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GUERRE DE CENT ANS, GUERRE ENTRE ARMAGNACS ET BOURGUIGNONS, DÉFENSE DU DONJON PAR DE BOSREDON. Pendant la Guerre de Cent Ans, nous voyons, en 1367 et en 1370, des troupes anglaises s’emparer d’Etampes. La fameuse tour de Guinette ne put les maîtriser. Ces troupes ne firent que passer, mais elles pillèrent la ville. Et on vit les chanoines de la Collégiale Notre-Dame réduits à la mendicité. C’est alors que Louis II, deuxième comte d’Etampes, fit une importante donation à la Collégiale à condition «qu’il sera chanté tous les jours à perpétuité, avant le lever ou environ, une messe à notes et plain- chant», messe qu’on a appelée la «Messe au Comte». Mais c’est sous le troisième comte d’Etampes, Jean de Berry, frère de Charles V, que la tour de Guinette subit un terrible assaut. La France alors était divisée entre deux partis: les Armagnacs et les Bourguignons, qui se disputaient le pouvoir profitant de la démence du roi Charles VI. Les Armagnacs, partisans de Charles d’Orléans qui avait épousé la fille du comte d’Armagnac, rassemblèrent des troupes à Etampes en vue de s’avancer sur Paris; mais Jean sans Peur, duc de Bourgnogne, qui défendait le pauvre roi, vint mettre le siège devant Etampes en 1411, avec le dauphin Louis, duc de Guyenne, futur Charles VII. Cette armée du duc de Bourgogne était importante. Le dauphin en prit la tête, et outre le duc de Bourgogne, il y avait de notables seigneurs: les comtes de Nevers, de la Marche, de Penthièvre et de Vaudemont, le maréchal de Boucicaut et de nombreux chevaliers, entourés de leurs hommes d’armes. [p.232] Elle partit de Paris, arriva à Corbeil où elle s’arrêta quelque temps pour attendre son artillerie. Alors, munie de toutes sortes de machines de guerre, elle reprit sa marche par Châtre, aujourd’hui Arpajon, et apparut formidable en vue du donjon et du château fort d’Etampes. La défense de cette ville avait été confiée par Jean de Berry, comte d’Etampes, au sire Louis de Bosredon, chevalier d’Auvergne, qui lui était tout dévoué. Devant l’imposante armée apparue sous ses murs, les habitants ouvrirent aussitôt leurs portes, en offrant au dauphin les clefs de la ville et en le suppliant de les épargner du pillage. «Mais, raconte un vieil historien, on ne put retenir l’humeur brigande de quelques soldats, qui, nonobstant l’honorable réception du prince, firent beaucoup de désordre et se gorgèrent de butin.» Mais le défenseur de la ville, Louis de Bosredon, montra plus de fermeté. II avait juré à Jean de Berry de défendre la ville malgré tout. Il se retira donc dans le château et le donjon avec ses hommes d’armes. Confiant dans la position de la forteresse et dans l’épaisseur de ses murailles, il se prépara à résister vaillamment aux attaques de l’ennemi. Il fit même plusieurs sorties, ramenant à chaque fois quelques prisonniers. C’est ainsi que le sire de Roncy, chevalier picard, tomba entre ses mains et fut enfermé dans le donjon. L’armée des Bourguignons, qui assiégeait la ville devant ses premiers efforts inutiles, se prépara à un assaut décisif. On ras sembla toutes les machines de guerre pour abattre les murailles de l’enceinte du château. On parvint à faire quelques brèches et à mettre le feu aux bâtiments voisins de ces murailles. «Finalement, dit un chroniqueur, l’une des tours estant à un coin du château fut tellement minée qu’elle chut. Quant ceux du dedans virent que bonnement ne pouvaient plus tenir, ils se rendirent au roi, sauves leurs vies, et eurent très bonne composition.» C’est alors que le sire de Bosredon, défenseur du château, se retira avec ses hommes dans le donjon. PRISE DU DONJON (1411), LE DONJON ASSIÉGÉ, SA REDDITION, MORT TRAGIQUE DE SON DÉFENSEUR. Retiré en dernier lieu dans le donjon du château d’Etampes, le sire de Bosredon encouragea ses soldats à résister aux assauts de l’armée bourguignonne. Les assiégés se disposèrent donc à [p.233] ne pas se rendre. Ils allèrent même jusqu’à provoquer leurs ennemis du haut de la tour. On dit même que les dames et demoiselles enfermées avec eux dans le donjon, se montraient fièrement aux créneaux, et là, tendant leurs tabliers comme pour recevoir les pierres lancées par les machines, se moquaient des assiégeants qui ne pouvaient les déloger. N’arrivant pas à prendre ce fameux donjon les chefs des Bourguignons décidèrent de lever le siège. Et déjà on faisait les préparatifs de départ, quand un notable bourgeois de Paris, André Roussel, s’interposa et dit qu’agir ainsi «était faire injure et ternir d’un reproche éternel, la première milice et le premier exploit du fils de France.» Il s’engagea alors à prendre le donjon si on voulait bien lui donner assistance et récompenser ceux qui le seconderaient dans son dessein. On lui promit ce qu’il demandait. Aussitôt il se mit au travail. Il fit apporter non sans mal de longues poutres de chêne qu’on appuya en lès inclinant contre le mur à la base du donjon, et en formant ainsi une sorte d’abri, qui pouvait résister aux grosses pierres lancées du haut des créneaux. Sous cette sorte de carapace, des soldats armés de pics, pendant cinq jours, finirent par faire une ouverture importante dans la muraille. La muraille percée, les assiégés bouchèrent l’orifice avec toutes sortes de pièces de bois, mais l’assaillant y mit le feu. Alors André Roussel cria au commandant du donjon de se rendre s’il ne voulait pas périr avec ses défenseurs étouffé par la fumée. Le sire de Bosredon, voyant qu’il ne pouvait résister davantage, promit enfin de se rendre et de mettre bas les armes. On vit alors la porte principale du donjon s’ouvrir et un guerrier apparut, magnifiquement équipé et revêtu d’un habit de velours cramoisi, tout brillant d’or et de pierreries. Il s’avança, escorté de ses soldats sans armes, vers la tente du dauphin, se prosterna devant celui-ci et lui embrassa les genoux. C’était le commandant du fort, de Bosredon, qui se rendait. Le dauphin, ému, lui fit grâce de la vie, mais le garda prisonnier. Le sire de Bosredon fut emmenée à Paris avec quelques chevaliers prisonniers, et là on les promena dans la capitale pour assurer les Parisiens de la victoire du dauphin. Quant aux autres soldats, défenseurs de la tour, on dit que le vainqueur refusa de leur faire quartier et ils furent mis à mort, mais on épargna les dames et les demoiselles qui s’étaient montrées un peu téméraires. [p.234] Que devint dans la suite le sire de Bosredon. On rapporte qu’il changea de camp après la mort du comte d’Etampes, Jean de Berry. On le voit en effet avec la reine Isabeau de Bavière favorable aux Bourguignons. Un jour se rendant à Vincennes auprès d’elle, il rencontra sur son chemin le roi Charles VI, et sans s’arrêter, sans mettre pied à terre, il se borna à saluer d’un geste son souverain. Celui- ci, blessé par cette insolence, et connaissant par ailleurs ses sentiments favorables aux Bourguignons, le fit arrêter, mettre à la torture et enfermer dans la tour de Montlhéry. Quelques jours après, le prisonnier fut jeté dans la Seine, enfermé dans un sac de cuir sur lequel on pouvait lire cette inscription: «Laissez passer la justice du roi.» LE DONJON SOUS LOUIS XI (XVe SIÈCLE), BATAILLE DE MONTLHÉRY, SIÈGE D’ETAMPES, REDDITION DU DONJON, HAMEAU DE BRETAGNE. Louis XI, roi de France, eut longtemps à lutter contre les seigneurs ligués contre lui, et en particulier contre Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Un jour, c’était en 1465, il apprend que Charles le Téméraire voulait s’emparer de Paris. A ce moment il guerroyait dans le centre de la France contre les seigneurs révoltés. Il se dirige aussitôt vers la capitale pour la défendre. Charles le Téméraire à cette nouvelle abandonne Paris et avec son armée va au devant de l’armée royale. Louis XI ne désirant pas combattre son rival ordonne à ses chefs de faire un détour pour regagner Paris. Mais le chef de l’armée royale désobéissant aux ordres du roi, se dirige directement vers les troupes de Charles le Téméraire, qui se trouvaient du côté de Montlhéry. Une grande bataille s’engage dans les plaines de Longpont au pied du château fort de Montlhéry, dans un endroit qu’on appelle encore de nos jours «Le Champtier du champ de bataille». Les deux armées rivalisent d’ardeur. Sur certains points, les soldats du roi mettent en déroute les Bourguignons, sur d’autres les soldats du roi s’enfuient et on voit Charles le Téméraire lui-même, poursuivre les fuyards dans la plaine. De part et d’autre, ce jour-là, deux mille soldats furent tués. Le soir de la bataille cependant, chaque armée se croit victorieuse. Le roi regagne Paris par Corbeil et Charles le Téméraire [p.235] se dirige vers Etampes. L’intention de celui-ci est de faire reposer ses troupes et de soigner ses blessés dans notre ville. Le défenseur du donjon, alors Robinet de Ruth, malgré les circonstances favorables pour lui, ne pense pas pouvoir défendre la ville. Il ne suit pas l’exemple de Bosredon qui en 1411 avait courageusement, résisté dans le donjon. Il rend le château sans coup férir, sous prétexte qu’il n’avait qu’une faible garnison. Dans la suite, sa lâcheté sera punie par le roi et il sera emprisonné à Bourges. Mais deux ans après, en 1467, par une lettre de rémission, le roi le libéra. On lisait dans cette lettre qu’il obtenait libération «étant chargé de femme et de plusieurs petits enfants et n’ayant jamais été convaincu d’aucun autre vilain cas». En tout cas, les habitants, toujours fidèles au roi au moins de cœur, durent subir les durs inconvénients de l’occupation, principalement héberger, soigner, et enterrer les soldats des ennemis du roi. Parmi les morts, il y avait beaucoup de soldats de l’armée du duc de Bretagne, alors allié au duc de Bourgogne. Ces soldats furent enterrés dans le quartier Saint-Pierre dans un endroit qui prit par la suite le nom de cimetière des Bretons, et c’est pourquoi le groupe de maisons environnant ce cimetière s’appelle encore de nos jours «le hameau de Bretagne». Pendant ce séjour du duc de Bourgogne à Etampes, un historien du temps, Philippe de Commines raconte dans ses Mémoires: «que le peuple d’Estampes s’en était fui au clocher de l’église et au chasteau. Le duc les fait revenir, et ne perdirent pas un sou vaillant, mais chacun payait son écot... En la compagnie des Bretons, il y avait un pauvre homme qui prenait plaisir a jetter en l’air des fusées qui courent parmi les gens quand elles sont tombées... et une vint tomber contre la croisée de la fenêtre où étaient les deux princes, Mgr Charles de France (duc de Bretagne) et Mgr de Charolois... Tous deux se dressèrent et furent esbahis... et cherchaient d’où pouvait venir ce feu. Ce pauvre homme qui l’avait fait se vint jetter à genoux devant eux, il osta beaucoup de gens hors de suspicion que l’on avait les uns sur les autres, et chacun s’en prit à rire et s’en alla désarmer et coucher. Ainsi, comme il avait esté conclu, tous les Seigneurs se partirent d’Estampes après y avoir séjourné quelque peu de jours...» L’occupation des ennemis du roi à Etampes était terminée. En somme, tout s’était bien passé, mais on avait eu chaud. [p.236] LE DONJON EN RUINES (XVIe SIÈCLE), GUERRES DE RELIGION, LE CHATEAU FORT DISPUTÉ A PLUSIEURS REPRISES ENTRE LIGUEURS ET PROTESTANTS, SA DÉMOLITION PAR HENRI IV. En 1562, le Prince de Condé, profitant de la minorité du roi sous la régence de Catherine de Médicis, pense à marcher sur Paris avec son armée protestante, renforcée de 3.000 cavaliers allemands, appelés reîtres. Dans ce but, il s’empare d’abord d’Etampes, riche en vivres, pour la piller. La ville sans défense doit céder. Pendant six semaines, les reîtres principalement, y commettent toutes sortes d’excès. Ils transforment les églises en écuries pour leurs chevaux. On dit que ce sont eux qui décapitèrent les statues du grand portail de Notre-Dame. Mais à la nouvelle de la victoire du duc de Guise à Dreux, sur les protestants, ils s’empressèrent de quitter la ville. Le seigneur de Bonnelles, désigné par le roi, organise alors la défense d’Etampes par crainte d’une autre attaque. En effet, en 1567, l’armée protestante revient, commandée par le comte de Montgomery. Les habitants essaient de résister, mais bientôt la ville est prise et le château avec son donjon se rend. Les protestants recommencent leur pillage et c’est à cette époque qu’ils incendient l’église et le couvent des Cordeliers dans le quartier Saint-Gilles. Mais de nouveau ils doivent abandonner Etampes et toutes les places autour de Paris, après la défaite des conjurés à Saint-Denis. Dans la suite, les événements politiques s’aggravent. Henri de Guise forme une Ligue contre les protestants et triomphe à Paris. Au début de l’activité de cette ligue, pendant environ trois années, notre région ne participe pas aux luttes politiques. Mais le roi Henri III, jaloux du duc de Guise, se débarrasse de lui en le faisant assassiner (1588). Il change alors de camp, s’allie à Henri de Navarre, protestant et futur Henri IV. Il décide avec son concours de reprendre Paris. La guerre reprend dans notre région. A la nouvelle que les armées d’Henri III marchent sur Paris, le duc de Mayenne, lieutenant général du royaume, renforce la garnison d’Etampes sous le commandement du seigneur de Pussay et confie la défense du château et de son donjon au capitaine de Saint-Germain. Le 23 juin 1589, l’armée d’Henri III paraît devant Etampes. Elle installe deux batteries aux deux extrémités de la ville sur la route d’Orléans et sur la route de Paris. Une brèche dans les remparts est bientôt faite et les [p.237] ennemis pénètrent dans la ville. Le château se rend. Son défenseur, le capitaine de Saint-Germain, menacé d’être pendu est sauvé par l’intervention de son ami, le duc d’Epernon. Pendant trois jours, la ville est pillée. Cependant, raconte notre historien dom Fleureau «le viol ne fut pas permis, néanmoins il y eut quelques femmes qui ne l’évitèrent point.» C’est pendant ce séjour d’Henri III à Etampes que celui-ci apprend qu’il est menacé d’excommunication par le pape. Ce qui l’affectait beaucoup au point qu’il ne mangeait plus. Mais son allié Henri de Navarre lui dit: «Sire, le plus sûr remède est de vaincre, ainsi nous serons absous. Mais, si nous sommes vaincus, nous demeurerons excommuniés, voire même aggravés.» Henri III quitte donc Etampes et s’en va assiéger Paris lorsqu’il est assassiné par le moine fanatique Jacques Clément. Cependant, les habitants d’Etampes ont prêté serment au défunt roi et ils s’apprêtent à réparer les fortifications de leur ville, quand le 20 octobre 1589, le seigneur de Rosne, envoyé par le duc de Mayenne, vient cette fois, non plus défendre, mais assiéger Etampes. La ville capitule, malgré la bravoure de son défenseur le capitaine Rigault, qui n’avait qu’une garnison très réduite. Cette capitulation se fait sous certaines conditions, ce qui n’empêche pas des exécutions regrettables. Henri IV, de son côté, essaie de prendre Paris, occupé par Mayenne. Ne pouvant y parvenir, il se replie sur Etampes. La ville est alors défendue par Alexandre de Castelnau au nom de la ligue, avec quelques gens de guerre. Le défenseur se rend à la première sommation. Pendant le séjour d’Henri IV à Etampes, les habitants en profitent pour lui demander de détruire le château, avec son donjon, ce château, disent-ils, est la cause de tant de guerres pour eux. Le roi donne l’autorisation. Des tonneaux de poudre sont entassés dans la tour. Après l’explosion, il ne reste plus que les murs découronnés et lézardés. La tour n’est plus qu’une ruine, mais une ruine imposante qui verra encore d’autres combats. GUERRE DE LA FRONDE (XVIIe SIÈCLE), LE COMTE DE TAVANNES S’EMPARE D’ETAMPES, TURENNE ACCOURT DÉLIVRER LA VILLE, FURIEUX COMBAT A SAINT-MARTIN, TURENNE SE RETIRE. Après les guerres de la Ligue, le château fort est démoli et on essaie en vain d’abattre le donjon. Ce donjon, tout démantelé qu’il est, va servir utilement aux assiégés pendant la guerre de la Fronde. [p.238] Sous le règne de Louis XIII, Etampes connaît un calme relatif, mais cette tranquillité ne dure pas sous la minorité du jeune roi Louis XIV, pendant la régence d’Anne d’Autriche, le cardinal Mazarin étant premier ministre. Les ruines du donjon vont assister et même participer à des luttes rivales appelées guerre de la Fronde. Les Frondeurs, ce sont le Prince de Condé et ses partisans, et leur armée s’appellera l’armée des princes. Condé voulait la place de Mazarin, mais le jeune roi va lui opposer son plus illustre capitaine, le maréchal de Turenne. Nous sommes en 1652. L’armée de Condé avant de gagner Paris veut se ravitailler en blé et en fourrage, et pense â Etampes. D’ailleurs un des chefs de cette armée se glorifie d’obtenir facilement l’entrée de la ville «étant connu de quelques-uns d’Etampes», entre autres de M. de Beaufort, parent de César de Vendôme, duc d’Etampes. Et en effet, un soir il se présente à la porte Saint-Pierre avec soi-disant quelques hommes: et, comme il parle de M. de Beaufort, on lui ouvre aussitôt la porte, mais on s’aperçoit que toute une armée le suit. Les magistrats d’Etampes réveillés essaient d’organiser la défense, mais c’est trop tard. Et, rapporte notre historien dom Fleureau, «il fallut céder à la force et à la surprise de ces troupes qui ne cherchaient que des prétextes de vol et de pillage. Il fut néanmoins accordé avec les chefs qu’on ne logerait dans la ville que l’état-major et les soldats dans les faubourgs. Mais comme ceux-ci entraient de jour dans la ville, ils y faisaient tant de désordres que plusieurs habitants furent contraints d’abandonner leurs maisons et leurs biens pour se retirer ailleurs...» En apprenant l’occupation d’Etampes par l’armée de Condé, commandée par le maréchal de Tavannes, l’armée royale commandée par le maréchal de Turenne vient camper à Arpajon pour barrer aux rebelles la route de Paris et connaître leurs intentions. Turenne apprend alors que Mlle de Montpensier, favorable aux Frondeurs, était à Etampes, se rendant à Paris. Pour lui être agréable, le chef de l’armée des Frondeurs propose de lui faire passer en revue son armée sous les murs d’Etampes et de l’accompagner jusqu’en dehors de la ville sur la route de Paris. C’était le 4 mai au matin. Turenne, de son côté, est au courant de ces préparatifs. Il va en profiter pour attaquer l’ennemi à l’improviste par le côté opposé, par le faubourg Saint-Martin. II lui faut contourner Etampes sans être vu, car du haut de la tour de Guinette l’ennemi [p.239] guette. Dans la nuit du 3 au 4 mai, partant d’Arpajon, il fait passer son armée dans la vallée de Villeconin, aboutit dans la plaine de Boissy-le-Sec qu’il traverse, et descend sur le faubourg Saint-Martin qu’il attaque au matin. A cette nouvelle, grand trouble dans l’armée ennemie. Mlle de Montpensier était en train de remettre des décorations. Elle prend vivement congé de l’armée, et le comte de Tavannes conduit ses soldats vers Saint-Martin pour appuyer les défenseurs qui faiblissent. Dom Fleureau nous donne des détails intéressants sur l’attaque de l’armée royale. «M. d’Hocquincourt, de l’armée de Turenne, écrit-il, descendant de son poste comme un foudre, jetta une partie de son gros contre la porte du côté d’Orléans, et l’autre partie se lança dans la plaine où était la cavalerie ennemie qui lâcha pied. La partie de la cavalerie du Roy, qui était entrée dans la plaine poussa vigoureusement tout ce qu’elle trouva d’ennemis devant elle, les contraignit de se resserrer dans des maisons, dans le cimetière et dans l’église même (Saint-Martin), comme dans un dernier réduit... Ceux qui étaient dedans, au nombre d’environ 500 bonshommes, sans espérance d’être secourus, se rendirent tous prisonniers de guerre. Ce ne fut pas seulement à l’église, où les troupes du Roy trouvèrent de la résistance, mais elles furent contraintes de combattre en plusieurs maisons et jardins, où des soldats s’étaient retranchés, dont il y en eut, qui n’ayant plus de munitions de guerre, se servirent de pierres contre ceux qui les attaquaient. Enfin les gens du Roy demeurèrent entièrement victorieux et pillèrent tout le bagage de ceux qui y étaient logés.» En apprenant ce pillage, Turenne ordonne le retrait de ses troupes. Elles se retirent sans être inquiétées vers Etréchy. Dans cette bataille, l’armée adverse, retranchée dans Etampes, perdait environ 2.700 hommes. Mais le combat n’était pas fini. Il allait reprendre quelques jours plus tard. L’ARMÉE DES FRONDEURS RÉORGANISE LA DÉFENSE DE LA VILLE, L’ARMÉE ROYALE REVIENT FAIRE LE SIÈGE, COMBATS ACHARNÉS, VISITE DU ROI, TURENNE LÈVE LE SIÈGE. Après le départ de l’armée royale, les Frondeurs réorganisent la défense de la ville, car on s’attend à un retour de Turenne. Dans la ville même, on rassemble des provisions venant du pillage des maisons et des fermes d’alentour. Des vivres sont entassés [p.240] dans l’église Sainte-Croix. Les maisons sont occupées par les soldats, et leurs habitants s’abritent dans le Couvent des Cordeliers, au quartier Saint-Gilles et dans l’église Notre-Dame pour «y faire feu et ménage». Les fortifications sont réparées, les brèches bouchées et des ouvrages en demi-lune sont établis aux différentes portes de la ville. Et pour ne pas gêner le tir des batteries, on abat murs et maisons et on met le feu dans les faubourgs. Dom Fleureau nous rapporte à ce sujet les détails suivants: «Tous les édifices, tant dedans que dehors la ville, proches des murailles, furent rasés, même les murailles de clôtures des cimetières, quoy qu’elles fussent fort basses. Ceux qui entreprirent d’abattre la chapelle de Saint-Jacques de Bédégon, qui est au bout du cimetière du côté de Paris, furent par un effet visible de la Divine Justice, écrasés sous les ruines.» Le dimanche 26 mai 1652 on apprend que l’armée du roi, toujours commandée par Turenne, forte de 12.000 hommes, revient faire le siège d’Etampes. Alors, de nouveau, le comte de Tavannes, chef des Frondeurs, fait encore mettre le feu dans ce que le premier incendie avait épargné. Ce jour-là, les cavaleries d’avant-garde des deux armées se rencontrent dans la plaine des Sablons. Le lendemain 27, Turenne s’avance avec ses soldats et fait entourer la ville d’une tranchée qui part des Capucins et s’étend jusqu’à la ruelle du Loup et la place de 1’Ecce-Homo, malgré les efforts de l’ennemi pour empêcher les travaux. Les premières escarmouches ont lieu sur les collines du Mâchefer et de Guinette. Sur les hauteurs de Guinette, Turenne fait établir une batterie qui tire sur le vieux donjon mais inutile ment à cause de l’épaisseur de ses murailles. «Les assiégés, dit Dom Fleureau, eurent toujours sur cette tour un homme qui découvrait ce qui se passait au camp du Roy, dont il donnait incessamment avis.» Le mardi, Turenne fait amener cette batterie, composée de cinq pièces, du côté de l’église Saint-Gilles pour tirer contre la courtine ou bastion qui défendait ce quartier. Par deux sorties, les assiégés essaient en vain de s’emparer des pièces. Le jeudi qui suit, les assiégés entendent dire que le prince de Condé, leur grand chef, va venir à Etampes. Alors, avec courage, ils reprennent l’assaut de la batterie, mais en vain. Ils ont, ce jour-là, plus de 200 tués ou blessés. Le samedi 1er juin, Turenne reporte son attaque du côté de Saint-Martin et deux batteries, chacune de quatre canons, [p.241] sont dressées contre la porte de ce quartier, appelée la «Bastille ». Mais les assiégés font leur possible pour défendre cette porte. Ils abattent les maisons voisines pour établir des retranchements. Les cavaliers sont employés à porter des facines, les fantassins à remuer de la terre et à porter des fumiers. Nombre d’habitants sont contraints de travailler ou de se racheter à prix d’argent. Pendant ce temps les assiégeants tirent contre les défenses à coup de canon. Une brèche est ouverte. Turenne somme les assiégés de se rendre. Ceux-ci refusent et se mettent tous à l’ouvrage pour reboucher la brèche et la défendre. Les cavaliers combattent à pied, armés de faux emmanchées à l’envers. Le mercredi 5 juin, les canons sont groupés au milieu de la rue et tirent plus de 200 coups contre la porte qui s’écroule. Mais les défenseurs barricadent aussitôt l’ouverture. On les somme à nouveau de se rendre. Ils refusent. Les canons font une nouvelle brèche. Enfin, le 7 juin au matin, les assiégés voient avec surprise l’armée royale se retirer en bon ordre. On dit que Turenne venait de recevoir l’ordre du roi de lever le siège d’Etampes pour aller combattre le duc de Lorraine. Celui-ci se préparait à rentrer en France pour porter secours à l’armée de Condé qui défendait Etampes. C’est pendant cette seconde phase de la guerre de la Fronde dans notre ville, que le jeune roi Louis XIV est venu visiter le camp de l’armée de Turenne pour encourager les soldats. Dans la circonstance, un émissaire est envoyé aux assiégés pour leur demander de cesser leur tir suivant l’usage. Le comte de Tavannes, pour ne pas se compromettre, fait le malade, et envoie à l’émissaire un officier allemand qui ne peut se faire comprendre, ne sachant pas le français. Et des coups de canon sont tirés et un boulet renverse un cavalier près du roi. Cet incident avait scandalisé tout le monde. Quelque temps après le départ de l’armée de Turenne, l’armée du comte de Tavannes à son tour quittait Etampes le 23 juin. Mais dans quel état effrayant de ruines et de misères les deux armées laissaient Etampes! [p.242] |
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine,
ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie,
membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise,
vice-président de la Société artistique
et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix],
Étampes, la favorite des rois [in-16; 64
p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy
Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes,
Éditions d’art Rameau, 1954.
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957. Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [réédition en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X]. Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Étampes ville royale (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html (33 pages web) 2004. Toute critique ou contribution
seront les bienvenues. Any criticism or contribution welcome.
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Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale, 1957, pp. 231-241. Saisie: Bernard Gineste, octobre 2004. |
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