Corpus Latinum Stampense
 
Un moine de Longpont
Donation de Rencie
notice, vers 1136
   
Eglise de Longpont (Gravure de L. Gaucherel)
Statue de Notre-Dame (Gravure de L. Gaucherel)
Portail de l'Eglise de Longpont (Gravure de L. Gaucherel)
           
     Vers 1136, Rencie, femme d’Aimon de Bullion, sur son lit de mort, donne aux moines de Longpont une rente sise apparemment à Saint-Michel-sur-Orge.

     La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Il ne faut pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.

 
Un moine de Longpont
Donation de Rencie
notice, vers 1136
1. Texte et traduction (2008)
     
     On notera que la date de 1136 est proposée à la louche par le premier éditeur, Marion. Seule une étude méthodique de la prosopographie du Cartulaire de Longpont et des autres sources locales permettra de la corriger, ou de l’affiner.
Texte donné par Marion (1879)
Traduction par Gineste (2008)
     Quoniam, ob succedentium temporum prolixitatem, preteritarum rerum seriem humane memorie facile surripit oblivio, pulcherrimus a predecessoribus mos inolevit ut ea videlicet, que futuris profutura creduntur, commendacioris littere sigillo in perpetuum vivenda signentur. Commendamus igitur fidelium noticie quod
     Parce que, du fait de la rapidité avec laquelle s’écoule le temps, l’oubli soustrait à la mémoire de l’homme l’enchaînement des événements passés, une excellente coutume s’est instaurée parmi nos prédécesseurs, à savoir que les faits qui paraissent devoir être utiles aux gens à venir soient plus sûrement signalés par le sceau d’une charte assurant leur survie à perpétuité. C’est pourquoi nous portons à la connaissance des fidèles ceci.
     Rencia (1) uxor Haymonis de Boolum (2), suppremo decunbens incommodo, ecclesie beate Marie de Longo Ponte, quam vivens plurimum dilexerat, etiam moriens benigne memor, IIIes solidos censuales [p.74] eidem ecclesie, pro anime sue salute, perpetuo possidenda concessit, apud Villam Romanariam (3).
     Rencie (1), épouse d’Aimon de Bullion (2), sur son lit de mort, a donné à l’église Notre-Dame de Longpont, qu’elle avait extrêmement chérie de son vivant, et pour laquelle elle a eu encore une bonne pensée à sa dernière heure, elle a donné donc à la dite église pour le salut de son âme trois sous de cens en jouissance perpétuelle à Villa Romanaria (3).
     Hoc concesserunt Haymo, maritus ejus, & Luciana, filia ejus (4).
     Son mari Aimon y a consenti, ainsi que sa fille Lucienne (4).
     Hujus rei testes sunt: ipse Haymo; Guido de Boolum, nepos ejus (5); Thomas Bibens, gener ejus (6); Terbertus de Turre (7); Guido de Alneto (8); Guarinus de Ver, frater ejus (9); Theodericus, major (10); Gaufredus Torpaut (11); Gaufredus Anglicus (12); Symon, filius ejus.
     De cela sont témoins: le dit Aimon; son neveu Guy de Bullion (5); son gendre Thomas Boivant (6); Thébert de la Tour (7); Guy de Launay (8); son frère Garin de Ver (9); le régisseur Thierry (10); Geoffroy Torpaut (11); Geoffroy Langlois (12); son fils Simon (13).

NOTULE

     (1) L’anthroponyme Rencia est représenté par quatre chartes du Cartulaire de Longpont, apparemment toujours dans la même famille possessionnée à Saint-Michel-sur-Orge.
      Dans la première datée des environs de 1100 par Marion
(n°118), il s’agit d’une certaine Rencie surnommée Comtesse (Rencia cognomento Comitissa), mère défunte de Pierre de Leuville (de Lunvilla), de Morin surnommé Payen et de Guy de Luisant; ses trois fils donnent au jour de sa sépulture une terre à Villa Romenor.
      Dans la deuxième, que nous rééditons ici (n°13),
Rencie, épouse d’Aimon de Bullion (Rencia uxor Haymonis de Boolum), donne sur son lit de mort, vers 1136 selon Marion, trois sous de cens en jouissance perpétuelle à Villa Romanaria, avec l’accord de son mari Aimon et de leur fille Lucienne, en présence de Guy de Bullion, neveu d’Aimon.
     Dans la troisième (n°102), une autre Rencie, Rencie du Perray sur le territoire de l’actuelle commune de Sainte-Geneviève-des-Bois (Rancia de Perrolio), également sur son lit de mort, fait une donation en présence notamment d’un certain Josbertus de Romenor, avec l’accord frère Hugues (Hugo) et de Thierry (Teodericus) fils du dit Hugues, de son mari Eudes (Odo).
     Dans la quatrième, datée par Marion des environs de 1146 (n°135), Hélène épouse d’Arnoux de Bullion, donne une rente à Villeneuve-le-Roi (Villa Nova Regia) avec l’accord de ses filles Rencie et Eudeline.

     Par ailleurs une longue note de Joseph Depoin (Recueil de chartes et documents de Saint-Martin des champs. Tome III, note 348, pp. 325-326) fait allusion en passant à deux autres Rencie ou Laurence dans le secteur.
     La première, épouse d’Hécelin IV de Linas, s’appelait en fait Loherengia, ce que Depoin interprète “Lauraine ou Laurence”; ils eurent pour enfants Hécelin V et Laurence (Rencia) mariée à Gui de Palaiseau (BNF, ms. lat. 5185, fol. 33)
. Notons en passant que ce Hécelin IV de Linas fut témoin vers 1120 d’une donation à Bondoufle de Ferry d’Étampes (charte 192 de Longpont).
     La deuxième Rencie était sœur d’Hécelin V de Linas (elle serait nommée avec lui et deux sœurs plus jeunes en 1181), épouse de Guy III de Linas (possessionné à Villeneuve-le-Roi) et mère de Ferry III de Palaiseau. Depoin interprète ce nom Rencie comme une apocope de Laurence.
     Voyez à ce sujet C. JULIEN & J.-P. DAGNOT, «Les seigneurs de Linas», in ID., Chronique du vieux Marcoussy, http://pagesperso-orange.fr/vieux-marcoussis/Chroniques/linascheval.htm, en ligne en 2008.

     (2) Aimon de Bullion (Aymo ou Haymo de Boolun) est cité par vingt chartes du Cartulaire de Longpont (chartes 13, 14, 16, 17, 19, 20, 29, 38, 89, 337, 338, 339, 341, 343, 345, 347, 349, 350, 352, 353), comme aussi son frère Gautier (Galterius ou Walterius de Boolun ou de Buelon), qui l’est par seize chartes (chartes 38, 89, 103, 151, 220, 337, 338, 339, 340, 341, 343, 344, 345, 347, 349, 350).

     (
3) Marion, dans son Dictionnaire géographique du cartulaire (p.369), suggère, avec une hésitation marquée par un point d’interrogation, “Villa Romanaria, Villa Romenor. Villemeneux? (Seine-et-Marne), arrondissement de Melun, canton & commune de Brie-Comte-Robert”. Mais ce lieu est bien loin de Longpont comme de Bullion, et, surtout, une telle évolution phonétique n’est pas satisfaisante (On notera qu’il y a un autre Villemeneux à Tancrou, également en Seine-et-Marne, mais encore plus loin).
      Il vaut mieux remarquer avec l’abbé Lebeuf (Histoire du diocèse de Paris. Tome douzième, 1757, pp. 9-10), qu’on connaît tous les noms latins anciens des villages à l’entour de Montlhéry, sauf celui de Saint-Michel-sur-Orge, laquelle dénomination doit donc avoir remplacé progressivement celle de Villa Romenor (B.G.). L’hypothèse est reprise par Hippolyte Cocheris dans son Dictionnaire des anciens noms des communes de Seine-et-Oise, à l’article Saint-Michel-sur-Orge:
“Villa Romanaria? S. Michael (XIIIe s.), S. Michael super Orgeam, S. Michael ad Urbiam”.
     De ces deux graphies concurrentes quoique à peu près contemporaines, Villa Romanaria et Villa Romenor, il faut préférer la seconde, la moins normalisée et donc la plus proche du toponyme vernaculaire. Personne à ma connaissance n’en a proposé d’étymologie satisfaisante.
     Je suggère sans conviction de reconnaître ici la mauvaise latinisation d’un ancien français *Vil-Remanoir,
“Mauvais-Séjour”.
     Quoi qu’il en soit, ce lieu-dit est mentionné par quatre chartes du Cartulaire de Longpont.
     Dans la première, datée des environs de 1100 par Marion (n°118
) les trois fils d’une certaine défunte Rencie surnommée Comtesse (Rencia cognomento Comitissa) donnent, au jour de sa sépulture, une terre apud Villam Romenor.
     Dans la seconde, également datée des environs de 1100 par Marion (n°102) il est question d’un Josbertus de Villa Romenor, témoin de la donation d’une autre Rancie du Perray (Rancia de Perrolio), mariée à un certain Eudes (Odo).
     Dans la troisième,
datée des environs de 1109 par Marion (n°44) il est question d’une rente de cinq sous sis apud Villam Romanariam.
     Dans la quatrième et dernière, que nous rééditons ici, et que Marion date des environs de 1136,
une autre Rencie, épouse d’Aimon de Bullion, donne trois sous de cens assis apud Villam Romanariam.

     (4) Cette Lucienne, qui paraît ici, vers 1136 selon Marion, mariée à un certain Thomas Boivant (Thomas Bibens), ne paraît par être mentionnée autrement par le cartulaire de Longpont. Vers 1150 cependant (selon Marion), nous voyons une Lucienne épouse de Gautier d’Orangis (Walterius de Orangiaco) et sœur de Jean Roux d’Athis (Johannes Ruffus de Athiis), bienfaitrice de Longpont (charte 341); vers 1170 (selon Marion) un conflit au sujet de ce don est réglé en présence d’Aimon de Bullion et de son frère Gautier (Walterio de Boolun cum fratre ejus Aymone). Il faudrait donc préciser la généalogie de ces personnages, et éventuellement corriger les datations proposées par Marion (B.G.)

     
(5) Guy de Bullion est mentionné par six chartes du Cartulaire de Longpont (13, 14, 219, 220, 349, 350).

     (6) Thomas Boivant (Thomas Bibens) ne paraît mentionné que par cette charte, bien que l’index de Marion le mentionne comme cité par la charte suivante, n°14, où n’est en fait cité qu’un Thomas neveu d’Aimon de Bullion (mis sur le même plan donc que Guy de Bullion), tandis que le nôtre est son gendre; à moins de supposer une distraction du copiste: mais cette hypothèse est gratuite.

     (7) Thébert de la Tour est mentionné par deux chartes du Cartulaire de Longpont, celle-ci (n°13: Terbertus de Turre) et la charte n°28 (Tebertus de Turre).

     (8) et (9) Guy de Launay (Guido de Alneto), Launay étant un lieu-dit de la commune de Saint-Michel-sur-Orge, est mentionné par cinq chartes du Cartulaire de Longpont, les chartes 13, 26, 29, 151 et 335 (Guido ou Wido).
     
(9) Son frère Garin de Ver (Guarino de Ver) ne l’est que par celle-ci (n°13).

     (10Le régisseur (major) Thierry (Theodericus, Teodericus, Terricus), à ce qu’on apprend des quinze chartes du Cartulaire de Longpont qui le citent, parfois avec ses fils Geoffroy et Guillaume, et son neveu Robert, était le régisseur du domaine que les moines de Longpont possédaient au Plessis. Voici ces mentions, dans l’ordre du cartulaire: n°13 (Theodoricus major), n°14 (Theodericus major de Plessiaco... ipse Theodericus et Robertus nepos ejus), n°15 (Theoderico majore; Gaufredo filio ejus), n°16 (Theoderico majore, & filiis ejus, Gaufredo & Guillelmo), n°17 (Terricus, major), n°18 (Theodericus, major), n°19 (Theodericus, major), n°20 (Terrico, majore), n°25 (Terricus, major noster), n°34 (Theodericus, major), n°40 (Terrico, majore, Johanne famulo, Galfredo filio majoris), n°218 (Teoderico, majore), n°219 (Terricus, major), n°348 (Theodericus major), n°351 (Teoderico, majore).
      Le Plessis en question (Pleseiz, Plesseiz, Plesseium, Plessiacum) est sans doute le Plessis-le-Comte de l’actuelle commune de Fleury-Mérogis (plutôt que le Plessis-Pâté près de Longjumeau), car la charte n°14 le montre féal du seigneur de Grigny.


     
(11) Geoffroy Torpaut est mentionné comme témoin par seize chartes du Cartulaire de Longpont: 13 (Gaufredus Torpaut), 14 (Gaufredus Torpautlis), 34 (Gaufridus Torpaut), 38 (Galfredus Torpalt), 87 (Gaufredus Turpaudus), 134 (Gaufredus Torpaud), 138 (Gaufredo Torpaut), 177 (Gaufredus Turpaut), 216 (Gaufredus Turpaud), 219 (Gaufridus Torpaut), 307 (Gaufredus Turpauz), 345 (Galfredus Torpalt), 349 (Gaufredus Torpauz), 350 (Gaufredus Torpauz), 352 (Gaufredus Torpauz), 353 (Gaufredo Torpaut).
     On notera la survivance à l’époque contemporaine des patronymes Turpaud, Turpault, Torpaud, Tourpaud, Tourpault.
     Il ne faut pas le confondre, comme paraît le faire l’index de Marion, avec un noble donateur Geoffroy Turpis, “Geoffroy le Laid”,
cité par trois chartes plus anciennes, avec sa femme Doda et l’un de ses tenanciers, Hongier. Voyez les chartes 106 (Gaufredus Turpis & Doda, uxor ejus), 109 (id.), 114 (id.).

     (12) et (13) Geoffroy Langlois est mentionné par vingt et une chartes du Cartulaire de Longpont. Voyez les chartes n°13 (Gaufredus Anglicus; Symon, filius ejus), 15 (Gaufredo Anglo; Symone, filio ejus), 16 (Gaufredus Anglicus), 17 (Gaufredus anglicus; Symon, filius ejus), 18 (Gaufredus Anglicus), 19 (Gaufredus Anglicus), 21 (Gaufredo Anglico), 22 (Symon, filius Gaufredi Anglici), 134 (Gaufredus Anglicus), 138 (Gaufrido Anglico; Symone, filio ejus), 179 (Gaufredus Anglicus), 216 (Gaufredus Anglicus), 335 (Gaufredus Anglus), 336 (Galfredus Anglicus), 337 (Gaufredus Anglicus), 338 (Gaufredus Anglicus), 340 (Gaufredus Anglicus), 341 (Gaufredus Anglicus; Robertus Anglicus), 344 (Galfredus Anglicus), 350 (Gaufredus Anglicus), 351 (Gaufredo Anglico).
     
(13) Son fils Simon est cité par cinq de ces chartes, les n°13, 15, 17, 22 et 138 (mais non pas 16, comme indiqué par erreur par l’index de Marion).

2. Texte et notes de Marion (1879)

     Quoniam, ob succedentium temporum prolixitatem, preteritarum rerum seriem humane memorie facile surripit oblivio, pulcherrimus a predecessoribus mos inolevit ut ea videlicet, que futuris profutura ereduntur, commendacioris littere sigillo in perpetuum vivenda signentur. Commendamus igitur fidelium noticie quod Rencia, uxor Haymonis de Boolum, suppremo decunbens incommodo, ecclesie beate Marie de Longo Ponte, quam vivens plurimuin dilexerat, etiam moriens benigne memor, IIIes solidos censuales [p.74] eidem ecclesie, pro anime sue salute, perpetuo possidenda concessit, apud Villam Romanariam. Hoc concesserunt Haymo, maritus ejus, & Luciana, filia ejus. Hujus rei testes sunt: ipse Haymo; Guido de Boolum, nepos ejus; Thomas Bibens, gener ejus; Terbertus de Turre; Guido de Alneto; Guarinus de Ver, frater ejus; Theodericus, major; Gaufredus Torpaut; Gaufredus Anglicus; Symon, filius ejus.
S. D.
Vers 1136.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source du texte: L’édition de Jules Marion (1879).
 
   
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
 
Éditions

     Jules MARION, Le Cartulaire du Prieuré de Notre Dame de Longpont de l’ordre de Cluny au diocèse de Paris, publié pour la première fois avec une Introduction et des Notes. XIe-XIIe siècle [in-8°; 371 p.; 3 planches; texte latin; index], Lyon, A. Louis Perrin  & Marinet, 1879, n°XIII, pp. 73-74.
     Dont une réédition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111131d
, en ligne en 2008.

     Bernard GINESTE [éd.], «Un moine de Longpont: Donation de Rencie (notice, vers 1136)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-12-rencie1136longpont.html, 2008.

Voir aussi

     Christian JULIEN & Jean-Pierre DAGNOT, «Les seigneurs de Linas», in ID., Chronique du vieux Marcoussy, http://pagesperso-orange.fr/vieux-marcoussis/Chroniques/linascheval.htm, en ligne en 2008.
 

Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.

    
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