S.
H. A. C. E. H., 84e année
n°48, pp. 65-72
(saisie de Jacques Corbel)
|
Le parler rural contemporain dans
la région d’Étampes
|
Un peu plus de trente ans de fréquentation
pour motif professionnel des milieux ruraux de la région d’Etampes
m’avait permis de relever un certain nombre de prononciations, de
termes et d’expressions propres auxquels mon oreille était spécialement
sensible car habituée au langage folklorique de ma région
natale stéphanoise.
J’ai récemment
entrepris de les collationner, espérant retrouver dans ma mémoire
des mots et formules pittoresques que l’on entend plus maintenant, l’éducation,
les échanges plus nombreux, la radio et la télévision
uniformisant rapidement le langage dans notre hexagone français.
Les «mass media» n’expliquent pas
seuls le phénomène. Il est, en effet, remarquable de constater
quelle évolution s’est produite dans nos campagnes d’Ile-de-France
en l’espace d’une trentaine d’années.
En 1945, toute ferme était traditionnelle,
comportant une vaste écurie où s’alignaient les chevaux qui
avaient en charge tous les travaux des champs, une plus ou moins grande
étable dont le laitier ponctuel collectait chaque matin la production
laitière, une bergerie où se pressaient de trente à
trois cent moutons, une porcherie de quelques dizaines d’hôtes, un
clapier, une basse-cour… Dans un coin de grange, le cabriolet était
empoussiéré,mais le cas échéant, attelé,
aurait rendu service. Le maréchal forgeait encore des fers. Le charron
cerclait encore des roues. Le bourrelier réparait encore des colliers
et le cordier vendait des liures et des longes.
Aujourd’hui, la ferme est muette de tous ces
cris d’animaux, nette comme une épure avec ses pelouses de gazon tondu
cerné de macadam rouge qui conduit au parc motorisé des voitures
particulières et des engins agricoles sophistiqués. Le village
a perdu depuis longtemps son «bouchon» où venaient boire
les employés agricoles et les «gars de batterie». La petite
épicerie a succombé, dérisoire qu’elle était
à dix kilomètres d’une «grande surface». le village
n’est plus qu’un quartier sans commerces éloigné de la ville,
colonisé par les migrants des villes qui ont construit leur pavillon
dans ses «ouches». Par-dessus le village, un ciel qu’on interroge
plus sur le temps qu’il réserve pour le lendemain; un speaker connu
de tous les Français dira, ce soir, qu’un vent de Nord-Ouest amènera
un peu de pluie, le grand-père qui regarde un Western à la
télé aurait prédit, dans sa jeunesse, des «galarniaux»
amenant de la nuisance.
Honorer le passé n’est pas que sauver
de belles pierres ennoblies par le talent et la sueur des hommes. C’est aussi
témoigner de la vie d’autrefois et, par exemple, du langage qui changeait
selon le pays traversé par le voyageur, de la même façon
que le vin qu’il buvait dans les auberges.
C’est donc avec joie, et même enthousiasme,
que j’ai recherché ce folklore du langage populaire étampois
dont j’ai vécu l’expression agonisante.
Mais tout n’est-il pas écrit? Madame
le directeur des Archives Départementales a bien voulu m’indiquer
les études existantes sur la question. Albert Maugarny (1) en 1936, Raymond Devevey (2)
en 1965, enfin Claire Fondet (3) en 1976 semblent
avoir à eux trois épuisé le sujet. Devevey, dans un
livre manuscrit ne se trouvant probablement qu’aux Archives Départementales,
fait un inventaire riche et précis du parler paysan du sud de l’Hurepoix.
Claire Fondet, dans une thèse généreuse de quelque
sept cents pages, traite le même sujet scientifiquement et d’une manière
plus complète encore.
Ces auteurs m’ont permis de retrouver bien des
termes que j’oubliais. Du coup, une note de ma main est-elle toujours utile?
Peut-être, dans la mesure où, puisant dans ces fontaines d’abondance,
je sélectionnerais mots et expressions qui avaient cours dans un rayon
de quelques vingt kilomètres autour d’Etampes dans les trente années
passées, sont encore dans le souvenir de beaucoup et peuvent être
encore occasionnellement employés.
La mention (G.B.) indiquera ma très modeste
contribution.
Gabriel Barrière.
1.
Glossaire de la banlieue sud de Paris, Le Puy en Velay, Imp.
La Haute-Loire, 1936, In-8°, 64 pages.
2. Parler
paysan du Hurepoix-Sud, dans bulletin Folklorique d’Île-de-France,
de 1963 à 1965.
3. Dialectologie
de l’Essonne et de ses environs immédiats. Thèse dirigée
par Robert Loriot de l’Université de Dijon, s.d. [1976], in-4°,
683 p. ronéo. Voir le compte-rendu de ce travail, publié dans
le bulletin de notre société, n°47, 1977 (1978), p. 39-40.
4. Le
parler paysan du Hurepoix-Sud, Aubervilliers, chez l’auteur, 1974, 2
vol. in-8°, 737 p. man.
A
|
Pour Elle
|
A matin
|
Ce matin
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A bados, à badous
|
Sur le dos (surtout
pour désigner une façon de porter un enfant)
|
Accouter
|
Attendre
|
Acôté…
|
Appuyé
sur…
|
Affaîter
|
Remplir jusqu’au
faîte
|
Affutiaux
|
Parures d’une
femme
|
Agravé
|
Blessé
par des graviers (surtout en parlant d’un chien)
|
Ahotté |
Enlisé
dans une ornière
|
Alordé
|
Etourdi par
du bruit ou du mouvement
|
A lure lure
|
Rapidement
|
Améchanti
|
Rendu méchant
|
Amiteux
|
Affectueux
|
Argot
|
Pour Ergot
|
Attigner (GB)
|
Agacer. Un enfant
attigne un chien en le provoquant derrière le grillage
|
Aucunes fois (d’)
|
Quelquefois
|
Autant comme autant
|
Beaucoup
|
Avre, avrement
|
Goulu, goulument
|
Banau
|
Taureau
|
Bastiller
|
Passer le tambour
pour avertir la population
|
Belle de (avoir)
|
Etre favorisé
pour
|
Bedon
|
Jeune bovin
qui n’est plus un veau
|
Berbis, berouette, berouine
|
Pour Brebis,
brouette, bruine…
|
Bessons, bessonnés
|
Jumeaux
|
Bon d’la, bon d’la, bon d’la!
|
Juron
|
Berchu |
Partiellement
édenté
|
Boubic
|
Hermaphrodite.
En fait, à la fois bouc et bique.
|
Bouchon
|
L’arbre qu’on
accrochait au dessus de la porte du bistrot et le bistrot lui-même
|
Bouchonné (GB)
|
L’animal dit
«bouchonné» était celui qui ne pouvait évacuer
ses excréments
|
Bourrer des calots à quelqu’un
|
Regarder quelqu’un
méchamment
|
Bourse (ça le) (GB)
|
Le sommeil ou
l’ivresse le font chanceler; il dort debout
|
Bouteille
|
Eaux fœtales.
Une vache qui «jette la bouteille» va bientôt vêler
|
Bringelée
|
Pour Bringée.
Couleur de la robe d’une vache normande (mélange de blanc, jaune
et noir)
|
Brisaque
|
Brise-tout.
Jamais entendu sauf en tant que nom donné à des chiens par
de vieux bergers, ce qui doit être un souvenir de l’usage du mot
(GB)
|
Broquer
|
Manier des gerbes
avec le broc, fourche à trois dents
|
Caboin
|
Petit local
servant de débarras
|
Cacher
|
Pour Couvrir
|
Caille |
Couleur de la
robe d’une vache normande synonyme de bringée
|
Calot
|
Noix (ou yeux
dans l’expression: bourrer des calots)
|
Câlus
|
Durillon
|
Caniquet (GB)
|
Lapin domestique
|
Câpi
|
Tapis, caché
|
Caquésiau
|
Moustique
|
Carnat
|
Trèfle
incarnat
|
Catin
|
Poupée
|
Chambranle (être)
|
Etre peu solide
sur ses jambes, être chancelant
|
Chambriller (GB)
|
Chanceler, être
ébrieux
|
Chique (GB)
|
Fluxion dentaire
|
Colas
|
Corbeau ou corneille
|
Core
|
Pour Encore
|
Coupe
|
Pour Couple.
Offrir une «coupe» de perdreaux à quelqu’un
|
Châbler, châbler
|
Gauler des noix,
ou corriger, correction
|
Chevau
|
Pour Cheval
|
Cleyau
|
Partie mobile
qui ferme la partie arrière d’un tombereau
|
Clos-cul
|
Le benjamin
des enfants ou d’une portée d’animaux. Le terme est péjoratif
et signifie le plus petit, le malvenu
|
Closser
|
Entendu seulement
dans l’expression «un fer qui closse». Un cheval perd son fer
et fait en marchant un bruit qui indique qu’on doit le ferrer à
nouveau
|
Clousser
|
Gloussement
spécial de la poule qui veut couver
|
Cô
|
Pour Coq
|
Coyable, probabe…
|
Croyable, Probable…
|
Corne
|
Extrémité
d’un bois, d’un champ
|
Cornet (GB) |
Le vagin d’une
vache. Une vache qui «pousse le cornet», fait un prolapsus vaginal
|
Cossa
|
Cosses. Du «cossa
d’haricot»
|
Courcaillet
|
C’est l’epillet
d’orge sauvage qui, en raison de sa forme acérée et de ses
poils microscopiques, pénètre fréquemment sous les
paupières ou dans les oreilles des animaux
|
Courser (GB)
|
Poursuivre en
courant
|
Dahu |
Animal imaginaire,
objet de farces
|
Décacher (GB)
|
Découvrir.
Un enfant qui se «décache» dans son lit
|
Déchipioter (GB)
|
Déchiqueter
|
Déhotter
|
Décamper
|
Déluger
|
Abîmer,
détériorer
|
Détourer
|
Préparer
un champ pour la moisson en fauchant les côtés
|
Doutances
|
Doutes, soupçons
|
Enflume |
Enflure, inflammation
|
Ennouer (s’)
|
Avaler de «travers»
|
Eronce
|
Pour Ronce
|
Fin (à toute fin)
|
Vouloir «à
toute fin», c’est s’obstiner
|
Feurre, feurrier
|
Paille, tas
de paille (pratiquement plus utilisé depuis deux générations)
|
Flon
|
Œdème
des mamelles des vaches au moment du vêlage
|
Forger |
Un cheval «forgeait»
lorsque les fers des membres postérieurs heurtaient les fers des
antérieurs
|
Forme
|
Gîte de
lièvre. Un lièvre «en forme»
|
Fouère, Vouère... |
Foire, voir…
|
Gabia
|
Gauche, maladroit.
Un cheval «gabia» labourait mal
|
Galargne, galerne, galergniaux
|
Vents de Nort-Ouest
|
Gandin
|
Mouton de l’année |
Gargot
|
Tablier
|
Gargotter
|
Barbotter, jouer
avec l’eau
|
Gars de batterie
|
Employé
agricole occasionnel
|
Gélauder
|
Geler blanc
|
Gougniafier
|
Saboteur, maladroit
|
Goulafe |
Goulu, goinfre
|
Goudiflot
|
Gourde, niais
|
Gourganet
|
Gosier
|
Gricher
|
pour Grincer.
Un animal qui «griche» des dents
|
Gromelots
|
Pour Grumeaux.
Une vache qui a des «gromelots» dans son lait
|
Grimaud
|
Maussade, mal
en train
|
Grouiller
|
Bouger, remuer
|
Gruger
|
Abîmer,
détériorer
|
Ieuvre |
Pour Lièvre
|
Journées (à) faites (GB)
|
Toute la journée
|
Jubine
|
Jument
|
Laitière |
Boite à
lait
|
Licher
|
Pour Lécher
|
Licoche
|
Limace
|
Magnant
|
Pour Maniable
|
Main (à mon)
|
Pour «à
ma main». «Vous n’êtes pas à vot’à main»
|
Mairerie
|
Mairie
|
Malenvieux
|
Triste,
maladif
|
Manquette
|
Est dite «manquette»
une vache dont un ou plusieurs trayons ne donnent pas de lait
|
Marcher sur sa longe (GB) |
Expression signifiant:
Se dédire, faire machine arrière
|
Mener au fumier
|
Charrier le
fumier
|
Menteries
|
Mensonges
|
Menue paille
|
Balle de blé
ou d’avoine que l’on mélangeait aux betteraves hachées pour
nourrir vaches et moutons
|
Mogneau
|
Moineau
|
Moindrement que
|
Pour peu que…
|
Montoir (GB)
|
Chemin permettant
d’accéder, depuis la vallée, aux champs de la plaine
|
Musser
|
Sentir, flairer
|
Naissance (GB)
|
Vulve des animaux
femelles
|
Nine
|
Naine dans l’expression
«une poule nine»
|
Nuisance
|
Pluie fine plus
désagréable qu’utile
|
Nu pieds nu pattes |
Tout nu |
Œuf
|
Prononciation:
on dit «un eu» et «des œuffs»
|
Ouétine
|
Vieille brebis
|
Ostiné (être) |
Pour «être
obstiné». On dit parfois «ochtiné»
|
Ouche
|
Terrain attenant
à la maison de l’autre côté de la rue, côté
des champs
|
Ouvrageux
|
Nécessitant
du travail
|
Passée d’Aoùt
|
La «Passée
d’Aoùt», dernier jour de la moisson, était l’occasion
de réjouissances
|
Péchard
|
Aubère.
Couleur de robe du cheval (blanc et rouge mélangés)
|
Perroquet
|
Assemblage de
bois permettant de faire sécher dans le champ le fourrage mouillé
|
Pétésiau
|
Rejet d’arbre
ou d’arbuste
|
Pif
|
Monorchide,
n’ayant qu’un seul testicule descendu
|
Pigner |
Se plaindre
(en parlant d’un chien)
|
Pire (plus, moins)
|
Plus pire: pire.
Moins pire: mieux
|
Plumicher (GB)
|
On dit que «se
plumiche» un oiseau qui lustre son plumage avec son bec
|
Plurer
|
Eplucher
|
Rabâcher
|
Faire du bruit.
Tonner. «Ca a rabâché toute la nuit».
|
Rabot
|
Vagin d’une
vache. «pousser le rabot».
|
Râche |
Maladie de peau.
Eczéma sec des chiens (GB)
|
Racoin
|
Recoin
|
Raide de maigue
|
Dans un état
squelettique
|
Rassoiti |
Un plat «rassoitti»
a été chauffé trop longtemps
|
Rechanger (se)
|
Changer de vêtements
|
Repoussis
|
Repousses végétales
|
Requinqué
|
Réconforté
|
Rouquiou
|
Petit, malingre
|
Sensément
|
En fait, en
réalité (GB)
|
Souvenance
|
Souvenir. «Je
n’en ai pas souvenance»
|
Souventes fois
|
Souvent
|
Surcouer
|
Couper la queue
d’un cheval pour l’atteler plus aisément
|
Tandis
|
Pendant. «Tandis
midi » = Pendant l’heure du déjeuner (GB)
|
Tarde (il) que d’arriver (GB)
|
Pour «il
ne va pas tarder à arriver»
|
Taure
|
Génisse,
comme «génisson» signifie «jeune taureau»
|
Taurasse
|
Une vache «taurasse»
est une vache nymphomane, qui, toujours en rut, chevauche ses congénères
comme un taureau
|
Tied
|
Pour Tiède
|
Tontine
|
Dispositif exécuté
dans les champs pour faire sécher les haricots sous de la paille
pour qu’ils restent verts
|
Topognaud (GB)
|
Pas dégourdi,
hésitant, tatillon
|
Torgnière
|
Bout du champ
où les chevaux tournent
|
Tout partout
|
Pléonasme
pour «Partout»
|
Tranchées (GB)
|
Coliques violentes,
en particulier de chevaux
|
Trapigneuse
|
Batterie mue
par un cheval qui marchait pendant des heures sur un tapis roulant
|
Troupe
|
Pour Troupeau,
en particulier de moutons
|
Verrures
|
Pour Verrues
|
Vienture
|
Vieillesse
|
|