exemples, mais ce serait
sans profit pour ce qui nous concerne. Notons seulement au hasard qu’on retrouve
des cartes analogues, avec les mêmes coloris et la même typographie,
également vers 1905-1906, à Mongeron (Essonne), à Neuilly-Plaisance
(Seine-Saint-Denis), Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), Frépillon (Val-d’Oise),
Franconville (Val-Oise), Formerie (Oise), Trilport (Seine-et-Marne), etc.
Les unes portent au verso la mention de leur fabriquant, les autres non.
Or, une enquête à travers des petites annonces
du temps nous révèle bien la stratégie suivie par cette
entreprise de Choisy-le-Roi. Voici d’abord un entrefilet que nous avons trouvé
à la page des petites annonces, dans Le Journal du 6 mai 1905:
On demande représ. visit. bur. tabac,
pap., libr., impr., etc., ou b. repr. p. cart. posatles. S’adres. avec référ:
Photo. à Choisy-le-Roi.
Autrement dit l’imprimerie La Photo de Choisy-le-Roi
recrute à cette date, d’une part des réprésentants et
visiteurs de commerce pour démarcher les tenanciers des bureaux de
tabac, des papeteries, des libraires et imprimeries de toute la région,
etc. Y compris donc des marchands de couleurs comme Eugène Bois à
Étampes.
Elle recrute d’autre part des photographes capables de
réaliser les séries de clichés originaux qui formeront
les collections locales fabriquées par l’imprimerie de Choisy qui
seront débitées par les commerçants locaux avec lesquels
on fera affaire.
Voici encore un entrefilet paru dans Le Matin du 30 août
1906: On demande jeune homme connaissant
bien la photographie, pour cartes postales. Ecrire: Photo, Choisy-le-Roi. L'engouement pour la carte postale est alors à son maximum,
et la demande de nouvelles séries ne fait que croître.
La première carte que nous ayons vu circuler
de la collection Bois le fait le 20 juillet 1906. Mais à la vérité
nous n’en avons pas vu beaucoup qui soient aussi clairement datées,
de sorte qu’on ne peut exclure pour l’instant qu’il en ait circulé
dès 1905.
Quoi qu’il en soit notre enquête arrive à
son terme. Il paraît bien certain qu’Eugène Bois a été
démarché,
soit au début de 1906, ou même peut-être déjà
en 1905, par un agent de l’Imprimerie La Photo, qui avait son siège
à Choisy-le Roi, au 59 de l’avenue de Paris (voyez le cliché
ci-contre de ce site en 1905). La stratégie bien rôdée
de cette entreprise, comme nous venons de le montrer, était de démarcher
tous les commerces locaux susceptible de lui commander en exclusivité
une série de cartes postales originales en couleur.
De là cette pittoresque série, dont nous
ne connaissons à cette heure que neuf sujets. Nous serions bien étonné
qu’il n’y en ait pas eu un peu davantage. Ces cartes ont circulé pour
certaines jusqu’en 1914.
Bernard Gineste, mai 2017
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Carte de la collection Bois (à Étampes)
Carte de la collection Soudant (à Verrières-le-Buisson)
Carte de la collection Lescuyer (à Noailles)
Les bureaux de l’imprimerie La Photo de Choisy-le-Roi,
59 avenue de Paris (1905)
Recto de la même carte.
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