| Archives Municipales d’ÉtampesJOUR DE MARCHÉ
 Le commerce à Etampes sous l’Ancien Régime
 par
 Clément Wingler
 directeur des Archives municipales
 
 
 A.M.E.
 4, rue Sainte-Croix 91150 ETAMPES
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           | SOMMAIRE. 
        
 AVANT-PROPOS (p.3). — ÉTAMPES AUX XIe ET XIIe SIÈCLES: VILLÉGIATURE 
  ROYALE ET NÉGOCE.— Le commerce sous les premiers
  rois Capétiens (p. 5).  — La fondation du marché Saint-Cilles (1123)
  (p. 7).  —       LE COMMERCE SOUS LOUIS VII: L’ÂGE D’OR DU XIIe SIÈCLE.
  — La charte royale de 1137: une monnaie stable (p. 10).
  — La fondation de la foire Saint-Michel (1147) (p.11).
 —       Corporations ou métiers: la charte royale
de  1179  (p.12). —Vin et draps (p. 14).        — DE L’ESSOR À LA CRISE: XIIIe
  - XIVe - XVe S. — Les nouvelles paroisses (p.17).
        — La
 grande boucherie de  Philippe Auguste (p.17). —Le désastre
 de la Guerre  de Cent Ans (p.18). — Renouveau et rivalités
 après  la paix de 1478 (p.19).  —
       LE COMMERCE SOUS LA RENAISSANCE: LE DERNIER AGE
D’OR (XVIe S.).       — Coutume et commerce (p.22).
— Le Port (1490-1676) (p.24). 
—        LA FIN DE L’ANCIEN RÉGIME: LE COMMERCE
AUX  XVIIe ET XVIIIe s.  — Le déplacement de la foire Saint-Michel
(1774) (p.27).   — Le marché Notre-Dame (p.28).
— Bouchers  de la campagne et bouchers de la ville (p.29). 
— La construction  d’une nouvelle boucherie 
et l’agrandissement du marché Notre-Dame (p.32).  — Commerce et ordre public: l’ordonnance de 1779 (p.33)   
     — NOTES (p.37 
      [ici en marge du texte]).
 
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           | AVANT-PROPOS
 
 
             
               
                 | Celui  qui s’intéresse à l’histoire économique et commerciale 
  d’Etampes sous l’Ancien Régime, cherchera en vain l’ouvrage susceptible 
  de lui en présenter une synthèse. 
 Seules quelques études partielles,
mais   souvent de valeur, écrites par des érudits locaux à 
 la charnière de ce siècle et du précédent, lui 
 permettront de lever un coin du voile.
 
 Pourtant, comment parvenir à comprendre 
  le passé de cette ville, sans prendre conscience que parmi les facteurs 
  divers qui ont concouru à façonner son identité urbaine 
  jusqu’à la Révolution, voire au-delà, l’élément 
  commercial a joué un rôle prépondérant dès 
  le Moyen-Age, jusqu’à donner naissance à tout un quartier: 
 celui de la place Saint-Gilles. C’est à l’agriculture et au commerce 
 que la ville doit ses deux âges d’or du XIIème siècle 
 et de la Renaissance. A la première période correspond la diffusion
  d’une monnaie royale frappée à Etampes et la fondation d’importants
  centres d’échanges qui existent encore de nos jours: le marché
  Saint-Gilles et la foire Saint-Michel; à la seconde époque
 se rattache le souvenir du Port, d’où partaient des bateaux chargés
  de blé destinés à approvisionner la capitale.
 
 Le présent livret n’entend pas combler
  la lacune précitée: il ne contient pas un historique du commerce 
  à Etampes. Son ambition est moindre: il se propose de décrire 
  et de replacer dans le contexte de l’époque, quelques uns des principaux 
  dossiers et documents conservés dans les services publics d’archives.
 
 Le lecteur constatera que certaines périodes, 
  notamment le Moyen- Age, ou certains aspects de la question, par exemple 
 le commerce de la boucherie, ont bénéficié d’un traitement 
  privilégié. Il ne s’agit pas là d’une démarche
   arbitraire, mais du résultat de l’existence ou de la disponibilité, 
  dans le premier cas, de pièces de première importance, et, 
 dans le second cas, de sources particulièrement abondantes. La période 
  moderne n’a été traitée que très superficiellement, 
  faute de temps. Elle fera l’objet d’une étude qui paraîtra 
ultérieurement.
 
 
  À ÉTAMPES, 
  avril 1997Clément WINGLER [p.4]
 |   Illustration: Troupeau de 
moutons   sur le chemin Saint-Jean, allant à la plaine de Guinette. 
Par Narcisse   Berchère, s.d., Musée d’Étampes). 
  [p.5]
 
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           | ETAMPES AUX Xe ET XIe SIÈCLES: VILLÉGIATURE ROYALE ET NÉGOCE
 
 
 
 
             
               
                 | Faute de sources manuscrites antérieures au Xlème siecle, 
il  apparaît illusoire de chercher à savoir quelle a pu être 
  la vie économique et commerciale de la première ville d’Etampes 
  détruite en 911 par les envahisseurs normands. 
 Seule nous est connue la situation géographique 
  favorable qui est celle de la cité depuis la période gallo 
 romaine, au cœur d’un terroir riche, arrosé de rivières, propice 
 à la culture des céréales et de la vigne, en bordure 
  de l’importante voie qui traverse la région du nord au sud, reliant 
 Paris â Orléans.
 
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                 |  LE
COMMERCE SOUS LES PREMIERS ROIS CAPÉTIENS
                  A partir de 987, Etampes connaît le
gouvernement   direct des premiers rois Capétiens qui font de la ville
leur lieu  de résidence favori. Robert II le Pieux (roi de 996 à
1031)  fonde les églises Saint-Basile et Notre-Dame, et la reine Constance 
 fait ériger un Palais du Séjour aux jardins semble-t-il magnifiques, 
  arrosés par la Louette et la Chalouette détournées 
de  leur cours naturel.
 
 La maîtrise de l’eau en tant que force 
 motrice  permet de développer des industries nouvelles, d’établir 
 des  moulins destinés à recevoir les grains et à permettre 
  notamment le tissage des draps. Leur existence est avérée 
par  un diplôme (1) de Henri 1er.
 
 Vignes et blés constituent les principales 
  ressources de la ville. Les greniers et celliers royaux font partie intégrante 
  de l’ensemble de bâtiments que constitue le Palais du Séjour.
 
 Selon dom Basile Fleureau (2), “le palais 
 (est)  composé de plusieurs corps d’Hôtel sous lesquels il y
 (a) caves  et au dessus greniers qui servent à retirer vins et blés
 que  l’on recueille dans les vignes et sur les terres du roi, avec ceux
qui  proviennent  de ses moulins et autres rentes et droits qui lui (appartiennent).”
 
 Au Xlème siècle la ville se
compose   de deux entités distinctes éloignées de plus
d’un kilomètre:   Stampae veteres (Etampes-les-Vieilles), la ville
primitive et ouverte qui   se confond aujourd’hui avec le noyau ancien du
quartier Saint-Martin, et  Stampae castrum ou Stampae novae (Etampes le Châtel), 
ville nouvelle  sans doute protégée par des fortifications, 
édifiée  de par la volonté royale à l’ombre du 
Palais du Séjour  et des églises Notre-Dame et Saint-Basile 
(3). [p.6]
 
 Afin de favoriser la prospérité
  de leur ville préférée, les premiers rois Capétiens 
  s’efforcent tout au long du XIème siècle, de rapprocher ces
   deux entités urbaines, d’établir une continuité territoriale 
  entre elles. Le facteur commercial est le moyen privilégié 
 et déterminant retenu pour y parvenir. Trois documents de première 
  importance en font foi.
 
 Datés de 1046, 1085 et 1123, ils montrent 
  une progression régulière dans la mise en œuvre de la politique 
  royale, même s’il faut se garder de voir dans chacun de ces actes 
de  gouvernement, la mise en application par étapes d’une politique 
dûment  planifiée sur le long terme. Néanmoins, le but 
premier poursuivi  rapprocher les deux entités pour garantir l’essor 
d’Etampes et l’épanouissement  du domaine royal, est toujours perceptible, 
et les moyens employés  pour y parvenir incitations économiques, 
commerciales et fiscales,  toujours identifiables.
 
 Outre le développement de la ville, 
un  objectif second des rois de France apparaît peut être vers 
la  même époque, même s’il n’est pas encore clairement 
exprimé.   Né de l’observation de la nature et de l’extension 
géographique   des échanges favorisés par la mise en 
œuvre de cette politique   propice au commerce, il vise à transformer 
Etampes, cité directement   administrée et donc contrôlée 
par le pouvoir Capétien,   en un entrepôt vaste et sûr 
pour l’approvisionnement de Paris.
 
 Le premier des trois documents qui porte témoignage 
  de la politique royale est une confirmation de 1046 (4), dans laquelle Henri
  1er cède plusieurs terres et droits aux chanoines qu’il vient d’installer
  à Notre- Dame. Ceux-ci obtiennent entre autres, la dîme des
 cultures royales au dessus d’Etampes-les-Vieilles, des terres non encore 
défrichées dans l’espace qui sépare les deux entités 
 urbaines, un moulin, et un arpent et demi de vignes sous le Castrum. Les 
bénéficiaires  reçoivent également l’assurance 
qu’ils seront préservés  de tous actes de violence et abus de
pouvoir des officiers royaux ou des seigneurs des environs. Le roi veut ainsi
            “encourager 
les défrichements, favoriser la production agricole, par la suite et
pour cela, attirer snr ses domaines hôtes, colliberts, serfs, en les
rassemblant sous la protection et la bienveillance ecclésiastique, 
en les entourant des garanties que la paix offre au travail” (5).
 
 Dans le même esprit, Philippe 1er donne
  en 1085 à la Maison-Dieu d’Etampes-les-Vieilles, une terre d’un
arpent   située près d’un pont sur la Louette, et affranchit
les hôtes   qui y sont installés, du paiement de toute imposition
ou taille due   aux officiers royaux. Ces derniers ne pourront par ailleurs
exercer aucune   brutalité à leur encontre. Le roi ajoute que
les hôtes   qui le souhaitent, auront la possibilité de “venir
acheter ou vendre  à son marché” et que dans ce cas, “on
ne leur demandera rien de plus que la légitime coutume du marché”, 
c’est-à-dire  aucune taxe supérieure à la somme fixée 
par la coutume  pour l’achat et la vente de denrées. En outre, “ils 
ne seront pas obligés de faire crédit” (6). [p.7]
 
 La volonté royale de provoquer par
des   avantages fiscaux, l’installation de nouveaux habitants sur le no man’s
land  qui s’étend entre les deux entités urbaines, est tout
à  fait discernable.
 
 Au-delà de son intérêt 
premier,   cette charte démontre l’existence d’un marché à 
Etampes   vers la fin du XIème siècle. En quel endroit se trouve-t-il?
  Compte tenu du fait que les hôtes nouvellement établis “viendront” 
  au marché, on peut émettre l’hypothèse qu’il se tient 
  à l’intérieur de l’enceinte fortifiée d’Etampes-le-Châtel, 
  où la sécurité des marchands et des acheteurs peut 
être  garantie (7).
 
 
 |      (1) “Molendinum nostrum in suburbio”. 
  On peut en partie identifier ces moulins comme étant ceux de Bierville 
  et de Saclas, de Notre-Dame, Branleux, et peut-être de Chauffour, 
in:                Cartulaire général de Paris, n°163: 
  diplôme de Henri Ier de 1046/LASTEYRIE. - Paris, 1906. p. 187 [légère 
  erreur de référence].
 (2) Les Antiquitez de la ville et du duché 
  d’Estampes / dom Basile FLEUREAU. - Paris, 1683. p.26.
 
 (3) Voir op. cit. (1), p.23.
 
 (4) Voir op. cit. (2), p.23 et suiv.
 
 (5) Les Institutions royales au pays d’Etampes
               /  PauI DUPIEUX. - Versailles, 1931. p.7.
 
 (6) Recueil des actes de Philippe Ier n°CXIV 
  / Maurice PROU. – Paris, 1896. p.287.
 
 (7) Dom Basile FLEUREAU, op. cit. (2), p.95.
 Essais sur Étampes: t.II / Maxime de MONTROND. - Paris, 1836,
 p.210.
 
 
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                 |  LA
FONDATION DU MARCHÉ SAINT-GILLES (1123)
                  Une nouvelle étape est franchie en
1123   avec la naissance d’un marché neuf entre Stampae veteres et
le castrum.   La charte de Louis VI qui l’institue, est d’une valeur capitale
pour l’histoire   d’Etampes. Elle marque en fait la création de par
l’autorité   royale, d’une ville nouvelle à vocation commerciale
au lieu-dit Saint-Gilles,   intermédiaire entre les deux ensembles
urbains plus anciens. Le détail   de cette charte est bien connu.
Une copie de 1594 en est conservée   aux Archives communales (8).
 
 Pour attirer des hôtes à Saint-Gilles 
  et animer le marché, Louis VI n’octroie pas uniquement des privilèges 
  commerciaux aux nouveaux habitants, du type de ceux habituellement donnés 
  aux marchands forains, mais des droits plus étendus comparables à
  ceux consentis aux villes de franchise ou villes neuves.
 
 Non seulement les marchands “qui amèneront 
  des provisions, blé, vin ou autres denrées, ou qui s’en retourneront”, 
  auront la garantie perpétuelle de sauf-conduit (“il ne pourra 
leur  être pris aucune chose sauf en cas de malversation au marché 
  même”), mais encore ceux qui choisiront de s’établir à 
  Saint-Gilles bénéficieront d’avantages d’une durée 
tout  d’abord limitée à dix ans par la charte de 1123, puis 
rendus  de fait et pour partie continuels, par des confirmations ultérieures 
  (9).
 
 Les avantages qui leur sont accordés
 sont  d’ordre financier, commercial, judiciaire et militaire. Les nouveaux
 habitants  bénéficient d’une “masura” (maison avec terrain) protégée
 contre les contestations  d’un tiers, et sont exemptés de toute taille
 (impôt direct au  profit du pou voir royal). Ils ne doivent payer
le  droit de minage (imposition  royale sur le mesurage des grains) que le
jeudi,  jour du marché. Le  droit de marché est lui-même
abaissé  de 60 sols à  5 sols 4 deniers. Les hôtes sont
également  exemptés de  la chevauchée et du service
d’ost, des expéditions  et assemblées  de gens d’armes, en
d’autres termes, du service militaire.  En matière  judiciaire, ils
obtiennent le privilège de ne pas  relever de la compétence
 du prévôt, mais sont justiciables  du roi seul. Ils n’ont pas
 à payer d’amende pour une citation en justice mal fondée,
peuvent  refuser de prêter un serment quelconque  sans avoir à
le racheter,  et les amendes qui pourraient leur être  appliquées
pour forfaits,  se verraient réduites de 7 sols et demi à 16
deniers. [p.8]
 
 “Le quartier Saint-Gilles est donc un territoire 
  de franchise soumis un régime particulier” (10).
 
 Ses hôtes sont néanmoins soumis 
 à  une obligation non négligeable fournir au roi lors de ses 
 séjours,  tout le linge et les ustensiles de table et de cuisine qu’il
 estimera nécessaire  à sa cour. En revanche, contrairement 
à l’usage en vigueur dans la plupart des grandes villes, le droit royal
d’hébergement gratuit  qui est exigible aux habitants trois fois l’an,
est sans objet à Etampes,  dans la mesure où le souverain y
dis pose de son propre palais.
 
 L’utilisation fréquente du Palais du
 Séjour  est attestée par l’existence de nombreux actes officiels
 dressés  à Etampes. Louis VII y réside pendant au moins
 dix longues périodes entre 1106 et 1131 (11), confirmant le rôle
 de la cité comme lieu de villégiature royale. Mais Etampes
n’a pas uniquement  la fonction d’un site de plaisance capétienne.
Sa situation géographique   en fait une place commerciale de premier
ordre pour fournir à Paris  les grains et le vin nécessaires
à sa subsistance, et une base  militaire dans la lutte que mène
Louis VI contre les grands féodaux  du domaine royal, notamment les
seigneurs du Puiset et de Montlhéry,  qui tentent de s’affranchir
de l’autorité de la couronne. [p.9]
 |      (8) Inventaire analytique des
titres concernant la franchise du marché Saint-Gilles de 1123 à
1633, s.d. (XVIII s.), Archives municipales d’Etampes, cote AA8. Dom
ELEUREAU, op. cit. (2), donne le texte de la charte en latin, p.95
et 96. Une transcription de la charte en Français moderne est également
disponible: Actes constitutifs de la ville d’Etampes XIle-XVIe s.
Clément WINGLER. - Etampes: A.M.E., 1992, 19 p.
 (9) Confirmation d’Henri III en mars 1575, puis
par   sentences du bailliage en août 1576 et en juillet 1612.
 
 (10) Une ville-marché au XIle s. Etampes 
               /  Maurice PROU. - Paris, 1926, p.2. Arch. Dép. 
de l’Essonne, cote Gbr  2286.
 
 (11) En 1106, 1108, 1110, 1111, 1112, 1113, 1119,
 1121,  1123, 1131. Les autres années de présence, probables,
 ne sont  pas connues.
 
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           | LE COMMERCE SOUS LOUIS VII: L’ÂGE D’OR DUXIIe s.
           
                                       
      
             
               
                 |   Le Changeur
 
 |   Denier royal frappé à Étampes vers 1200
 (Musée national de la Monnaie, Paris) [p.10]
 
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            | Pendant son long règne (1137 à 1180), Louis VII effectue de
  nombreux séjours à Etampes s vingt-deux sont connus pour la
  période 1142-1179. Poursuivant la politique de son père, il
  montre un intérêt certain pour le développement économique
  et commercial de la ville, qu’il encourage par plusieurs actes officiels,
  particulière ment la charte de 1137 sur la monnaie, celle de 1147
 qui institue la foire Saint-Michel, et celle de 1179 sur le commerce et
les  métiers. 
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            | LA CHARTE
  ROYALE DE 1137:             
                 UNE MONNAIRE D’ÉTAMPES STABLE
                  Selon Léon Marquis (12), le droit de
 battre  monnaie semble avoir été mis en pratique à
Etampes  dès  l’époque mérovingienne, soit avant même 
que  la ville ne devienne une cité directement administrée par
le  pouvoir royal. L’auteur des “Rues d’Étampes” évoque 
l’existence d’un  triens mérovingien en or fin, frappé au Vlème 
ou au VIlème siècle, portant la mention “DRUCTOMARUS STAMPAS 
 FITURC”. Un autre triens, marqué de l’inscription “STAMBIS 
GRATIA DEI REX”  aurait lui aussi été produit par un atelier 
étampois,  peut-être sous le règne de Charles-le-Simple 
(893-922).
 
 Bien plus, à en croire Louis-Eugène 
  Lefebvre (13), la présence d’un atelier de frappe monétaire 
  pourrait expliquer l’origine étymologique du nom de la ville, “stampa” 
  étant le nom germanique d’“atelier”, et “stampfen”,
  l’expression consacrée dans la même langue, pour désigner
  le fait de battre monnaie.
 
 La frappe de deniers d’argent sous les premiers 
  Capétiens est certaine. Plusieurs pièces du XIIème 
siècle  provenant de l’atelier royal d’Etampes sont exposées 
au Musée  national de la monnaie à Paris.
 
 Dans ses “Antiquités d’Estampes”
  parues en 1683, dom Basile Fleureau décrit des pièces produites
  sous Louis VI et Louis VII “sur quelqu’unes desquelles est le portrait
  du roy avec ces paroles au tour en lettres gotiques (sic), Lodovicus Rex
 Francorum; et sur le revers, une montagne avec un château dessus et
 ces paroles Castello Stempis” (14).
 
 Au XIIème siècle, le droit de
 battre  monnaie n’est plus un privilège royal. Ainsi que le souligne
 Jean Favier (15), “il est usurpé par des ateliers seigneuriaux
(laïcs ou ecclésiastiques) avec toutes les conséquences
d’une dissolution  du pouvoir public, et notamment la multiplication d’espèces
[p.11]   à bas titre qui font disparaître les monnaies jugées 
  les meilleures sur le marché.” De plus, la croissance de la masse
  de métal d’argent disponible pour la confection de pièces 
est  insuffisante pour répondre aux besoins financiers nés du
développement  des échanges. “Les ressources procurées 
par l’exploitation des gisements argentifères vont déclinant”, ce qui provoque une pénurie
  de métal, source d’inflation, et accentue la dégradation
des   pièces en circulation, dont la qualité de métal
précieux   est rognée. Les bonnes pièces sont désormais
 thésaurisées,               “la mauvaise monnaie chasse
la bonne”.
 
 Afin de garantir le prestige et la qualité 
  de la monnaie royale frappée à l’atelier d’Etampes, et par 
 voie de conséquence, l’intégrité des transactions commerciales 
  et financières dont la ville est le théâtre, Louis VII
  décide dès son accession au trône en 1137, de donner 
 une charte aux bourgeois de la cité, dans laquelle il leur promet, 
 sa vie durant, de ne pas altérer la monnaie “dont ils usaient et
 qui  avoit cours parmy eux, tant en son poids qu’en sa valeur; à condition
  qu’ils luy païeroient tous les trois ans cent livres de la mesme monnaie.
  Si, sur les plaintes qui luy en seraient faites, il se trouvait qu’elle
eût  été altérée, il punirait selon (l’avis
des dits  bourgeois) tout falsificateur qui aurait commis le crime”.
(16)
 
 | 
 
 
 
 
 (12) Les rues d’Etampes et ses monuments 
               /  Léon MARQUIS. - Etampes, 1881. p.60.
 
 (13) Etampes et ses monuments aux XIe XIIe siècles 
                / L.-E. LEFEBVRE. - Paris, 1907, p.47 et suiv.
 
 (14) FLEUREAU, op. cit. (2), p.102-103.
 
 (15) Dictionnaire de la France médiévale 
  / Jean FAVIER. Paris, 1993, p. 65 et suiv.
 
 (16) Dom Basile FLEUREAU, op. cit., p.102-103.
 
 |  
            | LA FONDATION
  DE LA FOIRE SAINT-MICHEL
                  Par rapport au marché qui se tient
habituellement   chaque semaine et qui n’intéresse que le public de
la ville et de  ses environs, la foire connaît généralement
une périodicité   annuelle et rayonne sur une clientèle
et une aire d’approvisionnement   plus vastes.
 
 Les grandes foires des XIIème et XIIIème 
  siècles sont tout autant des lieux de rencontres et d’échanges 
  des produits de commerce national, voire international, que des places financières
  de premier ordre.
 
 Sous Louis VI, la plus importante foire de 
la  région est celle de Morigny. Annuelle, elle dure huit jours, depuis
  le samedi après l’Ascension, jusqu’à la veille de la Pentecôte.
  Les religieux de l’abbaye de Morigny, qui jouissent de la faveur du roi,
 y perçoivent de nombreux droits, péage, minage (droit prélevé
  sur les grains vendus)..., et exercent la haute justice.
 En mai 1147, la ville d’Etampes obtient à son tour le privilège 
  royal d’organiser une foire annuelle.
 
 Louis VII, qui vient de répondre favorablement 
  à l’appel à la Croisade lancé par le pape Eugène 
  III et Bernard de Clairvaux, “se mettoit en équipage…, … enrôlait 
  des soldats, et assembla à Etampes son parlement”. (17) Sensible
  au sort des lépreux soignés dans la cité par la maladrerie 
  Saint-Lazare établie sur la route de Paris, il lui accorde plusieurs 
  privilèges s des terres à Boissy, le droit de prendre deux 
 muids (mesures) de blé dans son grenier et dix muids de vin dans sa
 cave tous les ans au jour de la Saint-Rémy (15 janvier), et surtout, 
 le droit de foire le jour de la Saint-Michel (29 septembre). [p.12]
 
 Cette foire se tiendra chaque année 
dans   les “Sablons” (terrains sablonneux) au lieu-dit Saint-Michel, 
depuis  la veille de la dite fête, à soleil couchant, jusqu’à
  la fin de la semaine suivante.
 “C’est pour l‘administrateur de la léproserie, 
  rattachée à l‘ordre hospitalier de Saint-Lazare-de-Jérusalem, 
  une occasion de se substituer de plein droit aux officiers royaux dans la
  perception (de tous les droits de marché qui pouvaient appartenir 
 au roi). Tous les revenus de la foire sont adjugés au plus offrant, 
 à charge de payer le fermage dans les huit jours du contrat de bail. 
 Les enchères sont préalablement annoncées dans les églises,
  au prône dominical. Elles ont lieu en présence et sous la
direction  des officiers du bailliage, qui ont en dernier ressort le choix
de l’adjudicataire” (18).
 
 Pendant les huit jours que dure la foire,
la  maladrerie  jouit par ailleurs de l’exercice de toute justice, moyenne
et  basse, en titre  de prévôté, à l’exception
de la haute justice,  que le roi réserve à ses officiers. Tous 
ceux qui viennent à la foire bénéficient en outre “tant 
 en venant qu’en retournant, sauve-garde, sans qu’ils puissent être 
arrêtés pour crimes” (19).
 
 La richesse de la maladrerie augmente rapidement 
  au XIIème siècle, par les dons de nombreux seigneurs et bourgeois 
  qui suivent l’exemple du roi de France.
 
 A la fin du siècle, elle entre en possession 
  d’un moulin à Etampes-les-Vieilles, de vignes, de terres labourables 
  à Mérobert et Bouville. Après le roi, le plus illustre 
  bienfaiteur de la maladrerie est Thibault, comte de Blois, qui fait livrer 
  chaque année aux lépreux d’Etampes, dix muids de son vin de
  Chartres (charte de 1183).
 
 |      (17) Op. cit. (16), p.105-l06.
 (18) Op. cit. (5), p.141. [p.38]
 
 (19) Op. cit. (5), p. 454. Voir également 
                Compte des recettes et dépenses de la maladrerie: 
  1552- 1556 / Charles FORTEAU, in: Annales du Gâtinais, 
1903.  p.25; et: Archives Nationales: Compte de la maladrerie, cote 
R4 941,  fol.48.
 
 |  
            | CORPORATIONS
  OU MÉTIERS:             LA CHARTE ROYALE DE 1179
 Après avoir pris des mesures en faveur
  de la stabilité monétaire (charte de 1137) et du grand commerce 
  forain (1147), Louis VII montre sa volonté d’encourager l’artisanat 
  et les industries locales. En fait foi l’importante charte donnée 
 aux bourgeois de la ville en 1179.
 
 Ce règlement de police de 29 articles 
 édicté,  selon l’aveu même du roi, pour faire cesser 
les abus provoqués  par la négligence de ses officiers pendant 
son règne, est de  première valeur pour l’historien. Il permet 
en effet de connaître  quelques uns des métiers alors pratiqués 
 à Etampes, et d’approcher le statut personnel et professionnel de 
plusieurs catégories  de population (20).
 
 Au XIIème siècle, la majeure 
partie   des habitants d’Etampes sont des hommes libres qui disposent à 
ce  titre de libertés civiles, commerciales et industrielles. Bien 
qu’en  régression constante, le servage subsiste sur certaines parties 
du  domaine royal.
 
 Dans son article 1, la charte de 1179 affranchit 
  de cette servitude, des paysans établis sur une portion du terroir 
  de la ville appelé “Octave”, lieu-dit aujourd’hui impossible à 
  situer. En contrepartie, les anciens serfs doivent payer au roi les droits 
  seigneuriaux dûs par tout roturier travaillant la terre. [p.13]
 
 Un tel affranchissement collectif est pratique 
  courante, “le seigneur n‘ayant aucun intérêt à décourager 
  ses serfs dans le contexte économique des grands défrichements, 
  préférant réduire ses exigences pour ne pas multiplier
   les tentatives de déguerpissement” (21), alors que de nombreux bras sont nécessaires pour
  faire reculer la forêt et exploiter les terres ainsi gagnées.
              “Les incapacités du serf se réduisent donc
avec  le temps, se muant souvent en autant de taxes...” Précisons que “le serf du
XIIème siècle n’a rien d’un esclave: il a droit à une
famille et il jouit de ses biens, mais ne peut quitter sa terre, qu’on ne
peut en revanche lui enlever sans cause valable. Cependant, il ne peut disposer
à sa guise de ses biens, dont le seigneur, ici le roi, est seul héritier” (21).
 
 Quant aux hommes libres, la charte de 1179 
accorde   des privilèges à plusieurs catégories d’artisans 
regroupés   en corporations, également appelées “métiers”.
 
 A Etampes comme dans la plupart des villes 
de  France, s’organisent au XIIème siècle des communautés
  d’artisans ayant une même activité, aux fins de défendre
  les intérêts du groupe et de garantir à chaque membre
  la protection et la solidarité de ses confrères.
 
 Dans ses articles 2 à 4, la charte
protège   la vente directe du producteur local au consommateur, en
interdisant aux  épiciers-grossistes (“régrattiers”) de revendre du pain, du vin et du 
 poisson frais.
 
 Les abus des officiers royaux sont réprimés: 
  le prévôt (ici, collecteur des revenus domaniaux) se voit interdire
  d’exiger des marchands, une commission en poisson d’eau douce ou salée.
  Ainsi que le précise l’article 16 “s’il en veut, d’en acheter
comme  les autres.”
 
 De nombreux droits perçus en nature 
ou  en espèces par le roi, sont réduits: pour l’étalonnage 
  des mesures de vin, le prévôt ne pourra plus percevoir qu’un 
  septier (six ou huit pintes) de vin rouge (art.14). Le droit de pressurage
   est limité à un demi septier de vin (art.18), la redevance 
  de chaque cierger (fabriquant de cierges), est réglée à 
  dix livres de cire par an (art.20), celle d’un vendeur d’arcs, à 
un  arc par an (art.21). Celui qui vend des fruits jusqu’à la valeur 
de  quatre deniers, est exempté du droit de place, (art.22), de même 
  que ceux qui vendent du lin ou du chanvre au marché (art.26).
 
 D’autres chartes de franchises ou de privilèges 
  complètent celle de 1179 elles concernent la corporation des bouchers 
  qui obtient en 1155 l’annulation d’un abus par lequel les officiers du roi
  ne payaient que les deux tiers du prix courant, la communauté des
 tessiers (tisserands, 1204), celle des chaussetiers (1280), et la corporation 
 des tanneurs (1298).
 
 Outre leur intérêt propre, ces
 chartes  permettent de mieux appréhender l’importance de certaines
 activités  artisanales et industrielles production viticole, métiers
 du textile  et des peaux, meuniers, boucherie et boulangerie. [p.14]
 
 |      (20) L’original est conservé 
  aux Archives Nat. [Il a en fait été 
retrouvé  récemment par Frédéric Gatineau aux 
Archives Départementales  de l’Essonne (B.G., 2007)]: cartulaire 
de Notre-Dame d’Etampes,  cote F°58V°. Reproduction en latin et
commentaire chez Dom Basile  FLEUREAU, op. cit. (2), p.113-119. Traduction
chez GUIZOT: Histoire  de la civilisation française, t.IV,
p.3
 (21) Jean FAVIER, op. cit. (15), p.879.
 
 |  
                 | Le commerce du vin d’Etampes, essentiellement
  destiné à une consommation locale, semble avoir été
  florissant au XIIème siècle.
 
 La libre vente du vin est autorisée 
depuis   1137, sauf en temps de ban royal, lorsque le roi vend sa propre production
 (22). Ses greniers et celliers se trouvent dans les bâtiments rattachés
  au Palais du Séjour. Les comptes de Philippe Auguste, conservés
  aux Archives Nationales, laissent apparaître la dépense liée
  à l’achat de vin d’Etampes par le roi et sa cour (23).
 
 Particulièrement attentif au sort des 
 vignerons,  Charles VII leur accorde à plusieurs reprises des privilèges. 
  Ainsi que le rapporte par exemple B. Fleureau (24), “en vue du soulagement 
  de l’âme
  de son père (Charles VII) décide l’exemption de payer un
septier   de vin au prévôt, et autant à son  lieutenant
et à   ses serviteurs, qu’ils avaient coutume de prendre de chaque
bourgeois qui   vendait son à vin à pot.”
 
 L’industrie drapière et la tannerie 
sont   de même largement représentées, surtout au faubourg 
Saint-Pierre  où un faisceau de petite rivières fournit l’eau 
nécessaire.
 
 Philippe Auguste passe en 1204 un contrat
avec   les tisserands en drap ou en toile. Ils sont désormais exemptés 
  de toutes coutumes, tailles et autres levées, même au moment 
  de leur entrée dans le métier, mais ils demeurent assujettis 
  au droit d’étalonnage et au service militaire (25).
 
 A en croire Fleureau, le but du roi, “sachant
  que la Beauce est plus propre que d’autres provinces à la nourriture
  des bêtes à laine (est) de donner la commodité aux
habitants   d’Étampes de faire un grand commerce de draperies”.
 
 Dans ce contrat de 1204 apparaissent pour
la  première  fois des prud’hommes (“probi ministeriales”)
au nombre  de quatre, élus parmi leurs pairs au sein de la corporation, 
pour la représenter et rendre la justice dans les affaires concernant 
le métier. [p.15]
 
 |      (22) Basile FLEUREAU,       
       op. cit. (2), p. 26 et 103.
 (23) En 1189, “de X modus vini pro expensa auberti
  qui ivit vendere blados Stampis XXV s.”, In: les Institutions monarchiques, 
  t.1 et t.2 / LUCHAIRE, Paris, 1900. p. 95-96 et p.136-137
 
 (24) En 1137. Voir B. FLEUREAU, op. cit., 
p.103.
 
 (25) Op. cit. (24), p.132.
 
 |  
   
           La vigne: Coupe des grappes et Pressoir (gravures du XIIIe siècle, 
  BNF)
           
                                       
         [p.16]
 | 
         
           | 
                                       
      
             
               DE L’ESSOR À LA
 CRISE:  XIIIe-XIVe s. - XVe s.
                 |   La misère. Miniature attribuée à Jean Bourdichon 
  (vers 1490).
 (Bibliothèque de l’École des Beaux-Arts, Paris)
[p.17]
 
 |   Éventaire de marché devant l’Hôtel dit d’Anne de
 Pisseleu.  Par Narcisse Berchère, s.d. (Collection: Musée
d’Étampes)   [p.22]
 |  
 
         
          
            | Le développement économique et commercial de la ville entraîne 
  un accroissement de la population et l’urbanisation de terres jusqu’alors
   non ou peu habitées. 
 | 
 |  
            | Cet essor rend nécessaire au XIlIème 
  siècle, la création de nouvelles paroisses. Jusqu’alors, Etampes
  en comptait trois: Saint-Martin (Etampes-les-Vieilles), Notre-Dame et Saint-Pierre
  (Etampes-le-Châtel). Au début de 1227, Saint-Basile devient
 la quatrième paroisse et, en 1250, le quartier Saint-Gilles né
  de la fondation du marché quelques cent vingt ans plus tôt,
 peut recenser suffisamment d’habitants pour être érigé 
 à son tour en paroisse.
 
 La nouvelle paroisse Saint-Basile compte deux
  églises, celle qui porte son nom, et la collégiale Sainte-Croix
  aujourd’hui disparue. Cette dernière a été construite
  dès 1183 sur l’emplacement d’une importante synagogue laissée
  à l’abandon suite au départ des Juifs l’année précédente. 
  La présence d’une importante communauté juive au XIIème 
  siècle, qui a sans doute contribué au développement 
 des transactions commerciales et financières, est attestée 
par la charte donnée par Louis VII en 1179 (26).
 
 |     (26) Elle mentionne des “juifs royaux” 
  et un “prévôt des Juifs”. Réf., voir note (20).
 |  
            | LA
GRANDE BOUCHERIE DE PHILIPPE AUGUSTE
                  S’inspirant de la codification en vigueur
à   Paris, Philippe Auguste réglemente et réorganise
en 1186 le   commerce de la boucherie à Etampes. Le texte du diplôme 
royal   est malheureusement mal connu. Nous savons qu’avant cette date, une 
boucherie   était établie dans chaque quartier de la ville: 
Saint-Martin,   Saint-Gilles, Saint-Pierre et Notre-Dame,
 
 Celle de Notre-Dame, sans doute la plus importante, 
  appartenait à un certain Hugues Nascard, et comportait plusieurs 
étaux  confiés à des tenanciers différents.
 
 Au moment de sa réforme, Philippe Auguste 
  rachète à Nascard sa boucherie au prix de cent sols parisis 
  de rente perpétuelle (27), et fait construire de nouvelles halles, 
  approximativement situées à l’emplacement de l’actuelle place 
  de l’Ancienne Comédie. L’aspect de l’édifice n’est pas connu, 
  mais la présence, au-dessus des étaux, d’un local faisant 
office  de salle des plaids (tribunal civil) est certaine. [p.18]
 
 L’accès au métier de boucher,
 et  son exercice, sont sévèrement réglementés.
 
 Nul ne peut tuer un animal ou débiter 
 de  la viande s’il ne fait pas partie de la corporation. Pour y entrer, il
 faut  acquitter un droit et avoir été examiné par les
 maîtres  jurés du métier. Ces derniers inspectent également
 toute  viande mise en vente. Est formellement interdit l’achat de bêtes
 à  des lépreux, ou encore à des médecins chirurgiens
 (“barbiers”),  dont l’état physique ou la profession impliquent
 un contact avec le  sang humain.
 
 |      (27) Dom Basile FLEUREAU, op. 
  cit., p.134. Voir La grande boucherie de Ph. Auguste et l’Hôtel 
  Saint-Yon à Etampes: XIle et XVe s. / L.-E. LEFEBVRE, Paris, 
1909.
 
 |  
            | LE DÉSASTRE
  DE LA GUERRE DE CENT ANS
                   Après avoir connu un XIIIème 
siècle   prospère, le territoire d’Etampes se voit confronté 
à   une longue période d’épreuves: la guerre de cent 
ans.
 
 Il faut attendre le retour de la paix en 1478
  pour que la vie économique puisse renaître, et la ville se
repeupler.  Pendant ces années où pillages et ravages frappent
la cité  à plusieurs reprises, Etampes demeure fidèle
au roi de France,  même si celui-ci n’y réside plus, et en a
confié l’administration   directe à des apanagistes (28).
 
 De 1307 à 1400, la châtellenie
 d’Etampes,  érigée en comté à partir de 1327,
 est distraite  du domaine royal et confiée à la maison d’Evreux,
 avant de connaître entre 1400 et 1478, plusieurs décennies
d’incertitudes  liées à la lutte franco-anglaise et aux contestations
entre  Armagnacs et Bourguignons.
 
 De 1357 à 1360, et à nouveau 
en  1367, les troupes anglaises conduites par le Prince de Galles ravagent 
la  région, pillent les églises, désorganisent la vie 
économique   et commerciale.
 
 Le marché Saint-Gilles, non défendable, 
  est transféré en 1360 dans la partie fortifiée de la
  ville, soit dans la paroisse Saint-Basile, au-dessous du château, 
et  devant la collégiale Notre-Dame, elle-même fortifiée 
 et environnée de fossés depuis 1353 (29).
 
 Ému par la détresse des quelques 
  habitants qui demeurent encore à Saint-Gilles, totalement ruinés 
  par les Anglais, le comte apanagiste Louis II d’Évreux décide, 
  moyennant redevance (30), de renoncer à son droit de prélever 
  sur ces habitants, le linge et la vaisselle nécessaires à 
sa  maison. Ainsi qu’il le reconnaît, sa générosité 
  n’est pas désintéressée les riverains de l’ancien marché
  Saint-Gilles “ne (pouvant) (tout) bonnement (pas) soutenir (ces charges),
  (ce) qui pourrait estre cause qu’ils délaissent la ville, (diminuant
  ainsi) les autres droits et rentes et proffits (qu‘il) prenait sur (eux)”.
  L’original de cette charte de juillet 1378 est conservé aux Archives
  municipales d’Etampes (31). [p.19]
 
 |      (28) Voir DUPIEUX, op. cit. 
                (5), p.13 et suiv.
 (29) Voir FLEUREAU, op. cit., p.97 et suiv.
 
 (30) Le paiement annuel d’une rente de 10 livres 
parisis,   payable à terme, une moitié à la Toussaint 
et l’autre   à Pâques.
 
 (31) A.M.E., cote AA5. Transcription in: Actes
 constitutifs  de la ville d’Etampes: XIIe-XIVe s. / Clément WINGLER.
 - Etampes,  1992.
 
 |  
  Charte de Louis II d’Évreux,
  comte d’Étampes, juillet 1378 (Archives municipales d’Étampes)
 
          
                         
            | RENOUVEAU
  ET VITALITÉ APRÈS LA PAIX DE 1478
             Au retour de la paix en 1478, comme l’expose 
 Paul  DUPIEUX dans son ouvrage consacré aux institutions d’Étampes, 
              “les habitants du quartier Saint-Gilles veulent, comme par
  le passé, avoir l’avantage exclusif de tenir le marché. A
cette  prérogative sont attachés trop de privilèges,
pour qu’ils  puissent consentir à l’abandonner. Le roi leur accorde
satisfaction  le 8 juin 1478. Le 20 mars 1479, un arrêt du parleinent
(32) défend  aux habitants des quartiers Notre-Dame et Saint-Basile,
de vendre ou d’acheter  du vin, du blé, des draps, des cuirs, du bétail
pendant la semaine, sauf le jeudi sur la place Saint-Gilles. Aucune réunion
commerciale  ne doit plus avoir lieu à l’avenir le samedi près
de Notre-Dame.  Les défenses ne sont pas respectées. Des procès
s’engagent   entre les habitants des quartiers rivaux. La concurrence économique 
  bat son plein. Il s’agit d’une véritable opposition entre des privilèges 
  anciens, sacrés, immuables, et l’extension du négoce, qui 
répond  à un accroissement de la consommation parisienne. La 
rivière  d’Étampes vient en effet d’être rendue navigable 
et des bateaux  chargés de vivres quittent la ville (pour la capitale). 
Or le quartier  Notre-Dame est plus proche du port que celui de Saint-Gilles... 
Quand et comment se terminèrent les procès Nous n’avons pu l’apprendre... Mais nous savons
qu’à la date de 1534, il y a au moins deux marchés par semaine
à Etampes, le jeudi sur la place Saint-Gilles et le samedi près
de Notre-Dame” (33).
[p.20]
 
 |      (32) Archives Nationales: Registres 
  du Parlement, Apr. din, X1a8318, fol.518 r° et v°.
 (33) DUPIEUX, op. cit. (5), p.139 à 
 141.
 
 |  
  Seigneur percevant les taxes  (Miniature du XVe siècle 
  – BNF) 
            | 
         
           | LE COMMERCE 
  SOUS LA RENAISSANCE: LE DERNIER ÂGE D’OR (XVIe s.)
 
 
 
         
          
            | De la paix qui clôt la Guerre de Cent ans (1478) aux premiers ravages 
  des guerres de religion (1562), Etampes et son commerce connaissent leur 
 dernier âge d’or. 
 | 
 |  
            | C’est dans le contexte de ce relèvement 
  économique et démographique, que la “Coutume des bailliage 
  et prévosté d’Étampes” est “rédigée
  et accordée par les gens des Trois Etats desdits lieux au mois de
 septembre 1556”
(34). Au XVIème siècle, la “Coutume” est un droit particulier
  ou municipal établi par l’usage, souvent vieux de plusieurs siècles,
  qui a acquis force de loi depuis qu’il a été rédigé 
  par écrit.
 
 Sont notamment décrits et codifiés 
  par matières, les usages qui régissent une partie de la vie 
  économique et commerciale de la ville et de la campagne voisine. 
Deux  versions imprimées de la Coutume d’Etampes, datant des XVIe et
XVIIe  siècles, sont accessibles aux Archives communales (34).
 
 |      (34)
Publié par: Coustumes générales
et particulières du royaume,   t.1 / Charles DU MOULIN. -  Paris, 1581. Arch. mun. d’Et., cote FAG 1. — Nouvelle édition commentée par:  Coustumes du bailliage et prévosté du
duché d’Estampes /    Marc-Antoine LAMY. - Paris, 1720. Arch. mun. d’Et., cote FLP 33.
 
 |  
            | En matière de foires et marchés, 
  est rappelée la règle de sauf-conduit dont bénéficient 
  les marchands (chap.13, art.CLXV) “n’est loisible à aucune personne, 
  faire procéder par voie de saisie et exécution réelle, 
  sur les denrées et marchandises amenées en la ville d’Estampes 
  et autres villes et villages desdits bailliage et prévosté, 
  es quels y a foire ou marché publicq pour estre vendues, sur les 
chevaux,  bestes de somme et charrois, marchandises et denrées et sur
le chemin  pour y aller et retourner (sic)”. Ce sauf-conduit s’applique 
également  au produit de la vente, “aux deniers provenant des marchandises 
vendues et achetées”. Destiné primitivement à protéger
  les marchands contre les brigandages et les exactions, ce privilège
  n’est pas sans présenter des travers: un particulier qui souhaite
 recouvrer son dû en faisant saisir les biens d’un marchand endetté,
 n’est en droit de formuler sa requête qu’en dehors des périodes
 de foires et marchés. Le cas s’est — semble-t-il — présenté
   à plusieurs reprises (34).
 
 | 
 |  
            | ÉLEVAGE ET BOUCHERIE
 Concernant l’élevage (chap.15, art.CLXXXV 
  et CLXXXVI), la coutume précise qu’il “n’est loisible à
  personne demeurant à Etampes, de tenir bestes à laine, porcs,
  oyes et cannes, à peine de confiscation desdistes bestes, et d’amende
  arbitraire. Peuvent néanmoins les bouchers, pour la fourniture de
  [p.23] la dite ville, tenir en icelle les dites bêtes à
laine  pour huit jours seulement, et sont tenus iceux bouchers, tuer leurs
bêtes  sur la rivière et non en leurs maisons”.
 
 L’élevage est donc prohibé à 
  l’intérieur de la ville, sans doute pour des raisons d’hygiène. 
  Cette disposition n’est pas propre à Etampes. Ainsi que le précise 
  M. A. LAMY (35), on la retrouve dans la plupart des autres villes royales. 
  Cette prohibition ne s’étend pas aux faubourgs, où sont nourris
   les animaux destinés à l’approvisionnement du centre urbain. 
  Dans la pratique, il semble que l’interdiction ait été peu 
 respectée. Encore au début du XVIIIème siècle, 
             “on voit journellement à Etampes, ces sortes d‘animaux 
 dans les rues  impunément, et sans que les juges de police y mettent 
 ordre; cependant il serait d’une très bonne police de tenir la main 
 à l’exécution parce que la ville en serait plus nette et l’air 
 plus pur” (36).
 
 Contrairement aux autres habitants, les bouchers 
  peuvent donc conserver des bêtes à laine pendant huit jours, 
  et les conduire aux champs, mais ils ne sont pas autorisés à 
  les tuer dans leur maison, “à cause de l’infection que le sang
  qui s’amasserait et croupirait, causerait”, alors que “sur la rivière”,
  où l’abattage est autorisé, “l’eau l’emporte”.
 
 Le droit de pâture ne s’applique pas 
aux   porcs “car ces animaux sont pernicieux aux herbages”, et aux 
chèvres               “car elles sont venimeuses” (37). Les charcutiers des faubourgs 
sont tenus de garder les porcs dans leurs maisons, “ces animaux étant 
très sales et gâtant en fouillant la terre avec leur museau, 
tous les lieux où ils s‘arrêtent”.
 
 La Coutume nous renseigne très précisément 
  sur les dispositions qui réglementent le droit de pâture. La
  libre pâture sur les prés d’autrui est autorisée entre
  le 15 mars et le 1er octobre. Du 1er octobre au 15 mars, elle n’est permise
  que si le pré n’est pas clos. Bien entendu, aucun bétail ne
  peut être amené dans les bois, et sur les terres plantées 
  de vignes et d’arbres fruitiers (art.CLXXXVIII). Le droit de pâture 
  est limité à la paroisse. Il ne peut s’étendre aux 
            “paroisses  contigües et joignantes de clocher à 
 autre”. Des gardiens de pâturages, également appelés 
             “messiers”, sont nommés  par les habitants de la paroisse où 
 ils sont établis.
 
 |       (35) Op. cit. (34), p.455.
 (36) Op. cit. (35), p.456.
 
 (37) Op. cit. (35), p.454.
 
 
 |  
                 | GIBIER ET PIGEONS
 Ainsi que le rappelle la Coutume (chap.15, 
art.CLXXXIII),   le droit de chasse est féodal et ne peut être 
exercé  par un roturier. De même, la possession d’un grand colombier 
à  pied             “avec boulins, jusqu’à rez-de-chaussée”,
  n’est permise qu’au seigneur d’un fief noble (art.LXXXIX), “fondé
  par écrit”. Par contre, tout le monde peut avoir un “colombier
  sur pilliers ou sur quelque  bâtiment”. [p.24]
 
 Enfin, “il n’est pas permis de transformer
  (une terre) en garenne sans concession du roi, car (les garennes) nuisent
  beaucoup aux laboureurs, la grande quantité de lapins qui s’y trouvoit
  mangeant les grains”.
 
 | 
 |  
                 | CUIRS ET DRAPS
 “Si le moyen-âge n’ignore ni le tissage de la toile, ni
  le travail du cuir des bovins ou des peaux de mouton et de chèvre, 
  c’est cependant à partir du XIVème siècle que ces industries
  trouvent leur pleine expansion. Toutes deux se concrétisent par
une   longue macération des produits de base: lin et chanvre d’une 
part,   peaux d’autre part. A l’utilisation dynamique de l’eau par les moulins 
s’ajoute   l’usage des eaux stagnantes des rotoirs à plantes textiles, 
des tanneries   et mégisseries… le marais péri-urbain sert à
la fois   à la défense d’Étampes et à l’essor
des plantes   textiles. Parallèlement, l’industrie du cuir répond
à   une forte demande. Des tanneries jalonnent les rivières.”
 
      Claudine BILLOT,
  Atlas historique des villes de France: Étampes. - Paris, CNRS, 989.
 Les tanneurs ne sont pas oubliés par
 la  coutume de 1556. Elle précise qu’ils ne peuvent jeter “leurs
 plains  (38) dans la rivière pendant le jour, seulement pendant
 la nuit  afin que l’usage de l’eau ne soit pas empêché (ou
pollué)”,
(art.CLXXXVI).
 
 |      (38) Bouillie de cuir et de chaux 
  qu’on fait peler dans l’eau. [p.39] in: Dictionnaire de Trévoux, 
  Paris, 1762, t.3. A.M.E., cote V7 –316C.
 
 |  
 
  Transport de blé sur la Seine (BNF)
 
         
                                                             
                 | LE PORT (1490-1676)
 C’est à la demande des échevins
  et du prévôt des marchands de Paris que Charles VIII permet
 en 1490 à Jean de Foix, comte d’Etampes depuis 1478, d’octroyer aux
 habitants de la ville le droit de port.
 
 Son aménagement et la transformation
 de  la rivière d’Etampes en canal doivent permettre le transport
vers  la capitale par la Juine, l’Essonne et la Seine, des blés de
la Beauce   dont Etampes est le principal entrepôt et centre de distribution. 
Jusqu’alors  le transport des céréales indispensables à 
l’approvisionnement  de Paris se fait pour l’essentiel par des routes peu 
sûres et en mauvais  état.
 
 Aux difficultés matérielles
pour   l’établissement du port (percement d’un canal, détournement 
  de cours d’eau, constitution d’un réservoir) (39), s’ajoute un contentieux 
  juridique. En 1490 existe déjà un port à Etampes petit 
  port privé appartenant à l’ordre de Saint Jacques de l’Épée, 
  situé derrière l’hôpital de leur commanderie, soit hors
  les murs de la ville, à l’emplacement des anciens abattoirs actuels.
  Le Commandeur de l’Ordre s’oppose aux lettres patentes de Jean de Foix
qui,   en donnant au nouveau port l’exclusivité du trafic, signifie
à   court terme la disparition de celui de l’hôpital. Le Parlement
rend   un arrêt en 1527 aux termes duquel les deux ports peuvent coexister.
  [p.25]
 
 L’étendue du nouveau port est précisée: 
  depuis les fossés de la ville jusqu’à une ruelle descendant 
  du faubourg Évezard à la rivière, soit approximativement
   l’espace actuellement compris entre la rue Van Loo et la sente des Capucines.
 
 Son activité est certaine: chaque jour
  une vingtaine de bateaux, chacun pouvant emporter entre 16 et 17 tonnes
de  marchandises, arrivent au port ou le quittent.
 
 Le trafic décline à partir du
 milieu  du XVIIème siècle. L’amélioration des routes
 permet désormais un transport plus rapide et économique des
 marchandises  que les canaux et rivières. De plus, la guerre civile
 de 1652 empêche d’assurer les travaux d’entretien nécessaires
 à une bonne navigation.  Enfin, la rupture des écluses de
la  rivière en 1676 arrête  tout trafic et le port est abandonné.
 [p.26]
 
 |      (39) Voir: Le Port d’Etampes: 
  1490-1676 / Clément WINGLER. – Etampes: Arch. Mun., 1996, 35.
 |  
 
 
 
       
         
           | Artisanat et commerce: L’atelier de vente
  d’un dentellière au XVIIIe siècle. (Bibliothèque des Arts décoratifs)
 | Un colporteur au XVIe siècle(Bibliothèque de l’Arsenal)
 
 |  
 | 
         
           | LA FIN DE L’ANCIEN RÉGIME: LE COMMERCE 
  AUX XVIIe ET XVIII s.
 
 
 
 
          
          
            | L‘histoire du commerce à Etampes sous les règnes de Louis 
XIV,  Louis XV et Louis XVI, reste à ecrire. Essayons d’en dresser 
un rapide  et très partiel tableau à partir des documents conservés 
  aux Archives municipales. 
 Le relèvement 
  économique de la ville semble certain sous Louis XIII, avant d’être 
  brutalement interrompu par la reprise de la guerre civile pendant la minorité 
  de Louis XIV.
 
 La Fronde laisse derrière elle une ville 
martyre,   ravagee par le siège qu’elle subit en 1652 et les épidémies 
  de peste (1631, 1632). “Pendant de nombreuses années, Etampes 
offre  le spectacle d’une ville désolée, aux maisons sans toits, 
sans fenêtres, percées de tous les côtés. Dans les
brèches de la grande enceinte, les mendiants et les pauvres viennent 
s‘abriter. Les rues sont désertes: la population a tellement diminué 
que deux échevin y suffisent maintenant à diriger ses affaires. 
Pour comble de malheur, les récoltes de 1661 et 1662 ayant été 
  mauvaises, la famine fait son apparition... Des troupes passent sans cesse,... 
  réquisitionnent les fourrages, le blé, la viande” (40).
 
 Au XVIIIème siècle, Etampes
retrouve   un rôle de grand marché céréalier d’approvisionnement 
  de la capitale, sans atteindre l’importance qu’il a pu avoir au Moyen-Age 
  et sous la Renaissance.
 
 La population diminue tout au long du siècle. 
  Si les cinq paroisses totalisent 1622 feux (cellules familiales de base) 
 en 1740, ceux-ci ne sont plus qu’au nombre de 982 en 1762. Ce n’est qu’à 
  la veille de la Révolution que la ville retrouve 2000 teux (environ 
  9000 habitants), c’est-à-dire la même puissance démographique 
  qu’au début du XVIIème siècle.
 
 |      (40) Ma petite patrie: histoire 
  de la région d’Etampes / C. CANCE et Louis MOREAU. – Etampes, 
 1945, p.86 et suiv.
 |  
            |         LE DÉPLACEMENT 
  DE LA FOIRE SAINT-MICHEL (1774)
                  Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la foire 
 Saint-Michel  demeure le grand rendez-vous commercial de l’année. 
Si elle se tient  toujours dans les sablons du lieu-dit Saint-Michel, hors 
les fortifications  de la ville, les droits qui lui sont rattachés 
ne sont plus perçus  par la maladrerie Saint-Lazare à partir 
de 1699, date où celle-ci  disparaît, mais par l’Hôtel-Dieu. 
 qui en a hérités.
 
 L’emplacement qui est celui de la foire, éloigné 
  du centre ville, est malcommode et suscite des contestations qui finissent 
  par l’emporter en 1774. Le 28 juillet, un grand nombre d’habitants présentent 
  un [p.28] mémoire aux membres du conseil municipal (41). Ils exposent 
  que “la foire ... est éloignée de la ville d’un quart de
 lieue (soit 1,5 km), que le terrain est tout sable mouvant qui dans les
 temps  de sécheresse endommage considérablement les marchandises
 exposées  en vente, ainsi que les pluies qui sont assez communes
en  cette saison, qu’il  n’y a d’ailleurs comme abri qu’une seule maison,
ce qui occasionne la défection  de la plupart des personnes qui viennent
à la foire pour y acheter  ce qui leur est nécessaire ...,
que si son emplacement était  à proximité de la ville,
cela éviterait des frais de  transport et de dépouillement
de marchandises et denrées qui  sont exposées en vente, qu’il
serait (donc) avantageux à tous  les marchands, que cette foire soit
transférée et placée   dans les allées du port
(comblé au siècle précédent).  L’agrément
des lieux, leur forme régulière, ... la proximité de
la ville, y attireraient un peuple nombreux, et par conséquent une
vente et une consommation beaucoup plus considérables dans les différentes
branches du commerce.”
 
 Le plaidoyer convainc le conseil municipal 
qui   décide le jour même, à l’unanimité, de transférer 
  la foire sur les allées du port. Le bureau de l’Hôtel-Dieu, 
 qui reste en possession de ses droits, ne peut que se ranger à cette 
 décision, en estimant que les “sablons sont effectivement peu propices
  à l’usage d’une foire, le long de la grande route (de Paris), à
 un endroit très resserré qui donne souvent lieu à des
 accidents, alors que la place du port ne peut être qu’utile et agréable” (42).
 
 Les délibérations du conseil 
municipal   et du bureau de l’Hôtel-Dieu sont homologuées par 
une sentence   du bailliage donnée le 12 août 1774.
 
 |      (41) Registre des délibérations 
  du conseil municipal, 28 juillet 1774, p.54.A.M.E., cote 1 D 6.
 
 (42) Extrait des registres du greffe des délibérations 
  du bureau de l’Hôtel-Dieu, in Reg. des délibérations 
  du conseil municipal. op. cit. (41), p.55.
 
 
 |  
            | Au contraire de la foire annuelle de Saint-Michel 
  qui permet aux habitants de découvrir entre-autre des produits artisanaux 
  et manufacturés, les marchés hebdomadaires n’exposent à 
  la vente, pour l’essentiel, que des produits de l’agriculture et de l’élevage, 
  des denrées comestibles. Ainsi, la place Saint-Gilles voit volontiers 
  converger les céréaliers et les éleveurs, qui confirment
   son rôle de marché de gros, alors que la place Notre-Dame
reçoit  le principal marché local de produits alimentaires
de détail.
 
 Dès la fin du XVIIème siècle, 
  le marché Notre-Dame apparaît trop exiguë. “Il est 
tellement  petit et serré proche de l’église que les marchands 
de poissons  et autres denrées sont obligés d’exposer en vente 
leurs denrées  jusque sur les degrés de l’église, ce 
qui est très indécent  à la porte d’un lieu Saint” (43). “La volaille doit être 
 placée dans la rue des Oisons (aujourd’hui rue Paul Hugo) et les rues
 adjacentes qui sont très étroites, ce qui gène le passage.
 Un cavalier ne peut y passer!” (44). [p.29]
 
 L’engorgement de la place et des rues avoisinantes 
  est d’autant plus grand que la plupart des marchands ne sont pas originaires 
  de la ville mais souvent de bourgs distants de 15 à 40 km, ce qui 
 les conduit à se rendre à Etampes et à transporter bétail
  et marchandises à dos de cheval ou à l’aide de chariots.
 
 Plusieurs procès-verbaux dressés 
  par l’administration du bailliage entre 1764 et 1767 (45) nous permettent 
  de mieux connaître ces marchands et d’appréhender la physionomie 
  commerciale de la place Notre-Dame vers le milieu du XVIIIème siècle.
 
 A l’exception de quelques produits textiles
 d’usage  courant (bas, chemises...) et de rares objets de verre et de quincaillerie, 
  ne sont proposés à la vente que des produits de l’élevage 
  et de l’agriculture: volailles diverses, œufs, beurre, fromage, fruits et
  légumes; pour ces derniers, essentiellement des navets et des légumes
  secs: pois, fèves et lentilles.
 
 Aucun Etampois ne figure parmi les marchands 
 de  denrées comestibles: ce sont donc des personnes étrangères 
  à la ville qui alimentent son principal marché en victuailles 
  diverses. Rappelons néanmoins que le commerce des aliments de base: 
  pain et viande de boucherie, demeure le privilège des boulangers 
et  bouchers établis dans la cité, même s’il est parfois 
 battu en brèche.
 
 Bon nombre des marchands qui se rendent à 
  Etampes chaque semaine ou de manière plus saisonnière pour 
 y écouler leurs produits, ne tirent en général de cette 
  activité commerçante qu’un revenu d’appoint, quelques fois 
 non négligeable, qui leur permet de compléter les ressources 
 issues de leur labeur habituel, presque toujours le travail de la terre et
 la culture de la vigne.
 
 Sur 24 éventaires recensés en
 moyenne  en 1764 (45), 13 sont tenus par des vignerons ou leurs épouses,
 6 par des laboureurs, 2 par des manouvriers. Le nombre particulièrement 
 élevé de vignerons, qui se présentent pour l’occasion 
  sous la qualité de marchands de fruits mais aussi de volailles et 
 de légumes, témoigne par ailleurs de la persistance de petits 
 vignobles dans plusieurs terroirs de la région, ainsi à Bouville, 
 Lendreville, Boissy-sous-Saint-Yon, Sermaises, Courances ou Dourdan.
 
 |      (43) Requête des habitants 
  au duc de Vendôme et dEtampes, 1698. A.M.E., cote AA 173.
 (44) Requête du maire au prince de Conti, 
 seigneur  du duché d’Etampes, 1737.
 A.M.E., cote AA 173.
 
 (45) Procès-verbal du 15 septembre 
1764.   cote AA 57.
 
 
 |  
            | BOUCHERS
  DE LA CAMPAGNE ET BOUCHERS DE LA VILLE
 Au cours de la première moitié 
 du  XVIIIème siècle, le commerce de la boucherie s’accommode 
 de  moins en moins des pesantes coutumes qui parfois depuis le moyen-âge, 
  réglementent son activité et, par voie de conséquence,
   l’approvisionnement en viande de la population. [p.30]
 
 Les artisans membres de la corporation des 
bouchers   sont les premiers à ne plus respecter les principales dispositions 
  codifiées par la coutume de 1556. Par commodité, la plupart 
  d’entre-eux débitent et vendent la viande depuis leurs maisons, ce
  qui est interdit, et n’exposent leur marchandise à la vente que pendant
  quelques heures par jour, alors que la coutume leur prescrit de le faire
 du soleil levant au soleil couchant (46)
 
 En 1739, la corporation des bouchers d’Etampes 
  ne compte plus que six membres. Leur nombre ne permet pas de répondre 
  de manière satisfaisante aux besoins de la population urbaine et 
des  habitants de la campagne environnante qui doublent chaque semaine la 
consommation  de viande par leurs achats aux marchés de la ville. Afin
de pouvoir  satisfaire cette demande, les six bouchers acceptent que leur
privilège  de vendre la viande à Etampes soit étendu 
aux bouchers de la  campagne. Ainsi est remis en question le monopole jadis 
institué par  Philippe Auguste. “Les bouchers de la campagne pourront 
apporter, vendre  et débiter de la viande à la grande boucherie 
tous les jours  de la semaine, sans aucune obligation de visite (de contrôle 
 par un  boucher de la corporation d’Etampes)” (47).
 
 Vers la même époque, d’autres 
corporations   doivent également accepter la concurrence de marchands 
extérieurs   à la ville. Les jours de marché, des merciers, 
épiciers,   toilliers, fripiers et même boulangers, vendent librement
leurs marchandises   à Etampes, semble-t-il sans soulever de protestations
chez les commerçants   établis dans la cité. Les autres
jours de la semaine, les marchands  extérieurs à la ville peuvent
offrir leurs produits à  la vente, sous réserve d’obtenir la
permission des maîtres-jurés   des corporations locales correspondantes,
et de payer un droit de cinq deniers.
 
 L’attitude conciliante des bouchers d’Etampes
  s’avère cependant de courte durée: environ dix-sept ans après
  l’institution du libre commerce de la viande, ils cherchent à recouvrer
  leur ancien monopole. La concurrence des bouchers de la campagne, qui se
 sont souvent installés depuis peu dans les faubourgs et les hameaux
 proches de la ville, se fait durement sentir. Ils parviennent à vendre
 leur viande à des prix inférieurs des deux tiers à
ceux  pratiqués  par les bouchers de la ville; en revanche, la qualité
 de leur marchandise  est incontestablement moins bonne.
 
 Alors qu’une majorité de notables se
 prononcent  pour les bouchers de la corporation, les habitants les moins
fortunés,  mais aussi bon nombre de représentants de la petite
et moyenne bourgeoisie,  prennent parti pour ceux de la campagne. Le débat
devient public, comme en témoignent plusieurs pétitions en
faveur des bouchers de la campagne, signées par plus d’une centaine
d’Etampois. [p.31]
 
 Parmi les noms relevés sur les listes 
 de  pétitionnaires d’avril 1759, notons ceux des curés de Saint-Gilles
  et Saint-Martin, des syndics des paroisses Notre-Dame et Saint-Pierre, d’un
  conseiller et avocat du roi, d’un nombre très important d’artisans(48), 
  de plusieurs aubergistes et épiciers.
 
 Ces pétitions sont intéressantes 
  de par les arguments qu’elles font valoir. On peut y déceler l’influence 
  des idées défendues par les physiocrates, notamment la conception 
  du “laisser-faire, laisser passer“, de “la libre circulation des
 marchandises”, de “la liberté du commerce”. La notion
 du  “bien-être de tons, surtout du petit peuple” est également
 mise  en avant: “(les signataires) espèrent une decision de justice
 qui  maintiendra l’ordre et l’intérêt public, … et qui sera
une barrière  à l’ambition des bouchers  d’Etampes qui, en
fixant le prix de leur  viande au-dessus de celui des bouchers  de la campagne,
priverait le bas peuple de cet aliment”.
 
 Un incident sérieux se produit en mai 
 1759.  Les bouchers d’Etampes interdisent verbalement à leurs collègues 
  des environs, de vendre leur marchandise dans la ville. Ceux-ci refusent 
 d’obtempérer et continuent à approvisionner les marchés 
 de la cité. En représailles, le 12 mai, la corporation d’Etampes 
  confisque la viande que Claude Chaumedru, boucher de Méréville, 
 vend sur le marché Notre-Dame, et porte l’affaire devant la justice 
 royale, en arguant de son droit de monopole qui lui avait été 
 confirmé par la coutume en 1556.
 
 La justice donne raison à la corporation 
  (49) en rappelant que “défense est faite à toutes personnes 
  autres que les dits maîtres, de vendre et d’exposer en vente aucune 
  chair de boucherie, à peine de confiscation et de 300 livres d’amende”, 
  conformément aux principes de la coutume, mais le procureur du roi 
  en profite pour signifier aux bouchers de la corporation, qu’ils doivent
  eux aussi se conformer à la coutume. Et de leur remémorer
qu’ils              “ne pourront vendre et débiter ailleurs, qu’en
la boucherie sise au petit marché Notre-Dame, ou telle autre qui leur 
 sera établie  par la suite, (et non dans leurs maisons), avec obligation 
 de garnir chaque  jour depuis soleil levé jusqu’à soleil couchant, 
 sauf le vendredi  et le dimanche, les étaux des chairs coupées 
 en morceaux, nettes  et non corrompues, devant être visitées 
 et vendues à des prix raisonnables”. Le lieutenant général 
 de police Jacques  Picart, reçoit pour mission d’y veiller.
 
 Bien entendu, les bouchers de la campagne
ne  restent  pas inactifs, et interjettent appel de la sentence de justice, 
au  motif qu’elle  porterait “atteinte au privilège des foires et
marchés”.  Ils sont soutenus par nombre d’habitants qui “sont 
sous l’espérance  qu’on taxerait les viandes à différents 
prix suivant la différence   de sa (sic) valeur et que la partie du 
peuple la moins riche aurait les bas  morceaux à un prix bien inférieur 
aux bons.” [p.32]
 
 Le conflit s’éternise, la décision 
  de justice n’est guère appliquée, et les bouchers de la campagne 
  continuent à approvisionner les marchés de la ville.
 
 Notons qu’à la même époque, 
  des conflits similaires pour le maintien ou l’abolition des privilèges 
  commerciaux hérités du Moyen-Age, ont lieu dans beaucoup de
  villes, par exemple à Paris où les boulangers veulent interdire
  les ventes de leurs homologues des faubourgs et de la campagne sur les
marchés   intra-muros de la capitale.
 
 |      (46) Voir le dossier d’établissement 
  d’une nouvelle boucherie, Arch mun. d’Etampes, cote AA 172.
 (47) Mémoire de Claude CHAUMEDRU,
marchand   boucher à Méréville, et de Jean PERCHEREAU,
marchand   boucher à Chalo-Saint-Mars, 1760. A.M.E cote AA 173.
 
 (48) Pétitions des habitants d’Etampes 
  en faveur des bouchers de la campagne, 1760, A.M.E., cote AA 171 et 172.
 
 (49) Décision du procureur du Roi, 
en  date du 6 avril 1759. Arch, mun. d’Et., cote AA 171.
 
 
 |  
            |        LA
  CONSTRUCTION D’UNE NOUVELLE BOUCHERIE ET L’AGRANDISSEMENT DU MARCHÉ
                   Une fois de plus, le conflit entre bouchers
 de  la ville et bouchers de la campagne, met en évidence l’exiguïté 
  de la place du marché Notre- Dame, incitant la municipalité 
  en 1760, à se saisir à nouveau de la question du déplacement 
  de la grande boucherie de Philippe Auguste, de manière à dégager
  un espace propice à l’agrandissement du marché.
 
 Une première tentative pour obtenir 
la  reconstruction de la boucherie en un autre lieu, avait été
 faite dès 1698, sous la forme d’une requête des habitants au
 duc de Vendôme et d’Etampes. Elle était restée sans
suite  faute d’accord sur le financement de l’opération (50). Une
seconde  tentative avait connu le même sort en 1737,
 
 Une nouvelle requête est donc présentée 
  au duc d’Orléans et d’Etampes en 1760. Hochereau, maire de la ville, 
  obtient le 22 septembre 1761, l’autorisation de démolir l’ancienne 
  boucherie qui apparaît “six fois trop grande”, et de construire
  un nouveau bâtiment plus petit, rue du Puits de la Chaîne,
en   utilisant les matériaux de l’ancien. Les neuf maîtres-bouchers
  de la corporation  donnent leur accord à l’opération, et
acceptent   de payer au duc d’Orléans, une rente annuelle de 90 livres
pour une   hypothèque levée sur l’ancienne boucherie, et pour
le maintien   de leur privilège exclusif d’utilisation des 14 étaux
de la   nouvelle boucherie. La reconstruction est financée par la
ville. Un  conseiller du roi et échevin, J. B. Delisle, et un greffier
du grenier  à sel et marchand meunier, Pierre Guettard, cèdent
le 8 décembre  de la même année, la maison où
sera établie la  nouvelle boucherie. Le nouvel établissement,
qui aura coûté  1786 livres et 8 sols, est officiellement ouvert
 au public le 3 septembre  1762 (51).
 
 |      (50) Dossier sur la reconstruction 
  de la grande boucherie, A.M.E., cote AA 173.
 (51) Op. cit. (50), cote AA 174 à
AA  177.
 
 
 |  
            | LES MARCHANDS ET LE BOURREAU:
  LE DROIT DE HAVAGE
 Depuis la fin du Moyen-Age, le bourreau ou 
            “exécuteur   des sentences criminelles du bailliage 
d’Etampes” (52), 
jouit d’un privilège   destiné à compléter sa 
rémunération: le  droit de havage, qui consiste à perce 
voir un impôt en nature   ou en argent sur toutes les denrées 
vendues sur le marché.  [p.33]
 
 Si ce droit est aboli à Paris en 1721,
  il perdure à Etampes tout au long des XVIIème et XVIIIème 
  siècles, au grand dam des marchands qui y sont assujettis. Si on 
ne  peut trouver trace dans les Archives, de contestations sérieuses 
au  XVIIème siècle, le conflit éclate en 1760, quand 
le bourreau Desmorets double subitement le montant de la taxe perçue. 
 Il s’ensuit une baisse de la fréquentation du marché par ceux 
 qui l’approvisionnent, marchands et laboureurs, qui préfèrent 
 désormais vendre leurs produits en d’autres lieux. Des habitants s’en
 émeuvent et en appellent au duc d’Orléans, seigneur de la
ville.  Le conseil municipal dans sa séance du 19 février 1764,
dénonce   avec quelque exagération les “prétentions 
exhorbitantes  de l’exécuteur des sentences criminelles, qui menacent 
de ruiner totalement  le commerce.”
 
 Un huissier est dépêché
 sur  le marché pour dresser des procès-verbaux constatant
et  détaillant  la perception du droit de havage. Plusieurs de ces
procès-verbaux  sont conservés aux Archives municipales (53).
Ils nous apprennent que lors de la tenue du marché sur la place Notre-Dame,
            “la mère,   l’épouse et la domestique de l’exécuteur
des sentences, lèvent   en son nom, des droits sur l’ensemble des
marchands de beurre, œufs, fromages,   volailles, navets, fruits et autres
légumes”. Le payement se fait  en argent, et aucun justificatif
n’est demandé: “prononcer le nom  du bourreau suffit”. Le marchandage
est possible: Michel Dru, manouvrier  à Roinville, obtient de ne payer
que deux sols pour les trente dindes  qu’il propose à la vente, au
lieu des trois sols initialement exigés.              “Après
avoir été payée, la domestique marque les vêtements
du marchand ou la serviette enveloppant les marchandises,  avec un peu d’ocre.”
Ce jour-là, vingt-quatre marchands s’acquittent  du règlement
de la redevance.
 Contrairement aux espérances des édiles municipales,
la  justice  du bailliage donne raison au bourreau sur le fond et sur la
forme.  En juillet  1764, elle reconnaît la validité du droit
de havage  et des tarifs  pratiqués et condamne pour “surveillance
abusive”,  l’huissier diligenté par le maire. Sollicité
en appel par la  municipalité, le Parlement de Paris rend un arrêt
définitif  le 17 juillet 1766: le droit de havage de l’exécuteur
des sentences  est confirmé mais restreint à la perception
d’une taxe “de  six deniers par sac de blé, orge, avoine, plein
ou non, et de trois  deniers par sac de menus grains, pois, fèves,
lentilles”. Les autres denrées ne sont plus assujetties à
ce droit.
 
 |      (52) Nous reprenons ici la démonstration 
  et les propos de Charles FORTEAU, in: Le dernier exécuteur des 
 sentences criminelles d’Etampes et le droit de havage. - Etampes, 1904. 
 A.M.E., cote FLM 115.
 (53) Procès-verbaux des 11 juillet 
et  15 septembre 1764. A.M.E., cote AA 57.
 
 |  
 
            
              
                | Le marché devant la Collégiale
  Notre-Dame.Par Narcisse Berchère, s.d. (Musée d’Étampes)
 | Usage des nouvelles mesures. Gravure
  de Labrousse, d’après J.P. Delion (BNF)
 
 |  
 
 
          
                                                   
            | COMMERCE
  ET ORDRE PUBLIC: L’ORDONNANCE DE 1779
 Les Archives municipales conservent une ordonnance 
  de police datée du 10 juillet 1779  (54), qui rappelle et précise 
  les textes en vigueur relatifs à la police des foires et des marchés, 
  Ils concernent aussi bien les commerçants de la ville, que les marchands 
  forains et le public. [p.34] [p.35]
 
 Les articles XII à XXII cherchent à 
  prévenir les troubles à l’ordre public qui pourraient être 
  causés par l’abus d’alcool, les jeux et certains us et coutumes du
  compagnonnage.
 
 “Les artisans et gens de métier
n‘ont   pas le droit de s‘attrouper et de porter des cannes et des bâtons.
 Les cabarets n’ont pas le droit de recevoir plus de quatre compagnons à 
  la fois, et d’accepter les pratiques du prétendu devoir. Les maîtres 
  (des métiers) ne doivent que prendre des compagnons qui justifient 
  du lieu de naissance, et doivent tenir un registre.”
 
 “Il est interdit aux marchands, colporteurs
  et artisans, de donner à jouer dans les foires et sur les marchés”. 
  Sont prohibés “les jeux de cartes, de dés, la blanque, le 
tourniquet…  et tous les jeux de hasard et de loterie” (art. XXII).
 
 “Les hôtelliers, cabaretiers, taverniers, 
  limonadiers, vendeurs de bière, d’eau de vie et de liqueurs en détail, 
  n’ont pas le droit d’ouvrir leurs boutiques après huit heures du 
soir,  de la Toussaint à Pâques soit pendant le Carême, 
et après  dix heures du soir, le reste de l’année” (art.XX).
 
 Les articles XXV et XXXI s’intéressent
  au recel: “il est interdit aux marchands, artisans d’acheter des hardes,
  des meubles, de la vaisselle, des bijoux, des livres, du plomb, et d’autres
  choses, aux enfants et domestiques, sauf s’il y a consentement du père
  ou de la mère, du maître ou de la maîtresse…”
 
 En matière de denrées alimentaires, 
  il est rappelé que leur vente par des commerçants extérieurs 
  à la ville, ne peut se faire par colportage à domicile: “les 
  personnes de la campagne doivent vendre leurs provisions sur les marchés 
  (où elles sont contrôlées et taxées) et non
  par porte à porte. Les acheteurs sont punis” (art.XXXI).
 
 Enfin, à une époque où
 la  valeur des poids et des mesures n’est pas unifiée et varie d’une 
 ville  à l’autre, il apparaît important de prémunir l’acheteur
  contre l’altération ou la contrefaçon des mesures utilisées
  par les marchands. Leur confection est de ce fait sévèrement 
  réglementée.
 
 Chaque boulanger doit avoir un moule estampillé 
  à son nom, ou portant un signe distinctif, et est tenu de mettre 
son  empreinte sur chaque pain exposé à la vente.
 
 En mars 1783 (55), un arrêt du Parlement 
  de Paris impose la création de nouvelles mesures de grains en métal, 
  suite à une requête des maîtres de postes aux chevaux, 
  des directeurs de carrosses et de messageries, des marchands de grains, 
laboureurs  et hôteliers.
 
 Les nouvelles mesures doivent être en
 cuivre  rouge, aux armes de la police, et marquées par le receveur.
 Toute transaction en grains doit être calculée par des mesureurs
 agréés.  A cette occasion, un droit dit de minage doit être
 acquitté.  Les anciennes mesures sont “rompues et brisées”.
 [p.36]
 |      (54) A.M.E., cote AA 273.
 (55) Arrêt du Parlement de Paris du 
8  mars  1783, A.M.E., cote AA 273.  [p.40]
 
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           | Crédits de l'édition originale: “Document édité par les Archives
  municipales d’Etampes, en coopération avec la Direction de la Communication
  de la Ville d’Etampes. Textes: C. Wingler. Crédit photo: C. Fougereux.
  Saisie: D. Krys. Conception, impression: Imprimerie municipale d’Etampes.
  1ère édition. Mai 1997” [p.3 de couverture]. | 
                    
                | Source: La plaquette originale de 
  1997 et une partie des illustrations originales, ressaisies par B.G en 2007. |