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LE CHATEAU AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES, LES CHATELAINS: LES HÉMARD, LES DE POILLOÜE DE SAINT-PÉRIER. Le Petit-Saint-Mars a son château. Ce château a été acheté par l’administration de l’hôpital d’Etampes, pour en faire un annexe à l’hôpital. Les vieillards y sont hébergés pour y mener non pas une vie de château, mais pour y passer tranquillement leurs vieux jours. Il se trouve au bout du Petit-Saint-Mars, à gauche de la route en allant sur Saclas. Il est situé dans un grand parc aux arbres majestueux, que baigne un affluent de la Juine, le Juineteau. Il semble intéressant de connaître son histoire. Voici d’abord sa description. Le château se compose de trois parties: une partie centrale formant entrée, une façade re tangulaire avec premier étage et, à chaque extrémité, un bâtiment en guise d’aile. La façade du côté de la route, au Midi, est la partie la plus ancienne et peut dater du XVIIe siècle. La partie au Nord, du côté du parc, est moins ancienne et ne remonte pas au delà du XVIIIe siècle. La façade du Midi est percée de quatre groupes de fenêtres placées deux à deux de chaque côté de la partie où se trouve la porte d’entrée. Cette partie centrale est plus haute que la toiture du corps du bâtiment et comprend un troisième étage formant fronton avec un œil de bœuf sur son toit. De chaque côté, encadrant le bâtiment central, un pavillon carré avec, à chaque étage, deux hautes fenêtres surmontées, dans la toiture pyramidale, de deux petites fenêtres. L’ensemble est régulier et agréable à l’œil. [p.207] Voyons l’histoire de ce château. Le premier seigneur que l’on connaît d’après les registres paroissiaux est, en 1655, Claude Hémard, ancien cornette du roi. Son père fut marchand de laine, puis receveur de la terre du Mesnil-Giraud. Il mourut en 1644, laissant trois fils: Pierre, René et Claude. Le premier, Pierre, devint seigneur de Gommerville. Le deuxième, René, le plus célèbre seigneur de Danjouan, poète, historien, fut un des plus remarquables maires d’Etampes, de 1667 à 1670. Parmi ses ouvrages, citons: La guerre d’Etampes et Les restes de la guerre d’Etampes. Un de ses petits-fils, Claude, Charles Hémard, également poète, s’est rendu célèbre par son poème héroï-comique composé à l’âge de 24 ans: Le chien pêcheur ou Le Barbet des Cordeliers d’Etampes. C’est le troisième fils, Claude, ancien cornette du roi, qui devint seigneur du Petit-Saint-Mars, Claude épousa dame Christine Samson, veuve de messire Henry de Beauclerc. Il eut une fille, Cémence-Angélique, qui s’allia avec la famille de Poilloüe. En effet, le 11 avril 1693, eut lieu le mariage entre: messire Louis de Poilloüe, chevalier, seigneur de Bonnevaux, du Boulay et d’Aveluy, d’une part, et Clémence-Angélique Hémard de Saint-Mars, d’autre part. Louis de Poilloüe vint se fixer avec sa femme au château du Petit-Saint-Mars, où naquirent leurs enfants baptisés en l’église Saint-Martin. L’aîné des enfants, Louis-René de Poilloüe continua à résider au Petit-Saint-Mars. Il y épousa Mlle Elisabeth de Saint-Périer, fille de Jean-Baptiste de Saint-Périer, chevalier de Saint-Louis, seigneur de Baudeville, commissaire provincial d’artillerie, commandant l’artillerie à Liége. Par ce mariage, le domaine du Petit-Saint-Mars entra dans la famille des Poilloüe de Saint-Périer. Louis-René de Poilloüe de Saint-Périer eut une nombreuse descendance. Parmi ses enfants, citons Jacques-Auguste de Poilloüe de Saint-Mars, marquis de Saint-Mars, gentilhomme ordinaire du duc d’Orléans, sous-aide major aux Gardes françaises, lieutenant-colonel d’infanterie et chevalier de Saint-Louis. Il fut choisi par l’état de la noblesse du bailliage d’Etampes pour être son député aux Etats Généraux en 1789. Il épousa, le 17 octobre 1774, Antoinette-Julie de Chevannes et mourut à Limours, le 22 août 1794. Il résidait ordinairement en son château du Petit-Saint-Mars. A une époque très rapprochée de nous, dans notre région d’Etampes, tout le monde a connu un descendant de cette noble famille des Poilloüe de Saint-Périer, je veux parler de M. le [p.208] comte de Saint-Périer, historien et archéologue distingué, habitant le château de Morigny, et décédé il n’y a pas longtemps. Mme la comtesse de Saint-Périer, toujours à Morigny et continuant les nobles et savantes traditions de son illustre mari, se trouve être actuellement la représentante de la branche aînée de l’antique famille de Poilloüe. LE CHATEAU AU XIXe SIÈCLE: FAMILLE DE LA BIGNE, WILLY D’ADLER, Me CAYROL. Au début du XIXe siècle, une descendante de la famille Poilloüe, Ernestine-Zoé de Poilloüe de Saint-Mars, épousa Jean-Baptiste de la Bigne. Quelques aperçus sur cette famille au cours de l’histoire. La famille de la Bigne était originaire du diocèse de Bayeux en Basse-Normandie. Elle est connue depuis 1150. C’est un Gaston de la Bigne, qui, chapelain de Jean Le Bon, partagea en Angleterre la captivité de son roi. Et c’est sous l’époque de Louis XV que nous voyons François-Etienne-Michel de la Bigne, page de la grande écurie, puis écuyer calvacadour et ensuite écuyer ordinaire et commandant le premier manège du roi, se fixer dans l’Ile-de-France, où restèrent dans la suite ses descendants. C’est ainsi que nous trouvons le comte Léon de la Bigne, ancien officier au 1er régiment de voltigeurs de la Garde, commander en 1870 la compagnie des mobiles étampois. Son petit fils, Henri de la Bigne s’est passionné de l’histoire locale de la région d’Etampes et nous a laissé des travaux intéressants. Il mourut relativement jeune. Sa veuve continua d’habiter le château du Petit-Saint-Mars jusqu’au jour où elle dut aller rejoindre son mari dans sa dernière demeure, regrettée de tous les habitants du Petit-Saint-Mars. L’historien étampois, Maxime Legrand, qui connut la comtesse de la Bigne, en fait le plus grand éloge. Il évoque son souvenir dans le cadre du château: «Il nous semble revoir dans cette grande bergère Louis XVI, au coin de l’âtre hospitalier, la douairière de la Bigne, toujours bonne, toujours accueillante pour tous, malgré les épreuves et les ans. Son image plane sur cette maison où elle vécut toute une vie de noble dévouement et d’inépuisable charité, entourée du respect, de la reconnaissance et de l’affection de tous, avant de s’y éteindre comme une sainte, couronnant par la mort la plus édifiante la vie la plus exemplaire.» [p.209] Les héritiers de Mme la comtesse de la Bigne vendirent le château du Petit-Saint-Mars. Ce fut M. Willy d’Adler qui en devint acquéreur. Nous avons demandé à Mme d’Adler, sa veuve, toujours bien connue et estimée à Etampes, de nous parler de son cher et distingué mari. Elle nous a remis un article de la revue L’Illustration paru le 4 février 1929, à l’occasion du décès de M. d’Adler et qui en fait le plus bel éloge. Le voici: «Ces jours derniers est mort à Paris Willy d’Adler. Ce nom évoque pour tous ceux qui l’ont connu le souvenir d’un de ces fidèles amis de la France, tel que nous n’en avons jamais assez. Né à Constantinople, de parents autrichiens, il fut élevé dans la langue française et dans l’admiration de notre pays. «Marié à une Française, il occupait avant la guerre dans le monde financier de Paris une place des plus importantes. On y appréciait son vif désir de servir à la fois notre patrie et la sienne, en amenant entre la France et l’Autriche-Hongrie un rapprochement qui eût pu éviter la grande crise. «La guerre le sépare de nous; mais à peine l’armistice lui eut-il rendu la liberté de parler et d’agir qu’il remit son activité au service de la même cause. Il combattit énergiquement le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne et l’un de nos distingués diplomates, qui l’avait vu à l’œuvre, considérait que, si ce rattachement a pu être évité, le mérite en revenait en grande partie à Willy d’Adler. «La France s’en montra reconnaissante et lui facilita par tous les moyens le retour parmi nous. C’est ainsi qu’il eut la consolation de passer dans sa propriété du Petit-Saint-Mars d’Etampes les dernières années de sa vie, hélas! trop brève, et de voir ses enfants fonder des familles françaises et avancer ainsi dans la voie qu’il leur avait tracée.» Après la mort de son mari, Mme d’Adler, isolée dans cette vaste demeure seigneuriale du Petit-Saint-Mars, vendit sa propriété à un grand industriel, directeur général des Etablissements Desmarais, M. Cayrol. Elle fit construire sur le coteau de Guinette, dominant toute la ville, un curieux pavillon moderne. Le bombardement de 1944 rasa le pavillon. A son grand regret, Mme d’Adler dut nous quitter et aller dans le Midi, à Grasse, près de sa famille, mais tous les ans aux beaux jours, elle ne manque pas de revoir ses amis d’Etampes. A son tour, M. Cayrol quitte le Petit-Saint-Mars et actuellement nos vieillards l’occupent. Ceux-ci pourront tranquillement y terminer leurs vieux jours, dans un décor rappelant les souvenirs d’antan. [p.210] SON ANCIENNE CHAPELLE, LA TOUR CARRÉE. Aujourd’hui, dans la ville d’Etampes, on a agrandi l’hôpital, en hébergeant les vieillards au château du Petit-Saint-Mars. Disons tout de suite que Saint-Mars est un diminutif de Saint Médard. Ce quartier est appelé ainsi pour le distinguer d’un pays voisin. Chalo-Saint-Mars ou le Grand-Saint-Mars. Son histoire commence par l’installation d’une communauté de religieuses et par la construction d’une chapelle desservie par un chapelain. Dès le XIIe siècle, en 1106, dans la donation aux moines de Morigny, on cite les églises du vieil Etampes, c’est-à-dire l’église de Saint-Martin et les chapelles qui en dépendent, entr’autres la chapelle du Petit-Saint-Mars. La chapelle servait à des religieuses envoyées par l’abbaye de Saint-Cyr. Il ne s’agit pas, ici, de Saint-Cyr-la-Rivière, près d’Etampes, mais, d’après l’historien dom Fleureau, d’une abbaye de l’ordre de Saint- Benoît, dans la région de Pontoise. En 1219, une transaction est passée entre Odeline, abbesse au Petit-Saint-Mars, les religieuses de l’abbaye de Saint-Cyr, d’une part; et le curé de Saint-Martin d’Etampes, d’autre part: «au sujet des oblations qui se faisaient aux quatre fêtes annuelles, dans la chapelle du Petit-Saint-Mars, lesquelles doivent toutes appartenir au chapelain qui dessert cette chapelle par le commandement de l’abbesse, en payant seulement au curé vingt sols parisis tous les ans à ces quatre fêtes, à savoir six à Noël, six à Pâques, quatre à la Pentecôte, et quatre à la Toussaint». En 1259, quarante ans après cette transaction, une contestation s’élève au sujet des Pâques entre le curé de Saint-Martin et le chapelain de la chapelle du Petit-Saint-Mars. Elle fut réglée par l’archevêque de Sens, et il fut décidé que les habitants du Petit-Saint-Mars seront obligés d’aller à la fête de Pâques à l’église Saint-Martin pour faire leurs Pâques et payer les droits curiaux; qu’en conséquence le chapelain demeurera déchargé de trois sols parisis sur les six qu’il est obligé de payer ce jour-là. A la suite de ces transactions, on voit qu’il y avait au Petit-Saint-Mars des religieuses, «non pas, dit dom Fleureau, qu’il y ait eu un monastère formé, puisqu’il n’en reste nuls vestiges, mais une de ces habitations que l’on appelait granges ou métairies de religieuses..., et que la demeure des religieuses était dans la tour qui y reste». [p.211] Et nous concluons de tout ceci que les religieuses ne restèrent pas longtemps au Petit-Saint-Mars, car dès la deuxième transaction en 1259, Il n’est plus question d’elles. C’est le chapelain, sans aucune dépendance de l’abbesse, qui transige directement avec le curé de Saint-Martin. Cependant, la chapelle est demeurée propriété de l’abbaye de Saint-Cyr, puisqu’on voit, en 1462, l’abbesse présenter un prêtre séculier à l’archevêque comme chapelain. A cette époque, la chapelle servait de chapelle de secours pour la paroisse de Saint-Martin. Ce chapelain, d’après dom Fleureau, logeait dans une maison située du côté de la plaine opposée à la chapelle, la rue entre deux, qui n’a été démolie qu’en l’année 1652. Il y avait, sur la porte une croix gravée dans la pierre. Quant à la chapelle, elle était encore en la possession des dames de Saint-Cyr à l’époque de la Révolution. Elle fut vendue comme bien national, avec 8 perches de terre, le 2 juillet 1791, à Gilles Villemaire, aubergiste à La Fontaine, moyennant 1.030 francs. Elle fut démolie, rapporte M. Maxime Legrand, en 1826 par un entrepreneur qui devait la transporter à Oisonville, mais qui mourut au cours des travaux. Ses débris furent alors dispersés. Le musée d’Etampes possède deux curieux chapiteaux qui en proviennent. Il y a aussi, au Musée, la photographie d’un dessin de M. Lenoir, ancien conservateur, représentant le portail de cet édifice, près de l’emplacement duquel sont encore les restes de la tour, dont parle dom Fleureau, comme demeure des religieuses. Cette tour était massive et carrée et donnait à l’endroit le nom de «fief de la Tour-Carrée». C’est le seul vestige ancien qui existe actuellement au Petit-Saint-Mars. [p.212] |
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine,
ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie,
membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise,
vice-président de la Société artistique et
archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix],
Étampes, la favorite des rois [in-16; 64 p.;
figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy
Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes,
Éditions d’art Rameau, 1954.
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957. Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [réédition en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X]. Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Étampes ville royale (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html (33 pages web) 2004. Toute critique ou contribution
seront les bienvenues. Any criticism or contribution welcome.
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Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale, 1957, pp. 206-211. Saisie: Bernard Gineste, octobre 2004. |
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