Corpus Latinum Stampense
 
Helgaud de Fleury
Vie de Robert II le Pieux
Vers 1040 (traduction Guizot de 1824)
     
Buste de Robert II le Pieux sur un denier de Laon (© Cliché BNF)  
Sceau de Robert II le Pieux
Buste de Robert II le Pieux sur un denier de Laon (© Cliché CGB)
Buste couronné de Robert II
sur un denier de Laon (© cliché BNF)
Buste de Robert II le Pieux
sur son sceau
Buste couronné de Robert II
sur un denier de Laon (© cliché CGB)

       Nous rééditons ici la traduction qu’a donnée François Guizot en 1824 de la Vie de Robert II le Pieux par Helgaud, abbé de Fleury, son contemporain et ami. Cette version a vieilli sans doute, et n’est pas sans défaut. Elle garde cependant un certain charme, outre qu’elle est libre de droits.
     On notera qu’il y est question d’Étampes à trois reprises dans cette Vita: 1) Anecdote fameuse du vol subi part Robert à Étampes dans le palais de la Reine Constance; 2) Évocation des cohortes de pauvres attitrés qui suivaient Robert partout, notamment à Étampes; 3) Mention de deux églises étampoises dans la listes des établissements fondés ou restaurés par Robert le Pieux.
     Nous donnerons ultérieurement le texte latin et une nouvelle traduction des passages qui concernent Étampes. En attendant, bonne lecture!
     Nous donnons en annexe la notice de l’Histoire Littéraire de la France sur Helgaud, et une bibliographie.

     Saisir des textes anciens est une tâche fastidieuse et il ne faut pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.

 
Vie de Robert II le Pieux

NOTICE
SUR HELGAUD.



     IL en est du moine Helgaud comme de la plupart des chroniqueurs de son temps; nous ne connaissons, de leur personne et de leur vie, que ce qu’ils en ont dit eux-mêmes dans leurs ouvrages, et nous sommes réduits à deviner, d’après des rapprochemens plus ou moins probables l’époque de leur naissance et de leur mort. Helgaud fut moine de Fleury, ou Saint-Benoît sur Loire, sous l’abbé Gosselin, élevé en 1004, à la dignité d’abbé de ce célèbre monastère, et mort archevêque de Bourges en 1029. Il termine sa Vie du roi Robert en disant: «Quant aux guerres du siècle, aux ennemis vaincus, aux honneurs acquis par le courage et le talent, je les laisse à conter aux historiographes qui, s’il y en a, et qu’ils s’occupent de cela, trouveront, sous ce rapport, le père et ses fils glorieux dans les batailles, et brillants à ce titre d’un grand éclat. Il écrivait donc probablement après l’an 1042, époque des guerres où se signala le roi Henri, fils de Robert, contre Étienne, comte de Champagne, et d’autres vassaux. [p.360] Enfin sa mort est marquée dans les Nécrologes des abbayes de Saint-Bénigne de Dijon et de Saint-Germain-des-Prez, au 27 ou 28 août 1048. Ce sont là les seuls renseignemens qu’aient recueillis sur son compte les érudits. Quant aux faits qu’il rapporte lui-même dans son livre sur ses travaux monastiques et ses relations avec le roi Robert ou quelques autres de ses contemporains, il est inutile de les répéter.
Portrait de Guizot par Vibert, Musée du château de Versailles
François Guizot (1787-1874)
    Le titre d’Abrégé (Epitome) qu’on lit en tête de sa Vie de Robert, a fait douter si l’ouvrage était de lui, et s’il ne fallait pas y voir plutôt un extrait d’un travail plus considérable entrepris sur le même sujet par quelque autre historien. M. de Sainte-Palaye a judicieusement réfuté cette opinion (A), et il suffit de lire la Chronique même pour sentir l’invraisemblance d’une telle conjecture. Elle porte tous les caractères de l’originalité; l’auteur écrit la vie de Robert parce qu’il l’a connu et parce que le roi a comblé son abbaye de bienfaits; il se complaît dans le détail de ses rapports personnels avec le roi, et à reproduire tout ce qu’il en a vu ou entendu conter à ses serviteurs. Ces rapports flattent sa vanité et lui ont inspiré pour le monarque une affection sincère. La plupart des chroniqueurs [p.361] n’ont pas eu, pour écrire, de si bonnes et si apparentes raisons.
     (A) Mémoire sur la vie et les œuvres du moine Helgaud, par M. de la Curne de Sainte-Palaye, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, tom. X. pag. 553-562.
     M. de Sainte-Palaye explique autrement, et d’une façon plus vraisemblable, ce titre d’Abrégé qui a exercé l’inquiète sagacité des érudits. L’espèce de Préface qui précède le récit, et ces premiers mots: «ici commence l’abrégé de la vie du roi Robert,» lui ont paru indiquer que cette vie faisait partie de quelque ouvrage plus étendu, probablement d’une histoire des abbayes de Fleury et de Saint-Aignan, rédigée par Helgaud ou par d’autres moines. Cette conjecture semble appuyée par la nature de l’ouvrage, consacré plutôt, comme le dit l’auteur lui-même, à la peinture du caractère des mœurs et des vertus religieuses du roi Robert, qu’au récit des événemens de son règne. C’est moins une histoire qu’un panégyrique destiné prendre place dans les archives de l’abbaye dont Robert s’était montré le bienfaiteur. Malgré cette circonstance, et peut-être pour faire preuve d’indépendance et d’impartialité, les savans Bénédictins ont traité l’ouvrage avec assez de mépris: «C’est, disent-ils, un sermon, une oraison funèbre, où l’auteur a placé beaucoup de minuties et est entré dans les plus petits détails, le tout assorti à un style affecté, rude et obscur. (B)» Rien n’est plus vrai; mais je ne pense [p.362] pas que le livre en ait moins de valeur; il nous fournit sur l’état des mœurs, la vie intérieure, la situation sociale du roi et de ses serviteurs, plus de renseignemens, et des renseignemens plus naïfs et plus curieux que la plupart de ces chroniques où les faits sont sèchement enregistrés sous chaque année. A tant de siècles de distance, les guerres, les révoltes, les accidens extérieurs et matériels de la destinée d’une époque ou d’un homme, sont encore importans pour la science; mais les monumens et les souvenirs de la nature morale conservent seuls le pouvoir d’intéresser notre imagination.

François Guizot [p.363]

     (B) Histoire littéraire de la France, tom. VII, pag. 405-409.
   

PRÉFACE.

     Ici commence l’abrégé de la vie du pieux roi Robert.

     LE maître du céleste empire, à qui l’esprit de superbe voulut s’égaler en puissance, a choisi sur la terre des princes pour tenir les sceptres puissans du siècle; et comme la sainte Église, notre mère, en a obtenu, pour gouverner le peuple de Dieu, des évêques, des abbés et autres ministres revêtus des Ordres sacrés, de même il a fait choix en ce monde d’empereurs, rois et princes pour châtier les malfaiteurs et réprimer l’audace des méchans, afin que Dieu soit loué dans les siècles des siècles. Et puisque ce discours a commencé par les Pères du monastère de Saint-Aignan, il est nécessaire et utile de reconnaître celui qui a été le père commun de tous, afin que tout le monde reçoive consolation de ce que la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ a choisi ce bon prince, et de ce que la majesté divine l’a établi souverain de ses enfans. Nous dirons à qui ceci se rapporte.

     Ainsi donc, par l’ordre de la toute-puissance du Dieu Tout-Puissant, et le secours de saint Aignan, nous avons fait mémoire de monseigneur et révérend Leudebod, abbé du susdit monastère de Saint-Aignan, lequel, par testament, a transporté ce qui lui appartenait en propre à Saint-Pierre d’Orléans, à Sainte-Marie, [p.364] et à Saint-Pierre de Fleury. Maintenant, nous voulons ajouter à cet écrit que le très-bon et très-pieux Robert, roi des Français, fils de Hugues, dont la piété et la bonté ont retenti par tout le monde, a de tout son pouvoir enrichi, chéri et honoré ce saint, par la permission duquel nous avons voulu écrire la vie de ce très-excellent roi, digne d’être imité par les âges présens et futurs; afin que les ames tièdes y apprennent ce que valent les œuvres de charité, d’humilité et de miséricorde, sans lesquelles nul ne pourra parvenir au royaume céleste, et qui ont tellement éclaté en lui, qu’après le très-saint roi-prophète David, nul en ceci ne lui peut être égalé, particulièrement dans la sainte humilité qui, se tenant toujours en présence de Dieu, unit à Dieu de corps et d’esprit ceux qui l’aiment. Nous commencerons par décrire, ainsi que nous l’avons vu, les traits de son visage et la beauté de son corps, aidés en ceci du secours de notre Seigneur Jésus-Christ qui, par sa naturelle bonté, inspire qui il veut, comme il veut, et quand il veut. [p.365]


Sceau de Robert II le Pieux
Sceau de Robert II
VIE DU ROI ROBERT.

     DANS le temps où Dieu jeta les yeux sur les fils des hommes, pour voir s’il en était un qui le connût et le cherchât, le roi des Français fut Robert, d’une très-noble origine, fils de l’illustre Hugues, et d’Adélaïde, pour qui l’honneur d’être sa mère paraît un éloge suffisant. Son auguste famille, comme lui-même l’affirmait en saintes et humbles paroles, avait sa souche en Ausonie. Quant à lui, illustre par des actions vertueuses, il augmentait chaque jour l’éclat de son mérite, déjà remarquable par la connaissance parfaite de toutes les sciences. Il avait la taille élevée, la chevelure lisse et bien arrangée, les yeux modestes, la bouche agréable et douce pour donner le saint baiser de paix; la barbe assez fournie, et les épaules hautes. La couronne placée sur sa tête indiquait qu’il sortait d’une race qui fut royale dans son aïeul et son bisaïeul. Lorsqu’il montait son cheval royal, (chose admirable) les doigts de ses pieds rejoignaient presque le talon, ce qui dans ce siècle fut regardé comme un miracle par ceux qui le voyaient. II priait Dieu fréquemment et continuellement, fléchissait le genou une innombrable quantité de fois, et pour me servir des termes d’Aurelius Victor, et parler le langage [p.366] humain, c’était un homme parvenu au plus haut rang par ses mérites en tout genre. Lorsqu’il siégeait dans le consistoire, il se disait volontiers client des évêques. Jamais une injure reçue ne le porta à la vengeance; il aimait la simplicité, et se livrait à la conversation , aux promenades et aux repas en commun; il était tellement appliqué aux saintes lettres, qu’il ne se passait pas de jours qu’il ne lût le psautier, et ne priât le Dieu très-haut avec saint David. Il fut doux, reconnaissant, d’un caractère civil et agréable, et plus bienfaisant que caressant.

     Ce même roi, au très-sage cœur, auquel étaient naturels les dons de la science parfaite, qu’il avait reçus de Dieu même, fut très-savant dans les lettres humaines. Sa pieuse mère l’envoya aux écoles de Rheims, et le confia au maître Gerbert, pour être élevé par lui, et instruit suffisamment dans les doctrines libérales, et de manière à plaire en tout, par ses hautes vertus, au Dieu tout-puissant. Ainsi fut fait. Ce même Gerbert, à cause de son mérite qui brillait dans tout le monde, reçut du roi Hugues l’archevêché de Rheims; en peu d’années il le pourvut splendidement des choses nécessaires à une église sainte. En quittant ce diocèse il fut mis à la tète de celui de Ravenne, par Othon III; de là, bientôt élevé au siége du très-saint apôtre Pierre, il montra dans cette dignité de très-grandes vertus, et fut surtout remarquable par de saintes aumônes dans lesquelles il persista fortement tant que dura sa fidèle vie. Entre autres choses, gai et de bonne humeur, il plaisante ainsi de lui sur la lettre R.
Scandit ab R. Girbertus in R. post papa viget R. [p.367]
«Gerbert est monté de Rheims à Ravenne, et depuis pape règne Rome.»

     Il montrait clairement par là que les trois évêchés que lui Gerbert, fait moine par la profession de la vie régulière sous la règle de son père saint Benoît, avait reçus, gouvernés et possédés, étaient désignés par le signe de la lettre R, qui se trouve au commencement de ces mots.

     Robert, cet humble serviteur de Dieu, eut pour compagnon dans son éducation maître Ingon, qui reçut de lui l’abbaye de Saint-Martin et celle de Saint-Germain de Paris, rendant ainsi au siècle ce personnage remarquable, ainsi qu’il convenait à un tel homme. Nous aurons soin de dire brièvement et en peu de paroles, comment les semences des vertus prospérèrent en Robert.

     Dans un certain temps, cet homme de miséricorde et de piété se trouva au palais de Compiègne, et y fit une action qui fut connue de tout le monde, et donna un exemple de piété et de miséricorde. Cet aimable roi se disposait à célébrer la sainte Pâque en ce lieu, le jour de la Cène du Seigneur, lorsqu’une inique conspiration fut tramée par douze personnes qui jurèrent sa mort, et voulaient lui ôter la vie et la couronne. Le roi ordonna de les prendre et de les lui amener. Il les interrogea, commanda de les garder dans la demeure de Charles le Chauve, de les nourrir magnifiquement des viandes royales, et au jour de la sainte Résurrection, de les fortifier par la réception du corps et du sang de Jésus-Christ.Ensuite leur cause fut exposée; ils furent jugés, condamnés, et il y eut [p.368] contre eux autant de sentences de mort qu’ils étaient d’hommes. Ce prince de Dieu, pieux, prudent, savant et intelligent, les entendit, et leur pardonna pour l’amour du doux Jésus, disant qu’il ne pouvait faire exécuter ceux qui avaient été repus de la viande et du breuvage céleste; et, afin qu’ils ne retombassent pas dans le même crime, il les exhorta par ses saints discours, et les renvoya chez eux impunis.

     Quant aux larcins des pauvres, clercs ou laïques, faits contre lui, et qui portaient sur de l’or, de l’argent, ou de très-précieux ornemens, il en était pleinement consentant. Lorsqu’on voulait les poursuivre, il feignait qu’il n’y eût point de crime dans leur action, et jurait, par la foi du Seigneur, qu’ils ne perdraient point ce qu’ils avaient emporté. La reine Constance avait fait construire un beau palais et un oratoire au château d’Etampes. Le roi, gai et content de cela, s’y rendit avec les siens pour dîner, et ordonna que la maison fût ouverte aux pauvres de Dieu. Un d’eux s’étant placé à ses pieds, fut nourri par lui, sous la table; mais ne perdant point l’esprit, le pauvre aperçut un ornement de six onces d’or qui pendait aux genoux du roi, de ceux qu’en langue vulgaire nous nommons franges ou falbalas; il le coupa avec son couteau, et s’éloigna rapidement. Lorsqu’on voulut délivrer la chambre de la foule des pauvres, le roi commanda qu’on éloignât ceux qui avaient été rassasiés de chair, d’alimens et de boisson, et comme ils se retiraient de la table, la reine remarqua que son seigneur était dépouillé de sa glorieuse parure; troublée, elle se récria contre le saint de Dieu avec ces paroles peu calmes: «Eh! mon bon seigneur, quel ennemi de Dieu vous a enlevé votre [p.369] beau vêtement d’or? — Moi? dit-il; personne ne me l’a ravi; mais, Dieu aidant, il servira plus utilement à celui qui l’a emporté qu’à nous.» Ayant dit ces paroles, le roi entra dans son oratoire, qui était un don de Dieu, souriant de sa perte et du discours de son épouse. Là étaient présens maître Guillaume, abbé de Dijon, le comte Eudes et plusieurs Français des plus considérables.
Jean Fouquet: Le Roi Robert à Rome (miniature pour les Grandes Chroniques, XVe siècle)
Miniature de Jean Fouquet (XVe siècle):
Robert II le Pieux à Rome.
Siège de Melun en 999
     Il faut encore raconter des actions non moins pieuses. Un certain évêque n’ayant point une saine foi sur le Seigneur, et cherchant, pour plusieurs causes, des preuves sur la nature corporelle de Jésus-Christ, le roi, ami de la vérité, ne supporta pas cela et lui écrivit en ces termes: «Tandis que tu portes un nom de science, la lumière de la sagesse ne luit pas en toi, et je cherche par quelle audace, soit à cause de tes iniques volontés, soit,à cause de cette haine invétérée que tu portes aux serviteurs de Dieu , tu oses élever des doutes sur le corps et le sang du Seigneur; et lorsqu’il est dit par le prêtre qui le distribue; Que le corps de Jésus-Christ te serve au salut du corps et de l’ame, comment tu ne crains pas de dire d’une bouche téméraire et souillée: Si tu en es digne, reçois-le? tandis que personne n’en est digne. Pourquoi attribues-tu à la Divinité les fatigues du corps, et joins-tu à la divine nature l’infirmité des douleurs humaines?» Et ce prince de Dieu, jurant alors par la foi du Seigneur, continua en disant: «Tu seras privé des honneurs du pontificat, si tu ne renonces pas à ces erreurs; et tu seras condamné avec ceux qui ont dit à Dieu: Éloignez-vous de nous, et tu n’auras pas de communication avec ceux à qui il est dit: Approchez [p.370] de Dieu, il se rapprochera de vous.» L’évêque, mal instruit, mais sagement repris par le bon roi, ayant ouï ces paroles, se tint tranquille, se tut, s’éloigna de ce dogme pervers, contraire à tout bien, et qui déjà croissait dans ce siècle.

     Ce roi, serviteur de Dieu, placé dans le sein de l’Église sa mère, fut un zélé gardien du corps et du sang du Seigneur et de ses vases sacrés; il ordonnait tout aussi parfaitement que s’il eût vu Dieu, non seulement descendu sur l’autel , mais dans la propre gloire de sa sainte majesté; sa dévotion à cet égard veillait surtout à ce que le Seigneur fût immolé, pour l’expiation des péchés de tout le monde, par un prêtre dont le cœur fût pur et le vêtement blanc; par son assiduité à ce service, déjà destiné pour le ciel, il était heureux sur la terre; il se plaisait à orner les reliques des saints d’or et d’argent, à donner des vêtemens blancs, des ornemens sacerdotaux, des croix précieuses, des calices fabriqués en or pur, des encensoirs exhalant un parfum choisi, et des vases d’argent pour les mains des prêtres qui se tenaient à toute heure devant Dieu, priant pour les péchés de tout le peuple. Que dirai-je? Un vase pour le vin, fait en argent, et qu’on nomme cantare, fut volé par un de ses clercs, ce qui rendit le roi triste de toute manière, mais pas au point de faire inquiéter ce clerc, qui depuis lui fut très-cher; il menaça seulement de faire poursuivre le vol, et, bon gré, malgré, l’ecclésiastique auteur de cette mauvaise action fit faire la recherche du vase, le racheta, et le remit en son lieu. Le roi, ami de Dieu, plaisantant là-dessus, dit au clerc: «Il vaut mieux porter dans la maison ses propres [p.371] effets qu’en emporter, de peur d’être semblable à Judas, qui était voleur, gardait la bourse et dérobait ce qui lui était confié.» Le roi eut ensuite ce clerc près de sa personne pour son service, et celui-ci devint digne de ses bons conseils, car cet homme très-pieux savait par sa vertu soigner les plaies d’autrui, et, selon les commandemens du père Benoît, ne les point découvrir ni publier. Nous prions donc Dieu que, par sa clémence, il efface pour une telle action ses péchés, et que par l’intercession de tous les saints, le roi possède les joies promises aux justes.

     Il m’est très de communiquer aux oreilles des fidèles ce qui est si digne d’être raconté la mémoire de ce roi doux et libéral nous appellera, nous tous qui aimons Dieu, dans ce jour où la trompette sonnera, non celle qui est d’airain, mais celle qui procède du céleste trésor, et qui, ouvrant sa bouche, dit: «Verse l’aumône dans le sein du pauvre, et elle priera pour toi.» Réfléchissant sur un tel homme, il se présente à nous mille choses, par la. pensée, l’ouïe ou le discours, qui ne peuvent être écrites à cause de leur grand nombre, car Dieu seul connaît, par Son immense sagesse et science, ce qui ne peut être compris par l’esprit d’hommes misérables. Et parce que nous nous intéressons au monde, nous nous réjouissons des actions de cet excellent roi; car, à ce que nous croyons, Dieu, ce roi glorieux, est loué par ses œuvres; Dieu, du royaume duquel sera pour l’éternité celui qui aura été grand par une entière pureté de cœur et de corps. Et que l’univers croie bien que le monde serait encore plein de joie par sa bonne et agréable vie, [p.372] si le Fils de Dieu, mort polir les pécheurs, l’avait voulu.

     Un jour étant allé à l’église, et prosterné devant Dieu en oraison, ce roi, doux et humble de cœur, fit rougir de sa faute un certain homme, à l’occasion d’un ornement en fourrure qui lui descendait du cou; tandis qu’il épanchait ses prières devant le Seigneur, Rapaton, voleur (non ce fameux chef de brigands qui occupe le commencement de la leçon du livre des Rois) s’approcha de lui, et prit la moitié de la frange du manteau du roi; mais il reçut de sa bouche cet ordre indulgent et plus doux que le miel: «Retire-toi, ce que tu as pris te suffira, et le reste peut être nécessaire à quelque autre.» Le voleur confus obéit au commandement du saint homme, qui, pour l’amour de Dieu, compatissait ainsi d’habitude aux pauvres, et à ceux qui étaient en faute, afin de les avoir pour intercesseurs auprès de Dieu, car il savait qu’ils étaient déjà citoyens du ciel.

     Poissy, résidence royale, placée sur la Seine, est très aux rois des Français; trois monastères y ont été bâtis par de saint personnages, un en l’honneur de sainte Marie, un en celui de saint Jean, et le dernier, en celui de saint Martin, confesseur. Le bon roi adopta le monastère érigé en l’honneur de la sainte Mère de Dieu, le bâtit de nouveau, et le rendit très-beau pour les ornemens, les prêtres, l’or et l’argent. La louange de Dieu n’y était pas interrompue, là il s’unissait continuellement au Seigneur par ses oraisons. Un jour il arriva au lieu de repos de son humble corps, après avoir répandu devant Dieu et dans la prière ses torrens de larmes accoutumés, il trouva [p.373] sa lance bien ornée d’argent par sa glorieuse épouse; il regarde aussitôt à la porte pour voir s’il se trouverait quelqu’un à qui cet argent fût nécessaire; il aperçoit un pauvre, et lui demande avec adresse s’il aurait quel que ferrement au moyen duquel on pût enlever l’argent de dessus le bois. Ce serviteur de Dieu ordonne ensuite au pauvre, qui ne savait pas ce qu’il en voulait faire, d’aller lui en chercher un tout de suite. Pendant cet intervalle il vaquait à l’oraison. L’envoyé revenant, lui apporta un fer assez, propre: à une telle destination; les portes se fermèrent, le roi bienfaisant, avec l’aide du pauvre, ôta l’argent de la lance, le donna au pauvre, le mit dans son sac de ses saintes mains, et lui recommanda, comme à l’ordinaire, de prendre garde en sortant que sa femme ne le vit. Le pauvre obéit aux ordres du roi. Tout étant fini, la reine arriva, demanda ce qu’était devenue cette lance, et s’étonna de voir ainsi détruit ce bel ornement par lequel elle avait espéré réjouir son seigneur. Le roi par plaisanterie lui répondit, en jurant la foi du Seigneur, qu’il ignorait le fait; il s’éleva entre eux une dispute amicale. Tant de libéralité en aumônes leur profita à tous deux, et, avec l’aide de Dieu, elle était de grand bénéfice à ceux qui voulaient mourir au monde et vivre en lui. Il y a encore à raconter plusieurs traits d’une piété non moins grande dont nous avons déjà parlé.
Gisant de Robert II le Pieux à la Basilique Saint-Denis
Gisant de Robert II à Saint-Denis



Gisant de la reine Constance à la Basilique Saint-Denis
Gisante de Constance à Saint-Denis
     Un certain pauvre clerc, venant du royaume de Lorraine, fut présenté au roi serviteur de Dieu, et reçu par lui. Ce clerc s’appelait Oger; le roi le traitant avec trop de bonté, l’associa à son collége de saints prêtres, l’enrichit suffisamment de toutes sortes [p.374] de manières, espérant habiter avec lui un grand nombre de jours et d’années. Mais ce fourbe fut découvert d’une manière qu’il n’avait pas prévue, car le prophète David avait bien dit de lui: «Les paroles de sa bouche sont iniquité et ruse; il n’a pas voulu comprendre pour bien agir; il a médité le crime dans son lit; il ne s’est pas appliqué à la bonne voie, et n’a pas haï la malice (C)» Car on voyait revivre en lui la conduite de Judas qui trahit le Seigneur, et qui gardait la bourse et dérobait ce qui lui était confié: en effet, un certain jour, sur le soir, au moment où la nuit approchait, le roi ayant soupé avec les siens se disposait à accomplir ses devoirs envers Dieu, et à lui rendre l’hommage qui lui appartenait. Il marcha, selon sa coutume, vers l’église, précédé par des clercs qui portaient devant lui des chandeliers d’un grand prix. Lorsqu’ils furent arrivés, l’humble roi fit signe de ne point approcher du sanctuaire, et se plaçant dans l’angle, il offrit ses vœux à son doux Seigneur. Tandis qu’il méditait en la présence de Dieu, il vit Oger mettant à terre la cire, et cachant dans son sein, le chandelier. Les clerc qui devaient être gardiens de ces effets, furent troublés de ce vol, et en parlèrent au roi, qui dit n’en rien savoir. Ce fait parvint aux oreilles de la reine Constance sa femme, dont quelqu’un avait dit, en plaisantant sur son nom:
«Constans et fortis quæ non Constantia ludit.»
«Constance, constante et forte, qui ne plaisante pas.»
     (C) Ps. 35, v. 3 et 4.




     Enflammée de fureur, elle jura par l’ame de son [p.375] père Guillaume, qu’elle infligerait des peines aux gardiens, les priverait des yeux, et leur ferait d’autres maux, si ce qui avait été enlevé du trésor du saint et du juste ne se retrouvait pas. Le roi, qui avait le calme de la piété, appela le voleur, dès qu’il eut entendu ces paroles, et lui parla ainsi: Ami Oger, va-t’en d’ici de peur que ma femme irritée ne t’anéantisse bientôt; ce que tu as te suffira jusqu’à ce que tu sois dans ton pays natal; que le Seigneur t’accompagne partout où tu iras.» Lorsque l’auteur du vol entendit ces paroles, il tomba aux pieds du pieux roi, et se roula par terre, en criant: « Secourez-moi, seigneur; secourez-moi!» Mais le roi voulant le sauver, lui dit: «Va-t’en, va-t’en, ne demeure pas ici.» Et il ajouta plusieurs choses à celles qu’Oger emportait afin qu’il ne manquât de rien en route. Quelques jours après, le roi, serviteur de Dieu, supposant qu’Oger devait avoir atteint le lieu de sa naissance, et conversant avec les siens, dit, doucement et agréablement: «Mon cher Theudon (car ce Theudon était très-familier avec lui) , pourquoi te fatigues-tu à chercher ce candelabre que le Dieu tout-puissant a donné à un de ses pauvres? Sachez, toi et les tiens, qu’il lui est plus nécessaire qu’à nous pécheurs, à qui le Seigneur a donné toutes les richesses de la terre, afin que nous vinssions au secours des pauvres, des orphelins, et de tout le peuple de Dieu.»

     Ses officiers lui construisirent par son ordre un beau palais à Paris; et voulant l’honorer par sa présence le jour de Pâques, il commanda qu’on y préparât un grand repas, selon l’usage royal. Comme [p.376] il allait prendre de l’eau, pour se laver les mains, un aveugle qui était là dans la foule des pauvres, qui lui étaient un cortège perpétuel, s’approcha du roi, et le pria de lui jeter de l’eau sur la figure et d’offrir pour lui une humble prière. Le roi accueillit par manière de jeu la demande du pauvre; et lorsqu’il eut l’eau sur les mains il lui en lança au visage: aussitôt l’aveugle, à la vue de tous les grands qui étaient présens, recouvra l’usage des yeux par l’attouchement de l’eau. Tous louèrent le Seigneur; et le pauvre, content, s’assit au banquet avec les convives. Pendant tout le jour on n’eut au repas d’autre entretien que de louer sur ce miracle le Dieu tout-puissant. Peut-être les discours des convives eussent été vains et inutiles, s’ils n’eussent pas été éclairés en cette journée d’une si grande lumière; et certes, on ne peut raisonnablement s’étonner que le roi ait fréquemment honoré de sa présence ce palais, que la vertu divine a illustré par un tel miracle, et a consacré par la joie du peuple, le premier jour où ce pieux roi a voulu y prendre son repas.


Gisant de la reine Constance à la Basilique Saint-Denis
Gisante de Constance à Saint-Denis
     Ce vertueux prince, vivant de la vie des justes, s’appliquait à ne pas permettre le mensonge à sa bouche, et à dire la vérité du cœur et dès lèvres; il jurait souvent par la foi du Seigneur; mais voulant rendre les siens innocens comme lui, lorsqu’ils lui prêteraient serment, il fit faire un reliquaire de cristal, orné tout autour d’or pur, mais qui ne renfermait point d’os des saints. Ses grands, ignorant cette pieuse fraude, juraient dessus; il en fit construire un autre d’argent, dans lequel il mit un œuf d’un certain oiseau nommé griffon, et sur ce vase il faisait prêter serment [p.377] de fidélité aux gens moins puissans, et à ceux des campagnes. Oh! combien convenaient parfaitement à ce saint homme les paroles du prophète sacré, lorsqu’il disait: «Il a habité dans le tabernacle du Très-Haut, celui qui a dit la vérité dans son cœur, qui n’a pas eu de fausseté sur les lèvres, qui n’a pas fait de mal à son prochain, et n’a pas cherché à lui nuire.»

Griffon du tympan de l'église Saint-Basile d'Etampes (début XIe siècle)
Griffon de Saint-Basile d’Étampes régurgitant une jambe (X ou XIe siècle)
Griffon de la mosaïque de Torcello (début XIe siècle)
Griffon de Torcello (début XIe siècle)
     Il faut dire en peu de paroles combien ce roi posséda la vertu d’humilité. Tenant une assemblée avec les évêques de son royaume, et les regardant l’un après l’autre, il en vit un accablé par son embonpoint, et dont les pieds pendaient de haut; conduit par un sentiment de piété, il chercha des yeux un tabouret, et, en trouva un. Alors ce roi, cher à Dieu et aux hommes, le prit dans ses mains, voulut lui-même l’offrir à ce pontife, et ne dédaigna pas de le lui poser lui-même sous les pieds. C’était l’évêque de Langres, nommé Lambert, et puissant par la science, la religion et la bonté. Tous les évêques et les princes furent dans une telle admiration de cette action, qu’ils proclamèrent à plusieurs reprises Robert un roi humble et parfait. En effet, ce prince, aimé de Dieu, ne perdit pas le souvenir de la sainte loi, et se la rappela dans toutes ses actions. Il savait bien qu’il est écrit «La science est la vertu, et l’humilité sainte est gardienne de la vertu.» Et il connaissait ces paroles du bienheureux pape Grégoire:
     «Celui qui recueille des vertus sans humilité, porte de la poussière au vent.» Il avait lu ce qu’a dit un Père: «Tout travail sans humilité est vain; le signe de l’humilité donne le royaume des cieux.» [p.378] Nous donc Dieu, afin que ce prédestiné, qui a déposé toute l’enflure de l’orgueil, et s’est uni à Jésus, son Dieu, par la vertu de la sainte humilité, lui soit uni de même di l’éternité; qu’au jour du jugement, il soit placé à la droite du Seigneur, q Jésus-Christ ne trouve rien à condamner en lui, et que par son immense miséricorde, il le conduise à la couronne de gloire, qu’il a promise à ceux qui l’aiment; car ce Dieu, que ce saint roi a tant et tellement aimé cru et désiré, est le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, et l’espérance des fidèles!


     Cet humble roi Robert, qui rejetait loin de lui tout orgueil, et doit être nommé avec toute sorte d’amour, s’étudiait à plaire par ses vertus à celui qui habite dans les cieux. Il évitait les personnages élevés, et accueillait autant qu’il pouvait les obscurs, afin qu’ils rendissent au vrai Dieu des hommages véritables. Il suivait en cela l’exemple du vénérable Ambroise, évêque de Milan, qui livra, pour s’être enflés d’orgueil, à d’immenses gémissemens deux clercs de son église, jusqu’à ce que, corrigés par la verge de la discipline sacerdotale, ils eussent foulé aux pieds leur superbe, et appris l’humilité. Ce même saint pontife a soin de décrire, dans son Traité du déluge et de l’arche de Noé les habitudes des orgueilleux, de même que les racontait le prophète Isaïe, au sujet filles de Judée, qui brillaient par leurs mouvemens d’yeux, et marchaient en portant la tête haute; car il y a des gens qui élève leurs sourcils, enflent leurs cœurs, gonflent leur poitrine, reculent la tête en arrière, frappe fortement le sol de leurs pieds, se balancent le corps , et se couvrent de vains ornemens. Au premier [p.379] pas, ils marchent en avant, et au second, se renversent en arrière, Ils regardent le ciel, méprisent la terre, et on dirait que, tourmentés de douleurs de tête, ils ne peuvent la baisser. Dieu les a rayés du livre de vie, en disant: «Celui qui s’élève sera humilié;» et il ne les inscrira pas dans les célestes histoires des mérites des saints; c’est pourquoi nous disons tout cela, afin que tous connaissent combien ce grand empereur des Français a méprisé le monde, et combien son humilité lui a acquis le royaume des cieux.

      Hugues, aïeul de ce grand roi, et nommé Grand, pour sa piété, sa bonté et son courage, avait construit magnifiquement avec son fils un monastère dédié à saint Magloire, confesseur de Jésus-Christ, et situé à Paris; il y avait placé des moines, destinés à vivre sous la règle de saint Benoît, et avait enrichi ce lieu par l’or, l’argent, et d’autres ornemens, pour son salut, celui de son fils et celui de sa postérité future. Adélaide, déjà nommée comme mère de Robert, reine admirable par s sainte piété, fonda aussi le monastère de Saint-Frambault, dans la ville de Senlis; elle y mit douze clercs pour servir Dieu, et leur fournit abondamment de quoi vivre; elle bâtit aussi un couvent à Argenteuil, ville dans le territoire de Paris, où elle assembla un nombre égal de du Seigneur qui devaient y servir Dieu sous la règle de saint Benoît, et qu’elle voulut consacrer et dédier sous l’invocation de la bienheureuse Marie, mère de Dieu, et toujours vierge, à la louange et à la gloire du Dieu tout qui seul inspire tout bien Elle fit don encore à saint Martin, évêque, d’une [p.380] chasuble travaillée en or très-pur. On y voyait, entre les épaules, la majesté du pontife éternel, et les chérubins et les séraphins, humiliant leurs têtes devant le Dominateur de toutes choses. Sur la poitrine, l’agneau de Dieu, victime de notre rédemption, liant quatre bêtes de divers pays qui adoraient le Seigneur de gloire. Elle fit aussi, pour ce bienheureux confesseur, une chappe tissue d’or, et deux d’argent. Elle fabrique aussi pour saint Denis, son protecteur spécial après le Seigneur, une chasuble faite de même, et d’un travail admirable. Elle lui offrit aussi, comme il convenait à une telle femme, un ornement appelé le globe de la terre, et semblable à celui de Charles le Chauve. Cette reine, fidèle à Dieu, espérait ainsi se concilier la faveur de ce saint, à qui Dieu a promis par un fidèle serment de lui accorder ce qu’il lui demanderait pour quelqu’un; et toute la famille de cette reine se proclamait, dévouée en toutes choses à un si grand martyr, rendant à son Dieu l’hommage d’une profonde obéissance, comme il convient à des serviteurs. Les amis particuliers de cette maison étaient la bienheureuse Marie, saint Benoît père et chef des moines, saint Martin, saint Aignan, et les victorieux martyrs Corneille et Cyprien. Mais les plus vénérés de tous par cette race, étaient le glorieux martyr Denis, et l’illustre vierge Geneviève. On rapporte que Hugues en mourant, dit à son fils:
     «Bon fils, je t’adjure, au nom de la sainte et indivisible Trinité, de ne pas livrer ton ame aux conseils des flatteurs, et de ne pas écouter les vœux de leur ambition, en leur faisant un don empoisonné de ces abbayes que je te confie pour toujours; je [p.381] souhaite également qu’il ne t’arrive point, conduit par la légèreté d’esprit, ou ému par la colère, de distraire ou enlever quelque chose de leurs biens: mais je te recommande surtout de veiller à ce que, pour aucune raison, tu ne déplaises jamais à leur chef commun, le grand saint Benoît, qui est un accès sûr, auprès du souverain juge, un port de tranquillité, et un asile de sûreté, après la sortie de la chair.»

Martyre de saint Denis (Richard de Monbaston, XIVe s.)
Martyre de saint Denis (XIVe s.)

Globe de Charles le Chauve
Charles le Chauve et son globe


     Il faut raconter en peu de paroles les bonnes œuvres que fit cette servante de Dieu, mère du sage roi Robert. Quand il était enfant, il fut attaqué d’une grave maladie, dont le danger inquiétait son père et sa mère; c’est pourquoi elle donna à l’église que saint Évurce avait bâtie, avec l’aide de Dieu, dans l’ancienne ville d’Orléans, et que, selon le rite ecclésiastique, il avait consacrée à l’honneur de la croix sainte et vivifiante, une image de Notre-Seigneur sur la croix, en or pur, afin que Dieu sauvât de la mort celui que sa toute-puissance avait déjà marqué pour régner sur la terre, et qu’il délivra par sa volonté. Hugues, de son côté, avait donné aussi à l’église de la Croix,  et pour obtenir la santé de son fils, un vase d’argent pesant soixante livres, et qui est demeuré, dans ce lieu saint jusqu’à nos jours. Robert, devenu homme par son âge et ses vertus, et serviteur du Dieu tout-puissant, à qui il plaisait par ses louanges et ses discours, étant accablé de chagrin, rendit, par un don, l’église de cette sainte croix qui porte le salut, et pour qu’elle fût célébrée dans tous les siècles, toutes les terres qui lui avaient appartenu, et que Foulques, évêque d’Orléans, avait données, à Beauvais, [p.382] au puissant Hugues pour obtenir son secours. Il aima toujours spécialement cette ville d’Orléans où il était né, avait été élevé, et depuis régénéré dans l’eau et l’Esprit-Saint, et où, après son élévation au trône, il avait reçu une bénédiction solennelle. L’illustre Thierri, évêque de cette ville, dont la voix publiait dignement les louanges du Seigneur, voulut laisser une mémoire de lui dans le monastère de la sainte Croix, et ordonna qu’on fît un vase du prix de cent sous d’or pur, dans lequel on consacrerait le sang de notre Seigneur Jésus-Christ. L’humble roi voulut se joindre à ce dessein d’un si grand pontife, et, touché de l’amour divin, fit faire, pour servir avec le saint calice, une patène pour y produire le corps du sauveur du monde, afin que sur l’autel fût la fois le signe de la croix et la sainte passion, vraie rédemption des corps et des ames. Il donna encore à l’évêque Odolric un vêtement sacerdotal, pour qu’il parût entouré d’or et de pourpre lorsqu’il se présenterait à l’autel du Seigneur. Ce généreux prince donna encore à l’église de la sainte Croix un petit vase d’albâtre du prix de soixante livres, et en même temps un manipule d’argent.

     Il donna aussi trois précieux manteaux pour l’ornement du lieu saint, pour son salut et celui de ses enfans, et beaucoup d’autres choses dont l’écriture ne peut dire le nombre ni la qualité. Il revêtit d’or, d’argent, de pierres précieuses, les corps des saints martyrs Savinien et Potentien, qui ont souffert, auprès de Sens, une mort très-cruelle, afin que le monde se confiât en ceux qu’un roi, digne de louanges, honorait [p.383] de telle sorte sur la terre. De plus, par une grande bonté, il accorda la pêcherie de la Loire, et confirma ce don par un édit, au patriarche saint Benoît et aux siens, auxquels il fut toujours attaché de cœur pour leur admirable vie dans toute l’étendue de la terre. II ne leur demanda en retour que le secours de leurs prières; il affermit de plus, par sa royale autorité, l’ordonnance d’immunité du lieu nommé Fleury, et de toutes les choses destinées au service du monastère, et ce bon et sage prince la scella de son sceau. Il montra clairement, par ses dons d’ornemens ecclésiastiques, son respect pour saint Benoît, qu’il aima chèrement, car il fit présent d’un pallium précieux à l’autel de la sainte Mère de Dieu, après l’incendie qui fut pour le lieu saint une très-grande calamité; et il orna son sanctuaire d’un admirable encensoir embelli d’or et de pierreries, et qui s’élevait facilement en haut. II était placé à merveille auprès de celui en or pur que l’abbé Gosselin avait fait faire par un habile ouvrier, et dont le travail brille au-dessus des plus bel les choses que nous ayons vues et décrites dans l’église de Fleury. Robert rebâtit aussi de nouveau, à Autun, ville considérable, pays des Éduens, le monastère qui était dédié à saint Cassien, confesseur, et tombé en ruines. Il y plaça des ministres de Dieu, rétablit l’abbaye dans son premier état, et fournit à la dépense de ceux qui serviraient Dieu et le saint dans ce lieu, car son étude fut toujours d’accomplir en toutes choses la volonté du Seigneur.
Sceau de Robert II le Pieux
Sceau de Robert II
     Le palais de Compiègne souffrit un dommage par un vol fait à ce noble roi. On était aux jour de la Pentecôte, où le Saint-Esprit remplit les âmes et purifie [p.384] les cœurs des fidèles, afin qu’ils se rendent agréables au Père et au Fils, dont la gloire est égale à la sienne. Robert, ce père et roi glorieux, voulut s’associer comme roi, Hugues, son fils, jeune homme d’une très-haute noblesse. Le monde entier se hâtait plein de joie pour l’accomplissement de cette volonté, parce qu’il se réjouissait de cet événement, à cause de l’immense bonté du père et du fils que la terre entière connaissait. Ce bon jeune homme était d’une grande probité, accueillait et aimait tout le monde, ne méprisait personne, et fut toujours chéri et aima de tous. Le premier jour des fêtes se passa avec la bénédiction de Dieu; Robert se réjouissait de son fils, et était plein d’une immense joie. Il lui fit cette exhortation: «Vois, mon fils, souviens-toi toujours de Dieu qui t’associe aujourd’hui à la couronne, et plais-toi toujours dans les chemins de l’équité et de la vertu, et je prie le Seigneur de permettre que je voie cela et qu’il m’accorde de te voir faire sa volonté, que trouvent toujours ceux qui la cherchent.» Pendant ces fêtes solennelles, un certain clerc médita dans son méchant cœur de mauvaises choses, et se dépêcha de les accomplir. Le roi, cet homme de Dieu, avait dans ses trésors une figure de cerf faite en argent très-pur, sur laquelle il comptait pour les fêtes. Il avait reçu ce présent de Richard, duc des Normands, qui le lui avait donna pour des usages ordinaires; mais ce prince, doux dans ses discours, doux dans ses pensées, voulait l’offrir au Dieu tout-puissant. Un vase de corne, où on portait le vin pour célébrer le saint sacrifice, était joint à cet ornement. Ce scélérat et méchant clerc [p.385] les regarda, les prit, et les enfonça dans ses bottines. Mais il ne pût trouver qui les vendre, ni comment il pourrait détruire la figure du cerf; et l’on doit croire que ce fut par les mérites de ce pieux roi, qui était fidèle à Dieu de tout son cœur, que ces effets furent conservés; car le troisième jour du sabbat, tandis que Robert conversait dans l’oratoire de la tour de Charles avec quelqu’un avec qui il était très-familier, le voleur y vint, se plaça devant l’autel, y répandit d’inutiles prières, poussa de longs soupirs, plaça ce qu’il avait volé, ainsi que la coupe, sous la nappe de l’autel, et le malheureux s’en alla sans savoir quels yeux avaient été fixés sur lui. Le roi interrompit sa conversation, s’approcha doucement de l’autel avec son ami, et reprenant ses effets, les remit gaîment à un serviteur et défendit à son compagnon, tant que cet homme vivrait, de faire connaître son nom, ou de lui causer quelque honte.
Buste de Robert II le Pieux sur un denier de Laon (© Cliché BNF)
Robert II sur un denier de Laon
   
Jean-Paul Laurens: Etude pour l'Excommunication de Robert le Pieux (1875)
Jean-Paul Laurens: Étude pour l’Excommunication de Robert le Pieux (1875)
Scène imaginaire, Robert n’ayant jamais été excommunié.
     Mais nous verrons s’opposer à notre narration le mauvais esprit de ceux qui ne veulent pas pratiquer le bien et ne rougissent pas de haïr ceux qui le font, ni de mordre méchamment au talon quand ils le peuvent. Ces gens-là, lorsque quelque faute tenant à la fragilité humaine est commise, aboient comme des chien et n’ont pas honte de la mettre en avant pour obscurcir toutes les bonnes œuvres, et de déchirer la réputation d’un si saint homme. «Non, diront-ils, les actions saintes rapportées ici de lui n’auront pas été utiles au salut de son ame, car il n’a pas eu horreur du crime d’une union illégitime, et il a épousé une femme qui lui était jointe par une affinité spirituelle et les liens du sang.» Il faut [p.386] réprimer leur haine par les paroles de l’Écriture sainte; mais pour qu’ils ne disent pas qu’on leur ferme la bouche, qu’ils nous indiquent quelqu’un sans péché; qui donc se peut glorifier d’avoir, le cœur chaste, lorsque l’Écriture affirme que même l’enfant d’un jour n’est pas pur? Si toutefois j’ai dit cela pour réprimer la folie d’insensés, je ne tairai pas la faute de cet homme pénitent. De même que saint David, transgressant la loi, désira criminellement et enleva Bersabée, ainsi Robert, agissant contre les lois de la sainte foi, s’unit illégitimement avec la femme dont il s’agit: David pécha doublement, non seulement par sa liaison avec Bersabée, mais encore par la mort de son innocent époux; Robert aima mieux offenser Dieu que de conserver son lit pur d’une femme qui lui était interdite par deux raison; mais le vrai médecin du genre humain voulut bien par sa miséricorde guérir les blessures de l’un et de l’autre, celles de David, lorsque, après avoir entendu de la bouche du prophète Nathan la parabole de la brebis unique du pauvre, et des nombreux troupeaux du riche, il se fut reconnu coupable, et eut avoué qu’il avait péché; celles de Robert, par l’entremise du saint et vénérable Abbon, que Dieu avait choisi pour abbé de Fleury, qui, par la grâce de Jésus-Christ, brillait par ses miracles, et qui, méprisant la crainte de la mort, reprit le roi en public et en particulier. Ce saint personnage continua ses reproches jusqu’à ce que le bon roi eût reconnu sa faute, abandonné définitivement la femme qu’il ne lui était pas permis de posséder; et lavé de son péché par une satisfaction agréable à Dieu, l’un et l’autre roi fut réprimandé [p.387] par Dieu, et couronné par lui, car il voulut, par sa sainte volonté, que ces deux rois, que la nature avait mis nus au monde, fussent grands et glorieux devant le monde, et parce que, comme dit l’Écriture, Dieu souffre qu’on désobéisse à sa volonté, et que, par une bénigne intention, il permet que les siens succombent au péché, afin qu’ils se reconnaissent semblables aux autres hommes, et qu’ils passent le reste de leur vie dans l’assiduité aux veilles et aux oraisons, qu’ils supportent les diverses souffrances du corps, et que le témoignage de l’Écriture soit, accompli en eux, lorsqu’elle dit: «Dieu corrige ceux qu’il aime, et il châtie le fils qu’il adopte,» David et Robert péchèrent, ce qui est habituel aux rois; mais visités de Dieu, tous deux gémirent, pleurèrent, firent pénitence, ce dont les rois n’ont pas coutume.  En effet, à l’exemple du bienheureux David, Robert, notre seigneur, avoua sa faute, demanda l’absolution, déplora sa faiblesse, jeûna, pria, et transmit aux siècles futurs le témoignage de sa douleur publique, avec la confession de son péché. «Le roi n’a pas rougi de confesser ce que des particuliers n’ont pas honte de commettre. Ceux qui sont tenus par des lois osent nier leur faute, et dédaignent de réclamer l’indulgence que demandait celui qui n’était soumis à aucune des règles humaines. Le péché vient de la nature humaine, la confession, de la grâce divine. » La faute est commune, l’aveu rare; cela tient la condition de l’homme d’avoir péché, à la vertu de l’avoir avoué. Robert ne s’est pas cru trop grand pour cela, car il savait que Dieu doit être craint par les grands et les petits, et que les divines Écritures instruisent [p.388] ainsi les puissans: «Plus tu es grand, plus tu dois t’humilier devant le Seigneur, et tu trouveras grâce devant Dieu.» Cet humble roi, absous selon les lois, était coupable selon sa conscience, et désirant être délivré des chaines du péché, il demanda le secours divin, pour être purifié de la tache de tout crime.
   
     Ce roi, doux et humble de cœur fit des actions remarquables de piété et de bénignité, si bien qu’il pardonna souvent à ses ennemi et crut devoir toujours s’abstenir de leur mort; il n’est donc pas extraordinaire qu’il déplorât tant une faute nuisible à lui-même; c’est pourquoi il demanda d’être délivré des péchés mortels, loua le Seigneur son Dieu, proclama l’équité de ses jugemens, et glorifia par sa bouche la justice descendant du ciel, et qui s’incarna dans le sein de la Vierge très-pure.

     Je juge convenable de rapporter ici un trait digne d’un père, fait par ce grand roi et cet élu de Dieu. En effet, les vrais prêtres, les abbés, les moines qui n’ignorent pas la sainte loi, y trouveront un exemple de vertu, qu’ils doivent non seulement imiter, mais admirer; avant tout, ces œuvres de piété et de miséricorde doivent être louées par toutes les louanges possibles. En un certain temps Robert célébra solennellement la sainte Pâque à Paris, et plein de joie, le second jour du sabbat, il retourna à sa maison de Saint-Denis, et y passa les grands jours; le troisième jour du sabbat, l’heure approchant où il devait rendre les laudes, hommage à Dieu de tous les siècles, il quitta son lit, et se disposa à aller à l’église: en regardant, il aperçut deux personnes couchées dans l’angle vis-à-vis de lui, et commettant [p.389] une œuvre coupable. Plaignant leur fragilité, il ôta de son cou un vêtement de fourrure très-précieux, et d’un cœur compatissant le jeta sur les pécheurs; ayant fait cela, il entra dans l’église des saints pour y prier le Dieu tout-puissant et l’implorer pour ces mêmes pécheurs, afin qu’ils ne périssent pas. Après avoir prolongé son oraison, et espérant que ces personnes, mortes à la grâce, se seraient retirées du péché, et ne vivraient plus que pour la pénitence, il appela un de ses gardes du corps, lui ordonna avec de douces paroles d’aller lui chercher un vêtement semblable, et lui défendit avec d’impérieuses menaces de le faire connaître à sa glorieuse épouse, ou à quelque autre. Oh! quel homme parfait, qui couvre de son manteau les pécheurs! A combien de saints prêtres, de pieux abbés, de religieux moines, ne peut-il pas, s’ils le désirent, donner l’exemple de la justice et la droite règle de la vertu? Ainsi le père et le chef des moines ordonne que les péchés soient confessés, mais que celui qui sait soigner ses plaies et celles des autres ne les publie ni ne les découvre. Heureuse piété et, miséricorde qui ont fleuri dans ces deux hommes, par la bonté de Dieu! Notre Robert a possédé ces vertus, comme un droit héréditaire venu de son père.

     Ingon, homme d’une grande bonté et candeur, abbé du monastère de Saint-Germain, bâti à Paris, envoya à ce serviteur de Dieu, pour son utilité et celle de ses frères d’Orléans, deux frères de bon renom. Lorsqu’il les eut vus, il les honora , selon la coutume, du baiser de paix, et les interrogea avec douceur sur la cause de leur voyage. Ils étaient nommés, l’un [p.390] Herbert, l’autre Geoffroi et n’étaient pas les derniers des moines; il leur ordonna, selon son pieux usage, de se rendre en sa présence après les hymnes de matines, et qu’alors il les entendrait sur leur affaire. Ils obéirent à ses ordres, et il arriva que dans l’église où ils étaient assis, le cierge s’éteignit à leurs yeux. Alors le roi prend en main le cierge, fait sortir de son lit le saint homme Theudon, prêtre, et son parent, et le lui remettant, lui dit d’aller au plus vite chercher de la lumière. Cependant ce roi dévot continue ses psaumes et ses oraisons; et son messager, à son retour, voit ce prince, serviteur du Seigneur, tenir dans ses mains un cierge allumé. Le roi admirant cela, et désirant louer Dieu par le chant des hymnes, défendit de divulguer ce fait, afin de ne pas tomber dans l’orgueil d’un cœur superbe. Il loua en toutes choses la vertu de Dieu, et dit avec David: «Je suis un ver et non un homme, l’opprobre des hommes, et l’abjection du peuple.» Et encore: «Seigneur, je me suis humilié; vivifiez-moi selon votre parole.»

     Nous avons lu dans les livres divins que «servir Dieu, c’est régner.» Certes, il connu cette sentence, celui qui dit: «Servez Dieu avec crainte», et il n’y a aucun doute que notre bienheureux roi accomplit, d’intention et de fait, ces deux maximes; et de même que Moïse, serviteur du Seigneur, abattit Amalech par ses humbles prières et ses bras étendus, ainsi Robert, ce véritable ami de Dieu, vainquit tous ses ennemis par la vertu du Saint-Esprit, et eut toujours pour aide Dieu qui est le salut de tous. La douceur qui brillait en lui, lui gagnait les cœurs de tous [p.391] les hommes; il possédait une science salutaire par laquelle il se réjouissait avec les siens; il instruisait l’un par des lectures, l’autre par des hymnes et des louanges de Dieu, et ainsi que l’Apôtre, il se faisait tout à tous pour les gagner tous. Ce véritable ami de Dieu faisait avec zèle ce que diffèrent souvent les abbés et les évêques, savoir le soin de corriger les pécheurs, et d’exhorter par son exemple les justes à une plus grande perfection. Une voix de salut et de louange sortait du trésor de son cœur, et comme l’Apôtre, il crucifiait sa chair avec ses vices et les concupiscences du monde, et préparait en lui-même un temple agréable au Seigneur. II était toujours le premier aux divins offices, et le plus assidu à louer le Seigneur; à quelque endroit qu’il dût se rendre, on préparait un chariot pour porter une tente pour les ministres saints, et dès qu’il était fixé dans un lieu, on y déposait les choses sacrées, afin que, suivant l’expression du Psalmiste, «la terre et tout ce qu’elle enferme est au Seigneur; le globe de la terre et tous ses habitans sont à lui,» il pût partout se montrer serviteur de Dieu et chanter en tout lieu ses louanges. Ce roi doux, et aimant Dieu, portait gravées dans son cœur les paroles du bienheureux Antoine: «Désirez toujours Jésus-Christ, parce que le royaume des cieux est à préférer à toutes les choses de la terre.» Il passait sans dormir jusqu’au matin les saintes nuits de Noël, Pâques, la Pentecôte, et ni couché ni assis, il ne prenait aucun repos jusqu’à ce qu’il eût reçu le secours salutaire du corps et du sang de notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il attendait et désirait. Que sa conduite fût telle, C’est ce qui est manifeste et connu [p.392] de tout le monde. A la solennité de la naissance de saint Jean, il avait l’habitude, après avoir loué le Seigneur par l’hymne Te Deum laudamus, de faire, comme au jour de Noël, célébrer la messe qui est notée dans les livres saints, pour le point du jour. L’autorité de Grégoire le Grand et de plusieurs autres a établi cette sainte coutume pour les messes; la doctrine d’Amalaire, tirée des ouvrages des saints Pères, y est aussi conforme.
Robert II le Pieux (gravure de l'Ancien Régime)
Robert II le Pieux
gravure d’Ancien Régime
     Nous ne négligerons pas de conter ici combien il faisait d’aumônes dans les villes de son royaume, savoir Paris, Senlis, Orléans, Dijon, Auxerre, Avalon, Melun, Étampes; dans chacune, on distribuait abondamment du pain et du vin à trois cents, ou plutôt à mille pauvres, et surtout l’année de sa mort, qui fut la 1032e de l’Incarnation du Seigneur (D); sans compter que dans le carême, en quelque lieu qu’il fût, il faisait donner à cent ou deux cents pauvres du pain, des poissons et du vin. De plus, le jour, de la cène du Seigneur, il assemblait avec soin au moins trois cents pauvres, et lui-même, à la troisième heure du jour, servait à genoux, de sa sainte main , des légumes, des poissons, du pain à chacun d’eux, et leur mettait un denier dans la main. Ce fait admirable pour ceux qui le virent dans un tel office ne sera pas cru par ceux qui ne l’ont pas vu. A la sixième heure, il réunissait cent pauvres clercs, leur accordait une ration de pain, de poissons et de vin, gratifiait d’un denier douze d’entre, eux, et chantait pendant ce temps, de [p.393] cœur et de bouche, les psaumes de David; après cela, cet humble roi préparait la table pour le service de Dieu, déposait ses vêtemens, couvrait sa chair d’un cilice, et s’adjoignait le collége des clercs, au nombre de cent soixante, ou plus encore; il lavait, à l’exemple du Seigneur, les pieds de ces douze pauvres, les essuyait avec ses cheveux, les faisait manger avec lui; et au mandatum Domini, donnait à chacun d’eux deux sous. La cérémonie se faisait en présence d’un clerc et d’un diacre qui lisait le chapitre de l’évangile de saint Jean, où est rapporté ce qui s’est dit et fait dans la cène du Seigneur. Ce roi, plein de mérites, s’occupait à des actions de même genre, et passait dans le lieu saint tout le jour du vendredi saint; il adorait la croix sainte jusqu’à la veille de la Résurrection, où il offrait aussitôt le saint sacrifice de louanges, auquel sa bouche n’a jamais manqué. C’est ainsi que le roi Robert, couvert de gloire par le mérite de ses vertus, et par la manifestation de ses bonnes œuvres, se montra au monde comme un objet à admirer, et laissa un modèle à imiter aux siècles à venir.




     (
D) C’est en 1031. Helgaud fait commencer 1’année au jour de l’Annonciation, le 25 mars; de la proviennent les différences de sa chronologie.

Buste de Robert II le Pieux sur un denier de Laon (© Cliché CGB)
Denier de Robert le représentant
     Ce roi, après Dieu, la gloire des rois, aima toujours d’un cœur dévoué les saints apôtres, dont il prévenait les fêtes par un jeûne auquel il s’était engagé, et pour suivre leurs exemples, et en l’honneur de leur sacré nombre, il menait avec lui partout douze pauvres, qu’il aimait particulièrement, il leur était un vrai repos après leurs travaux, car achetant pour ces saints pauvres de forts ânons, il les faisait marcher devant lui partout où il allait, louant Dieu, pleins de joie, et le bénissant; pour les secourir, eux et un [p.394] nombre infini d’autres pauvres, il ne manquait jamais de volonté, et était toujours bien disposé. Il avait toujours une provision de pauvres pour que, lorsqu’un mourait, le nombre ne diminuât pas. Les vivans succédaient aux morts, et l’oblation de ce grand roi à Dieu continuait. Son étude fut toujours de faire la volonté du Seigneur, auquel il fut toujours uni, en pratiquant le souverain bien, vraie bonté qu’un illustre versificateur (E) s’est plu à décrire dans ces vers:
     «Le grand soin de l’homme bon est de soulager ses frères dans leurs travaux, de prêter à ceux qui sont tristes le secours qu’ils demandent, de nourrir ceux qui ont faim, de vêtir ceux qui sont nus, de délivrer ceux qui sont captifs, et de se concilier ceux qui sont irrités; d’accorder autant qu’il est possible, d’un cœur compatissant, aux hommes malheureux toutes les consolations qu’ils recherchent, de telle sorte que, désirant vraiment le bien, et vraiment bon, il fuie tout ce qui est mal, et pratique tout ce qui est bon.»




     (E) Probablement l’historien Aimoin, moine de Fleury.

     De plus, le roi Robert construisit de nouveau, dans la ville d’Orléans, un monastère à saint Aignan, son avocat spécial auprès de Dieu. On n’a pas besoin de dire qu’il conserva toujours pour lui le pieux amour d’une tendre dévotion, car il le voulut toujours, après Dieu, pour son protecteur spécial, pour secours et défenseur, en quelque lieu qu’il portât ses pas. Un jour en effet, interpellé par un de ses meilleurs amis pourquoi il exaltait par ses louanges ce grand évêque plutôt que les autres saints, il répondit avec humilité: «Tu demandes ce qu’est Aignan? Aignan est la sûre [p.395] consolation de ceux qui sont tristes, la force de ceux qui travaillent, la protection des rois, la défense des princes, la joie des évêques, et le doux et ineffable secours des clercs, moines, orphelins et veuves.» Alors plaisantant, il dit aux enfans qui l’entouraient: «Et vous, enfans, n’avez-vous pas vraiment éprouvé qu’Aignan, de qui nous parlons, vous a souvent délivrés de la peine des verges?»

     Ce roi, la fleur embaumée de son pays, et l’honneur de la sainte Église, dévoré de zèle pour la gloire d’un si grand évêque, voulut par un saint désir placer son corps en lieu plus honorable; il commença à bâtir sur le lieu une église; et par l’aide de Dieu et le secours du saint, il la conduisit à sa fin. Elle eut quarante toises dans sa longueur, douze en largeur, dix en hauteur, et cent vingt-trois fenêtres; il fit dans ce même monastère dix-neuf autels en l’honneur des saints que nous allons nommer ici avec soin. Le principal était dédié à l’apôtre saint Pierre, auquel le roi associa Paul, son co-apôtre. Auparavant Saint Pierre seul était vénéré dans ce lieu. Un de ces autels était à la tête de saint Aignan, l’autre à ses pieds, un autre était consacré à saint Benoît; les autres sont dédiés à saint Évurce, saint Laurent, saint George, tous les saints, saint Martin, saint Maurice, saint Étienne, saint Antonin, saint Vincent, sa Marie, saint Jean, saint Sauveur, saint Mamert, saint Nicolas et saint Michel. Le roi fit la façade de cette maison d’une admirable manière, et semblable au couvent de Sainte Marie, mère de Dieu, et de Saint Vital et Saint-Agricole, bâti à Clermont; il fit faire la [p.396] chasse de saint Aignan en or, en argent, et en pierres précieuses par devant; il fit couvrir entièrement d’or la table de l’autel de saint Pierre, à qui ce lieu est consacré; sur cet or, la noble reine Constance, sa glorieuse épouse, après la mort de son mari, donna au Dieu très-saint, et à saint Aignan, la somme de sept livres, pour réparer les toits qu’elle avait fait bâtir dans le monastère, et qui étant ouverts depuis le bas jusqu’en haut, laissaient voir le ciel plus que la terre. Il en resta quinze livres d’or éprouvé; la reine les distribua à ceux à qui elle devait les donner, car elle était occupée des églises de Dieu, selon la sage volonté de son seigneur. Plan reconstitué de l'église Saint-Aignan rebâtie par Robert
Plan de l’église Saint-Aignan rebâtie par Robert
     Tout cela fait, le glorieux roi Robert, avide de la bénédiction céleste, en l’année trente-six de son ordination, bénédiction et élévation au trône, convoqua par un ordre exprès les archevêque Gosselin de Bourges, abbé de Fleury, Leuteric de Sens et Arnoul de Tours. Ils étaient suivis des évoques, Odolric d’Orléans, Thierri de Chartres, Bernier de Meaux, Guarin de Beauvais, et Rodolphe de Senlis. On ne fut point privé de la présence du vénérable maître Odilon, abbé de Cluny, et d’autres hommes vertueux de non moindre mérite, avec lesquels le roi désirait avoir une entrevue; le précieux corps du serviteur de Dieu, saint Aignan fut levé du sépulcre par eux et d’autres ministres de Dieu, ainsi que ceux des saints confesseurs Euspice, Moniteur et Floscule; des martyrs Baudel et Scubile, et d’Agie, mère du confesseur saint Loup. Le glorieux roi et ceux que nous avons déjà nommés, et qui étaient venus pour cette œuvre, demeurèrent près de ces saints corps, [p.397] louant Dieu et chantant des hymnes et des cantiques dans l’église de Saint-Martin, tandis qu’on préparait les choses nécessaires à la sainte cérémonie. Tout étant prêt, le lieu fut consacré et béni solennellement par les prêtres sacrés, l’année de l’incarnation du Seigneur 1029; le saint corps fut mis sur les épaules de ce grand roi et du peuple, aussi joyeux les uns que les autres, et on le transporta en chantant dans le nouveau temple qu’avait fait bâtir le grand Robert. Tous louèrent Dieu et saint Aignan avec des timbales, des chœurs de musique, des instrumens à vent et d’autres à cordes, et ils placèrent les reliques dans le lieu saint, à l’honneur, la gloire et la louange de notre Seigneur Jésus-Christ et de son serviteur Aignan, honoré d’une gloire spéciale.

      Lorsque la bénédiction solennelle fut achevée, ainsi que toutes les cérémonies usitées pour la dédicace d’une église, Robert, qui a vraiment mérité le nom de père de la patrie, alla avec respect devant l’autel de saint Pierre et de son patron chéri, Aignan, se dépouilla d’un vêtement de pourpre, vulgairement appelé roquet, fléchit les deux genoux, et offrit à Dieu de tout son cœur une prière suppliante, en disant: «Je te remercie, Dieu bon, de ce que par les mérites de saint Aignan, tu as conduit en ce jour ma volonté à sa fin, de ce que tu as réjoui mon ame par le triomphe des corps des saints qui s’effectue aujourd’hui; accorde Seigneur, par l’intercession de tes saints, aux vivans le pardon de leurs péchés, et à tous les morts le repos éternel et la vie bienheureuse; regarde avec bonté notre siècle; gouverne, règle le royaume que tu nous a donné par [p.398] ta générosité, ta miséricorde et ta bonté; et garde-le à la louange et à la gloire de ton nom, par les admirables mérites de saint Aignan, père de la patrie, miraculeusement délivrée de ses ennemis.» Ayant fini sa prière, il revint plein de joie en son logis, et combla en ce jour ce lieu de ses dons, savoir, quatre manteaux très-précieux, une cruche d’argent, et sa chapelle, qu’il légua au Dieu tout-puissant et au saint confesseur Aignan. La chapelle de ce très-pieux, très-prudent et très-puissant roi Robert était ainsi composée: dix-huit bonnes chappes très-belles et bien travaillées; des livres d’évangiles, deux en or, deux en argent; deux autres petits; un missel d’outre mer, bieu fait, en ivoire et en argent; douze tablettes en or; un autel admirablement orné en or et argent, où était au milieu une pierre très-rare nommée onyx; trois croix d’or, dont la plus grande contenait sept livres d’or pur; cinq cloches, dont une superbe, et qui pesait deux mille six cents livres. Robert ordonna de lui imprimer le signe du baptême avec l’huile et le saint chrème, et le Saint-Esprit lui assigna le nom de Robert. Le roi dédia aussi à saint Aignan deux églises, une à Gentilly, et l’autre à Rouen, avec les maisons et toutes les terres qui en dépendent. Il confirma ce don par un édit royal; il obtint du vénérable Thierri, évêque d’Orléans, pour les autels de ces églises, la concession des privilèges épiscopaux, et l’évêque les offrit à saint Aignan et au roi immortel, qu’il aima toujours d’un cœur d’un dévoué, et dont il chanta les louanges.

Jean Fouquet: Le saint roi Robert le Pieux avec les chanoines d'Orléans (Grandes Chroniques, XVe siècle)
Jean Fouquet: Robert le Pieux à l’office
(Grandes Chroniques, XVe siècle)
     Le roi rendit illustre à jamais le château de Crépy, bâti superbement sur le territoire de Soissons, par le [p.399] puissant Gautier (F) et combla d’honneurs l’abbaye qu’il y avait instituée en l’honneur de saint Arnoul. Il y établit pour abbé en notre siècle un certain Lescelin, homme de bonne réputation, moine par la profession de la vie régulière, et qui tous les ans venait visiter Robert, l’homme de Dieu; il en était reçu comme un serviteur du Seigneur, ils conféraient ensemble des choses du ciel; et lorsque l’abbé était près de s’en retourner, le roi le comblait de dons honorables qui, par la vertu d’une charité parfaite, se rapportaient à ceux du ciel. Un certain jour de carême, Lescelin vint, selon sa coutume, trouver le roi, alors à Poissy; et ayant accompli l’objet de son voyage, ils prirent la nourriture spirituelle et corporelle: ces deux hommes étaient lié ensemble par leurs anciennes vertus. Le bon abbé proposa au roi l’indulgence de Dieu, et l’engagea à soulager son humble corps, et à lui donner quelque nourriture, afin de pouvoir ensuite par ses prières frapper à la porte des cieux, et être fut concitoyen des saints. Le pieux roi le refusa, et, se prosternant par terre, le supplia de l’y point contraindre, car, disait-il, s’il obéissait, il n’offrirait donc point à Dieu le sacrifice du jeûne. L’abbé alors, garda le silence, réfléchit à quelle perfection Robert était arrivé pour l’exacte observance du jeûne, et offrit pour lui plusieurs messes basses, afin que Dieu lui accordât de persévérer dans cette vertu.

     (F) Gautier le Blanc, comte d’Amiens.

     Le roi, content de ces dons du saint homme homme, rendit grâces à Dieu, et célébra sans interruption le saint jeûne jusqu’à la Passion et la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ. Ce roi, qui recherchait tous [p.400] les bienfaits de la religion pour l’expiation de ses fautes, avait l’usage, depuis la Septuagésisme [sic] jusqu’à Pâques, de ne se point servir de matelas, et toujours tendant au ciel, de coucher fréquemment sur la terre; enfin que la courte oraison que voici serve pour toutes ses fautes: «Que Dieu passe l’éponge sur ses premiers péchés, qu’il les livre à un oubli perpétuel, qu’enfin Jésus-Christ qui vit et règne dans les siècles des siècles, lui accorde une part dans la première résurrection!»

     Qu’y a-t-il de plus doux pour mon cœur, que puis-je faire de mieux que de louer mon maître, mon protecteur, en toutes ses actions? Je reprends la suite de mon récit, et comme j’avais coutume dans ces jours que nous passions ensemble, je retrace son aimable et chère bonté pour moi; je me plais à me la rappeler et à songer combien elle m’a été utile; et en la repassant dans ma mémoire, je ne connais, je n’éprouve aucuns sentiments [sic] qui ne soient ceux d’un fils pour un père, d’un ami pour son ami, d’un bien aimé pour son bien-aimé. Je rougis cependant lorsque je conte les œuvres admirables d’un tel homme, et que je pense que nous avons vu fleurir en lui les vertus qui sont couronnées au plus haut des cieux, et assurent le salut du corps et de l’ame. S’il voyait quelqu’un se lasser dans le Service de Dieu, il l’exhortait de paroles, le soulageait par un don secret, qui était toujours peu de chose lorsqu’il le promettait, et très-considérable quand il le donnait. Je reçus l’ordre paternel de mon respectable abbé Gosselin, de bâtir une église dans un lieu du monastère de Fleury. Je commençai à exécuter son commandement, et à [p.401] la construire: elle était petite, mais agréable; les peuples y accouraient en foule, et elle devait à leur piété de se voir en état d’être consacrée par les saintes bénédictions. Quoiqu’elle fût en bois, et pas encore achevée, le roi, cet homme de pieux désirs, plein d’envie de la voir de ses saints regards, quitta son château de Vitry. Par l’ordre du vénérable et aimable pontife Odolric, Gosselin, archevêque de Bourges, a béni cette église; il lui donna généreusement la terre environnante qui était très-fertile. Lorsque le roi y entra, il pria et posa un manteau du prix de quatre livres sur l’autel consacré à saint Denis, saint Rustique et saint Éleuthère; et ce fut sans doute en ce moment que, portant partout ses pieux regards, il lui vint dans l’idée, lorsque je me rendrais à Paris après lui, d’orner magnifiquement ce lieu par des reliques de saint Denis, saint Rustique et saint Éleuthère, et de l’enrichir de leur intercession. Les dons qui nous assurent leur protection sont des fragmens de la chasuble de saint Denis, de la dalmatique de saint Rustique, de la chasuble de saint Eleuthère, des vêtemens arrosés de leur sang, de la poussière de leur chair, et un morceau de la triple corde dont fut lié saint Denis, précieux martyr du Seigneur. Ce roi, qui aimait Dieu, combla de bienfaits ce lieu, en lui donnant ces précieux gages et d’autres encore Ces mêmes saintes reliques des saints déjà nommés furent reçues dans le monastère de Fleury par le vénérable abbé Gosselin, comme des choses qui devaient être données et reçues par un homme considérable. Cela se passa le jour des calendes d’octobre, où tombe toujours la fête des saints [p.402] Germain, Remi, et la solennité des confesseurs de Saint-Waast. Cette même église a été depuis détruite par le feu, sans doute à cause des péchés des hommes; la première fois elle était de bois, et la seconde, par l’aide du Dieu tout-puissant, par les mérites de Marie, sainte mère de Dieu, de saint Benoît et de tous les saints, elle fut rebâtie en pierres par moi, misérable pécheur; et le glorieux Odolric, évêque, plein de bonté, voulut, avec le secours de Dieu et de ses saints, la dédier et consacrer de même qu’auparavant; il se conduisit comme il convenait à un tel homme. Tant que vécut ce pontife, il m’honora de son affection, et, par la bonté du Seigneur, jamais je ne le trouvai contraire à mes désirs, mais il voulut toujours ce qui était bon et utile; aussi nous prions le Dieu souverain, et notre Seigneur Jésus-Christ, d’accorder à ce prêtre, digne de l’épiscopat, l’héritage des saints, qu’il a toujours travaillé à acquérir; que Jésus-Christ, qui est rédempteur, sauveur et doux libérateur des ames saintes, lave ses péchés, le place dans les cieux et le joigne aux célestes citoyens! Ceux qui entreront dans l’église, auront les yeux frappés des vers ici écrits, qui retracent la mémoire de saint Denis et du fondateur de ce temple, ils verront les autels consacrés à ce saint divisés en deux parties. Les vers placés à la gauche de l’autel de saint Denis sont ainsi:

     «Vous qui passez ces portes, que saint Denis vous unisse au Seigneur par ses saints secours. Qui que vous soyez et quoique [sic] vous désiriez, suppliez le Seigneur tout-puissant de vouloir bien, par sa bonté, [p.403] protéger Helgaud; Helgaud dont la piété a bâti à notre Seigneur Jésus-Christ et à saint Denis, ce vénérable temple.»

     Les vers à la droite étaient:
     «C’est ici la maison consacrée pour toujours au Dieu suprême, par la volonté et les soins du bon Helgaud. D’ici l’on frappe à la porte du royaume des cieux; ici un, peuple pieux se réjouit dans le Seigneur. Vous tous fidèles qui y entrez, demandez ensemble que le Seigneur Jésus-Christ nous conserve pour l’éternité. Qu’il en soit ainsi, ainsi soit-il , ainsi soit-il, ainsi soit-il!»

     Pendant le temps dont, avec l’aide de Dieu, j’ai raconté les événemens, le célèbre monastère de Fleur y posséda comme abbé le fameux Gosselin, digne de cette charge, uni à Dieu par de saintes actions, et savant dans les sciences divines et humaines; les fleurs de l’Écriture sainte étaient présentes au cœur de son bon maître Abbon, dont nous avons déjà parlé, et qui l’en imbut de sorte qu’il les expliquait à tous, afin qu’ils pussent se nourrir des célestes vérités. Il était si magnifiques en aumônes, qu’un jour, par un froid très-rigoureux, il dépouilla ses habits de fourrure, en vêtit les pauvres de Jésus-Christ, afin d’en recevoir la récompense du céleste rémunérateur, et de l’entendre dire: «J’étais nu et vous m’avez habillé. Ce que vous avez fait au moindre de vos frères, c’est à moi que vous l’avez fait; devenez les bénis de mon Père, entrez en possession du royaume qui [p.404] vous est préparé depuis le commencement du monde.» Le roi parfait distingua bientôt Gosselin de ses regards, l’aima par dessus tous les autres, s’attacha particulièrement à ses conseils, et les choses qu’il approuvait étaient toujours justes et sans reproche; il voulut l’honorer des honneurs séculiers, lui donna les illustres dignités d’abbé de Saint-Benoît, ce qui est le chef-lieu de tout l’Ordre, et d’évêque de Bourges, sous le titre de saint Étienne, premier martyr, qui donne la primatie de toute l’Aquitaine, et est un des plus grands et plus honorables de France. Que ses pieuses aumônes, sa charité, et toutes les vertus qui fleurirent en lui, plongent dans un oubli perpétuel les fautes qu’il a pu commettre, et qu’il reçoive la récompense des bonnes œuvres qu’il a faites par l’inspiration de l’Être suprême!

Tenantion de Saint Benoît (chapiteau de Saint-Benoît-sur-Loire (XIe siècle)
Tentation de Saint Benoît (Fleury, XIe siècle)
     Le roi étant dans l’illustre ville de Paris, dans les jours de la Septuagésime, l’humble abbé lui envoya, suivant l’usage, des messagers pour les affaires des saints lieux. De ceux qui furent choisis pour cet effet, l’un s’appelait Albéric, honoré de la dignité de prêtre, homme d’une immense charité; la bonté de Dieu et l’ordre du saint abbé Gosselin avaient adjoint un frère nommé Helgaud, que le pieux roi aimait d’une affection paternelle; ils avaient encore avec eux le nommé Isambert, que sa conversion avait rendu digne d’être moine, et qui leur rendait des services de frère. On devait passer à Poissy les jours du carême, et nous étions pressés par la longueur du chemin, pour nous rendre aux ordres exprès du roi, qui nous devait rendre raison sur les motifs de notre voyage, lorsque nous fûmes arrêtés au port [p.405] de la Seine, dit Caroli-Venna (G), (c’est-à-dire la pêcherie). Nous trouvâmes la rivière très-difficile à passer. Nous entrâmes, par le saint ordre du roi, seuls dans une petite barque; tandis qu’il regardait ce qui adviendrait de nous, et désirait fort nous voir arrivés saints et saufs, le Dieu qui est loué, adoré et béni en tous lieux, fut favorable en cette occasion à nous pécheurs, par l’intercession de ce pieux roi. Nous naviguions et tenions nos chevaux attachés au bâtiment, lorsqu’un coursier indompté, et qui n’avait jamais été dans une telle position, posa ses deux pieds de derrière dans le bateau qui était au milieu des flots, et nous courûmes les plus grands dangers par sa fureur, car il entraînait la barque dans les ondes. Le dévot prince aussitôt implore à grands cris avec les siens le secours de Dieu et des puissances célestes; il prie avec larmes pour nos périls, crie à haute voix de détacher les rênes de nos chevaux, et de les repousser loin du navire. On obéit à cet ordre aimable: les rênes furent déliées, on retira du bateau le jambes du cheval, et nous commençâmes à aborder au rivage. Là, Robert invoquait à notre secours saint [p.406] Denis, saint Benoît, et tous les saints du Seigneur, il versait des larmes, et offrait des prières qui furent entendues du Dieu béni qui règne dans tous les siècles. Il arriva ainsi, qu’il l’avait voulu, et par la grâce divine; il nous reçut sans dommage sur la rive, et avec lui, nous louâmes le Dieu admirable, et pour ce fait, nous chantâmes toujours les louanges du Tout-Puissant. Nous demeurâmes trois jours avec ce serviteur, de Dieu; nous fûmes comblés de joie par ses doux entretiens, par son aimable présence, et nous supplions celui qui a acheté par son sang précieux son ame sainte de la placer dans son royaume.
     (G) Chalevane ou Chalvaine est situé, selon Valois, sur la Seine, entre le Pecq et Rueil. «Ce lieu, dit M. de Sainte-Palaye, ne se trouve ni sur les cartes ni dans les géographies modernes, et ne subsiste plus apparemment. Il est placé, sous le nom de Chalevane, près de la rive gauche de la Seine, entre la Malmaison et la Chaussée, à égale distance de Lucienne et de Bougival, dans deux cartes anciennes de l’Ile-de-France; l’une de 1598, par Fr. de la Guillotière; l’autre sans date, mais à peu près du même temps, par Damien Temploux. L’abbaye de Saint-Denis eut, en 1273, la haute et basse justice de Chalevane.» (Mémoires de l’Académie des Inscriptions, tom. X, pag. 555, not. b.)
Chelvannes sur la carte de François de la Guillotière (1598)
Carte de François de la Guillotière, 1598
     II faut poser le pied dans un lieu plus auguste que celui où nous avons été jusqu’à présent, et nous hâter de décrire la mort glorieuse de ce roi, que nous avons osé, par des louanges vraies et non fausses, franches et non feintes, recommander à notre Seigneur Jésus-Christ, par la vertu de l’Esprit afin que, marqué du signe de la Trinité, il mérite d’éviter le jour de dernière vengeance. Mais comme il nous reste à décrire certaines œuvres admirables de lui, que l’on doit à son humilité, et qui peuvent être utiles à beaucoup de gens et les conduire au salut, il convient que nous les contions, et que sa sainte mort, qui, par un don de Dieu, a paru si louable et si glorieuse, ne nous inspire pas l’oisiveté. Cet excellent roi, qui voulait mourir au siècle, et ne vivre que pour Jésus-Christ, désirant voir un jour celui à qui tout appartient, et auquel nous attribuons tout ce que nous avons écrit, voulut avoir pour compagnon sur la terre celui que le ciel ne peut contenir. Il se mit donc en route un jour de carême, pour aller visiter les [p.407] saints qui lui étaient unis dans le service de Dieu; il les pria, les honora, et frappa leurs oreilles par ses humbles et salutaires prières; il employa à cela la force de son corps et de son esprit, afin de vaincre, par l’aide de Dieu. Il arriva à Bourges, visita le saint martyr Étienne, ainsi que saint Maïeul, grand par sa vertu; l’illustre et grand Julien, la très-pieuse Vierge des vierges, Marie; saint Gilles, grand confesseur; le fameux Saturnin, le courageux Vincent, Antonin, digne du martyre; saint Gérald, brave soldat du Seigneur; et revint sain et sauf au glorieux Étienne, auprès duquel il passa joyeusement le dimanche des Rameaux. De là il se rendit à Orléans, pour y recevoir, le jour de Pâques, l’auteur de notre salut. Dans tout ce chemin il fit beaucoup d’offrandes aux saints, et jamais sa main ne fut vide pour le pauvre. Cette terre est habitée par beaucoup de malades, et notamment de lépreux; mais cet homme de Dieu n’avait pas horreur d’eux, car il avait lu dans les saintes Écritures que souvent notre Seigneur Jésus avait reçu l’hospitalité sous la figure d’un lépreux. Il allait à eux, s’en approchait avec empressement, leur donnait l’argent de sa propre main, leur baisait les mains avec sa bouche, et se rappelait les paroles du Seigneur, qui dit: «Ressouviens-toi que tu retourneras en poussière, parce que tu n’es que poussière.» Il le louait en toutes choses, traitait les autres avec bonté, pour l’amour du Dieu tout-puissant, qui opère partout de grandes choses. Au reste, la divine vertu conféra à ce saint homme une telle grâce pour la guérison des corps qu’en touchant aux malades le lieu de leurs plaies avec sa pieuse main, et y imprimant le signe de la [p.408] croix, il leur enlevait toute douleur de maladie. Ce serviteur de Dieu, plein d’une charité parfaite, méditait les glorieuses actions du moine martyr qui couvrit un lépreux de ses propres vêtemens, le souleva sur ses épaules, et s’apprêtait à lui rendre les offices les plus serviles, lorsqu’il le vit monter au ciel, et que le Christ, qu’il avait accueilli sous cette forme, lui dit en s’élevant: «Martyr, puisque tu n’as pas rougi de moi sur la terre, je ne rougirai pas de toi dans les cieux.» Que Robert, dont nous avons déjà parlé, par la grâce de Dieu, et à l’aide des bonnes œuvres par lesquelles il se hâtait de s’unir à Jésus-Christ, ait part au ciel avec ce saint martyr!

     Ce roi, oint par l’huile spirituelle et temporelle et le don de la sainte bénédiction, voulant accomplir sa puissante volonté, et aspirant à conquérir la palme de la béatitude céleste, commença à concevoir de nouvelles pensées et les conduisit ensuite à leur effet pour. l’édification des églises du Dieu saint dont la grandeur et la bonté doivent être exaltées par la louange, et dont il aima toujours à parler et à publier les bienfaits. Cette sainte disposition parut dans les faits que nous allons rapporter, et l’on verra que ses soins furent toujours chastes, saints, purs, et tels que sont ceux de notre sainte mère l’Église; aussi jamais le Seigneur ne l’oublia.
  Jean Dassier: Robert le Pieux (médaille, vers 1720)
Médaille de Jean Dassier, vers 1720
     Il bâtit dans la même ville d’Orléans un monastère à saint Aignan, comme nous l’avons déjà dit; un autre en l’honneur de sainte Marie, mère de notre Seigneur Jésus-Christ et du grand confesseur saint Hilaire; un à la sainte Mère de Dieu; il fit un monastère de Saint-Vincent, martyr de Jésus-Christ; un de Saint-Paul, [p.409] apôtre; celui de Saint-Médard à Vitry; celui de Saint-Léger dans la forêt Yveline; celui de Sainte-Marie, avec une autre église, à Melun; celui de Saint-Pierre et Saint-Régule dans la ville de Senlis; celui de Sainte-Marie à Étampes, dans le palais de la même ville*; une église dans la ville de Paris, en l’honneur de saint Nicolas, évêque à Auxerre; une à saint Germain; une église à saint Michel dans la forêt de Bièvres; un monastère à saint Germain de Paris; et une église à saint Vincent dans la forêt dite Lédia; une église en l’honneur de saint Aignan à Gomède; une autre au même saint, et un monastère à la sainte Vierge à Poisay, et un à saint Cassien à Autun. A cause de toutes ces bonnes œuvres et de beaucoup d’autres qu’il a faites par la vertu du Seigneur, nous prions le Seigneur, tous et chacun, et nous disons:
     «Dieu, qui as fait fleurir entre tous les rois ton serviteur Robert par la dignité royale, accorde, nous t’en supplions par l’intercession de la glorieuse Mère de Dieu et de tous les saints, puisque sur la terre il a mené une vie semblable à eux, qu’il ait un jour part avec eux aux jouissances éternelles du ciel, par notre Seigneur Jésus-Christ!»

     *Au moins dans ce passage la traduction de Guizot est très lâche, ou bien le texte sur lequel il s’appuie est-il corrompu: Voici ce que devrait être selon nous sa traduction: le monastère de Sainte-Marie dans la forteresse d’Étampes; en outre, dans la même forteresse, une église dans le palais. (monasterium sanctę Marię in Stampensi castro; item in ipso castro, ęcclesiam unam in palatio). Voici la traduction qu’en ont donnée Robert-Henri Bautier et Gilette Labory en 1965: le monastère de sainte Marie au bourg d’Étampes et aussi, dans le même bourg, une église dans le palais.
     Quelque temps avant sa très-sainte mort, qui arriva le 20 juillet, le jour de la mort des saints apôtres Pierre et Paul, le soleil, semblable au dernier quartier de la lune, voila ses rayons à tout le monde, et parut à la sixième heure du jour, pâlissant au dessus de la tête des hommes, dont la vue fut obscurcie de telle sorte, qu’ils demeurèrent sans se reconnaître jusqu’à ce que le moment d’y voir fut revenu. On vit bientôt ce que nous présageait cette éclipse, puisqu’il ne nous arrive [p.410] rien d’aussi malheureux que la douleur intolérable que nous laisse la mort. Depuis le jour de Saint-Pierre jusqu’à celui de sa mort, il se passa vingt et un jours, pendant lesquels il chantait les cantiques de David, et méditait jour et nuit la loi du Seigneur, afin que l’on pût véritablement lui attribuer ce qu’on disait au sujet du patriarche saint Benoît: «Assidu à réciter des psaumes, il ne donnait aucun repos à sa langue, et il mourut chantant les saints cantiques.» Ce bienheureux soldat du Seigneur connaissait combien est douce la paix de ses serviteurs, combien est tranquille leur repos, lorsque, sortis des tourbillons du monde, ils entrent dans le port éternel, siége de la sécurité, et qu’après avoir vu la mort, ils parviennent à l’éternité. Ses vertus, déjà décrites, le rendaient plein d’impatience de quitter la tristesse de cette vie pour les jouissances éternelles; il se disait plein d’une joie parfaite, et impatient de contempler Jésus-Christ, vrai Dieu. Prêt à sortir de ce monde, il invoquait le Seigneur Jésus maître de son salut et de Son bonheur; et afin de voir la souveraine puissance de Dieu, il priait sans cesse, par les paroles et les signes de croix, les anges, les archanges, de venir à son secours, et se munissait sur le front, les yeux, les narines, les lèvres, le gosier et les oreilles, par le signe de croix; il rappelait ainsi I’incarnation, la nativité, la passion, la résurrection et l’ascension de notre Seigneur Jésus-Christ, et la grâce du Saint-Esprit. Il avait eu cette coutume pendant sa vie, et, autant qu’il le pouvait, se servait d’eau bénite. Armé de ces saintes vertus, âgé, à ce que nous croyons, de soixante ans, il attendait la mort avec intrépidité, et [p.411] affaibli par une forte fièvre, il demanda le saint et salutaire viatique du corps vivifiant de notre Seigneur Jésus. Peu de temps après l’avoir reçu, il alla au Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et, heureux, entra dans les célestes royaumes. Il mourut, comme nous l’avons dit, le vingtième jour de juillet, au commencement du mardi, au château de Melun, et il fut porté à Paris, et enseveli à Saint-Denis, près de son père. Il y eut là un grand deuil, une douleur intolérable, car la foule des moines gémissait sur la perte d’un tel père, et une multitude innombrable de clercs se plaignait de leur misère, que soulageait avec tant de piété ce saint homme. Un nombre infini de veuves et d’orphelins regrettait tant de bienfaits reçus de lui; tous poussaient de grands cris jusqu’au ciel, disant d’une commune voix: «Grand Roi, Dieu bon, pourquoi nous tues-tu, en nous ôtant ce bon père et l’unissant à toi?» Ils se frappaient avec les poings la poitrine, allaient et venaient au saint tombeau, répétaient les paroles marquées plus haut, et se joignaient aux prières des saints, afin que Dieu eût pitié de lui dans le siècle éternel. Dieu! quelle douleur causa cette mort! tous criaient avec des cris redoublés: «Tant que Robert a régné et commandé, nous avons vécu tranquilles, nous n’avons rien craint; que l’ame de ce père pieux, ce père du sénat, ce père de tout bien, soit heureuse et sauvée! qu’elle monte et habite pour toujours avec Jésus-Christ, Roi des rois!» Certes le partage de cet admirable roi dans la céleste patrie sera Dieu lui-même. Mais il y a encore des choses à raconter.
Robert II le Pieux d'après un camée des environs de 1630 (BNF)
Camée, vers 1630
     Élevé au plus haut poste d’un royaume cet humble [p.412] homme de Dieu rejeta loin de lui ce qui fait l’orgueil d’un mauvais esprit, l’élévation des hommes, la gloire du monde; il plaça son trésor dans le ciel; et c’est pour cela que Dieu lui-même sera son partage dans le royaume éternel. Son grand trésor qu’il possède auprès de Dieu, et que lui a procuré le Dieu libérateur du monde, est un amas de saintes richesses, et le lit éternel du saint repos. Mais dans tout cela, nous avons un grand sujet de douleur, en voyant qu’un tel et si grand homme repose sans une pierre ornée d’inscriptions, sans nom, sans lettres, lui, dont la gloire et la mémoire ont été en bénédiction à toute la terre. La vertu de ce saint roi a paru et été utile à tout le siècle, et l’ordre des ecclésiastiques et des moines, qui fut toujours chéri par lui, lui demeurera toujours attaché. Le Christ Dieu l’avait donné à tous pour un bon père; cependant il faut dire en peu de mots à la fin de cet ouvrage l’immense bonté de cet admirable roi. Qui lui a parlé, et n’a pas été plein d’une grande joie? quel est l’ami de la paix qui n’a pas oublié toute haine en le voyant? qui, en apercevant son visage, n’a pas renoncé à toute fraude? quel est le moine qui n’a pas obtenu le calme par ses prières, et n’a pas été aimé, chéri et respecté par lui? quel clerc n’est devenu zélé pour la chasteté par ses saintes exhortations? à qui ses aimables discours n’ont-ils pas servi de remède? quels sont les insensés à qui sa présence n’a pas été une règle? qui, en voyant ses humbles regards, n’a pas médité les choses célestes? quel est le pauvre et l’affamé qui est sorti sans être rassasié de sa table? quel est le mort qui n’en a pas reçu le dernier vêtement? quel est l’imbécile [p.413] qu’il pas rendu savant? les veuves et les pauvres ne pourraient-ils pas montrer les habits qu’il leur donnait? toute la multitude des malheureux ne l’appelle-t-elle pas son père et son nourricier? quel est celui qui, tombé dans le péché, n’a pas reçu de lui le secours de ses saintes consolations? quel est celui qui, dormant par paresse, n’a pas été par lui tiré du sommeil? qui, voulant louer le Seigneur, ne l’a pas eu pour modèle? qui, voulant faire l’aumône, n’a pas dû le prendre pour exemple, ainsi qu’un autre Jean? Je parle de Jean, patriarche d’Alexandrie, qui, pour l’immense charité qu’il eut pour les pauvres et les malheureux, mérita d’être appelé miséricordieux, et que sa vie fût prêchée en exemple par toute la terre. Certes, depuis saint David,il n’y a pas eu parmi les rois de la terre, un roi semblable à lui en vertu, humilité, piété, miséricorde, et en charité, qui est la première de toutes les vertus, et sans laquelle personne ne verra Dieu. Il a toujours été attaché à Dieu, et avec un cœur parfait, ne s’est jamais éloigné de ses commandemens. Quant aux guerres du siècle, aux ennemis vaincus, aux honneurs acquis par le courage et le talent, je les laisse à conter aux historiographes, qui, s’il y en a, et qu’ils s’occupent de cela, trouveront sous ce rapport le père et ses fils glorieux dans les batailles, et brillans à ce titre d’un grand éclat. O Robert! notre amour de prédilection, reçois de la part des moines, clercs, veuves, orphelins, et de tous les pauvres de Jésus-Christ, un adieu éternel, et offre des prières pour ton serviteur à Jésus-Christ, Dieu miséricordieux, auquel tu as plu par ta sainte vie, et dont tu as mérité le royaume céleste par tes saintes vertus! Que le Seigneur Dieu [p.414] tout-puissant, qui convertit les impies, et ressuscite les morts, qui orne les cieux de saints rois, et dont le règne et l’empire demeurent dans tous les siècles des siècles, daigne exaucer ces prières!

FIN DE LA VIE DU ROI ROBERT.
Siège de Melun par Robert II le Pieux (Grandes Chroniques de France, manuscrit du XIVe siècle, © BNF)
Siège de Melun en 999 (XIVe siècle)
   
  Jean Fouquet: Le Roi Robert à Rome (miniature pour les Grandes Chroniques, XVe siècle)
Jean Fouquet: Le saint roi Robert le Pieux avec les chanoines d'Orléans (Grandes Chroniques, XVe siècle)
Jean Fouquet: Robert II le Pieux à Rome. Siège de Melun en 999
(Grandes Chroniques, XVe siècle, © BNF)
Jean Fouquet: Robert le Pieux et les chanoines d’Orléans
(Grandes Chroniques, XVe siècle, © BNF)
Source: Saisie en mode texte et illustration  par Bernard Gineste, octobre 2005.
ANNEXE
NOTICE DE L’HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE,
TOME X, 1746, pp. 405-409.




HELGAUD, MOINE DE FLEURI.

§. I.
HISTOIRE DE SA VIE.


HELGAUD,* ou HELGALD qui mériteroit mieux le titre de Panegyriste que celui d’Historien, étoit contemporain de Glaber, dont on vient de parler. Il nous apprend lui-même, qu’il avoit été Moine de Fleuri sous l’Abbe Gauzlin, qui réunissoit en sa personne cette dignité avec celle d’Archevêque de Bourges, et qui mourut en 1029**. De-là il est à présumer, qu’Helgaud avoit étudié sous Abbon, ou sous Constantin, son successeur dans la direction des Ecoles de Fleuri. Mais s’il y fit du progrès dans les autres connoissances literaires, il ne sçut guéres profiter de leurs leçons pour apprendre à bien écrire. Son stile est effectivement si peu naturel, ou pour mieux dire, si affecté, si rude, si obscur, qu’on n’y reconnoîtroit jamais un disciple d’Abbon.      *Possevin le nomme Helgacitus, ou Helgacidus suivant la leçon de Vossius. Mais c’est par corruption. (Poss. app. t. 1. p. 720. | Voss. his. lat. l. 2. c. 44. p. 116. 2.)

     **Helg. Vit. Rob. p. 74. 75.
     L’on ne peut d’ailleurs s’empêcher de convenir, qu’Helgaud étoit homme de mérite et de piété. C’est ce que fait juger la part singuliere qu’il avoit à l’honneur des bonnes graces du Roi Robert, qui ne contractoit ordinairement d’étroites liaisons qu’avec des personnes de ce caractere. [p.406] *Non-seulement, il avoit un libre accès auprès de ce Prince, qu’il regardoit comme son pere, il ose même dire, comme son ami, amicus de amico, dilectus de dilecto** mais encore Robert aimoit véritablement Helgaud comme son fils, affectu diligebat paterno*** Les preuves qu’en donne notre Ecrivain sont concluantes, et ne permettent pas d’en douter.**** Helgaud avoit un autre illustre ami en la personne d’Odolric, Evêque d’Orleans, sur 1’amitié duquel il pouvoit compter, jusqu’à en obtenir tout ce qui seroit conforme aux régles de l’équité.

     *
p. 74.

     **p. 76.


     ***p. 75. 76..


     ****p. 76.
     Gauzlin avoit aussi des égards particuliers pour Helgaud. * Il le choisit pour prendre soin de faire construire sur le fonds de l’Abbaye de Fleuri, une Chapelle sous l’invocation de S. Denis et de ses Compagnons. Helgaud ne la fit d’abord que de bois. ** Le Roi Robert étant allé dès lors la visiter par dévotion, y fit des présents, et l’enrichit peu de temps après de quelques Reliques des Saints Martyrs. Un embrasement inopiné l’aïant ensuite réduite en cendres, Helgaud trouva le moïen de la rebâtir de pierres. Et afin d’apprendre à ceux qui y iroient prier, que c’étoit son ouvrage, et de les engager à se souvenir de lui dans leurs priéres, il mit à droite et à gauche de l’Autel deux inscriptions en Vers, dans lesquels il a eu soin de se nommer, et de reclamer les suffrages de ceux qui les liroient. On peut tirer de-là, qu’Helgaud étoit Prêtre, puisqu’il étoit chargé de deservir cette Chapelle.
     *p. 74.


     **p.75.
     Entre ses autres bonnes qualités, il avoit la reconnoissance en grande recommandation*. C’est ce qu’il montre par les prieres qu’il fait pour le bonheur éternel de ses bienfaicteurs, lorsqu’il parle de leurs bontés à son égard.
     *p. 74. 76
     Il seroit difficile de fixer précisément le terme de sa vie. Il est certain qu’il a vécu au-delà de 1033, qui est l’époque de la mort d’Odolric, Evêque d’Orleans, * dont il parle comme d’une personne qui n’étoit plus au monde. Il y a même beaucoup d’apparence, qu’il n’écrivoit qu’après l042: c’est-à-dire, après que le Roi Henri, fils de Robert, se fut signalé contre Etienne, Comte de Champagne, Galeran de Meulan et les factieux de Normandie, qui refusoient de reconnoître Guillaume le Bâtard pour leur Souverain. Ce qui en fait ainsi juger, ** est la fin de l’ouvrage d’Helgaud, où parlant de ceux qui entreprendroient d’écrire les exploits militaires du Roi Robert, il dit qu’ils y trouveroient matiére [p.407] à faire paroître le pere et ses fils, comme de grands Capitaines couronnés de gloire. *** Plusieurs Modernes supposent, qu’Helgaud florisoit vers 1050. Mais on peut légitimement douter s’il a vêcu au-delà de 1048. **** Sa mort est marquée au vingt-neuviéme jour d’Août, dans le Necrologe de S. Benigne de Dijon, et au jour précédent dans celui de S. Germain-des-Prez, qui lui donne la qualité de Prêtre.      *p. 75.



     **p. 79.


     ***Oud. Scri. t. 2. p. 644. | Le Long. bib. fr. p. 340. 2.


     ****Montf. bib. bib. p. 1163.2 | Hist. De S. Ger. app. p. 117.3.
§. II.
SES ECRITS.


L’UNIQUE ouvrage, qui nous reste de la façon d’Helgaud, * est un abregé de la vie du Roi Robert. On a ajoûté à ce titre que l’écrit a été pris de l’ouvrage d’un autre Moine, qui auroit traité plus amplement le même sujet avant notre Historien. ** Mais M. de Sainte-Palaye a montré par de fortes raisons, que cette addition, qui réduit Helgaud à la qualité de simple Abréviateur, est sans le moindre fondement, et qu’on doit la regarder comme un effet téméraire de l’ignorance des Copistes. Si donc cette Vie porte le titre d’abregé, ce n’est point qu’elle soit un extrait d’un autre écrit plus étendu, mais parce qu’elle n’est qu’une Histoire abregée du Prince, dont l’Auteur entreprend d’écrire les actions, *** Helgaud en effet avertit lui-même, qu’il n’a pas eu dessein de parler des guerres où Robert se signala, ni des affaires politiques. et qu’il laisse aux Historiographes le soin d’en transmettre la mémoire à la postérité.
     *Du Ches. t. 4. p. 59.


     **Hist. De l’Acad. des insc. t. 10. p. 556.



     ***Helg. Vit. Rob. p. 79.
     Par cette suppression l’Auteur a proscrit de son ouvrage ce qu’il y avoit de plus intéressant pour l’Histoire, dans la vie du Roi Robert. II s’est borné à nous donner * une longue déclamation qui roule uniquement sur la piété de ce Prince, sur sa dévotion envers les Saints, sur ses jeûnes, ses mortifications, ses priéres, sur sa charité pour les pauvres, sur l’affection qu’il portoit aux Moines, sur les biens dont il les combla, les grandes fondations qu’il fit dans l’Ordre de S. Benoît, et particuliérement dans l’Abbaïe de Fleuri, enfin sur quelques miracles qui lui furent attribués. De sorte que c’est moins une Histoire, qu’un Sermon, ou Oraison Funébre dans le goût de ce temps-là, où l’Auteur a placé beaucoup de minuties, et est entré dans les plus petits détails. Le tout [p.408] est assorti à un style tel qu’on l’a déja dépeint, et où les consonances souvent affectées tiennent lieu du bon goût. Cela n’empêche pas ** que ces détails, qui regardent souvent l’intérieur de la maison de nos Rois, ne nous offrent une peinture très-naïve et très-singuliére de la simplicité des mœurs du temps.
     *Hist. de l’Acad. Des insc. ib. p. 558.





     **p. 559.
     * Cet écrit est précédé d’une courte notice de la fondation de Fleuri, et du testament de Leodebode son Fondateur, piéces qui sont ici visiblement hors d’œuvre, à l’égard de la vie du Roi Robert, avec laquelle elles n’ont point de rapport. ** D’où le sçavant et judicieux M. de Sainte-Palaye conjecture avec beaucoup de fondement, que l’Auteur avoit un dessein plus étendu, et qu’il s’étoit proposé de faire l’Histoire des Abbaïes de S. Agnan d’Orleans, et de Fleuri. Après quoi n’aïant pas voulu laisser ignorer à la postérité les grands biens qu’elles avoient reçus du Roi Robert, il en aura pris occasion d’y ajoûter par maniere de Supplement, ou comme une suite de cette Histoire, la vie de ce Prince, dont la plus grande partie contient en effet ce qu’il fit en faveur de ces deux Monastéres; quiconque se donnera la peine de lire avec attention *** la Préface qui est à la tête de cette Vie pour la lier avec l’ouvrage précédent, conviendra que la conjecture est aussi solide qu’ingénieuse. Il sera arrivé dans la suite des temps, que la négligence des Copistes aura fait perdre ce qui nous manque du corps de l’Histoire.
     *Du Ches. ib. p. 59-62.



     **
Hist. de l’Acad. des insc. ib. p. 357.




     ***
Du Ches. ib. p. 62-63.
     * L’Ecrit d’Helgaud, tel qu’il est venu jusqu’à nous, a été d’abord imprimé avec la Vie de S. Louis, par Guillaume de Nangis, et l’Histoire de France par Gaguin. Le Recueil qui est in-folio, parut à Francfort en l577. Il paroît que cette édition n’a pas été connue de nos Bibliographes. ** Pithou réimprima depuis l’Ouvrage de notre Auteur à la suite de l’Histoire de Glaber, dans le premier Volume de ses Historiens. *** Les Duchesne l’ont donné de nouveau dans le quatriéme Volume de leur collection à la suite du même Glaber.
     *Bib. cath. Rot.

     **Pith. scri. fr. t. 1. p. 59-79.

     ***Du Ches. t. 4. p. 59-79.
     * Vossius attribué à Helgaud la Vie de S. Abbon, Abbé de Fleuri, dont on a fait l’Histoire en son lieu. Mais cette opinion, qui est particuliére à ce Critique, se trouve dénuée de toute vrai-sernblance. L’ouvrage appartient à Aimoin disciple d’Abbon, comme on l’a vu à son article.      *Voss. His. Lat. l. 2. c. 44. p. 116. 2.
     * M. de Sainte-Palaye, après avoir discuté ce qui concerne la personne d’Helgaud et son Ecrit, nous donne une notice [p.409] de deux fragments d’Histoire imprimés à la suite. Nous en avons déja rendu compte nous-mêmes dans le cours de l’Histoire de ce siécle, en montrant que ce sont des extraits fort défectueux, tirés de la Chronique d’Ademar de Chabanois. Ainsi, depuis qu’on a l’original en entier, ces morceaux informes ne doivent plus paroître dans les recueils de nos Historiens de France.
     *Hist. de l’Acad. des insc. ib. p. 559-560.
   
Source: Saisie en mode texte et illustration  par Bernard Gineste, octobre 2005.
 
   
 
 
      
BIBLIOGRAPHIE
 
Éditions de cette traduction
 
     Édition originale: François GUIZOT [traducteur], «Collection de mémoires relatifs à l’histoire de France», in ID. [éd.], Siège de Paris par les Normands (Bella Parisiacae urbis), poème d’Abbon.— Chronique de Flodoard.— Chronique de Raoul Glaber.— Vie du roi Robert par Helgaud.— Poème d’Adalbéron sur le règne de Robert [in-8°; 464 p.], Paris, J.-L.-J. Brière [«Collection de mémoires relatifs à l’histoire de France» (dite «Collection Guizot») 6], 1824.

     Réédition récente:
Chronique des premiers rois capétiens (987-1108): Serment d’Hugues Capet, Vie de Bouchard (Eudes), Poème au roi Robert (Adalbéron), Vie du roi Robert (Helgaud), fragments de l’Histoire des Français, Chronique de Hugues de Fleury, procès-verbal du sacre de Philippe Ier [216 p.],  Clermont-Ferrand, L’Instant Durable, sans date [33€].

     Édition numérique en mode image: BNF [éd.], «Guizot: Collection de mémoires relatifs à l’histoire de France, tome 6», in ID., Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-91454 (en ligne en 2005), pp. 359-414.

       Édition numérique illustrée en mode texte: Bernard GINESTE [éd.], «Helgaud de Fleury: Vie de Robert le Pieux (vers 1040, traduction Guizot de 1824)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-11-helgaldus-vitarotberti1824guizot.html, 2005.

Éditions, extraits, traductions et études de la
Vie de Robert par Helgaud de Fleury

     Robertus GAGUINUS (Robert Gaguin, religieux trinitaire, docteur en Sorbonne, un des premiers humanistes parisiens, maître d’Érasme, c.1434-1501)
[auteur principal], Humbertus VELLEIUS (Humbert Vellay) [continuateur] & Johannes WOLFIUS (Johann WOLF, juriste) [préfacier], Roberti Gaguini rerum gallicarum Annales, cum Huberti Velleii supplemento, in quibus Francorum origo vetustissima et res gestae regumque gallicorum omnium ex ordine vitae... usque ad Henricum II describuntur, cum praefatione... Jo. Wolfii [in-f°; 336 p.; index; le titre courant porte: «Huberti Velleii in R. Gaguini Appendix, Ludovicus duodecimus & Franciscus primus»; ce recueil contient, avec la l’Histoire de France par Gaguin, la Vie de saint Louis par Guillaume de Nangis et la Vie de Robert par Helgaud], Francofurti ad Moenum (Francfort-sur-le-Main), ex officina typographica A. Wecheli (André Wechel), 1577.

    
Petrus PITHOEUS (Pierre PITHOU, Jurisconsulte, historien, humaniste & érudit, 1539-1596) [éd.], Annalium et historiae Francorum ab anno Christi DCCVIII. ad annum DCCCCXC. scriptores coaetanei XII. Nunc primum in lucem editi ex bibliotheca P. Pithoei [2 tomes en 1 volume in-8°; réunit: «Annales sive Gesta Francorum ab anno incarnationis Domini DCXIIII ad annum DCCCLXXXIII...» (extrait des Annales Fuldenses), «Frodoardi... Chronicon...», «Continuatio ex alio Chronico quod Willelmi Nangii... videtur, et ad annum usque MCCCI producitur», «Quae sequuntur sunt Odoranni monachi S. Petri Vivi Senonensis...», «Abbonis De obsidione Lutetiae Parisiorum a Normannis libri duo» (en vers), et vingt autres dont la liste figure dans le Repertorium fontium historiae Medii Aevi, 1962, vol. 1, p. 562], Parisiis [Paris], apud Claudium Chappelet [Claude Chappelet (1565-1648)], M.D.LXXXVIII [1588], tome 1, pp. 59-79.
     2e édition: Annalium, etc. Nunc autem in Germania denuo impressi [in-8°; XVI+572+LII p.; même contenu que l’édition de Paris de 1588], Francofurti, apud Andreae Wecheli heredes (héritiers d’André Wechel), Claudium Marnium (Claude de Marne) & Joann. Aubrium (Jean Aubry), MDXCIIII [1594]
, tome 1, pp. 59-79.
     3e édition:
Historiæ Francorum ab anno Christi 900 ad ann. 1285 scriptores veteres xi. In quibus Glaber, Helgaudus, Sugerius abbas, M. Rigordus, Guillermus Brito, Guillermus de Nandis & anonyni alij, extrema stirpis Carolinae et Capetiorum regum res gestas usque ad Philippum, D. Ludovici filium regem, explicantes. Ex bibliotheca P. Pithoei nunc primum in lucem dati [in-f°; II+504+XXXVI], Francofurti, de Marne & Aubry, 1596, tome 1, pp. 59-79.

     Andreas DU CHESNE (alias André DUCHESNE, DUCHÊNE, CHESNIUS, DUCHESNIUS, QUERNEUS, QUERCETANUS, 1584-1640; surnommé le Père de l’Histoire française) [éd.] & Fransciscus DU CHESNE (François, son fils & continuateur, 1616-1693) [Duchesne envisageait un recueil de 34 volumes mais la mort l’arrêta avant que ne parût le 3e; son fils alla jusqu’au tome 5; l’ensemble fut ensuite entièrement recommencé par Dom Bouquet et les Mauristes], Historiae Francorum scriptores coaetanei... quorum plurimi nunc primum ex variis codicibus mss. in lucem prodeunt, alii verò auctiores et emendatiores; cum epistolis regum, reginarum, pontificum, ducum, comitum, abbatum et aliis veteribus rerum Francicarum monumentis opera ac studio Andreae Du Chesne [tom. I-II; «Auteurs de l’Histoire des Francs contemporains des faits… dont la plupart sont édités pour la première fois à partir de divers ouvrages manuscrits, tandis que les autres le sont plus au long et plus correctement; avec les lettres des rois, des reines, des évêques, des ducs, des comtes, des abbés et les autres anciens monuments des affaires de la France, par les soins et le travail d’André Duchesne»] — Historiae, etc., opera ac studio filii post patrem Francisci Du Chesne [tom. III-V] [5 vol. in-f°; «Auteurs, etc., par les soins et le travail du fils d’André Duchesne, François, après la mort de son père»], Lutetiae Parisiorum [Paris], sumptibus S. Cramoisy [Sébastien Cramoisy], 1636-1649, tome IV (1641), pp. 59 sqq.

     Jean-Baptiste de LA CURNE DE SAINTE-PALAYE (1697-1781), «Mémoire sur la vie et les œuvres
du moine Helgaud, sur l’epitome de la Vie du roi Robert et sur trois fragments imprimés à la suite de cet epitome dans la Collection des Historiens de la France», in Mémoires insérés dans les Recueils de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres X (1731), pp. 553-562.

     UN MAURISTE [religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur], «Helgaud, Moine de Fleuri» in Histoire littéraire de la France, où l’on traite de l’origine et du progrès, de la décadence et du rétablissement des sciences parmi les Gaulois et parmi les François.... Tome VII,, Qui comprend le onzième siècle de l’Eglise, Osmont-Huard,
1746. Dont une réédition au XIXe siècle sous la direction de Paulin PARIS [27 cm; XCIX+716 p.; cette édition contient de nouvelles notes en fin de volume mais aucune relative à Helgaud], Paris, V. Palmé, 1867. Dont une réédition numérique en mode texte par la la BNF, 1995, mise en ligne sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-28031 (en ligne en 2005), pp. 405-409. Dont une réédition numérique en mode texte par le Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-11-helgaldus-vitarotberti1824guizot.html#histoirelitteraire, 2005.

     Jean-Baptiste HAUDIQUIER, Charles HAUDIQUIER, Étienne HOUSSEAU, Jacques PRÉCIEUX & Germain POIRIER (bénédictins de l’ordre de Saint-Maur) [éditeurs], «Helgaldi Floriae. Epitoma Vitae Roberti Regis Fr.», in ID., Rerum Gallicarum et Francicarum Scriptores. Tomus decimus (Novæ Collectionis Historicorum Franciæ tomus decimus) – Recueil des Historiens des Gaules et de la France. Tome dixième, contenant ce qui s’est passé depuis le commencement du règne de Hugues-Capet jusqu’à celui du roi Henri I, fils de Robert le Pieux, par des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur [in-8°; CLXVI+768; sommaire: pp. CLXIV-VI], Paris, Imprimerie Royale, 1760. Dont une réédition: Léopold DELISLE (membre de l’Institut, 1826-1910) [éd.], Recueil des historiens des Gaules et de la France. Tome dixième, édité par des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Nouvelle édition publiée sous la direction de M. Léopold Delisle [mêmes texte & pagination], Paris, Victor Palmé, 1874. Dont une réédition en microfiches: Doetinchem, Microlibrary Slangenburg Abbey. [Dont une réédition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-50128, 1995 (en ligne en 2005)], pp. 96-117.

     Jean-Baptiste MIGNE [éd.], «Helgaudi Vita Roberti regis Francorum» [reprise de l’édition des Duchesne], in ID., Patrologiae Latinae cursus completus (221 vol. in-4°, 1844-1864)
, t. 143, col. 1267 sqq.

     Édmond POGNON (né en 1911) [éd.], L’An mille. Œuvres de Liutprand, Raoul Glaber, Adémar de Chabannes, Adalberon, Helgaud, réunies, traduites et présentées par Edmond Pognon [in-8° (22,5 cm sur 14,5); XLV+305 p.], Paris, Gallimard [«Mémoires du passé pour servir au temps présent» 6], 1947.

     Robert-Henri BAUTIER & Gillette LABORY [du CNRS], Helgaud de Fleury. Epitoma vitae Regis Rotberti Pii. Vie de Robert Le Pieux. Texte édité , traduit et annoté  [25 cm; 165 p. & 4 p. de planches; texte latin et traduction en regard; bibliographie pp. 54-55; index; préface de Charles-Edmond Perrin], Paris, CNRS (Centre national de la recherche scientifique) [«Sources d’histoire médiévale» 1], 1965.

     Claude CAROZZI, «La vie du roi Robert par Helgaud de Fleury: historiographie et hagiographie», in Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest 87/2 (1980), pp. 219-235.

     AUTEUR NON PRÉCISÉ [il s’agit probablement d’une reprise de la traduction de François GUIZOT?], Le roi de l’an mil. Textes et documents sur Robert le Pieux [21 cm; 97 p.; contient le «Poème au roi Robert» d’Adalbéron de Laon & la «Vie du roi Robert» d’Helgaud de Fleury], Clermont-Ferrand, Paleo [«Sources de l’histoire de France»], 2001 [ISBN 2-913944-40-X; 16 €].

     Bernard GINESTE [éd.], «Helgaud de Fleury: Vie de Robert le Pieux (vers 1040, traduction Guizot de 1824)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-11-helgaldus-vitarotberti1824guizot.html, 2005.

Actes de Robert II

     Jean-Baptiste HAUDIQUIER et alii (bénédictins de l’ordre de Saint-Maur) [éd.], «Monitum in Diplomata Roberti Regis Fr.» & «Diplomata Roberti Regis Francorum», in ID., Rerum Gallicarum et Francicarum Scriptores. Tomus decimus, 1760 [cf. infra], pp. 565-625.

     William Mendel NEWMAN, Catalogue des actes de Robert II, roi de France. Thèse complémentaire pour le doctorat ès lettres présentée à la Faculté des lettres de l’Université de Strasbourg [grand in-8°; XXXII+211 p.], Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1937, n°99, p. 124.


Monnaies de Robert le Pieux en ligne

   BNF [éd.], «Denier de Robert II (argent ; 21 mm ; 996-1031)» [avers: ROB FRAN REX (buste couronné de face) / + ADALBERO LAD (buste de l’évêque de face entre deux besants)], in ID., Gallica, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=07700340, en ligne en 2005.

   BNF [éd.], «Denier de Robert II (argent ; 21 mm ; 996-1031)» [ROT BER TVS / dans le champ: REX ]], in ID., Gallicahttp://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=07700455, en ligne en 2005.

     CGB [éd.], «Robert II le Pieux (24/10/996-20/07/1031): Denier - c.987-990», in ID., Vente sur ordre n°9, http://www.cgb.fr/monnaies/vso/v09/gb/monnaiesgbe64d.html, en ligne en 2005.

     CGB [éd.], «Robert II le Pieux (24/10/996-20/07/1031): Denier» [de Laon], in ID., Vente sur ordre n°16, http://www.cgb.fr/monnaies/vso/v16/gb/monnaiesgb8643.html?depart=707&nbfic=2000, en ligne en 2005.

     CGB [éd.], «Robert II le Pieux (24/10/996-20/07/1031): Denier» [de Laon], in ID., Vente sur ordre n°18,   http://www.cgb.fr/monnaies/vso/v18/gb/monnaiesgb306d.html?depart=947&nbfic=2582, en ligne en 2005.

     ANONYME [«dahu74 »], « Robert II - 996/1031: Du 8 – Denier (de Laon)» [denier de Laon, avec un portrait de Robert II et un autre de l’évêque Adalbéron], in ID., Le site du Collectionneur: Numismatique, http://members.aol.com/numis74/1-mo/2b/1-02b.htm, en ligne en 2005.

Sur Robert le Pieux en général

     Jean-Baptiste HAUDIQUIER, Charles HAUDIQUIER, Étienne HOUSSEAU, Jacques PRÉCIEUX & Germain POIRIER (bénédictins de l’ordre de Saint-Maur) [éd.], Rerum Gallicarum et Francicarum Scriptores. Tomus decimus (Novæ Collectionis Historicorum Franciæ tomus decimus) – Recueil des Historiens des Gaules et de la France. Tome dixième, contenant ce qui s’est passé depuis le commencement du règne de Hugues-Capet jusqu’à celui du roi Henri I, fils de Robert le Pieux, par des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur [in-8°; CLXVI+768; sommaire: pp. CLXIV-VI], Paris, Imprimerie Royale, 1760. Dont une réédition: Léopold DELISLE (membre de l’Institut, 1826-1910) [éd.], Recueil des historiens des Gaules et de la France. Tome dixième, édité par des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Nouvelle édition publiée sous la direction de M. Léopold Delisle [mêmes texte & pagination], Paris, Victor Palmé, 1874. Dont une réédition en microfiches: Doetinchem, Microlibrary Slangenburg Abbey. Dont une réédition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-50128, 1995 (en ligne en 2005).
     [Voir le détail des documents édités dans ce volume ici: http://www.corpusetampois.com/cbe-recueildeshistoriens.html#tome10].

     Christian PFISTER (1857-1933) [historien, médiéviste, professeur à la faculté des lettres de Nancy (1884) puis recteur de l’Académie de Strasbourg (1927)], Études sur le règne de Robert le Pieux: 996-1031 [24 cm; LXXXVI+424 p.; bibliographie pp. XI-XXIII; index ; thèse de Lettres soutenue à Paris en 1885; avec les diplômes inédits de Robert et le catalogue des diplômes conférés par ce roi], Paris, F. Vieweg [«Bibliothèque de l’École des hautes études. Sciences philologiques et historiques» 64], 1885. Dont une réimpression [fac-similé] Genève, Slatkine & Paris, Champion], 1974.

     Julien HAVET (1853-1893) [archiviste paléographe, conservateur à la Bibliothèque nationale], Les couronnements des rois Hugues et Robert [in-8°; 8 p.; extrait de la Revue historique XLV (1891), pp. 290-297], Nogent-le-Rotrou, Daupeley-Gouverneur, 1891.

     Charles DUCROS, Berthe de bourgogne, reine de France, idole émouvante et sublime de Robert le Pieux [petit in-8°; 172 p.], Paris, Éditions du Livre Moderne, 1943.

     Richard LANDES [trad.],
«Peace oath proposed by Bishop Warin of Beauvais to King Robert the Pious (1023)», in T. HEAD & R. LANDES [éd.], The Peace of God. Social Violence and Religious Response in France around the Year 1000, Ithaca & London, Cornell University Press, 1992, document n° 6. Dont une réédition numérique en mode texte par The St. Andrews University, http://www.st-andrews.ac.uk/~jfec/cal/papacy/document/doc_1093.htm, en ligne en 2005.

     Hervé PINOTEAU, «Les sceaux de Robert le Pieux», in Bibliothèque de l’École des Chartes 155/1 (1997), pp. 235-245 [dont une mise ligne numérique au format PDF par la Bibliothèque de l’École des Chartes, http://www.persee.fr/showPage.do?urn=bec_0373-6237_1997_num_155_1_376344, en ligne en 2005.

     Laurent THEIS, Robert le Pieux, le roi de l’an mil [23 cm sur 14,5; 273 p.; 1 carte; tableaux généalogiques; notes bibliographiques; index], Paris, Perrin, 1999 [ISBN: 2-262-01375-6]. Réédition: Paris, Le Grand Livre du Mois, 1999 [ISBN 2-262-01375-6; 21,19€].
     Remarque: ce livre joint à de grandes qualité certaines carences quelque peu étonnantes, dues sans doute à une certaine part d’improvisation, commandée par l’actualité du millénaire; ainsi par exemple le nom d’Étampes n’y est même pas cité, ce qui est un peu fort, concernant ce roi; on n’y trouve pas non plus d’étude chronologique sérieuse, relativement par exemple à la date du ou des voyages de Robert en Italie; etc. ; bref: on attend toujours une synthèse de tout ce que nous savons sur Robert le Pieux à laquelle cet ouvrage ne fait qu’ouvrir la voie. (B.G.).
     Renaud DE SPENS [Chargé de TD (ATER) à Paris II], «Lettre d’Eudes de Blois au roi Robert le Pieux (1023)» [traduction d’un texte latin du Recueil des historiens de Gaule et de France, t. X, p. 501.], in ID., Histoire du droit («histoire du droit et des institutions, de la fin de l’Empire romain à la Révolution»), http://perso.magic.fr/spens/eudes.htm, en ligne en 2005.

Iconographie de Robert le Pieux

     XIVe siècle: BNF [éd.], «Grandes Chroniques de France: Robert II le Pieux à Rome. Siège de Melun (999)» [image qui n’est plus en ligne en octobre 2005, mais qui a depuis été reprise par d’autres sites en ligne].

     XVe siècle: BNF [éd.], «Fouquet: Le saint roi Robert le Pieux» & «Fouquet: Robert II le Pieux à Rome; Siège de Melun en 999» [Grandes Chroniques de France, Paris, BNF, département des Manuscrits, Français 2609, fol. 14v.], in ID., Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle [exposition], http://expositions.bnf.fr/fouquet/grand/f624.htm, & http://expositions.bnf.fr/fouquet/grand/f019.htm, en ligne en 2005.

     BNF [éd.], «Image 19. Robert II le Pieux à Rome. Siège de Melun (999)» [cote: français 6465, fol. 166v], in ID. [éd.], BNF Richelieu Manuscrits Français 6465. Grandes Chroniques de France, France, Tours, XVe siècle, Jean Fouquet [« libre de droit»], http://gallica.bnf.fr/Catalogue/noticesInd/MAN01212.htm, en ligne en 2005.

   XVIIe siècle: BNF [éd.], «Buste de Robert le Pieux de profil, à droite (camée, 1630/1640, coquille ; 24 x 19 mm)», in ID., Gallica, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=07700224, en ligne en 2005.

  
XVIIIe siècle: BNF [éd.], «Robert roy de France (buste du roi à droite, couronné; médaille de bronze, ca 1720, coquille; 31 mm; n°36 de la série ‘Histoire chronologique des rois de France en 70 jetons’)», in ID., Gallica, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=07700036, en ligne en 2005.

     XIXe siècle: MINISTÈRE DE LA CULTURE, «Laurens, Jean-Paul» [trois œuvres notices et clichés RMN: «Etude pour l’Excommunication de Robert le Pieux», «L’Excommunication de Robert le Pieux» (dessin), «L’Excommunication de Robert le Pieux» (huile sur toile)], in ID, Base Joconde, http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr, en ligne en 2005. 

     INSECULA [éd.], «L’excommunication de Robert le Pieux (par Jean-Paul Laurens)» [avec une notice sur le règne de Robert II], in Insecula. Guide intégral du voyageur, http://www.insecula.com/oeuvre/O0014994.html, en ligne en 2005.

Toutes critiques, corrections et contributions seront les bienvenues. Any criticism or contribution welcome. 

    
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