Charles Forteau
Un baptême en l’église Saint-Basile d’Étampes
en 1762
Bulletin de la
S.H.A.C.E.H., 1900
UN BAPTÊME
EN L’ÉGLISE DE S. BASILE D’ÉTAMPES
(1762)
|
|
Les registres paroissiaux d’Étampes, au XVIIIe siècle, sont
fort intéressants; l’on y puise une quantité de renseignements
précis que l’on ne trouverait nulle autre part. L’ensemble des actes
de ce que l’on appelle aujourd’hui l’état-civil, donne à chaque
paroisse sa physionomie particulière: à Notre-Dame, ce sont
les marchands qui dominent: parmi eux, on remarque des noms de professions
inusités de nos jours: les paindépiciers, les potiers
d’étain, les habilleurs de filasses (1),
etc.; à St-Gilles, ce sont les postes, les messageries royales, les
hôtelleries et les auberges; à St-Pierre, les laboureurs; à
St-Martin, les laboureurs aussi, mais encore les mégissiers et les
chamoiseurs. Partout des moulins, c’est la principale industrie.
|
(1)
1718, mariage, à Notre-Dame, de Christophe Longchamp, «homme
qui passe sa vie à habiller lu filasses» (sic).
|
Les Couvents: Mathurins, Cordeliers, Capucins, Barnabites, la Congrégation
de Notre-Dame (2), l’Hôtel-Dieu, le chapitre
de Notre-Dame, avaient des registres particuliers pour les sépultures
faites dans leur église, ou dans leur cimetière.
|
(2)
Avec les actes concernant les religieuses décédées au
Couvent de St-Charles d’Orléans, où elles avaient été
exilées par ordre du Roi, pour opposition à la Bulle Unigenitus.
|
Ceux de la paroisse de St-Basile sont assurément les plus curieux.
Là, habitaient l’élite de la population, noblesse et bourgeoisie,
et la plupart des hauts fonctionnaires de l’époque, dont on suit
l’existence pas à pas, pour ainsi dire, par leurs actes de baptêmes,
de mariages et de sépultures, avec le grand attrait d’une authenticité
absolue. [p.106]
C’est dans ces documents que nous avons trouvé
la premiere cérémonie de la Rosière qui eut lieu en 1789,
et non en 1790, comme on l’avait cru jusqu’ici (1).
Nous y avons relevé les alliances des Desmorets, exécuteurs
des hautes œuvres du Bailliage, avec les bourreaux de Paris, de Rouen et
de Troyes; l’existence d’un ermite dans la maladrerie de St-Lazare; l’ancien
usage de laisser pendant
une nuit sous les châsses des Corps-Saints, le corps de gens victimes
d’accidents sur la voie publique, et bien d’autres faits à peine connus,
ou ignorés, entre autres le baptême de M. le vicomte Charles
de Viart, seigneur de Boischambault, dans la paroisse d’Abbéville,
Officier au régt de Conty-Inf.ie avant la Révolution, ensuite
maire de Morigny-Champigny.
|
(1)
Bulletin de la Société historique de Corbeil-Étampes:
1900, 1re livr., p. 38.
|
Nous copions intégralement cet acte de baptême:
«Dimanche, 4 avril 1762, baptisé
Charles, né ledit jour (2),
fils de messire Charles Nicolas Viart, chevalier, seigneur de Boischambault,
Mézières, Colon et autres lieux, ancien capitaine second factionnaire
(3) au régiment de Périgord-infanterie,
chevalier de l’ordre royal et militaire de St Louis, pensionnaire du Roy et
lieutenant de messieurs les maréchaux de France (4), et de dame Marie Madeleine Baudry, demeurant à
Étampes, ses père et mère; le parrain, le régiment
de Périgord icy présent sous les armes, leurs drapeaux
(5), musique et tambours; lequel, sur une déli
bération du corps, a choisy messire Gérosme de Saint-Hilaire,
chevalier, seigneur dudit lieu, chevalier de l’ordre royal et militaire de
St Louis, lieutenant-colonel commandant le régiment; la marraine, dame
Geneviève Duris, douairière de feu messire Houmain de Courbeville,
chevalier, seigneur de Gironville et autres lieux, grande tante de l’enfant,
et sœur de M. Duris, en son vivant chevalier, seigneur [p.107] de Guinette, 1er capitaine audit régiment
de Périgord, chevalier de l’ordre royal et militaire de St Louis. Le
père présent».
|
(2)
Le jour de la naissance a été ajouté après coup,
d’après une note qui precède
l’acte, signée «Vénard», en conséquence
de la sentence du bailliage «rendue le
17 juillet 1769».
(3) Le régiment
d’infanterie était formé de 2 bataillons à 4 compagnies
de fusiliers, dites du 1er 2e 3e et 4e factionnaires, et d’une compagnie
de grenadiers, ou de chasseurs.
Le régiment de Périgord avait été
créé en 1684; c’est aujourd’hui le 81e de ligne.
(4) Le lieutenant
des maréchaux de France au bailliage était, en même temps,
juge du point d’honneur. M. de Viart porte aussi ce dernier titre dans plusieurs
actes. Il avait succédé à son oncle François Duris.
(5) Chaque régiment
avait deux drapeaux; l’un blanc, l’autre de couleur.
|
Ont signé:
«G.e Duris de Courbeville; St Hilaire; Sabrit;
Maudet; capitaine Menadier; Viart père; Rivet, curé».
En marge, on lit les deux mentions suivantes:
«Nota: que par un cas singulier, Madame
Viart est accouchée quelques heures auparavant le départ dudit
régiment, faisant route de Valogne, en Normandie, à Toulon,
en Provence.
«Lors de l’immersion de l’eau sur la tête
de l’enfant, les drapeaux l’ont couvert, et elle a été annoncée
par le bruit du canon du Roy».
Les signatures «Sabrit, Maudet, Menadier»,
sont celles d’officiers du régiment qui, en plus de M. de Viart et
de M. Etienne Duris, avait eu dans ses cadres M. Germain de Crestault, autre
habitant d’Étampes.
Les registres de S. Martin rappellent aussi le
passage de cette troupe par l’inhumation, le 5 avril, du «corps d’un
soldat du régiment de Périgord, trouvé mort la veille
au chantier des Roziers».
|
|
Le père du nouveau baptisé, né en 1713, avait eu pour
parrain et marraine, le 29 Mai, Nicolas Gabriel Viart de Villette, son oncle,
et dame Marie Duris, sa tante, épouse du sieur de Ronssereau, avocat
au Parlement. Il était fils de Guillaume Charles de Viart d’Orval,
seigneur de Boischambault, dit le chevalier d’Orval en 1720, mort à
l’âge de 79 ans à Étampes et inhumé en l’église
de St Basile, le 17 janvier 1753, en face la chapelle Ste Marguerite, lieu
de sépulture de sa famille, près de sa femme, Marie-Madeleine
Duris, morte en 1737, à 52 ans, et enterrée le 19 mai de la
même année.
|
|
Jacques
Duris, conseiller secrétaire du Roi, Maison et Couronne de France et
de ses Finances, seigneur de Viefvy, Romainville, Noir-Epinay, etc., avait
eu de Marie Durand (1), d’après les registres
paroissiaux, deux fils et cinq filles.
1° Étienne Duris, seigneur de Guinette,
dont nous avons déjà parlé.
2° François Duris, mort en 1754, seigneur
de Châtignonville, [p.108] Viefvy, Romainville, etc., Juge du point d’honneur, lieutenant
des maréchaux de France;
3° Marie, femme de Mathieu de Ronssereau,
citée plus haut;
4° Elisabeth-Françoise, qui épousa,
en 1702, Gérard Edeline,
plus tard prévôt d’Étampes, lieutenant général
du bailliage;
5° Anne, femme, en 1705, de Claude Glasson,
capitaine, 1er exempt des cent-suisses de la garde ordinaire du Roi;
6° Marie-Madeleine, la mère du nouveau
baptisé, née vers 1685;
7° Geneviève, sa marraine, née
en 1700, décédée en 1767; elle avait épousé,
le 26 octobre 1733, dans l’église St-Basile, messire Louis-Alphonse
Houmain, seigneur de Courbeville, Gironville, etc., mort en 1748, à
46 ans.
|
(1) La pierre qui
couvrait autrefois, dans l’église de St-Basile, la tombe de Jacques
Duris et de sa femme, est aujourd’hui au musée d’Étampes.
|
C’est
le 8 février 1757 qu’eut lieu le mariage de Charles-Nicolas de Viart
avec Marie-Madeleine Baudry, fille de Pierre Thomas Baudry, conseiller du
Roi, lieutenant en l’Election, et de Marie Parizot, en présence d’Adrien
Constant Esprit Renault de Barres, chevalier, seigneur comte de Barres,
baron de Laz, seigneur de Villeneuve-sur-Auvers, grand et petit Jœurs et
autres lieux, capitaine gouverneur, grand bailli de Ville, château
et duché d’Étampes, ancien capitaine commandant le 1er escadron
de Dragons Wallons de feue S. M. Impériale, et sa femme, Claude Charlotte
Viart d’Orval, sœur germaine de l’époux; Henry Auguste Viart des Francs,
chevalier, ancien capitaine au régiment royal artillerie, chevalier
de l’Ordre royal et militaire de S. Louis, oncle paternel à la mode
de Bretagne, Michel Louis Bouraine, conseiller du Roi, receveur des tailles
de la ville et élection, et Marie Henriette Baudry, son épouse,
sœur germaine de la mariée; Charles Alexis Baron, marchand bourgeois,
cousin germain (étant fils de Nicolas Baron, lieutenant en l’élection,
et de Marie-Madeleine Parizot).
|
|
Les
registres paroissiaux nous donnent les noms de trois enfants nés de
ce mariage:
1° Charles, dont le baptême fait l’objet
de cette notice.
2° Magdeleine, née le 8 février
1764, qui eut pour parrain et marraine, Henry Auguste Viart, chevalier, seigneur
de Noir-Epinay en partie, capitaine au régiment d’Aunis, chevalier
de St-Louis, son oncle, et Anne Charlotte de S. Pol, dame de Châtignonville,
douairière de feu messire François Duris, écuyer, seigneur
de Viefvy, Romainville, etc., grande tante paternelle. [p.109]
Magdeleine de Viart épousa M. Joseph de
Romanet, général de brigade, maire d’Étampes de 1808
à 1815.
3° Charlotte, dont nous n’avons pas vu l’acte
de baptême, plus tard madame de Lort. Elle est citée en 1771
en qualité de marraine, le parrain étant son frère Charles.
Tous deux, et leur tante, Madame de Barres, furent
les donataires de la Rosière en 1789.
|
|
Charles
Nicolas de Viart est mort dans son château de Brunehaut, près
Morigny, le 6 octobre 1786. A l’inhumation dans le cimetière de cette
paroisse, assistaient: Messire Michel Louis Bouraine, écuyer, secrétaire
du Roi, receveur particulier des finances, beau-frère; César
Joachim Poilloue de St-Périer, chevalier, neveu (1); [le chevalier] de Valory, chevalier de S. Louis,
aussi neveu à cause de Madame son épouse (2); Messire Jacques Julien François Picart,
écuyer, seigneur de Noir-Epinay, ancien lieutenant général
au Bailliage royal d’Étampes (3); messire
Louis Picart de Noir-Epinay, chevalier, président lieutenant-général
au Bailliage d’Étampes, etc, etc.
|
(1)
Par sa femme, Marie Geneviève de Bouraine, fille de Louis Michel et
Marie Henriette Baudry, veuve de Charles François de Foyal.
(2) Charlotte de
Poilloue de S. Mars.
(3) Epoux de Louise
Marguerite de Bouraine.
|
Marie Madeleine Baudry, son épouse, était morte en 1773, et
avait été inhumée, le 5 juin, dans la chapelle Sainte-Marguerite
de l’église Saint Basile, à l’âge de 41 ans.
Charles de Viart, le filleul du régiment
de Périgord, avait épousé Louise Georgette Angot des
Rotours; il décéda, comme son père, à Brunehaut,
le 30 décembre 1839.
Il laissa le «Jardiniste moderne»
Paris, 1819 et une «Chanson nouvelle dédiée aux jeunes
Écoliers d’Étampes» (Paris 1825) (4) que M. Bigot de Fouchères a reproduite dans
son ouvrage.
Son fils, Amédée de Viart, né
à Brunehaut, le 23 août 1809, mort à Paris le 18 juillet
1868, fut député du collège électoral d’Étampes,
de 1842 à 1846. Son buste est au musée de cette ville, ainsi
que ceux de sa femme, née Marie Agathe Gigaut de Crisenoy, et de son
père.
On y voit aussi les portraits au pastel de Mmes
de Romanet et de Lort.
|
(4) Léon Marquis,
«Les Rues d’Étampes».
|
Ch. FORTEAU.
15 Novembre 1900.
|
|
Toute critique, correction ou contribution
sera la bienvenue. Any criticism or contribution
welcome.
|