Bernard Gineste
Une dame d’Étampes non signalée:
Bathilde d’Orléans (1759-1779)
2012
Extrait
d’une sentence du bailli d’Étampes en date du 13 février 1776
Bathilde d’Orléans, dame d’Étampes
On pourrait croire close depuis longtemps la liste
de tous les personnages qui ont porté le titre de seigneur ou de dame
d’Étampes à travers les âges. Il n’en est rien pourtant.
|
|
Le
premier historien a établir une liste de ce genre fut dom Basile Fleureau
vers 1668, non sans difficultés ni incertitudes (1). Cette liste a été continuée,
complétée et documentée successivement par les historiens
locaux Maxime de Montrond en 1837 (2), Léon
Marquis en 1901 (3), et Paul Dupieux en 1937
(4).
Pour autant cette liste n’est pas encore close. J’avais
déjà montré en 2008 que François d’Angoulême,
au témoignage de son successeur Arthur Gouffier, avait lui aussi tenu
le comté d’Étampes pendant les huit derniers mois de 1514, avant
de monter sur le trône sous le nom de François Ier (5). Il l’avait reçu en dot de son épouse
Claude de France, fille d’Anne de Bretagne.
Il apparaît maintenant qu’une autre dame d’Étampes
avait jusqu’ici échappé à l’attention des historiens
d’Étampes. Il s’agit de Bathilde d’Orléans, dans le troisième
quart du XVIIIe siècle.
Sa mère, Louise-Henriette
de Bourbon, avait été dame d’Étampes jusqu’à
sa mort survenue le 9 février 1759. Épouse de Philippe d’Orléans,
et par là duchesse d’Orléans, elle laissait alors à
son mari deux enfants survivants, Philippe, dit le duc de Chartres, et Bathilde.
Que se passa-t-il alors?
|
(1) Les Antiquitez de
la ville et du duché d’Estampes, Paris, Coignard, 1683, pp. 283-286.
(2) Essais Historiques
sur la ville d’Étampes. Tome second, Paris, Debécourt, 1837,
passim.
(3) Les Seigneurs d’Étampes,
Étampes, Humbert-Droz, 1901.
(4) Les Institutions
royales au Pays d’Étampes, Versailles, Mercier, 1931, pp. 13-42.
(5) Bernard Gineste [éd.],
«Artus Gouffier, comte d’Étampes: Charte en faveur des religieuses
de Maubuisson (6 mars 1519)», in Corpus Étampois,
www.corpusetampois.com/che-16-artusgouffier1519mauduisson.html,
2008.
|
A ce que
faisait déjà remarquer Montrond (6),
«suivant des actes de 1770, les sentences du bailliage d’Étampes,
à cette époque, étaient rendues au nom de Mgr. Louis-Philippe
d’Orléans, tuteur honoraire de Mgr le duc de Chartres. Enfin le 23
juin 1779, par suite d’un partage de la succession de la princesse de Conti,
entre Louis-Philippe Joseph d’Orléans, et la duchesse de Bourbon, sa
sœur, les domaines d’Étampes et de La Ferté-Aleps échurent
à ce prince pour la somme de 480,000 livres. À la révolution
de 1789, le duc d’Orléans, Louis-Philippe-Joseph, était encore
possesseur du duché d’Étampes.»
Il y a cependant un point que Montrond a laissé
dans l’ombre, et qui n’a pas été éclairci depuis par
Léon Marquis: qu’en a-t-il été entre la mort de Louise-Henriette,
le 9 février 1759, et le partage de sa succession entre ses deux enfants
survivants, le 23 juin 1779?
La question est d’autant moins négligeable qu’il s’agit tout de même
d’une période de plus de vingt ans. Montrond écrit qu’en 1770
les actes du bailli d’Étampes sont rendus «au nom de Mgr Louis-Philippe
d’Orléans, tuteur honoraire de Mgr le duc de Chartres».
Il semble cependant qu’il ait été à tout le moins un
peu rapide en cette matière. |
(6)
Op. cit., t.2, p.132
|
Un nouveau
document (7) jette un nouveau jour sur la question.
Il s’agit d’une sentence rendue le 13 février 1776 par le bailli d’Étampes,
en faveur du meunier du Petit Moulin contre un locataire qui ne payait pas
son loyer. Voici en réalité comment y est qualifié le
duc d’Orléans au nom duquel le bailli rend son jugement: «Son
Altesse Philipes d’Orleans, premier prince du sang, duc d’Orléans,
de Valois, de Chartres, de Nemours et de Montpensier, comte de Vermandois
et de Soissons, tuteur honoraire de leurs altesses serenissimes monseigneur
le duc de Chartres et de mademoiselle non encore nommée, seigneur
et dame du duché d’Estampes et comté de la Ferté
Aleps».
Il apparaît donc qu’entre le 9 février
1759 et le 23 juin 1779, la succession de Louise-Henriette de Bourbon
est restée en indivision, et qu’à ce titre le duché d’Étampes
ne revenait pas davantage au futur Philippe-Egalité, dernier duc
d’Étampes, qu’à sa sœur Bathilde.
|
(7)
Signalé par Jacques Corbel comme en vente sur un site d’enchères
en ligne, ce cahier de parchemin de huit pages a été acquis
par l’Association de Sauvegarde des Moulins en Essonne (ASME-91), dont la
présidente est Marie-Hélène Percy, dans le but d’être
généreusement offert aux Archives municipales d’Étampes.
Nous éditons ce document à part.
|
Bathilde d’Orléans a donc bien été considérée
à juste titre comme dame du duché d’Étampes et du
comté de la Ferté-Alais pendant plus d’une vingtaine d’années,
de 1759 à 1779.
Née à Saint-Cloud le 9 juillet 1750, elle
n’avait que huit ans et demi à la mort de sa mère, lorsqu’elle
devint duchesse d’Étampes en partie. Elle en avait vingt-huit lorsque
ce duché et le comté de la Ferté-Alais sortirent enfin
de l’indivision pour passer au seul Philippe d’Orléans, ultime duc
d’Étampes.
Entre temps, on avait marié Bathilde, en 1770,
âgée de vingt ans, à son cousin le duc de Bourbon, futur
prince de Condé, âgé de quatorze ans. Il l’avait enlevée
sur un coup de tête du couvent où elle était élevée.
Mais il se lassa d’elle au bout de six mois seulement et les époux
se séparèrent ensuite, menant chacun de son côté
sa propre vie sentimentale. Le scandale de leur vie privées respectives
ne devint public qu’en 1781.
|
Signature de Louise Marie Thérèse Bathilde d’Orléans
en 1792
|
Le Corpus
Étampois ne manquera pas de s’intéresser à l’avenir
à cette dame d’Étampes jusqu’ici méconnue, et spécialement
pendant la période de sa vie où elle détint des droits
sur le duché. Nous publierons notamment une page indiquant comment
elle devint alors l’une des premières femmes à accéder
en France à la franc-maçonnerie, dès 1776.
Bernard Gineste, juin 2012
|
|
|
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
Éditions
Bernard GINESTE [éd.], «Bathilde d’Orléans,
dame d’Étampes de 1759 à 1779 (2012)», in Corpus
Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-21-gineste2012bathildedorleans.html,
2012.
Sur Bathilde d’Orléans
Théodore Paul Émile, baron DUCOS, La
mère du duc d’Enghien, 1750-1822 [in-8°; II+442 p.], Paris,
E. Plon, Nourrit & Cie, 1900.
Bernard GINESTE [éd.], «Charles de Valory, bailli
d’Étampes: Sentence en faveur du meunier Hamouy (13 février
1776)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-18-valory1776hamouy.html,
2012 (à venir).
Bernard GINESTE, «Bathilde d’Orléans dame d’Étampes
et la franc-maçonnerie féminine (2012)», in Corpus
Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-21-gineste2012bathildefm.html,
2012 (à venir).
COLLECTIF D’INTERNAUTES,
«Bathilde d’Orléans», in Wikipédia,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bathilde_d’Orl%C3%A9ans, depuis 2005.
Sur les seigneurs
et dames d’Étampes
Bernard GINESTE [éd.], «Documents
sur les Seigneurs et Dames d’Étampes dans le Corpus Étampois»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/http://www.corpusetampois.com/index-seigneurs.html,
depuis 2004.
Toute critique,
correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution
welcome.
|