CORPUS  HISTORIQUE  ÉTAMPOIS
 
Charles Forteau
Le Moulin-à-Tan à Étampes
Almanach d’Étampes, 1906
     
Le moulin à Tan en 1909 (cliché Garnier)  
Le Moulin à Tan vers 1909 (cliché Garnier, colorisé sûrement d’après nature)

     On réédite ici une étude de Charles Forteau publiée en 1906 dans l’Almanach d’Étampes aujourd’hui absolument introuvable, sinon dans la précieuse collection de Denis Decroix, que nous remercions de nous en avoir communiqué le texte.
B. G., février 2011
 
Charles Forteau
Le Moulin-à-Tan à Étampes
Almanach d’Étampes, 1906


     Le Moulin à Tan, anciennement le Moulin aux Tanneurs, aujourd’hui l’Usine de distribution d’eau de la Ville, existe depuis des siècles. Il avait été donné jadis «aux enfants d’Étampes qui exerceraient cette profession», moyennant une redevance annuelle, payables aux Brandons (1); l’entretien et les réparations à leur charge — l’immeuble ayant brûlé en 1756, fut reconstruit à leurs frais. Jusqu’après la Révolution, il ne servit qu’à broyer les écorces nécessaires à la tannerie, industrie qui fut ici longtemps florissante.

     Le Moulin à Tan est mentionné dès l’an 1361, dans un compte des receveurs du Domaine (2), Guy et Ferrry Hue; il en est de même en 1461 et en 1462. En 1484 et en 1486, on constate que, par suite probable d’un désaccord dont la cause nous est inconnue, les tanneurs ne s’acquittèrent qu’après avoir été obligés par les sentences du bailliage rendues contre eux.

     Le dernier état qui cite cette redevance est celui de 1551; il est certain cependant qu’elle fut versée jusqu’à la fin et que les tanneurs ne furent jamais troublés dans leur possession, puisque nous les y trouvons encore en 1796.

     (1)
Selon la huitième édition du Dictionnaire de l’Académie, “Le dimanche des brandons, se disait anciennement du premier dimanche de carême, parce que, ce jour-là, le peuple allumait des feux, dansait à l’entour et parcourait les rues et les campagnes en portant des brandons ou des tisons allumés.” [Note de B. G.]

     (2) Le seigneur d’Étampes était alors Louis II d’Évreux, qui fit de grosses donations à l’église Notre-Dame et fonda, entre autres, une messe ordinaire que l’on appela “la messe au Comte”. [Note de Forteau.]



     A cette époque, bien qu’une enquête faite au bailliage en 1775, dans laquelle furent produits des extraits de pièces déposées aux archives du duché, eût prouvé que le duc d’Orléans n’avait droit sur le moulin qu’à une redevance [p.8] seigneuriale, et que la propriété en était restée en commun aux tanneurs, il faillit être adjugé, comme bien national, au citoyen Pailhès, dit “La Liberté”, qui voulait le transformer en moulin à blé.

     Aussitôt les tanneurs, menacés dans leur jouissance, se réunissent au nombre de vingt et un, et rédigent un mémoire qu’ils remettent aux administrateurs municipaux le 14 fructidor an IV (31 août 1796), en les priant de l’examiner et de l’appuyer auprès des Présidents du Directoire, des deux Conseils, des Ministres des finances, de l’intérieur et de la guerre.
     Cette pièce porte les signatures suivantes:
     Simonneau, Jacques Emmanuel;
     Rigault, Jean-François;
     Veuve Hanin et Hanin jeune;
     Paul et Alexis Carnevilliers; Carnevilliers le Jeune;
     Darbaly-Germon
     Savouré;
     Dupuis;
     Boudier;
     Charpentier et Jacques Charpentier;
     Paul-Parfait Lelièvre;
     Auguste Durandet;
     Peigné;
     Thévard;
     Chenu;
     Baranton;
     Et Fournier.

     Il serait inutile de recopier ici le mémoire; il suffira de rapporter in extenso la délibération prise à cet égard par la municipalité, qui en est le résumé très précis et très exact.


     L’administration, considérant que l’intérêt public de cette commune s’oppose à ce que le Moulin à Tan soit adjugé à un seul particulier qui veut le convertir en moulin à farine, et par là ruiner une branche du commerce qui alimente un nombre considérable d’ouvrier et dont l’avantage profite aux citoyens, que la possession de ce moulin par les tanneurs, de plus de quatre siècles sans [p.9] sans interruption et sans trouble, fait nécessairement supposer un titre de concession à leur profit par les anciens seigneurs d’Étampes qui n’avaient conservé qu’une redevance seigneuriale sur icelui, et qui s’est payée constamment jusqu’au moment où cette suppression a été prononcée.
     «Qu’il est même intéressant pour la République de conserver les manufactures qui se soutiennent avec avantage, et qui fournissent journellement les effets nécessaires aux défenseurs de la patrie, et qui n’auraient plus lieu si ce moulin cessait d’être entre les mains des tanneurs, qui seraient alors obligés pour continuer leur commerce, de faire venir du tan de plus de dix lieues, à grands frais, et par là d’augmenter le prix de leur marchandise.
     «Que les tanneurs de cette commune ont même été mis en réquisition par le Gouvernement qui en tir tous les cuirs qu’ils fabriquent journellement.
     «Ouï le commissaire du Directoire exécutif. Arrête que le mémoire ci-dessus et la présente délibération seraient adressés (comme il est demandé), avec invitation de prendre dans la plus grande délibération l’établissement ancien de ce moulin à tan, la possession et la jouissance immémoriale des tanneurs, les avantages que son existence procure à la République et à la commune, et la ruine inévitable qu’occasionnerait sa destruction aux manufactures qu’il entretient et qui fournissent le travail et la subsistance à plus de deux cents ouvriers presque tous pères de famille.»


     Les réclamants eurent gain de cause. Cependant le Moulin à Tan cessa bientôt d’être la propriété commune de tous les tanneurs de la ville, puisque, nous dit M. Léon Marquis, dans les Rues d’Étampes (3), Jean-François Rigault et Jacques-Emmanuel Simonneau, associés, deux signataires du mémoire, en firent l’acquisition, le 15 germinal an V, moyennant la somme de 65.000 francs.

     En 1852, il changea de destination et devint moulin à farine; il n’y avait plus alors les mêmes raisons qu’en l’an IV pour craindre cette nouvelle affectation. Enfin, en 1880, on y installa les machines élévatoires des eaux que nous y voyons actuellement. Il appartient à la Ville.

Ch. F.


     (3) Les Rues d'Étampes et ses monuments, Étampes, Brières, 1881, p. 209.

 Plan de la prise d'eau envisagée en 1880 (cliché Frédéric Gatineau)
Le projet de conversion du site en prise d’eau en 1880 (AD91 7S 52, cliché F. Gatineau)



Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE

Éditions

     Charles FORTEAU, «Le Moulin à Tan», in Almanach Annuaire de la ville d’Étampes et de l’arrondissement, publié par Abeille d’Étampes. Douzième année. 1906, Étampes, Lecesne-Allien, 1906, pp. 7-9.

     Denis DECROIX & Bernard GINESTE [éd.], «Charles Forteau: Le moulin à Tan à Étampes (1906)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-forteau1906moulinatan.html, 2011.

Autres publications de Charles Forteau

      Charles FORTEAU, «Publications relatives à l’histoire du pays d’Étampes (1896-1914)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-forteau.html, 2011.


Synthèse récente en cours sur ce moulin

(où l’on trouvera d’autres pistes bibliographiques et archivistiques)

     COLLECTIF, «Le moulin à Tan (compilation)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cee-moulinatan.html, depuis 2010.

Autres moulins d’Étampes

     COLLECTIF, «Les moulins d’Étampes (compilation)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cee-moulinsdetampes.html, depuis 2010.

 
 
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