Corpus Historique Étampois
 
Gustave Estournet
La Ferté-Alais, ses origines, ses noms, ses premiers seigneurs
S.H.A.C.E.H., 1944
   
La ferté-Alais sur la carte de l'archidiaconé d'Etampes d'Outhier (1641)

     Il y a quelque temps, je cherchais à consulter cet article important, qui venait d’être volé pour la seconde fois aux Archives départementales de l’Essonne par quelque généalogiste indélicat. M. Bernard Binvel, président de la Société historique de Méréville, m’en a généreusement prêté un exemplaire. Nos remerciements surtout à Alain Devanlay, président en exercice de la S.H.A.C.E.H. pour son aimable autorisation de mise en ligne. Rappelons qu’il existe encore quelques exemplaires disponibles de de ce numéro.
     J’ai passé un certain nombre d’heures à numériser ce travail. Il y reste sans doute plus d’une coquille. Merci de nous les signaler, et aussi de nous suggérer toutes les améliorations possibles (notamment en matière d’illustration, et spécialement pour les blasons). Vous aussi vous pouvez numériser de tels documents au bénéfice de tous. Adressez-les nous!

Bernard Gineste, juillet 2007

     La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Il ne faut pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.

 

Bulletin de la Société historique et archéologique
de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix

n°21 [50e année] (1944), pp. 33-118

La Ferté-Alais, ses origines,
ses noms, ses premiers châtelains

 

Édition numérique dédiée à MM. Michel Martin et Bernard Binvel
   
LA FERTÉ
SES ORIGINES, SES NOMS,
SES PREMIERS CHATELAINS.


     La Ferté-Alais (1), anciennement La Ferté-Baudouin, était définie au XVIIIe siècle, «ville avec un bailliage et une châtellenie, dans le Gâtinois françois, diocèse de Sens et doyenné de Melun, parlement et intendance de Paris, élection de Melun, coutume de Paris». Par étymologie, La Ferté tire son nom d’un château féodal, avec donjon, entouré de larges fossés et de fortes murailles flanquées de tours, auquel on avait accès par un pont-levis. L’emplacement compris entre le château et la première enceinte était occupé par les maisons des habitants. C’est du moins ce que l’on peut déduire du récit du siège de 1108.

     Les fortifications du bourg avaient cinq portes, dont les deux principales étaient celle de Beauce et celle de Saint-Firmin; détruites pendant l’invasion anglaise, elles commencèrent à être relevées par ordre du roi, en 1540, mais, trois ans plus tard, les travaux n’étaient point terminés, et il semble qu’ils ne le furent jamais. Une enquête de 1543 (2) indique: «II y a apparence de château qui est à présent en ruine; il y a un pan de murs d’une vieille tour et le reste en vieux murs démolis, et n’est d’aucun profit, parce qu’il est inhabitable.» A la fin de ce même siècle, son morcellement était en voie de s’effectuer: il fut donné à bail «une place sise dans les fossez du chastel de La Ferté», une autre «où estoit la tour du chastel de La Ferté», ou encore «une grange sise sur les vestiges du vieil chastel de La Ferté (3)». Ses origines, [p.34] ses noms et ses premiers châtelains feront l’objet des présentes recherches.
     (1) EXPILLY, Dictionnaire géographique des Gaules. — D. FLEUREAU, Antiquitez de la ville d’Estampes, p. 575-586, hist. de la ville et comté de La Ferté-Alais. — Almanach historique de Sens, pour 1790, p. 25-40, La Ferté Alais. — A. MALLET, Notes sur la Ferté-Alais (Mém. de la Soc. des Sciences mor. de Seine-et-Oise, 1880, p. 87-116). — V. DE COURCEL, L’Eglise de La Ferté Alais (Bull. monumental, 1912). — L. MARQUIS, Promenades à La Ferté Alais. — A. DE BEAUDOT, Églises de bourgs et de villages: La Ferté-Aleps. — Chan. DESGRANDCHAMPS, L’église Notre-Dame de La Ferté-Alais. — Recueil des principales pièces concernant le rétablissement de la navigation sur les rivières d’Estampes et de La Ferté-Aleps, Paris, 1757.

     (2) Arch. nat., R4 943. — Arch. du Loiret, A 1237.

     (3) Arch. nat., R4 1136.
   

     La Ferté.— Bouchard de Vendôme.— Albert de Corbeil.— Baudouin du Donjon.— Guy Ier de Montlhéry.— Guy II le Rouge.— Hugues de Crécy.— Louis VI.— Louis VII et Adèle de Champagne.— Aubry de Dammartin.— Guillaume III des Barres.— Guillaume IV des Barres.— Guillaume V des Barres.— Étienne de Mont-Saint-Jean.— Guy Ier de Montfort.— Philippe Ier de Montfort.— Philippe II de Montfort.— Jean de Montfort.— Jean de Vendôme et Éléonore de Montfort.— Pièce I (vers 1155).— Pièce II (1166).— Pièce III (1164).— Pièce IV (1178).— Pièce V (1205).— Pièce VI (1208).
 
 
1. BOUCHARD DE VENDOME († 1007)
ET ALBERT DE CORBEIL
(† apr. 1025)

     Aimon, premier comte de Corbeil, paraît issu de Thion, vicomte de Paris dès 925, qualifié comte après 936 et en 941 (1). Cette filiation repose sur le récit de la translation de saint Guénaud: à l’époque des invasions normandes, ses reliques furent amenées par des moines dans l’Ile-de-France, où Thion, gouverneur de Paris, les fit déposer dans son église de Courcouronnes qu’il leur donna avec ses terres et ses revenus. Plus tard, Aimon, alors comte de Corbeil, les fit transporter près de sa ville, en une chapelle sise au faubourg Saint-Jacques, tandis qu’à l’intérieur des murailles il construisait une église plus digne de les recevoir, à laquelle il donna le bourg voisin du pont avec ses revenus, ses coutumes et sa justice (2). Seul, un héritier de Thion pouvait se permettre semblable liberté.
     (1) J. DEPOIN, Aimon de Paris, châtelain de Dordogne (Revue des Études histor., 1912, p. 80).



     (2) Acta sanctorum novembris, I, 679. — Le titre de prefectus donné à Thion devrait se traduire par vicomte, mais pareil emploi est insolite.

     En novembre 941, le comte Thion et Aimon, auquel on n’applique aucun qualificatif, souscrivirent la charte de Hugues le Grand par laquelle, en prenant l’habit religieux, le chevalier Lisiard donnait en précaire à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire son domaine de Sceaux-en-Gâtinais, avec réserve d’usufruit pour son fils Joseph et sa fille Élisabeth, tous deux fort jeunes (3). Joseph devint archevêque de Tours en 952. Quant à Élisabeth, elle épousa Aimon, puis Bouchard de Vendôme: l’identification ne saurait faire de doute, car, en 998, ce dernier disposera de Sceaux, avec l’assentiment de son fils Renaud.

     (3) M. PROU et A. VIDIER, Chartes de Saint-Benoît-sur-Loire, I, 121. — G. ESTOURNET, Recherches sur la généalogie des Le Riche de Paris (Ann. de la Soc. Archéol. du Gâtinais, 1912, p. 21).

     La translation des reliques, que l’on a placée un peu arbitrairement vers 960 ou 966, ne fournit aucun indice chronologique au sujet d’Aimon. Vassal de Hugues le Grand en 946, puis de Hugues Capet en 970, il n’est titré comte que dans une charte du 7 février 973 (4). Il mourut cette année, au cours d’un pèlerinage à Rome, et le 23 mai, suivant l’obituaire de Saint-Spire; au même [p.35] jour, le nécrologe de Saint-Guénaud unissait dans un même anniversaire Aimon son fondateur, Bouchard et Thion ses bienfaiteurs (1). Aimon laissait trois enfants en bas âge, Thibaud, Albert et Germaine, et une veuve jeune encore, Élisabeth. Le duc de France, usant de ses prérogatives de suzerain, donna la veuve et le comté à son compagnon d’enfance, Bouchard II, comte de Vendôme (2). Ce mariage ne saurait être postérieur à 973, car leur fils Renaud sera chancelier de France, dès le 20 juin 989 (3), tout au plus dans sa quinzième année, et, à cette date, leur fille Élisabeth aura déjà épousé Foulques Nerra, le futur comte d’Anjou.
     (4) MABILLE, Introd. aux chroniques des comtes d’Anjou, p. CVIII. — Historiens de France, IX, 723. — Bibl. nat, coll. de Touraine, par D. HOUSSEAU, I, 214; coll. Moreau, VII, 189. — GUÉRARD, Cart. de Saint-Père de Chartres, I, 54. — J. DEPOIN, op. cit., p. 80.
     (1) A. MOLINIER, Obituaires de la province de Sens, I, 411.
     (2) EUDES DE SAINT-MAUR, Vie de Bouchard le Vénérable, édit. Ch. de la Roncière, p. XI.

     (3) Vie de Bouchard, p. 12. — TARDIF, Monuments historiques, n° 237.


     En même temps, Bouchard fut chargé d’assurer la garde de Melun: ainsi, par Corbeil et par Melun, il commandait la navigation de la haute Seine, les arrivages de vivres à Paris. Peu après, pour compléter ce système de protection non moins que pour s’assurer un péage lucratif, il construisit le château de La Ferté sur les bords de l’Essonne, qui était alors navigable.

     Le 3 juillet 987, Hugues Capet ceignait la couronne royale. Les guerres qu’il allait être forcé de soutenir contre son compétiteur et contre ses sujets rebelles devaient entraîner le nouveau roi en dehors du duché de France; il importait à Hugues d’avoir un lieutenant fidèle et expérimenté qui pût le remplacer, soit dans l’administration du Parisis, soit à la tête de l’armée. Le roi songea à son ami Bouchard. Le comte de Corbeil fut donc nommé comte royal de Paris; sous ce titre, il était non pas vassal, mais officier. Le 1er janvier 988, Hugues Capet fit sacrer son fils Robert, et, en lui concédant une part du royaume, il lui donna un conseil de régence pour exercer le pouvoir durant sa minorité. Ce conseil comprenait Bouchard, Hugues comte de Dreux, Ansoud Le Riche de Paris, et Hugues vicomte de Meulan: leurs signatures sont au bas de deux diplômes du roi Robert, datés de la deuxième année du règne, et paraissent indiquer les quatre grands officiers de la couronne (4).
     (4) Histor. de France, X, 574. — Gallia christiana, VII, instr. col. 25. — R. DE LASTEYRIE, Cartul. général de Paris, I, 97. — PFISTER, Études sur le règne de Robert le Pieux, p. XLVIII, LXII.
     En juin 991, le comte de Paris assista au concile de Saint-Basle, à Reims; le zèle avec lequel il y défendit les intérêts de Hugues Capet fut récompensé par la nomination de son fils, le chancelier Renaud, comme évêque de Paris (juillet-novembre 991). Il serait surprenant que le nouveau prélat n’ait point attiré sur son église les bienfaits de son père: aussi doit-on attribuer à Bouchard, [p.36] qui seul a pu s’en dessaisir, la donation de la mouvance de La Ferté, sise pourtant dans le diocèse de Sens. Cette vassalité comportait une redevance d’un cierge de soixante sous, et son titulaire portait la chaise de l’évêque lors de sa première entrée dans la ville épiscopale, ainsi qu’il ressort d’une formule maintes fois répétée dans les cartulaires: Castrum de Firmitate Adelaidis est de feodo Parisiensis episcopi, et inde debetur cereus LX solidorum. Hic portat (1).
     (1) GUÉRARD, Cart. de Notre-Dame de Paris, I, 8.[Traduction littérale: “La place forte de la La Ferté-Alais relève du fief de l’évêque de Paris, et il en est dû un cierge de 60 sous. Celui-ci porte (la chaise de l’évêque lors de son intronisation).” On notera que le latin médiéval, pour rendre Ferté, hésite entre deux rétroversion latines: Feritas et Firmitas (B.G. 2007)]
     Au début de son accession, Bouchard avait assigné à l’église Saint-Guénaud de Corbeil douze setiers de blé à prendre sur la terre de Mondeville. A la prière de maître Renaud, son fils, sans doute en 989 lorsqu’il devint chancelier, il lui confirma les biens qu’elle avait reçus du comte Aimon et de son veneur Aleman, à Courcouronnes et à Ballancourt; enfin, par une charte rédigée sous l’épiscopat de Renand, entre 991 et 1006, il rappela les concessions antérieures et exonéra ses possessions des coutumes qu’il y percevait; il y ajouta une terre au faubourg de Corbeil avec la chapelle où, avec sa femme Élisabeth, il avait fait déposer le corps du saint, tandis qu’il en agrandissait l’église. Il lui donna également Mondeville et lui confirma les biens d’Auvers et de Bouray que ses vassaux lui avaient aumônés (2). D’autre part, il confirma les possessions de l’abbaye de Saint-Spire à Ballancourt, Fontenay, Chevannes et Soisy, lui venant du comte Aimon (3). Parmi les nombreuses donations qu’il fit à l’abbaye de Saint-Maur-les-Fossés, dont Hugues Capet l’avait nommé avoué, je me bornerai à rappeler qu’il avait accordé en main-ferme à Baudouin, son prévôt de Corbeil, sous réserve de retour à Saint-Maur après la mort de son petit-fils, la ferme de la Bourgonnerie à Lisses, le moulin de Tourvoye, une portion dc la terre de Saint-Étienne (d’Essonnes), et divers autres biens, sis au pied du château de Saint-Spire, au Vignon, au Vieux-Corbeil, à Athis, à Soisy et à Saintry (4).
     (2) TARDIF, op. cit., n° 253. — Abbé LEBEUF, Hist. de la ville et du diocèse de Paris, édit. Bournon, IV, 282.

     (3) LA BARRE (DE), Antiquitez de la ville de Corbeil, p. 62.



     (4) Vie de Bouchard, p. XI, 23. — Histor. de France, X, 620.
     Le 25 août 1005, Bouchard parut pour la dernière fois dans l’entourage de Robert le Pieux aux sièges de Sens et d’Avallon. Vers cette époque, il fit le partage anticipé de ses biens: son fils Renaud hérita du Vendômois et du comté de Melun; des deux enfants d’Aimon et d’Élisabeth, Albert n’eut point le comté de Corbeil auquel la coutume lui donnait droit, mais, pour des raisons que l’on ignore, il fut apanagé des châtellenies de La Ferté et de Gometz et probablement [p.37] de l’avouerie de Toury-en-Beauce; quant à Germaine, déjà mariée à Mauger, fils naturel de Richard Ier duc de Normandie, elle reçut le comté de Corbeil, dont son mari portait le titre en 1029 (1).
     (1) LA BARRE (DE), Antiquitez de la ville de Corbeil, p. 66. — Art de vérifier les dates, 11, 640. — Vie de Bouchard, p. XVIII.
     Entre mai et décembre 1006, Bouchard se retira à Saint-Maur, dont son beau-fils, Thibaud, était alors abbé; il y mourut sous l’habit religieux le 26 février de l’année suivante et y fut inhumé dans le chœur de l’église, en face du crucifix; son tombeau fut orné d’une épitaphe, dont Eudes, son biographe, nous a conservé le texte. Quelques mois après, Élisabeth venait rejoindre son mari dans la tombe: deux distiques furent gravés sur le poliandrum*, qui recouvrait ses restes. L’anniversaire de la mort de Bouchard fut célébré à Saint-Valéry, à Saint-Guénaud, à Notre-Dame de Paris et à Saint-Maur-les-Fossés.

*
*     *
     * Polyandrum. Ce mot d’origine grecque désigne étymologiquement  et classiquement un cimetierre ou un tombeu collectif, mais en latin médiéval peut désigner un tombeau individuel. (B.G. 2007)
     Albert de Corbeil reçut donc en apanage les châteaux de La Ferté et de Gometz, très probablement après en avoir été le capitaine durant quelques années sous les ordres du comte Bouchard. Son beau-père y avait réuni des terres démembrées du comté de Corbeil, sans cependant retirer celles qu’il avait déjà données à plusieurs de ses officiers, de sorte que la nouvelle châtellenie, malgré l’apparente étendue que son bornage lui conférait, était loin de former un domaine compact: ainsi le bouteiller Gaudry Ier, aïeul du vicomte Gaudry II, avait eu Ormoy, Le Plessis-(Briard) et Villiers-le-Châtel, d’oit relevaient de nombreux fiefs. D’autre part, sous le nom de voirie, Bouchard s’était réservé des droits de haute justice dans plusieurs localités, notamment à Auvers, Bouray, Ballancourt, Mondeville et Itteville. La châtellenie possédait en propre les paroisses de La Ferté, Boutigny, Maisse et Valpuiseaux (2); elle avait le ressort et des droits de justice variables à Auvers, Janville, Lardy, Bouray, Itteville, Ballancourt, Mondeville, Videlles, Courances, Moigny, Mespuits, Courdimanche, Vayres, D’huison, Guigneville, Cerny, Villiers-le-Châtel et Baulne. Dans la suite des temps, comme le souligne l’enquête de 1543, le domaine s’émietta par les concessions successives des châtelains à leurs vassaux et les amortissements accordés aux églises et aux [p.38] communautés religieuses, non moins que par les usurpations des seigneurs hauts justiciers créés à l’intérieur de son territoire ou même de ses voisins, les sires de Milly et les baillis d’Étampes (1).
     (2) Arch. nat., KK 289, p. 63, censier de 1394: cens de La Ferté-Aleps, Boutigny, Maisse, Valpuiseaux, nefs et rivière de La Ferté, étaux de La Ferté, vinages de Maisse, cens de Janville.



     (1) Arch. nat., R 943. — Arch. du Loiret, A 1237. — D. FLEUREAU, Antiquitez d’Estampes, p. 585.
     Albert de Corbeil faisait partie de l’escorte de chevaliers qui accompagnaient le roi dans ses déplacements: en cette qualité, vers 1025, il souscrivit un diplôme de Robert le Pieux confirmant les possessions de Saint-Germain-des-Prés à Antony (2).
     (2) PFISTER, Robert le Pieux, n° 77. — R. POUPARDIN, Chartes de Saint Germain-des-Prés, I, 79.
     Vers 984, Lisiard, évêque de Paris, avait donné à son chapitre l’autel d’Itteville (dans le diocèse de Sens), lui appartenant personnellement, ex proprio dominio (3): il n’est point téméraire de présumer que la famille Le Riche de Paris, dont il était issu, possédait la seigneurie de cette paroisse et qu’Albert de Corbeil y hérita de sa mère, fille de Lisiard 1er. S’y croyant maître absolu, il opprima les hommes du chapitre de Notre-Dame de Paris et les accabla de taxes au gré de son caprice. A l’avènement de l’évêque Imbert de Vergy, qui eut lieu entre le 25 juillet et le 29 novembre 1028, il dut refréner ses exactions devant les protestations du prélat et accepter avec sa femme le compromis suivant (4): il renonçait à toutes les coutumes sur la pôté d’Itteville, sauf à celles qui appartenaient à la voirie, autrement dit à la haute justice, dans les cas de meurtre, ban, rapt, incendie et vol; il se réservait seulement, une fois l’an et par maison, une redevance de paille équivalente au chargement d’un cheval ou d’un âne. La justice, limitée à la répression des délits précités, devrait s’exercer par des officiers demeurant sur place, dans les limites de la pôté, sans que les ressortissants fussent obligés de se présenter à son château de La Ferté ou ailleurs. Le prévenu qui voudrait se justifier par le duel aurait un délai de sept jours, pendant lequel le prévôt du chapitre serait avisé, et, avec son assistance, il reviendrait au château pour se justifier. Aucune redevance ne serait perçue sur l’aître de l’église. Les coutumes d’Itteville seront l’occasion de nouvelles transactions entre le chapitre et les châtelains de La Ferté, dont la succession se trouvera ainsi étayée.

     (3) TARDIF, Monuments historiques, n° 236, et confirmation par l’archevêque de Sens, n° 246. [Traduction littérale: “De par sa seigneurie personnelle” (B.G. 2007)]




     (4) Arch. nat., LL 77, f°168; 78, f°126, n°50. — GUÉRARD, op. cit., I, 323.
      Il n’est pas sans intérêt de signaler ici que le chapitre de Notre-Dame possédait à Itteville une censive dont Jean de Bombel lui bailla aveu le 6 avril 1540, en spécifiant qu’elle relevait en plein fief de la seigneurie du Donjon, assise à Janville, en la paroisse [p.39] d’Auvers, et en arrière-fief de la châtellenie de La Ferté (1). La famille du Donjon, jouissant de la haute justice dans toutes ses terres, comme on le verra, au chapitre suivant, une alliance seule a pu incorporer Janville à La Ferté: cette réunion s’est effectuée, à mon avis, par le mariage de Baudouin 1er du Donjon avec la fille et héritière d’Albert de Corbeil, châtelain de La Ferté. Déjà, sur la foi de documents que l’on ne possède plus, de La Barre et l’abbé Lebeuf avaient conclu que ce Baudouin était apparente à Aimon, comte de Corbeil (2), mais sans pouvoir indiquer par quel intermédiaire.
     (1) Arch. nat., R4 943, f°27. — Les chevaliers du Donjon donnèrent également leur nom à trois fiefs qu’ils possédaient, l’un à Soisy-sous-Étiolles, l’autre à Vaux-sur-Essonne et le dernier à Corbeil.


     (2) LA BARRE, op. cit., p. 156. — Abbé LEBEUF, Histoire de la ville et diocèse de Paris (édit. Bournon), IV, p. 300.
   
 
2. BAUDOUIN DU DONJON († v. 1070)

     Vers 992, parmi les chevaliers du comte Bouchard qui souscrivirent la charte en faveur de Saint-Guénaud, se trouva un certain Ferry sur lequel on sait peu de chose (3). Le 1er mai 1006, à Corbeil, Bouchard exprima ses dernières volontés en présence de son fils, Renaud, évêque de Paris; des officiers de sa maison, le chambrier Joscelin, le bouteiller Gaudry, le connétable Hugues; d’un ami, Ansoud II Le Riche de Paris, conseiller et très probablement chambrier du roi Robert; de Ferry; de Robert, vicomte de Corbeil; enfin d’un autre Joscelin, vicomte de Melun. La parenté peut seule expliquer le rang exceptionnel de Ferry, à côté d’Ansoud, avant les vicomtes de Corbeil et de Melun: S. Ansoaldi Divitis Parisii, S. Frederici, S. Rotberti vicecomitis (4)... Ne serait-il pas un fils d’Ansoud?

     (3) TARDIF, op. cit., n° 253. — Arch. nat., S 2115, n°27, copie du XIIe siècle.




     (4) TARDIF, Op. cit, n° 247. [Traduction littérale: “Marque d’Ansoud le Riche de Paris. Marque de ferry. Marque du vicomte Robert” (B.G. 2007)]

     Il est permis de le supposer si l’on observe qu’il y eut à Corbeil, une cinquantaine d’années plus tard, un opulent chevalier, appelé Ansoud, fils d’un Ferry, qui pourrait bien avoir pour père celui que nous venons de voir en 1006 à la cour de Bouchard. Non content d’avoir hérité des seigneuries de Viry et de Bondoufle, qui faisaient partie du patrimoine des Le Riche, ses descendants possédèrent à Corbeil, dans le voisinage de l’église Saint-Laurent, non loin du Donjon, une importante censive qui était traversée par la rue Le Riche, burgus Divitis, ainsi désignée en souvenir du conseiller royal (5). [p.40]

     Grâce au crédit d’Ansoud II, Ferry s’était vu confier la garde du Donjon de Corbeil et, par suite, la défense militaire de la ville: il en était le capitaine ou gastellier*, comme on l’appelait alors. Il fut récompensé de ses services par l’attribution de biens prélevés sur le comté, Viry, Bondoufle, Vaux, Jouy, Yerres, Orangis, Plessis-le-Comte, Draveil, etc... Il devint la souche d’une famille la plus illustre entre toutes celles qui, pour des raisons analogues, portèrent le surnom du Donjon; elle y ajouta parfois ceux de Corbeil et de Beauvais, que je crois être une mauvaise traduction de Belveer, Bellevue (1). Elle prit pour armoiries, semé de fleurs de lys au lion issant (2).
     (5) G. ESTOURNET, Recherches sur la généalogie des Le Riche de Paris (Ann. de la Soc. arch. du Gâtinais, 1912, p. 25-37). [N.B. La traduction de burgus par “rue”  me paraît forcée; “bourg” ou “faubourg” serait nettement mieux venu. (B.G. 2007)]

   * Godefroy atteste seulement gastelier,
“patissier” (!); Niemeyer donne gastaldius, gastalius, etc.“régisseur des domaines du fic” ou encore “régisseur de domaines privés” (B.G. 2007).
     (1) G. ESTOURNET, Les Chevaliers du Donjon: Montereau (Ann. Soc. arch. du Gâtinais, XXXV, 1).
     (2) G. ESTOURNET, Guy du Donjon, seigneur de Trézan et sa pierre tombale (Ann. Soc. arch. du Gâtinais, XL, 157).
     En 1265, un arrêt du Parlement maintint un de ses descendants, Ferry du Donjon, seigneur de Jouy, en possession de la haute justice, attendu qu’il descendait des comtes de Corbeil, dont sa terre avait été démembrée, et que la maison de Corbeil jouissait de la haute justice: «Dominus Ferricus de Joyaco dicit se habere judicium latronis in curia sua, ea racione quod ipse est de heredibus de Corbolio, et heredes de Corbolio habent justiciam et judicium supradictum in terra sua de Corbolio, et quod tota terra sua que est in castellania Corbolio, partita fuit de terra dominorum de Corbolio, videlicet quicquid habet in Vallibus, quicquid habet in villa de Bondoufle et in circonferenciis (3) Le privilège reconnu à la famille du Donjon, parce qu’elle était apparentée aux comtes de Corbeil, fut confirmé dans des lettres de Philippe le Hardi d’octobre 1277, en faveur du prieuré d’Essonnes. En voici la traduction: «L’usage de la châtellenie de Corbeil est que personne n’y jouit de la haute justice dans toute son étendue, ni ne possède le droit d’appeler à son tribunal les cas de haute justice, excepté les seigneurs d’Yerres, de Jouy et de Draveil, qui ont toute justice sur leurs terres (4).»
     (3) BEUGNOT, Les Olim, I, 207. [Traduction littérale: “Monseigneur Ferry de Jouy dit qu’il détient le droit de juridiction criminelle pour les vols en son tribunal du fait qu’il fait partie des héritiers de Corbeil, que les héritiers de Corbeil ont la justice et la juridiction susdite dans leur terre de Corbeil, et que tout son territoire, qui se trouve dans la châtellenie de Corbeil, provient du démembrement du territoire des seigneurs de Corbeil, à savoir tout ce qu’il possède à Vaux, tout ce qu’il possède dans le village de Bondoufle et aux alentours” (B.G. 2007)]

     (4) Arch. nat., LL 1188, p. 328. — BOUTARIC, Actes du Parlement, I, 344 et 191.
     En 1018, Ferry souscrivit l’acte par lequel Robert, vicomte de Corbeil, à l’occasion de sa prise d’habit chez les religieux de Saint Maur-les-Fossés, donnait Villiers-sur-Nogent (5). Le nom de la femme de Ferry n’est point connu, mais il est probable qu’il prit alliance parmi les officiers du comte Bouchard, où l’on a vu un prévôt, appelé Baudouin: dans sa postérité, ce prénom alternera avec [p.41] le sien à chaque génération, durant plus de trois siècles. Selon toute vraisemblance, il fut le père des deux frères, Ferry et Baudouin, qui parvinrent l’un et l’autre au dapiférat.


     (5) J. DEPOIN, Les vicomtes de Corbeil (Bull. de la Soc. Hist. et Arch. de Corbeil, 1899), p. 42.

     En 1043, Baudouin, qui avait rang de chevalier, souscrivit la charte par laquelle Guillaume, comte de Corbeil, donnait l’église Saint-Jean de cette ville à l’abbaye des Fossés: S. Guillelmi, Corboilensis comitis, S. Nanterii, vicecomitis Corboilensis, S. Begonis militis, S. Balduini militis (1). Au mois d’octobre 1045, il fut témoin de l’acte par lequel Imbert, évêque de Paris, réunissait à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés l’autel de Saint-Georges à Villeneuve: S Beggonis militis, S. Balduini militis, S. Widonis militis, c’est-à-dire Bégon, père de Gaudry II vicomte de Corbeil, Baudouin du Donjon, châtelain de La Ferté, et de ce chef vassal de l’évêque, ce qui explique sa présence à la cour épiscopale enfin, son gendre, Guy de Montlhéry (2).
     (1) J. DEPOIN, op. cit. p. 43.[Traduction littérale: “Marque de Guillaume, comte de Corbeil. Marque de Nantier, vicomte de Corbeil. Marque de Bégon, chevalier. Marque de Baudouin, chevalier.” (B.G. 2007)]

     (2) TARDIF, op. cit., n°269. — R. DE LASTEYRIE, Cart. de Paris, I, 118. —
R. POUPARDIN, Chartes de Saint-Germain-des-Prés, I, 95.
     Selon Guillaume de Jumièges, Henri Ier, quoique déjà couronné, fut contraint à la mort de son père, en 1031, de se réfugier auprès de Robert, duc de Normandie, pour échapper aux embûches de la reine Constance qui voulait lui substituer son second fils; après l’avoir bien équipé d’armes et de chevaux, le duc le renvoya auprès de son oncle, Mauger, comte de Corbeil, «auquel il manda de poursuivre tous ceux qui s’écarteraient de la fidélité qu’ils devaient à ce monarque». Certainement, Albert de Corbeil dut unir ses efforts à ceux de son beau-frère, pour faire triompher le jeune roi de ses adversaires et lui conserver le trône (3); Henri Ier garda une profonde reconnaissance à la maison de Corbeil dont il avait pu éprouver le dévouement et la fidélité. Aussi ne sera-t-on pas surpris de trouver Baudouin, dès 1056, au nombre des conseillers ou palatins du roi; cette année, avec son frère Ferry, il souscrivit un diplôme immédiatement après les grands officiers: S. Frederici, S. Balduini (4). L’avènement de Philippe Ier ne modifia point leur situation, et en 1060, à Dreux, les deux frères parurent dans l’entourage du jeune prince (5).
     (3) Art de vérifier les dates, II, 640.

     (4) Histor. de France, XI, 604. — F. SŒHNÉE, Catalogue des actes d’Henri Ier, n°105. [Traduction littérale: “Marque de Feryy. Marque de Baudouin.” (B.G. 2007)]

     (5) M. Prou, Actes de Philippe Ier, n°2.
     Avec le temps, le crédit de Baudouin ne fit que s’accroître, si bien qu’en 1069 il eut l’insigne honneur d’être promu grand sénéchal de France. On sait que le dapiférat était alors de beaucoup la charge la plus importante de la couronne. Le sénéchal commandait [p.42] à toutes les forces militaires du royaume; il dirigeait le service du palais, présidait aux jugements et percevait, à son profit, une partie des revenus domaniaux. En réalité, c’était un vice-roi. En 1069, avant le 4 août, Baudouin souscrivit un privilège en faveur de Saint-Germain de Pontoise, un second à Poissy pour Saint-Ouen de Gisors, un troisième ratifiant en 1070 un échange de Geoffroy, évêque de Paris, avec Saint-Germain-des-Prés, et la même année une notice en faveur de Marmoutier, S. Bauduini dapiferi, S. Frederici de Curbeio. Baudouin resta peu de temps en charge, car son nom paraît pour la dernière fois au bas d’un diplôme pour l’abbaye de Ferrières, du 18 mars 1070 (1). Il n’est même pas certain que les deux précédents ne soient postérieurs de quelques mois à celui-ci. On peut cependant affirmer que son frère Ferry lui succéda antérieurement au 4 août 1070, très probablement pour cause de décès, car il ne reparaît plus.
     (1) M. PROU, op. cit., n°°45, 46, 48, 50, 51. [Traduction littérale: “Marque du sénéchal Baudouin. Marque de Ferry de Corbeil.” (B.G. 2007)]


     Assidu auprès de Philippe Ier, Ferry avait souscrit plusieurs diplômes comme faisant partie de la maison du roi, de familia regis (2). Son nom n’est ordinairement suivi d’aucun titre, en 1069, après le sénéchal Baudouin, S. Frederici (3). Une fois, en 1068, il est qualifié chevalier, S. Fridirici militis (4), immédiatement après les quatre grands officiers. A plusieurs reprises, en 1066, 1067 et 1069, il est appelé Ferry de Corbeil (5). Sénéchal dès le mois d’août 1070, Ferry resta en fonctions jusqu’en 1077 (6).
     (2) M. PROU, op. cit. n°27. [Traduction littérale: “De la domesticité du roi.” (B.G. 2007)]
     (3) M. PROU, op. cit., n°°43, 46. [Traduction littérale: “Marque de Ferry.” (B.G. 2007)]
     (4) M. PROU, op. cit., n°39. [Traduction littérale: “Marque du chevalier Ferry.” (B.G. 2007)]
     (5) M. PROU, op. cit., n°° 24, 30, 50, 116.
     (6) M. PROU, op. cit., n°° 52 à 87.
     L’auréole dont l’office de sénéchal fit resplendir le nom de Baudouin auprès de ses contemporains, son mariage, non moins que l’attribution du prénom de Baudouin à l’aîné de trois générations, valurent à La Ferté l’honneur d’être appelée par les contemporains La Ferté-Baudouin, Firmitas Balduini, que je rencontre pour la première fois en 1076.
     Baudouin laissa au moins six enfants: 1° et 2° Baudouin Il et Ferry III, dont j’ai étudié la descendance dans un mémoire sur Les Chevaliers du Donjon, chapitre de Corbeil (7); 3° Jean, abbé de Saint-Spire; 4° Ougrin, cité en 1071; 5° Hodierne, dame en partie de La Ferté et de Gometz, mariée à Guy Ier de Montlhéry, qui fera l’objet du chapitre suivant; 6° Adélaïde, dame en partie de La Ferté et femme d’Ebrard Il, vicomte de Chartres. [p.43]
     (7) G. ESTOURNET, Les Chevaliers du Donjon: famille de Corbeil (Ann. du Gâtinais, 1926, p. 28 et suiv.).
     Jean, abbé de Saint-Spire, de Corbeil, s’arrogea sur son église et sur ses domaines des droits abusifs que ne lui conférait aucunement son titre d’abbé; dans la villa de Ballancourt, il disposait à son gré, gratuitement ou moyennant une rétribution arbitraire, des gens et tenanciers; il soutenait qu’il avait seul le droit d’administrer la villa de Ballancourt. Lassés, les chanoines le supplièrent de s’amender. Ils s’adressèrent même à son père Baudouin, ainsi qu’à son frère Ferry, espérant que leurs avis l’amèneraient à renoncer à ses injustes entreprises; comme héritier d’Albert de Corbeil, Baudouin n’avait-il pas le ressort de Ballancourt et un droit de patronage sur l’abbaye. Tout cela fut parfaitement inutile; plus on le priait, plus l’abbé Jean se montrait tyrannique. A l’avènement de Bouchard II, comte de Corbeil, ils lui présentèrent leurs doléances. En 1069, dans une sorte de plaid tenu en pré de Geoffroy, évêque de Paris, du comte, de Baudouin du Donjon et de son fils Ferry, il fut jugé que la dignité abbatiale et la coutume n’autorisaient pas l’abbé à prélever les redevances qu’il s’attribuait injustement; qu’à Ballancourt il avait droit seulement au tiers des amendes. En conséquence, l’abbé dut renoncer à ses injustes prétentions et les chanoines recouvrèrent l’entière disposition de leurs droits. Une charte dressée pour en perpétuer la mémoire fut souscrite par Balduinus filius, Fredericus, Balduinus nepos Wido Frederici, généalogie qui doit s’interpréter de la manière suivante: Baudouin Ier, père de l’abbé, absent, Baudouin II, le fils, Baudouin III, le petit-fils, Ferry, le fils cadet, enfin Guy, fils de Ferry (1). Le 2 novembre 1071, les privilèges de Saint-Spire furent confirmés par une charte solennelle du comte Bouchard, en présence du roi, de toute la cour, de l’abbé Jean, de Ferry le sénéchal, de Baudouin II de Corbeil et d’Ougrin, frère de l’abbé (2).
     (1) E. COUARD-LUYS, Cart. de Saint-Spire de Corbeil, p. 16. [Traduction littérale: “Baudouin le fils, Ferry, Baudouin le petit-fils, Guy de Ferry.” (B.G. 2007)]

     (2) E. COUARD-LUYS, op. cit., p. 1. — M. PROU, op. cit., p 155.
     Adélaide, dame de La Ferté en partie, épousa Ebrard II, fils d’Ebrard Ier, vicomte de Chartres et d’Humberge, lequel est nommé avec ses parents, dans une charte peu postérieure à 1048: dès 1066, Ebrard II avait recueilli la succession de son père. En 1073, se voyant sans enfants, il se résolut à fuir le monde abandonnant sa femme, distribuant ses biens à ses frères et son argent aux pauvres, il alla vivre en ermite dans un pays éloigné, où il vécut du métier de charbonnier, selon Guibert de Nogent. Une notice de Marmoutier nous apprend ces faits, et le don qu’Ebrard avant de partir, avait fait à cette abbaye de la terre de Nottonville, dont son frère Hugues, seigneur du Puiset, possédait l’autre [p.44] moitié. Philippe Ier confirma ce don en 1075. Cependant Ebrard, revenu en France, négociait auprès de sa femme pour obtenir d’elle la permission de se faire moine à Marmoutier, ce qu’elle finit par lui accorder (1).
     (1) A. DE DION, Le Puiset au XIe et au XIIe siècle, p. 12. — Les seigneurs de Breteuil en Beauvaisis, p. 13.
     En 1076, Adélaïde de La Ferté-Baudouin, se considérant comme veuve d’Ebrard parce qu’il avait pris l’habit religieux, exonéra des coutumes qu’elle avait l’habitude d’y percevoir quatre arpents de terre destinés à agrandir le parvis et le cimetière de l’église d’Itteville: Adelais de Firmitate Balduini, cum maritus ejus Evrardus monachicam vitam expetisset, et ipsa in viduitate maneret... En reconnaissance, il lui fut donné dix livres; de plus, un pauvre serait nourri et habillé à son intention dans l’hôpital du chapitre et son anniversaire serait célébré à perpétuité. Bouchard II, comte de Corbeil, qui jouissait des droits de voirie sur les terres en question, donna son assentiment en présence de Ferry, fils de Baudouin, et de Baudouin du Donjon, dit de Beauvais (2).
     (2) GUÉRARD, op. cit., I, 279 — Cette charte a été interpolée pour en faire un diplôme royal: cf. M. PROU, op. cit., p. 421. [Traduction littérale: “Alais de la Ferté-Baudouin, comme son mari Évrard avait adopté le genre de vie monastique et qu’elle-même vivait dans le veuvage...” (B.G. 2007)]
     Vers la même date, Ebrard obtint de son frère Hugues le don de la seconde moitié de Nottonville, et en 1077, de son frère Galeran, qui était venu le voir à Marmoutier, l’abandon de tous ses droits sur cette terre. Peu après, Ebrard intervint auprès de son neveu Hugues Blavons pour lui faire restituer à l’abbaye de Coulombs la terre de Sours-en-Chartrain. Ebrard est cité dans plusieurs actes au nombre des moines de Marmoutier. Dans son histoire de cette abbaye, dom Martène dit qu’il devint abbé de Saint-Calais et mourut un 16 septembre.

   
 
3. GUY 1er DE MONTLHÉRY († apr. 1080)

     La généalogie de la famille de Montlhéry a été dressée dans la chronique, connue sous le nom de Continuation d’Aimoin, dont voici la traduction: «Au temps du roi Robert, Thibaud, surnommé File-Étoupes, son forestier, fortifia Montlhéry... Il eut un fils nommé Guy, qui épousa la dame de La Ferté et de Gometz, accepit in uxorem dominam de Feritate et de Gommet. Le même Guy, engendra d’elle Milon de Bray et Guy le Rouge, etc... (3).» [p.45]

     S’appuyant sur de simples conjectures et des raisonnements fort habilement déduits mais dépourvus de preuves, le savant généalogiste André Duchesne suppose que Thibaud File-Étoupes peut être le fils de Bouchard Ier, seigneur de Montmorency et de Bray-sur Seine, et d’Hildegarde. Quoi qu’il en soit, l’historien des familles palatines, Joseph Depoin, croyait à une lacune dans le manuscrit d’Aimoin, provenant d’un grattage, après le mot Montlhéry (1). Il est hors de doute que Guy Ier était fils, non de Thibaud, mais de Milon de Montlhéry, qui souscrivit à Épernay, en 1034, avec son frère Dreux, une charte octroyée à la cathédrale d’Amiens par Thibaud Ier et Étienne II, comtes de Champagne (2).
     (3) Bibl. nat., ms. latin 5925, f°188. Histor. de France, X, 311 ; XI, 275. — J. VIARD, Les grandes Chroniques de France, V, 29. — A. MOUTIÉ, Chevreuse (Mém. de la Soc. Archéol. de Rambouillet, 1876), II, p. 3-79. — MARION, Cart, de Longpont, introduction. — J. LAIR, Hist. de la seigneurie de Bures (Mém. de la Soc. de l’hist. de Paris, 1875, p. 5-43). [Traduction littérale: “prit pour femme la dame de La Ferté et de Gometz.” (B.G. 2007)]

     (1) J. DEPOIN, La légende des premiers Bouchards de Montmorency, p. 10.

     (2) J. ROUX et A. SOYEZ, Cartulaire de la cathédrale d’Amiens (Mém. de la Soc. des Antiquaires de Picardie, XIV), n° 2. — Histor. de France, Xl, 424.


     En effet, dans l’acte de fondation du prieuré de Saint-Vrain qui est peu antérieur à 1043, Milon, seigneur de Montlhéry, intervint comme suzerain, en compagnie de ses deux fils, Guy et Hugues, «assensu senioris nostri Milonis et filiorum ejus Guidonis atque Hugonis... S. Milonis senioris de Monteletherico, S. Guidonis et Hugonis». En 1057, Milon et son fils Guy assistèrent à une donation faite au même prieuré par le fils du fondateur, S. Milonis, S. Widonis filii ejus (3).
     (3) J. DEPOIN, Les Vicomtes de Corbeil, p. 45 et 49. [Traduction littérale: “avec l’accord de notre seigneur Milon et de ses fils Guy et Hugues... Marque de Milon seigneur de Montlhéry. Marque de Guy et d’Hugues. (...) Marque de Milon. Marque de Guy son fils.” (B.G. 2007)]
     Peu après cette date, Guy Ier succéda à son père dans les seigneuries de Montlhéry et de Châteaufort. En 1063, avec son fils Guy de Rochefort, il souscrivit les chartes de Philippe Ier pour Saint-Pierre d’Hasnon (4). Le 29 mai 1067, au milieu des grands feudataires, il assista à la dédicace de Saint-Martin-des-Champs (5). Avant le 1er septembre de cette année, à Melun, il souscrivit le diplôme confirmant la renonciation faite par un certain Guy aux coutumes qu’il exigeait dans la terre de Saint-Benoît-de-Fleury: le rang qu’il y occupe après les évêques et avant les grands officiers indique qu’il y était personnellement intéressé et qu’il avait donné des conseils de modération à son fils Guy de Rochefort envers le prieuré de Sonchamp qui se trouvait dans sa juridiction (6). En 1068, comme seigneur de Châteaufort en partie, il concéda à l’église de Saint-Christophe la possession d’un fief litigieux avec la justice et l’exemption de toute redevance: l’acte fut souscrit par son fils Guy le Rouge et par son petit-fils Guy (7). La même année, il [p.46] consentit à ce qu’Amaury de Châteaufort remplaçât l’église en bois de Châteaufort par une de pierre; six ans plus tard, il l’autorisera à la donner à l’abbaye de Bourgueil (1).
     (4) M. PROU, op. cit., p. 63, n°° 22 et 23.

     (5) J. DEPOIN, Recueil de chartes et documents de Saint-Martin-des-Champs, I, 30.



     (6) M. PROU, op. cit., p. 98.

     (7) Bibl. nat., ms. latin 17127, p. 90.
     (1) Bibl. nat., ms. latin 17127, p. 149. — LEBEUF, op. cit., III, 299.
     A Pontoise, en 1069, Guy souscrivit le diplôme octroyé à Saint Martin de cette ville (2). Le 2 novembre 1071, il se trouvait dans l’entourage du roi lorsque celui-ci confirma par l’apposition de son sceau la charte du comte Bouchard pour Saint-Spire de Corbeil (3). Enfin, l’an 1073, sa souscription figure pour la dernière fois au bas d’un acte royal, destiné au prieuré de Saint-Germain-en-Laye (4).

     Dans une charte rédigée vers 1061 (5), Geoffroy, évêque de Paris, expose que Guy, l’un de ses chevaliers ou vassaux, est venu le trouver et l’a très humblement supplié de faire don et remise de l’église de Notre-Dame, située dans le bourg de Longpont, qui est de son domaine, à des moines appelés par lui, qui y serviraient Dieu selon la règle de saint Benoît: il y a consenti et a confirmé les dons déjà faits et tous ceux que, par la suite, lui-même ou ses successeurs pourraient faire au nouveau monastère.
     (2) M. Prou, op. cit., n° XLV. — J. DEPOIN, Cart. de Saint-Martin de Pontoise, n° 5.
     (3) M. Prou, op. cit., p. 155. E. COUARD-LUYS, Cartul. de Saint-Spire, p. 3.
     (4) J. DEPOIN, Le prieuré de Saint-Germain-en-Laye, p. 14.

     (5) MARION, Le cartulaire de Longpont, n°LI et p. 21. — DUBOIS, Hist. eccles. Parisiensis, I, 687 ; Gallia christ., VII, 553.
Saint Hugues de Cluny (codex vatican lat 4922, vers 1115)      Par le conseil du prélat, Guy envoya sa femme vers Hugues, abbé de Cluny, qui jouissait d’une grande réputation de sainteté, pour lui demander quelques religieux de sa congrégation dans le but de les établir à Longpont. Hodierne ramena avec elle la petite colonie, après avoir offert à l’illustre abbé, en témoignage de gratitude, un calice de trente onces et une riche chasuble. Aussitôt, Guy les mit en possession des bâtiments et des biens qui leur étaient destinés, conformément à la permission octroyée. Il ne restait plus qu’à leur obtenir l’investiture officielle, qui leur fut également accordée: ils devaient rester à tout jamais sous l’obédience de l’abbé de Cluny, leur supérieur, mais l’évêque diocésain réservait ses droits de visite et de procuration. Pour assurer la tranquillité des religieux, Guy et Hodierne exemptèrent leurs hommes et leurs terres de la juridiction de leurs prévôts et de leurs sergents, en présence de leur fils Guy (6), Un peu plus tard, ils affranchirent leurs prés du droit de pâturage que tout homme d’armes aurait pu y prétendre pour ses chevaux (7). [p.47]
     (6) Cart. de Longpont, n°XLI. — DUBOIS, Hist. eccles. Parisiensis, I, 688.
     (7) Cart. de Longpont, n°XLVII.
     Satisfait de son œuvre, Guy résolut de quitter le monde et de s’y retirer. Vers 1075, en y prenant l’habit monastique, il donna au prieur Etienne son moulin de Groteau, dans la paroisse même de Longpont, et tout ce qu’il y possédait: sa femme Hodierne et ses fils, Milon et Guy, déposèrent sur l’autel l’acte de cette donation (1). Vers 1080, il obtint de l’évêque de Paris pour son prieuré l’église d’Orsay, Guidonis amicissimi nostri ex laico dudum effecti monachi precibus (2). Une donation du chevalier Henri Payen fut faite en présence «de Guy, seigneur de Montlhéry, alors moine» (3). Il mourut dans la retraite qu’il avait édifiée.
     (1) Cart. de Longpont, n°XLVIII. — DUBOIS, op. cit., p. 688.
     (2) Cart, de Longpont, n° CCLVII. — DUBOIS, op. cit., I, 691. [Traduction littérale: “par les prières de notre grand ami Guy qui était alors passé de l’état de laïque à celui de moine.” (B.G. 2007)]
     (3) Cart. de Longpont, n° CLXXI.
     Suivant le pieux usage des temps anciens, il fut inhumé dans l’aile droite de la nef. On y voyait encore sa tombe au temps de l’abbé Lebeuf: «C’était, dit-il, un monument isolé et haut de deux pieds. Il est maintenant au niveau des carreaux de terre dont l’église est carrelée (4).» Quant à Hodierne, humblement enterrée d’abord, et sur sa demande sans doute, dans le cimetière qui entourait l’église, et sous le seuil même de la grande porte, elle fut en 1641, lors de la restauration du choeur, transférée dans l’intérieur de l’édifice. Les restes furent solennellement déposés au pied du maître-autel, sous une dalle portant l’inscription suivante: IN. MEMORIA. ÆTERNA. ERIT. AUDIERNÆ. INCLYTÆ. COMITISSÆ. HERICI. MONTIS. SACRARVM. HARVM. ÆDIUM. FVNDATRICIS. OSSA. SVB. DIO. [sic] JACENTIA. AB. ANNO. MILLESIMO. PIO. MICHAEL. LE. MASLE. DOMINI. DES. ROCHES. HUJVSCE. DOMVS. PRIORIS. STVDIO. HVC. TRANSLATA. FVERE. ANNO. M°. DC°. XL°. I°, DIE. VLTIMO. MENSIS. Sa mort était marquée au 7 avril sur l’obituaire (5).
     (4) LEBEUF, op. cit., IV, 93.



     (5) LEBEUF, op. cit., IV, 92. — MARION, op. cit. p. 23. [Traduction littérale de ec texte dont manque au moins un mot: “Cela sera à la mémore éternelle  d’Hodierne, glorieuse comtesse de Montlhéry, fondatrice de cet établissement religieux. Ses ossements, qui gisaient sous ?? depuis l’an mil, par le zèle pieux de Michel Le Masle seigneur des Roches, prieur de cet établissement, ont été transférés ici l’an 1641, le dernier jour du mois de ?.” (B.G. 2007)]
     De son mariage avec Hodierne, dame de La Ferté, Guy de Montlhéry laissa sept enfants: 1° Milon II qui suit; 2° Guy II dit le Rouge, châtelain de La Ferté, qui fera l’objet du chapitre suivant; 3° Milesende, mariée à Hugues, comte de Réthel, dont elle eut notamment Baudouin II du Bourg, roi de Jérusalem, et Gervais, archevêque de Reims; 4° Chèrevoisine, femme de Ponce, châtelain de Pont-sur-Seine, et mère de Philippe, évêque de Troyes; 5° Êlisabeth, qui épousa Joscelin de Courtenay; 6° Adélaïde, dame de Villepreux, mariée à Hugues Ier dit Blavons, châtelain du Puiset et vidame de Chartres, mort en 1094: elle donna ses biens de Champlant au prieuré de Longpont, ce qui fut confirmé par son fils Galeran, dans une charte datée de Villepreux; 7° enfin, [p.48] une cinquième fille, qui épousa Gantier II, seigneur de Saint Valéry (1).
     (1) A. MOUTIÉ, Chevreuse, II, 23.
     Milon II, seigneur de Montlhéry, de Chevreuse, de Bray-sur Seine, etc., confirma au prieuré de Longpont, en 1096, avant de partir pour la croisade, la terre de Ver que lui avait donnée sa sœur Chèrevoisine; sa femme Litliuise et son fils Guy y donnèrent leur assentiment. Il lui confirma aussi le moulin de Groteau, aumôné par son père (2). A l’abbaye de Bourgueil, il reconnut les églises de Chevreuse qu’elle avait reçues de son père (3). Il revint en France et en repartit de nouveau pour la Palestine en 1101, mais il fut fait prisonnier au combat de Rama livré aux infidèles par Baudouin, roi de Jérusalem, le 27 mai 1102. Conduit à Ascalon avec un grand nombre d’autres chevaliers, il mourut en captivité. De son mariage avec Lithuise, vicomtesse de Troyes, il laissait notamment: 1° Guy Trousseau; 2° Milon II de Bray, dit le jeune, vicomte de Troyes, dont la fin tragique sera rapportée plus loin; 3° Renaud, évêque de Troyes en 1121-1122 (4).
     (2) Cart. de Longpont, n°CXCVI, CCI, CCII, CCVIII; XLIII, XLIV, XLV, XLVII, XLVIII.

     (3) Bibl. nat., ms. latin 17127, p. 147.



     (4) A. MOUTIÉ, Chevreuse, II, 31.
     Guy Trousseau succéda en 1102 à son père dans les seigneuries de Montlhéry, de Chevreuse et de Châteaufort. En 1096, au moment de partir pour la croisade, il avait remis au chapitre de Notre-Dame de Paris un droit de voirie dont il jouissait sur ses terres d’Itteville et un bois situé au Bouchet (5): il avait donné au prieuré de Longpont la terre et le village de Ver, en réservant, durant la vie de son père et la sien les droits de charroi et de curage des fossés (6). Vers 1103, avec l’assentiment de sa femme Mabille, il renonça à ces droits; en sa compagnie, il en déposa la donation sur l’autel devant le prieur Henri (7). En 1104, il conclut le mariage de sa fille Élisabeth avec Philippe de Mantes, fils de Philippe Ier et de Bertrade de Montfort, lequel n’avait pas encore douze ans; il lui assigna Montlhéry en dot. Avant que ne fût expirée la première année de son mariage, le jeune prince vint visiter l’église de Longpont et lui confirma tous ses biens et privilèges, notamment la terre de Ver: au cours de l’acte commencé à Montlhéry et terminé à Longpont, la présence de Mabille, sa belle-mère, est signalée par deux fois (8). Guy Trousseau ne paraît plus après [p.49] 1108: par une charte sans date, ignorée de ses historiens, au cours de la maladie qui l’emporta, il légua au chapitre de Notre-Dame de Paris la mouvance des vignes de Bagneux qui lui avaient été données par Hildegarde, veuve de Payen de Bièvre; après les obsèques, Mabille, que le scribe appelle Amabilis*, fit la remise du legs, à charge d’un anniversaire pour son mari, que l’on trouve inscrit sur l’obituaire au 16 mars (1). Au chapitre suivant, la prétendue donation des églises de La Ferté, qui lui a été attribuée par un texte suspect, sera examinée.
     (5) GUÉRARD, Cart. de Notre-Dame de Paris, IV, 30.

     (6) Cart. de Longpont, n°CXCIX, CCII, CCVIII.

     (7) Cart. de Longpont, n°CC.




     (8) Cart. de Longpont, n° CXCVII. — A. LUCHAIRE, Annales de la vie de Louis VI, n°32.



     (1) Arch. nat., LL 78, p. 123, n° 48. — MOLINIER, Obituaires, I, 110. [* Amabilis, “Aimable” est une retroversion latine erronée de cet anthroponyme en réalité d’origine germanique. (B.G., 2007)]
 
 
4. GUY II DIT LE ROUGE († 1108)

     Guy Il, dit le Rouge à cause de la couleur de ses cheveux, second fils de Guy Ier de Montlhéry et d’Hodierne de La Ferté, devint comte de Rochefort par son mariage avec Adélaïde, héritière de cette terre. Il en portait le nom dès 1063, lorsqu’il souscrivit, à côté de son père, les deux chartes royales octroyées à Saint-Pierre de Hasnon (2). Il molesta les religieux de Saint-Benoît-sur-Loire qui possédaient le prieuré de Sonchamp dans le voisinage de Rochefort: sur les remontrances de son père, il renonça aux coutumes qu’il prélevait injustement sur leurs terres, ce qui fut sanctionné par un diplôme de Philippe 1er en 1067 (3). Il assigna à la léproserie du Grand-Beaulieu, près de Chartres, cinq soudées de fer à prendre annuellement sur sa ville forte de Rochefort (4).

     (2) M. PROU, op. cit., p. 63, n°°22 et 23.

     (3) M. PROU, op. cit., p. 98; Chartes de Saint-Benoît-sur-Loire, I, n°77.

     (4) R. MERLET et M. JUSSELIN, Cart. de la léproserie du Grand-Beaulieu, p. 68.
     Au moment de la retraite de son père à Longpont, Guy le Rouge reçut Gournay et le tiers de Châteaufort: suivant la coutume assignant les biens maternels aux cadets, il eut La Ferté-Baudouin et Gometz-le-Châtel; un peu plus tard, il hérita des droits de sa tante Adélaïde de La Ferté et réunit ainsi entre ses mains la totalité de la châtellenie. Vers 1079, devant Jean de Grandpont, doyen de Notre-Dame de Paris, Guy, seigneur de La Ferté, et Adélaïde, son épouse, dominus Guido de Firmitate et uxor ejus Adeleisda, donnèrent au chapitre toutes les coutumes justes et injustes qu’ils percevaient dans la terre d’Itteville, au Bouchet et à Saint-Aubin, avec les droits de garenne et de voirie, ainsi que les vignes du Bouchet (5): parmi les nombreux témoins des deux contractants qui souscrivirent l’acte, on relève Bernoal Potin et son fils Baudouin, qui [p.50] donneront l’église de Cerny aux moines de Morigny (1), Robert Galeran, père de Thierry, qui construira l’église de La Ferté, Anseau de Bruyères, Roscelin de Mœurs, le prévôt Landry, le voyer Guérin, etc...
     (5) GUÉRARD, op. cit., I, 324. [Traduction littérale: “monseigneur Guy de la Ferté et son épouse Alais.” (B.G. 2007)]

      (1) L. MIROT, Chronique de Morigny, p. 4. — Peut-être faut-il l’identifier avec le très noble Bernoal qui donna à la même abbaye l’église de Guigneville; sa femme, Mahaud, un encensoir et un calice d’argent doré; un de leurs fils, Lisiard, le grand vitrail du chevet de l’église (ib., p. 3).
Louis-Eugène Lefèvre      Dans Étampes et ses monuments aux XIe et XIIe siècles, M. Eugène Lefèvre affirme que l’établissement des religieux de Saint-Germer de Fly, dans le voisinage d’Étampes, était un fait accompli en 1082: à cette date, selon une confirmation de privilèges accordée par Philippe Ier à Notre-Dame d’Étampes, les moines de Saint-Germer sollicitèrent «d’être substitués ou adjoints aux chanoines dans le service canonial de ladite église». On sait que le monastère, fondé d’abord à Étréchy, fut transféré vers 1094 à Morigny (2): parmi ses premiers bienfaiteurs, il faut placer Guy de La Ferté et Adélaïde, qui lui donnèrent les églises de La Ferté Baudouin avec la dîme des moulins et du four banal, ainsi que de leurs terres labourables dans toute la châtellenie. Sans doute la chronique de Morigny attribue cette donation à Guy Trousseau, avec l’assentiment de sa femme Adélaïde, de Milon de Montlhéry et de la vicomtesse Lithuise (3). Mais, comme le remarque M. Léon Mirot, dans la préface de la publication de cette chronique, le premier livre, écrit entre le 4 août 1106 et le 30 juillet 1108 par le moine Thiou, qui était préchantre de l’abbaye et bibliothécaire, ne nous est point parvenu dans son texte primitif: on n’en possède «qu’un résumé fait à la fin du XIIe siècle par un abréviateur peu intelligent, qui a maintenu des allusions relatives aux passages négligés par lui et qui a conservé intégralement et sans les relier au reste de son récit certains morceaux du texte primitif. (4)» On ne saurait oublier que le domaine utile de La Ferté était partagé en deux fiefs: le Prieuré et le Péage, division qui s’est maintenue jusqu’à la Révolution (5): «Au prieuré appartenait la seigneurie immédiate de la moitié de la ville et du territoire.» Un maire y rendait la justice au nom des religieux, ainsi qu’il fut reconnu par l’enquête de 1543 (6). Seul, un châtelain de La Ferté a pu disposer [p.51] poser d’une part aussi importante de ses droits»: or Guy le Rouge et son fils Hugues ont possédé la châtellenie dès 1079 jusqu’en 1108, où Louis VI leur succéda. D’autre part, on ne connaît à Guy Trousseau d’autre femme que Mabille, Mabilia, suivant le cartulaire de Longpont, ou Amabilis, d’après le livre noir de Notre-Dame de Paris. Il me paraît donc légitime de conclure que l’abréviateur de Morigny a confondu Guy Trousseau avec Guy le Rouge, d’autant plus que ce dernier est également surnommé Trousseau par l’auteur des Grandes Chroniques de France, lorsqu’il raconte «comment Guiz Troussiaus et Hues de Créci, ses fiuz, pridrent le conte de Corbuel, son frère, por ce que il ne lor voloit aidier de la guerre contre le roi» (1). Guy le Rouge et Adélaïde de Rochefort sont les seuls auxquels on puisse raisonnablement attribuer la fondation du prieuré de La Ferlé en faveur des moines d’Étréchy.
     (2) E. MENAULT, Morigny, son abbaye, sa chronique et son cartulaire, p. 4. — D. FLEUREAU, op. cit., p. 473.



     (3) L. MIROT, La chronique de Morigny, p. 3.




     (4) L. MIROT, Chron. de Morigny, pag, p. 14.

     (5) Almanach de Sens pour 1790, p. 26.

     (6) Arch. nat., R4 943, p. 17, 40, 50. — L’enquête essaya de déterminer les limites de cette justice: son existence parut certaine, mais son étendue ne put être fixée, en raison des réponses vagues des témoins appelés un seul déposa que 42 habitants relevaient du prieuré, sur 180 feux.




      (1) J. VIARD, Les grandes chroniques de France, V, 148.

Suger      Suger n’aimait guère Guy le Rouge et, lorsqu’il entreprend d’exposer ses démêlés avec le roi Louis VI, il le désigne avec une antipathie non déguisée: un certain de La Ferté-Baudouin, quidam de Firmitate Balduini (2).Pourquoi feindre d’ignorer le premier officier de la couronne? Guy le Rouge fut cependant un des hommes les plus éminents de son époque, tant à cause de sa puissance et de sa valeur que par le grand crédit dont il jouit auprès des rois de France et les services signalés qu’il rendit à la monarchie encore mal affermie des premiers Capétiens. En 1091, à l’instar de son aïeul maternel, il devint sénéchal de France, comme le prouve une charte du roi Philippe Ier, munie du Signum Widonis dapiferi de Rupeforti (3). Il fut chargé par le roi de négocier avec l’évêque de Chartres et d’obtenir de lui, par promesses ou menaces, une lettre au pape, favorable à son union avec Bertrade de Montfort: on a conservé deux lettres de 1093 et 1095 dans lesquelles ce prélat répondit par un refus catégorique à ses instances (4). Il échoua devant sa fermeté et, le 18 novembre 1095, Philippe Ier fut excommunié au concile de Clermont.


     (2) SUGER, Gesta Ludovici Grossi, éd. Lecoy de la Marche, p. 50.




     (3) M. PROU, Actes de Philippe Ier, n° 127. [Traduction littérale: “Marque de Guy sénéchal de Rochefort” (B.G. 2007)]

     (4) Histor. de France, XV, 78 et 85; X 702. — L’une accuse réception d’un message transmis par son neveu, Ébrard du Puiset.
     Guy le Rouge doit encore être reconnu dans le sénéchal Guy, qui souscrivit un diplôme en 1092, un en 1094 et un autre à la fin de l’année 1095 (5). L’année suivante, il se démit de ses fonctions pour prendre part à la croisade. Dans les premiers jours de juin 1101, on constate sa présence à Nicomédie. Le 5 août suivant, il faisait partie d’une troupe de croisés qui livra bataille aux Turcs [p.52] près d’Amasia. Les survivants de ce combat, et, parmi eux, Guy de Rochefort, gagnèrent Constantinople. Après quoi, on ne sait si Guy retourna en Palestine ou rentra en France (1). Comme le dit Suger, il revint couvert d’honneur et de gloire (2).
     (5) Gallia Christ., II, col. 110. — M. PROU, op. cit., n°° 128, 132, 135.
      (1) Rec. des histor. occidentaux des Croisades, IV, 563. — HAGENMAYER, Chron. de l’hist. du royaume de Jérusalem (Revue de l’Orient latin, X, 450-456).
     (2) SUGER, op. cit., p. 25.
     La chronique de Morigny raconte tout au long les circonstances d’un plaid tenu à Rochefort dès son arrivée: son vassal, le chevalier Bonard, n’avait pas voulu délivrer aux religieux la terre de Gommerville, léguée par son beau-frère Garsadoine, et s’était rendu coupable de nombreuses violences: il dut faire amende honorable et renoncer à ses prétentions (3). Les moines de Longpont traduisirent également devant son tribunal Simon, fils de Gaucher, qui leur contestait l’usage dans les bois et la rivière d’Orsay: ils furent maintenus en saisine de leurs droits (4).
     (3) L. MIROT, Chronique de Morigny, p. 41.

     (4) Cart. de Longpont, n° CCLVIII.
     A son retour de Terre-Sainte, vers 1104, Guy le Rouge fut rétabli dans l’office de sénéchal qu’il avait exercé une première fois, dit Suger (5). Pour se conserver à tout prix son amitié et son appui, Philippe Ier imagina de fiancer le prince Louis avec la fille du sénéchal, Lucienne, non encore nubile (6). Cette puissance, qui confisquait à son profit l’autorité royale, suscita l’ombrage et la jalousie des frères de Garlande, chez lesquels l’ambition, la cupidité et l’esprit militaire se trouvaient à un aussi haut degré que chez leur rival. L’orage n’allait pas tarder à éclater.

     (5) SUGER, op. cit., p. 25.


     (6) SUGER, p. 26. A. LUCHAIRE, Annales de la vie de Louis VI, n° 32.

     Sur ces entrefaites, le château de Montlhéry était passé sous la garde du roi par le mariage de la fille de Guy Trousseau. Son frère, Milon II de Bray, qui avait des prétentions sur ce château, voulut s’en emparer avec l’aide des Garlande alors disgraciés. Ayant noué des intelligences avec les habitants de Montlhéry, il entra dans la ville, accompagné de Lithuise, sa mère, et décida les habitants à assiéger le donjon occupé par les troupes royales. Guy le Rouge négocia avec les Garlande et les détacha de Milon en leur promettant leur rentrée en grâce à la cour: Milon désespéré s’enfuit. Louis, arrivé à Montlhéry, ratifia la paix conclue par son sénéchal avec les Garlande, mais, pour éviter le retour de semblables tentatives, démantela la ville en ne laissant subsister que la tour (1105) (7).
     (7) SUGER, p. 27. — A. LUCHAIRE, Annales de la vie de Louis VI, n° 34.
     En 1106, à Senlis, Guy le Rouge assista au jugement du procès entre les chanoines de Saint-Corneille de Compiègne et Nivelon II, [p.53] seigneur de Pierrefonds (1). Au milieu de l’année, il résigna ses fonctions en faveur de son fils, Hugues de Crécy. A Melun, après le 29 août, il souscrivit le diplôme confirmant les privilèges de Saint- Benoît-sur-Loire (2). En mars 1107, il fut envoyé à La Charité-sur-Loire pour recevoir le pape Pascal II, qui était entré en France, et l’assurer du dévouement de ses souverains (3). Le 23 mai, au concile de Troyes, par les menées des Garlande, le pape prononça, sous prétexte de consanguinité, la dissolution du mariage entre l’héritier de la couronne et Lucienne de Rochefort (4). Guy le Rouge en fut si touché qu’il se retira de la cour et se jeta dans l’opposition avec son fils Hugues. Il ne survécut pas longtemps à sa disgrâce:
il mourut avant le mois d’août 1108 et fut enterré au prieuré de Gournay: son obit était célébré le 9 mars à Longpont (5).

     (1) Arch. nat., LL 1622, f°45. — Bibl. nat., coll. Moreau, XLII, 246. — A. LUCHAIRE, op. cit., n°39.
     (2) M. PROU, Chartes de Saint-Benoît, I, 254. — A. LUCHAIRE, op. cit., n° 42.
     (3) Histor. de France, XII, 777 ; XIV, 120. — A. LUCHAIRE, op. cit., n° 46.

     (4) Histor. de France, XII, 281. — SUGER, p. 32. A. LUCHAIRE, op. cit., n°50.

     (5) A. MOLINIER, Obituaires, I, 525.
     Guy le Rouge avait confié le service de sa chapelle de Gournay à Saint-Martin-des-Champs, peut-être en 1079 à l’occasion de sa réunion à Cluny, tandis que la famille de Garlande donnait aux mêmes religieux la seigneurie de Noisiel. Par un diplôme de 1122, Louis VI rappelle que l’église de Notre-Dame et de Saint-Jean de Gournay, située sur la Marne, près du château de Gournay, a été fondée par Guy le Rouge et sa femme Adélaïde, puis donnée par eux aux moines de Saint-Martin-des-Champs; il confirme d’abord les possessions octroyées au prieuré par les fondateurs, savoir la chapelle de Gournay, la terre de Liaubon, un moulin à Gournay, l’église de Roissy et le tiers du village (6). Vient ensuite l’énumération des biens donnés par les Garlande.
     (6) TARDIF, op. cit., n° 383.
     Avec l’assentiment de la comtesse Adélaïde, sa femme, Guy donna à l’abbaye de Marmoutier une église dédiée à saint Martin et dépendant de sa nouvelle châtellenie de Brétencourt. Il restitua à cette église tout ce qui pouvait lui appartenir et qu’il avait jusqu’à ce moment retenu dans son domaine et même ce qu’il en avait déjà distribué à ses chevaliers. Il lui donna, en outre, la dîme du marché de Brétencourt et confirma à l’avance tout ce que ses vassaux pourraient lui aumôner par la suite (7).
     (7) Bibl. nat., ms. Lat. 5441.2, p. 117.
     Dans l’obituaire de Longpont, on lit que, vers 1079, au début de son administration, le prieur Henri décida en chapitre et régla [p.54] comment il convenait de célébrer l’anniversaire des principaux bienfaiteurs de son église; en sa qualité de contemporain, il ne pouvait se méprendre sur leur identité. Au 24 juillet, il écrivit sur l’obituaire: «Obierunt Guido, institutor hujus loci, Guido vicecomes, Adalaidis, comitissa, uxor, Wido filius ejus (1)», c’est-à-dire Guy Ier fondateur de Longpont, Guy II dit le Rouge et sa femme la comtesse Adélaïde, et leur fils Guy III. Évidemment, le prieur ne met pas d’autres noms sur l’obituaire, parce que, au moment de la rédaction de cette phrase, Guy le Rouge n’était pas encore remarié et n’avait d’autre fils que Guy III. Sous le 12 octobre, un obituaire de Notre-Dame de Paris, rédigé vers 1090, indique la mort d’Adélaïde, comtesse de Rochefort, qui a donné une tapisserie et la maison de l’archidiacre Dreux, sise devant l’église Notre-Dame, «Obiit Adelaidis comitissa de Rupeforti, qui dedit nobis quoddam dorsale necnon et domum Droconis archidiaconi que est ante ecclesiam Beate Marie (2)». Adélaïde était comtesse de Rochefort et c’est par son alliance avec elle que Guy le Rouge a pu, en 1063, se signer Guy de Rochefort.
     (1) A. MOLINIER, Obituaires de la province dc Sens, I, 529. [Traduction littérale: “Sont morts Guy, fondateur de cet établissement, le vicomte Guy, la comtesse Alais son épouse, Guy son fils.” (B.G. 2007)]


     (2) GUÉRARD, Cart. de Notre-Dame de Paris, IV, 167. — A. MOLINIER, op. cit., I, 188. — A Longpont, l’obit de la comtesse Adélaïde était célébré le 24 septembre (ib., I, 527). [Traduction littérale: “Est morte Alais comtesse de Rochefort, qui nous a donné une certaine tapisserie ainsi que la maison de l’archidiacre Dron qui se trouve devant l’église NOtre-Dame.” (B.G. 2007)]
     Suivant un passage de Suger fort obscur (3), Guy le Rouge aurait répudié Adélaïde et lui aurait gardé ses biens que l’on a supposés être La Ferté: cette erreur provient d’un contre-sens que signalent les annotateurs des Historiens des Gaules et A. Molinier dans sa Vie de Suger (4). Un chroniqueur du moyen âge l’avait déjà commis: il s’agit de Rochefort et non de La Ferté, que Guy tenait de sa mère.
     (3) SUGER, op. cit., p. 50.

     (4) Histor. de France, XII, 26. — SUGER, Vita Ludovici Grossi, éd. Molinier, p. 42.
     De son union avec Adélaïde de Rochefort, Guy le Rouge avait eu deux enfants: Guy III et Agnès, auxquels, suivant la coutume féodale, échut l’héritage de leur mère. Guy III devint comte de Rochefort en 1108 à ce titre, il confirma la terre de Soligny au prieuré de Longpont (5). En 1112, il suivit Thibaud IV, comte de Blois, dans la guerre qui finit par la destruction du Puiset: on croit qu’il y trouva la mort (6). Comme il ne laissait point de postérité, sa sœur lui succéda dans le comté de Rochefort; elle épousa Anseau de Garlande, sénéchal de France de 1107 à 1118, où il fut tué au siège du Puiset. Ils n’eurent qu’une fille, Agnès, comtesse [p.55] de Rochefort, dame de Gournay et de Gometz, mariée en 1120 avec Amaury III de Montfort, et, en 1137, avec Robert de France, comte de Dreux.
     (5) Cartul. de Longpont, n°CCLVI, CCLXXII.

     (6) A. MOUTIÉ. Chevreuse, II, 78. — J. DEPOIN, Chartes de Saint-Martin des-Champs, I, 205.
     En secondes noces, Guy le Rouge épousa Élisabeth de Montdidier, comtesse de Crécy, veuve de Bouchard II, comte de Corbeil, tué dans un combat qu’il livra à Étienne, comte de Meaux, fin de 1077 ou début de 1078 au plus tard (1). Elle avait deux enfants en bas âge: 1° Eudes, qui hérita du comté de Corbeil et fut comte de Crécy-en-Brie, à la mort de sa mère (2); 2° Adélaïde, femme d’Ebrard III, vicomte de Chartres et seigneur du Puiset (23 décembre 1094), tué sous les murs d’Antioche le 21 août 1097 (3).
     (1) G. ESTOURNET, Bouchard II, comte de Corbeil, 1070-1077 (Ann. de la Soc. arch. du Gâtinais, 1911, p. 23).
     (2) LA BARRE, op. cit., p. 106. — LEBEUF, op. cit., IV, 275.
     (3) A. DE DION, Le Puiset..., p. 19.
     En 1080, retirée dans ses terres de Brie, la noble veuve amortit les biens donnés par ses vassaux pour la dotation du prieuré naissant de Mortcerf, membre de Saint-Martin de Pontoise; elle lui obtint des droits de voirie de son fils, Eudes, comte de Corbeil, deprecante matre sua cometissa de Creceio (4). Peu après cette fondation, eut lieu son mariage avec le châtelain de La Ferté.
     (4) DU PLESSIS, Hist. de l’église de Meaux, II, 107. — J. DEPOIN, Cartul. de Saint-Martin de Pontoise, 9, 12, 24. [Traduction littérale: “à la prière de sa mère la comtesse de Crecy” (B.G. 2007)]
     Dans un cartulaire de Saint-Martin-des-Champs, on trouve une notice suivant laquelle Guy le Rouge amortit les possessions de ce prieuré à Clamart; en échange, le prieur Ours lui présenta deux palefrois et donna à sa femme Élisabeth quarante sous (5). Cette charte ne peut être datée d’une façon certaine que par les années du prieur, de 1079 à 1106; une bulle de 1096 ayant confirmé à Saint-Martin l’église et le village de Clamart et, d’autre part, le second mariage d’Élisabeth ayant été célébré vers 1082, on peut restreindre son exécution entre 1082 et 1096.
     (5) J. DEPOIN, Liber testamentorum Sancti-Martini de Campis, p. 30. — Chartes de Saint-Martin-des-Champs, I, n° 29.

     De cette nouvelle union (6), Guy le Rouge eut: 1° Hugues de Crécy, qui suit; 2° Biote, mariée à Foulques, vicomte de Gâtinais dès 1076, mort après 1118; 3° Lucienne, née en 1094, fiancée à l’âge de dix ans au roi Louis VI; elle épousa dans la suite Guichard de Beaujeu; vers 1140, elle donna au prieuré de Longpont ses terres d’Egly et de Boissy, avec l’assentiment de son frère Hugues, de sa sœur Béatrix et de son mari, Manassès de Tournan; 4° Béatrix, [p.56] dame de Crécy en 1118, épousa, vers 1120, Manassès de Tournan, dont elle eut trois fils Guy, Hugues et Jean; vers 1124, ils fondèrent le prieuré de Saint-Ouen de Favières; elle épousa en secondes noces Dreux de Pierrefonds, avec lequel, en 1144, elle donna à l’église Saint-Martin du Vieux-Crécy sa part de dîmes dans le péage de Crécy qui lui appartenait par hérédité; de cette union, vinrent quatre enfants: Dreux, seigneur de Pierrefonds; Ade, dame de Crécy, mariée à Gaucher de Châtillon; Marguerite, femme de Pierre de Vic-sur-Aisne, et Agathe, mentionnée dans les chartes d’Yerres et de Longpont (1).
     (6) A. MOUTIÉ, Chevreuse, II, 72. — P. ANSELME, III, 666. — DUCHESNE, Hist. de Chastillon, p. 33. — LEBEUF, IV, 609.— DE MOUSTIER, Guy et Hugues de Crécy (Bull. Soc. Arch. de S.-et-M., VI), p. 17.





     (1) G. ESTOURNET, Bouchard II, p. 29-32.

   
 
5. HUGUES DE CRÉCY († 1147)

     Hugues, seigneur de Crécy-en-Brie, de La Ferté-Baudouin, de Châteaufort, de Gournay-sur-Marne, de Gometz-le-Châtel, etc., n’avait guère dépassé sa vingtième année lorsqu’en 1106, sur la résignation de son père, il fut nommé sénéchal de France (2). Suger le peint comme un jeune homme doué des plus éminentes qualités, d’une extrême bravoure, mais aussi porté à la rapine que redoutable incendiaire et l’un des plus audacieux perturbateurs du repos du royaume (3).

     (2) D. FLEUREAU, op. cit., 477. — MENAULT, Cartul. de Morigny, n° 6. —
A. LUCHAIRE, Louis VI, n° 37. — M. PROU, op. cit., n°° 154, 156.
     (3) SUGER, Vie de Louis VI, édit. Molinier, p. 41.
     En qualité de sénéchal, il souscrivit encore un diplôme royal accordé dans les premiers jours de mai 1107 à l’abbaye de Saint Maur-les-Fossés (4). On a vu comment, à la suite du concile de Troyes (23 mai), il fut enveloppé dans la disgrâce de son père et perdit son office.
     (4) D. FLEUREAU, op. cit, 501. — TARDIF, op. cit., n° 330. — A. LUCHAIRE, Louis VI, n° 49. — M. PROU, op. cit., n°° 154, 156, 161.
     Sur ces entrefaites, des marchands se plaignirent d’avoir été détroussés sur une route royale par le châtelain de Gournay. Irrité de ce mépris de son autorité, le prince Louis vint mettre le siège devant Gournay, que défendait Hugues de Crécy. Pour le dégager, Guy le Rouge contracta une alliance avec Thibaud, comte de Blois et de Chartres, et vint avec une armée secourir son fils. Énergiquement secondé par les Garlande qui convoitaient Gournay, Louis sortit victorieux du combat livré sur les bords d’un ruisseau, poursuivit les fuyards jusqu’aux abords de Lagny, prit Gournay et le donna à Anseau de Garlande, le nouveau sénéchal; il [p.57] fut moins heureux dans sa tentative sur Chevreuse, Montlhéry et Brétencourt (1).
     (1) SUGER, p. 41-44. — A. LUCHAIRE, Louis VI, n° 51. — ORDERIC VITAL,
Historia ecclesiastica, éd. Leprévost et Delisle, IV, 289.
     Exaspéré par sa disgrâce et la perte de Gournay, Hugues s’unit aux ennemis irréconciliables de la royauté. Vivement irrité de n’avoir pu attirer dans le parti des rebelles son frère utérin, Eudes, comte de Corbeil, et surtout de ce qu’il ne lui eut porté aucun secours pendant le siège du château de Gournay, Hugues lui dressa une embuscade et s’empara de lui pendant une partie de chasse qu’il lui avait proposée, puis le retint prisonnier dans une des tours de son château de La Ferté-Baudouin: ce choix indiquerait qu’il y résidait habituellement et qu’il le considérait comme le mieux fortifié et le plus à l’abri d’un coup de main. Indignés de cette trahison, les vassaux du comte et les bourgeois de Corbeil vinrent trouver Louis le Gros et le supplièrent de les aider à délivrer leur seigneur. Le roi, se laissant toucher par leurs prières, envoya d’abord Anseau de Garlande avec quelques chevaliers que lui-même promit de suivre bientôt à la tête de son armée. Le sénéchal, qui avait ses affidés dans la place, pénétra pendant la nuit avec quarante chevaliers dans le premier retranchement; mais, n’ayant pu forcer la seconde porte avant l’arrivée de la garnison, cernés dans un espace étroit, l’obscurité et la difficulté du lieu rendant leur valeur inutile, ils durent fuir. Anseau, qui combattit le dernier, fut blessé; ne pouvant regagner à temps la barrière extérieure, il fut pris et amené dans la tour, non comme maître. mais comme captif et enfermé avec le prisonnier qu’il venait délivrer. Louis le Gros, arrivé enfin à la tête de ses troupes, mit le siège devant le château de La Ferté dans lequel Hugues de Crécy, usant de tous les stratagèmes, fit d’inutiles efforts pour rentrer, tantôt sous les habits d’un jongleur, tantôt sous la robe et les oripeaux d’une fille de joie. Forcé enfin de céder au nombre et à la valeur de l’armée royale, il prit la fuite à travers les campagnes, n’échappant à la poursuite obstinée de Guillaume de Garlande, frère du sénéchal prisonnier, qu’en se faisant passer pour ce même Garlande (2). Dans la chronique de Saint-Pierre-le-Vif, Clarius attribue le siège de La Ferté-Baudouin à l’année 1108 (qui, pour lui, se termine au 24 mars 1109) et affirme qu’il eut lieu en plein hiver, «in ipsa hyeme... per nives et grandines» (3).
     (2) SUGER, p. 52-54. — A. Luchaire, Louis VI, n° 61.

     (3) Histor. de France, XII, 281. [Traduction littérale: “en plein hiver... sous la neige et la grèle” (B.G. 2007)]
     A la fin de l’année 1109, Bertrade de Montfort et son frère Amaury HI gagnèrent facilement Hugues de Crécy au parti des [p.58] mécontents, en lui faisant épouser Lucienne de Montfort; ils lui demandèrent d’assurer la défense de Montlhéry donné au jeune Philippe de Mantes. Le roi prévint Hugues de Crécy, arriva à Châtres, ville de la châtellenie de Montlhéry, gagna les habitants et prit la place. Puis il assiégea Montlhéry et en donna la seigneurie à Milon de Bray, qui la réclamait en vertu de son droit d’hérédité. Hugues de Crécy fut contraint de se retirer (1).
     (1) SUGER, 68, 70. — A. LUCHAIRE, Louis VI, 187.
     Une réconciliation temporaire parut se dessiner en 1111, avant le 12 mars, à Étampes, Hugues de Crécy parut dans l’entourage royal; il souscrivit le diplôme conférant à l’abbaye de Saint- Jean-en-Vallée un droit de brenage à Mantarville (2).
     (2) A. LUCHAIRE, Louis VI, n° 107.    LÉPINOIS et MERLET, Cart. de Notre-Dame de Chartres, I, 117.
     Au commencement de 1112 mourut Eudes, comte de Corbeil, qui laissait pour héritier son neveu, Hugues du Puiset, alors emprisonné à Château-Landon. Après avoir inutilement essayé de s’emparer de Corbeil, Louis VI se décida à négocier avec son prisonnier qui fut amené à Moissy: pour recouvrer sa liberté, il renonça par serment au château de Corbeil et promit de ne point fortifier le Puiset, sans le consentement du roi (3).
     (3) A. LUCHAIRE, Louis VI, n°°114 et 128.
     Au printemps suivant, Thibaud IV, comte de Blois, reprit la guerre contre Louis VI et réussit à tourner contre lui Hugues de Crécy, Guy II de Rochefort, Milon de Bray et même Hugues du Puiset. Le roi se préparait à un voyage en Flandre lorsqu’il apprit cette défection ; aussitôt, il marcha sur Toury, mais il fut défait par l’armée des coalisés et obligé de se replier. Bientôt après, avec de nouvelles forces, il reprit l’offensive et enferma Hugues dans le Puiset, qui finit par succomber Hugues fut déchu de ses droits héréditaires et son château détruit pour la deuxième fois (4).
     (4) A. LUCHAIRE, Louis VI, n° 134. — A. DE DION, Le Puiset, p. 23-30.
     Depuis longtemps, Hugues de Crécy cherchait à tirer vengeance de Milon de Bray, qui l’avait supplanté dans la possession de Montlhéry. Il le surprit traîtreusement à Châteaufort, s’empara de lui et le traîna à sa suite, de château en château, le tenant étroitement garrotté. Cependant, ne sachant plus à la fin comment garder son captif, craignant de le voir s’échapper et n’osant pas le rançonner et le mettre en liberté dans la crainte de s’exposer à son tour à sa juste vengeance, Hugues prit le parti de le faire mourir. On dit même qu’il l’étrangla de ses propres mains, pendant la nuit, dans une tour de bois du château de Châteaufort qui lui servait [p.59] de prison; puis, pour faire croire à une tentative d’évasion ou à un accident, il précipita le corps par la fenêtre dans les fossés du château. Le cadavre fut ramené à Longpont, où il fut enseveli après de pompeuses obsèques, en présence du roi, de l’évêque de Paris et de nombreuses notabilités. Les soupçons se portèrent bien vite sur Hugues de Crécy, qui fut assiégé dans son château de Gometz: se voyant abandonné de tous, même de son beau-père, il se jeta aux pieds du roi, implora son pardon et, après avoir consenti à la confiscation de ses terres, il revêtit l’habit monastique dans l’ordre de Cluny (1).
     (1) Cart, de Longpont, n°LXXXIV. — Chronique de Morigny, p. 22-24. — A. LUCHAIRE, op. cit., n°246.
     Entré comme moine à Saint-Denis, il passa sans tarder à Saint Martin-des-Champs, où il fut chargé de diverses fonctions, notamment du priorat de Saint-Denis de La Châtre, puis de la sacristerie du monastère. Pierre le Vénérable, devenu abbé de Cluny en 1122, le prit peu après comme son auxiliaire: en le chargeant d’une importante mission auprès de Suger, il lui remit une lettre de crédit dans laquelle il l’appelait son très cher frère et ami, dom Hugues de Crécy, et le recommandait comme un homme sûr et discret qui doit rapporter de vive voix ce que la prudence ne permet pas de confier à l’écriture (2); il avait en lui une telle confiance qu’il l’envoya encore à la cour de France pour y rétablir la paix entre Louis VII et le comte de Champagne (3). Vers 1140, il le délégua à Crépy pour y être, avec saint Bernard de Clairvaux et Suger lui-même, l’un des arbitres de la querelle qui s’était élevée entre Louis VII et le chancelier Algrin (4).
     (2) MIGNE, Patrol. lat., 186, col. 1362. — Histor. de France, XV, 645.
     (3) A. MOUTIÉ, Chevreuse, II, 76.
     (4) Histor. de France, XVI, 6. — J. DEPOIN, op. cit., II, n°256.
     Hugues intercéda auprès de Geoffroy d’Yerres pour la restitution au prieuré de Longpont de la dîme d’Ivry que son frère Gautier Tireau avait engagée à Thierry de Paris (5). Vers 1137, il assista à la donation de la terre d’Egly et de Boissy, que sa sœur Lucienne consentit aux mêmes religieux avec l’assentiment du roi Louis VII (6). Après 1140, il fit donner à Saint-Martin-des-Champs par Amaury III de Montfort le village de La Couperie près Beynes (7). En 1144, il fut présent à une aumône de sa sœur Béatrix, alors femme de Dreux de Pierrefonds, à l’église Saint-Martin du Vieux-Crécy (8). La même année, qualifiée «familier du [p.60] roi», il en obtint une exemption pour Saint-Denis de La Châtre (1). Il assista à la concession à Saint-Martin-des-Champs d’une prébende en l’église Notre-Dame d’Étampes (2).
     (5) Cart. de Longpont, n°CLXXVII.
     (6) Cart. de Longpont, n°CCXCII.
     (7) J. DEPOIN, Chartes de Saint-Martin-des-Champs, II, 179.— A. RHEIN. La seigneurie de Montfort, p. 129, 302.
     (8) J. DEPOIN, op. cit., II, 152 et 306. — TARDIF, op. cit., n° 473.
      (1) J. DEPOIN, op. cit., II, 153.
     (2) J. DEPOIN, op. cit., II, 132.
     Suivant les obituaires de Saint-Denis et de Saint-Martin-des Champs, Hugues de Crécy mourut le 31 juillet 1147 (3): le mois suivant, Pierre le Vénérable adressa aux moines de Saint-Martin des-Champs une épître consolatoire au sujet de la mort de leur frère, Hugues de Crécy, dont la perte lui était d’autant plus sensible qu’il lui confiait le fardeau des affaires importantes de son ordre depuis plus de vingt ans (4). D’autre part, Hugues, abbé de Saint- Germain-des-Prés, fit commémorer au 19 avril deux religieux de Saint-Martin et Hugues de Crécy, auxquels il avait promis de les associer aux prières de sa communauté, et de célébrer un trentain après leur décès (5).
     (3) A. MOLINIER, Obit. de la province de Sens, 1, 323, 449. — L’obituaire de Longpont le commémorait au 28 juillet (ib., p. 525).

     (4) J. DEPOIN, op. cit., II, n° 299 et note.

     (5) A. MOLINIER, op. cit., I, 258
 
 
6. LOUIS VI († 1137), LOUIS VII († 1180)
ET ADÈLE DE CHAMPAGNE
(† 1206);
AUBRY DE DAMMARTIN († apr. 1187)

     La chronique du continuateur d’Aimoin indique brièvement que Corbeil et La Ferté échurent à Louis VI. Un biographe anonyme de ce prince raconte que, pour supprimer la barrière dressée entre Paris et Étampes par Montlhéry, Châteaufort et La Ferté Baudouin, dont les châtelains lui étaient hostiles, il dut s’en emparer par les armes (6). Le récit de Suger est le plus circonstancié; bien qu’il ne tire aucune conclusion du siège de décembre 1108, il est évident qu’une sanction était nécessaire; la déloyauté de Hugues de Crécy envers Eudes de Corbeil fut punie par la confiscation de La Ferté-Baudouin et sa réunion à la couronne.

     (6) Histor. de France, XII, 123.


Sceau de Louis VI      Un des premiers actes de Louis VI dans sa nouvelle châtellenie fut d’affranchir Lisiard, fils de Benoît de La Ferté, pour lui permettre de s’établir à Itteville, sur les terres du chapitre de Notre-Dame de Paris (7). En 1116, Daimbert, archevêque de Sens, donna l’église Saint-Hilaire de Maisse avec les dîmes au prieuré parisien de Saint-Éloi (8). Peu après, Louis VI y ajouta des hôtises, [p.61] des terres et des vignes avec les dîmes de blé et de vin, et la moitié d’un moulin (1). Les religieux de Saint-Laumer de Blois, qui possédaient dans la même paroisse l’église de Saint-Médard, s’empressèrent de venir trouver le roi, lors d’un séjour qu’il fit à La Ferté, et sollicitèrent la reconnaissance de leurs droits, qui furent confirmés par un diplôme de 1120 (2).
     (7) GUÉRARD, op. cit., II, 370.

     (8) Arch. nat., S 1486.B, n° 16.

     (1) Arch. nat., LL 75, f°3.


     (2) Arch. nat., R4 943.
     La même année, Louis VI confirma à l’abbaye de Morigny les églises de La Ferté, avec la dîme des moulins royaux (l’un au-dessous du château de La Ferté, et les deux autres au Gué Saint-Lazare près de Baume), du four à ban et de toutes les terres labourables appartenant en propre à sa châtellenie: «Ecclesie de Firmitate Balduini et decima molendinorum nostrorum et furni nostri et carrucarum nostrarum ubicumque sint in tota castellaria (3)». Comme dans tous les actes similaires, le diplôme confirmatif reproduisit les propres termes de la donation de Guy le Rouge et d’Adélaïde; ils reparaîtront à chaque règne d’une manière identique, et il suffira de les citer ici. D’après l’enquête de 1543, il n’existait à La Ferté «qu’une église paroissiale, en laquelle il y a prieur et curé qui dépendent de l’abbaye de Morigny, avec une chapelle sans fondations». Cette chapelle de secours, sous le vocable de saint Gilles, a subsisté jusqu’à la Révolution; elle a été depuis convertie en grange et démolie (4).
     (3) MENAULT, Morigny, cartul., p. 28. [Traduction littérale: “l’église de la ferté-Baudouin et la dîme de nos moulins, de nos fours et de nos champs labourables domaniaux, où  qu’ils se trouvent dans toute la châtellenie.” (B.G. 2007)]


     (4) Arch. nat., R4 943. — Arch. de Seine-et-Oise, 10 H 3: 1556, 15 septembre, bail de la cure de La Ferté, par Jean Hurault, abbé de Morigny et prieur de La Ferté, à Gilles Musnier, vicaire perpétuel de La Ferté.
     En 1121, Louis VI confirma la donation de Guy le Rouge et d’Adélaïde de Rochefort, octroyant aux chanoines de Notre- Dame de Paris toutes les coutumes qu’ils possédaient sur les terres d’Itteville, du Bouchet et de Saint-Aubin, la garenne, la voirie, ainsi que les vignes situées au Bouchet (5).
     (5) GUÉRARD, op. cit. I, 265.
     De toute antiquité, le châtelain de La Ferté-Baudouin avait joui du droit d’avouerie sur le domaine de Saint-Denis à Toury en-Beauce. A la suite d’une transaction qui ne nous est point parvenue, peut-être en raison de l’éloignement, ce droit fut inféodé et appartenait en 1122 à la petite-fille d’Adam de Pithiviers. En prenant la crosse abbatiale, Suger constata que cette avouerie pesait lourdement sur ses vassaux de Toury et leur occasionnait de nombreuses exactions: il décida de la racheter. Pour y parvenir à peu de frais, tout en sauvegardant l’avenir, il conçut le projet de marier l’héritière de l’avouerie avec un serviteur dévoué de [p.62] l’abbaye et d’obtenir à prix d’argent les consentements nécessaires. Il s’en ouvrit au roi Louis VI, dont I’avouerie relevait à cause de sa châtellenie de La Ferté, et obtint facilement son assentiment en lui payant trente livres pour l’amortissement. En outre, il versa cent livres aux parents de la jeune fille: par ce moyen, les époux reconnurent qu’ils seraient tenus, eux et leurs descendants, à l’hommage, au service féodal et à la justice, sur réquisition de l’abbaye. En cas de refus, le fief de l’avouerie serait saisi et demeurerait entre les mains des religieux jusqu’à complète satisfaction, ainsi que les intéressés et leur famille le promirent avec l’approbation du roi (1).
     (1) LECOY DE LA MARCHE, Œuvres complètes de Suger, p. 172.
     En 1134, Louis VI notifia qu’il avait donné aux religieuses d’Yerres la terre de Marbois, près de La Ferté, que tenaient Louis le Bouteiller, Adam son neveu et Geoffroy Silvestre, et qu’il l’avait exemptée de toute coutume (2). A la suite de cette concession, les religieuses sollicitèrent de l’archevêque de Sens la confirmation de la dîme de Marbois donnée par Asceline et son fils Thion, ce qui leur fut accordé par lettres de 1139 (3).
     (2) Arch. de Seine-et-Oise, 63 H 66, n° 1. — Arch. nat., LL 1599B, p. 5, copie du XIIIe siècle.

     (3) Arch. de Seine-et-Oise, 3 H 66, n° 2, original. — Arch. nat., LL 1599B, p. 33.
Sceau de Louis VII      Louis VII succéda à son père le 1er août 1137; il affectionna tout particulièrement le château de La Ferté et y vint séjourner maintes fois. Il confirma au prieuré de Saint-Hilaire les hôtises, les terres et les vignes avec les dîmes de blé, de vin et d’autres récoltes et la moitié d’un moulin qu’il possédait à Maisse (4). Il obtint l’élargissement de Henri, maire d’Itteville, que les chanoines de Notre-Dame avaient emprisonné, et les réconcilia. Comme châtelain de La Ferté, il jouissait à Itteville, pour lui-même et ses officiers, des droits de gîte et de procuration: il en fit remise au chapitre (5).
     (4) Arch. nat., LL 75, f°3.

     (5) GUÉRARD, op. cit., II, 371; I, 270. — TARDIF, op. cit., n°552.
     Dès 1132, dans l’entourage de Louis VI, on remarque un modeste chevalier, Thierry de La Ferté, appelé aussi Thierry Galeran: il était fils de Robert Galeran, cité parmi les fidèles de Guy le Rouge dans la charte d’Itteville (6). Avec son père, et Emmeline [p.63] sa mère, Thierry approuva la donation d’une hôtise faite au prieuré de Longpont par un de leurs vassaux (1). Il épousa Adélaïde, veuve de Guy de Linas, avec laquelle il ratifia l’amortissement d’une dîme octroyée par Milon, son beau-fils (2); il ne paraît pas en avoir eu d’enfants. En dehors de La Ferté, il avait des biens à Corbeil, à Ballancourt et au Saussay, à Orsay, à Pecqueuse, etc. Demeuré au service de Louis VII, il devint rapidement un de ses conseillers les plus écoutés; A. Luchaire estime qu’il en fut le plus important, et il consacre deux pages à énumérer les principaux actes royaux auxquels il prit part (3).

     Sa situation à la cour lui valut une immense fortune qui lui permit d’être un insigne bienfaiteur de l’abbaye de Morigny. Thouin y avait succédé à l’abbé Macaire en 1142, puisque l’un et l’autre figurent dans des actes de cette date; la seconde année de son intronisation, dit le chroniqueur, donc à la fin de 1143 et plus probablement au printemps de 1144, il refit la couverture et le pavage tant de l’église que du dortoir; à l’intérieur de la clôture, il construisit une maison conventuelle somptueuse avec des annexes qui lui occasionnèrent de grosses dépenses (4). Tandis que ces travaux s’exécutaient, il apitoya Thierry Galeran sur le délabrement de l’église de La Ferté, si bien que celui-ci entreprit aussitôt de la reconstruire à ses frais, ainsi qu’en témoigne une charte de l’abbé Landry (5); c’est l’église paroissiale actuelle, sous le vocable de Notre-Dame, dont il serait vain de tenter la description, après la magistrale monographie que lui a consacrée M. Valentin de Courcel.
     (6) Cart. de Longpont, n°° CCLIII, CCLXIX, CCXCI, etc. Galeran dit Payen Châtel d’Orsay et Obeline avaient eu trois fils: Robert, maintes fois cité, Gaucher et Hugues, moine à Longpont. Vers 1079, Robert souscrivit l’acte de Guy le Rouge, seigneur de La Ferté, relatif à Itteville (Arch. nat. LL 78, p. 126). En 1096, iI souscrivit une charte d’Eudes, comte de Corbeil, après Ferry et Baudouin du Donjon, frères (Arch. nat., S 1177, n° 9).

     (1) Cart, de Longpont, n°C.

     (2) Cart. de Longpont, n°XCIX.

     (3) A. LUCHAIRE, Hist. des instit. monarchiques sous les premiers Capétiens, II, 324 et 325; Ann. de la vie de Louis VI, n°497 et p. 341.

     (4) Chronique de Morigny, p. 82.

     (5) Pièces justif., n° III. — V. DE COURCEL, L’église de La Ferté-Alais (Bulletin monumental, 1912).
     Par un diplôme royal qui ne nous est point parvenu, afin d’en assurer l’entretien et de contribuer à la dotation des deux religieux chargés de la desservir, Thierry leur donna la ferme et terre du Saussay, avec l’assentiment du suzerain, Gilles du Tourneau, issu des Clément de Château-Landon. Malgré l’épuisement de ses ressources, Thouin jugea nécessaire de compléter l’œuvre du conseiller royal en bâtissant un nouveau prieuré que le chroniqueur qualifie de médiocre (6) pour loger le prieur et le sous-prieur [p.64] que l’on verra plus loin composer toute la communauté, il n’était pas cependant nécessaire de faire une construction plus importante; dans la suite même, l’abbé de Morigny se réservera le titre de prieur et l’église sera desservie par un vicaire perpétuel qui prendra la cure à bail. Accolé à la nef et au croisillon nord, le prieuré comprenait une maison d’habitation, une grange, une écurie, une bergerie, une vacherie et un jardin de trois quartiers (1).
     (6) Chron. de Morigny, p. 82. — «Infra muros abbacie aulam nobilem cum quibusdam appendiciis magno sumptu edificavit, apud Veteres Stampas aliam optimam, apud Firmitatem alteram mediocrem... » Pour Ducange, aula signifie édifice principal.

     (1) Arch. nat., W 943. — Arch. de Serne-ei-Oise, 10 H 3.
     Le 14 juin 1147, Thierry Galeran partit pour la croisade avec son maître; il y joua un rôle important, car c’est lui qui, à Antioche, dissuada le roi de renvoyer sur-le-champ sa femme Aliénor (2). Il revint avant lui, chargé d’une mission importante auprès de l’archevêque de Sens. Après avoir été, pendant plus de trente ans, un des agents les plus actifs de la royauté, il décida, en 1162, de se retirer de la cour et des affaires pour ne plus s’occuper que des intérêts du Temple. Au conseil où il prit congé du roi, assistaient Hugues de Toucy, archevêque de Sens, et Maurice de Sully, évêque de Paris; Louis VII et ses amis lui ayant conseillé de penser au salut de son âme et à ses parents défunts, il demanda aux deux prélats de valider de leur autorité les aumônes qu’il voulait faire à cette intention; par deux chartes presque identiques, il laissa aux frères de l’Hôpital de Jérusalem tout ce qu’il possédait au Vieux-Corbeil, son clos de vignes, ses hôtes, le cens des hôtes et des vignes, le pressurage et tous ses droits féodaux; à la prière du roi, Guillaume de Milly accorda l’amortissement moyennant vingt livres (3). Il remit aux Templiers de Savigny la moitié de la dîme de Vayres qu’il venait d’acheter au chevalier Baudouin et fit approuver sa concession par le roi (1163) (4). Il donna aux Cisterciens de Barbeau, près Melun, une grange et une terre contigues à la forêt de Sénart (5). Il gratifia l’Hôtel-Dieu de Corbeil d’un moulin avec huit boulangers, dont quatre seraient pour les malades et quatre pour Notre-Dame-des-Champs (6). Il donna à Saint-Spire de Corbeil une maison sise dans le cloître et une terre à Ballancourt avec trois droitures, le champart et six sous de cens (7).
     (2) PERTZ, Script., XX, 534.





     (3) Arch. nat., S 5144B, n°°33 et 34.

     (4) Arch. nat., S 5749, p. 4. TARDIF, n°582.

     (5) Bibl. nat., ms. latin 5466, p. 14. — Arch. nat., LL 1599B, f° 109; L 896, n° 38.

     (6) Arch. nat., S 5147A, n°4; JJ LXVII, n°465. — LUCHAIRE, Louis VII, n° 652.

     (7) COUARD-LUYS, Cart. de Saint-Spire, 76, 124.
     Au moment de la croisade, il avait assigné au prieuré de Saint Guénaud de Corbeil une rente d’un demi-muid de grain sur son [p.65] moulin du Saussay: il y ajouta des terres et un moulin à Auvernaux (1), (Longtemps après, les Templiers en demandèrent le retrait, ce qui occasionna un procès, mais, en 1171, sur le conseil de l’évêque de Paris, Saint-Guénaud rendit les terres moyennant une indemnité de 25 livres; l’aliénation du moulin qu’il avait effectuée fut confirmée et la rente maintenue (2); par un autre acte de 1171, le chapitre général des Templiers s’engagea à acquitter la rente (3); en outre, Thierry lui donna la moitié de la terre de Boloniel qu’il avait achetée de ses propres deniers, laissant aux religieux le soin de payer 15 livres pour l’amortissement et une rente féodale de cinq sous au suzerain, Renaud de Varâtre, qui garantit la cession en y affectant sa maison de Corbeil (4). Thierry Galeran devint aussitôt membre effectif du Temple.

     Un de ses premiers soins fut de libérer le Saussay des charges dont il l’avait grevé au profit de diverses églises; il y fonda une commanderie de son ordre. En bordure du chemin de Ballancourt à La Ferté, il bâtit un manoir seigneurial avec chapelle en l’honneur de saint Blaise, grange et enclos; il lui réunit environ 120 arpents de terre avec droit de censive sur dix hôtes du Saussay et plusieurs moulins sur l’Essonne, situés à 300 pas de la commanderie (5). De cette fondation, il reste plusieurs actes: par le premier, Landry, abbé de Morigny, déclare que Thierry Galeran, qui avait construit leur église de La Ferté et l’avait dotée d’une ferme au Saussay, lui a demandé de la lui rendre, moyennant une rente de 10 livres en échange, à prendre sur celle de 30 livres que le Temple percevait dans le cens royal d’Étampes (par donation de 1149); cette rente serait affectée à l’entretien de l’église et des moines de La Ferté. Il a consulté le chapitre de l’abbaye et celui de Notre-Dame de La Ferté, qui ont été d’avis, l’un et l’autre, d’accepter sa proposition, eu égard à ses bienfaits antérieurs. Un accord fut donc dressé et signé notamment par les premiers membres de la communauté naissante, Thierry Galeran, Archambaud de la Chaîne, Nantier de Corbeil, Geoffroy de Savigny, tous frères [p.66] du Temple, Gérard et Geoffroy, serviteurs du Temple; Hescelin de Linas, Thébert de Montlhéry, Thiband, prévôt de La Ferté, Frodon d’Étréchy et plusieurs autres (1). La charte n’est pas datée, mais elle est antérieure de quelques mois tout au plus au diplôme d’avril 1164, par lequel Louis V approuva l’échange, à la demande de son familier, Thierry Galeran, devenu frère du Temple (2). Le 18 novembre de cette année, durant son séjour à Sens, le pape Alexandre III accorda une bulle de confirmation, sur le vu des lettres du roi (3). Dans une autre circonstance, Louis VII attestera lui-même combien était puissante auprès de sa personne l’intervention de son ancien conseiller en faveur des Templiers, «maximè quando Teodoricus Galerannus qui de domo et nostro consilio fuit, factus eorum frater, nos pro eis requirit» (4). On possède également un acte non daté, par lequel Thierry Galeran acheta à Renaud Bachelier la mouvance des moulins du Saussay et la fit amortir moyennant 98 sous par Jean, Hugues et Menier, fils d’Amaury, devant Arnould, prévôt de Notre-Dame d’Étampes en présence d’Herbert Valet de Puiselet, Galeran d’Yerres, Pierre d’Auvers et Guillaume Goaut, prévôt d’Étampes (5). Thierry Galeran vivait encore en 1173 (6).
     (1) Arch. nat., S 2210, n° 16. Par une charte sans date, Hugues, archevêque de Sens, notifie que messire Thierry Galeran, homme de bonnes œuvres, a donné à S. Victor, pour le salut de son âme, sur son patrimoine d’Auvernaux, l’aître de l’église avec la maison qui y est bâtie et les hôtes qui s’y trouvent, le fossé et tout ce qu’il entoure, une grange en dehors du fossé avec un verger contigu, trois coutures qu’il cultivait lui-même, comprenant l’une 30 journaux, la seconde 10 et la dernière 4; plus le quart de deux moulins à Villeroy et un demi-muid d’avoine sur son moulin du Saussay.

     (2) Arch. nat., S 5151, n°2; L 903, n°16; S 5776B, n°1.

     (3) Arch. nat., S 2115, n°4.

     (4) Arch. nat., S 2115, n° 22.

     (5) MANNIER, Les commanderies du Grand Prieuré de France, p. 79.

     (1) Pièces justif., n°III. — Le 16 février 1471, la rente fut réduite à 4 livres, en raison de la détresse du Saussay, et les arrérages payables 40 sous par an, par accord entre Philippe Rémon, prieur de La Ferté et Nicolas Perrin, commandeur du Saussay (Arch. de Seine-et-Oise, 10 H 3).

     (2) TARDIFF, op. cit, n°586.

     (3) Arch. nat., S 5150B, n°27, original. — Bibl. nat., coll. Duchesne, LXXVII, f°72.

     (4) A. LUCHAIRE, Instit. monarch. sous les premiers Capétiens, II, 325. [Traduction littérale: “surtout parce que Thierry Galeran, qui  a été de notre domesticité et de notre conseil, devenu qu’il est l’un de leurs frères, nous le demande pour eux.” (B.G. 2007)]

     (5) Arch. nat., S 5150B, n° 32, original.

     (6) TARDIFF, op. cit., n° 630. — Arch. nat., LL 1599B, f°109.
     La chronique de Morigny rapporte que l’abbé Thouin se rendit à Orléans auprès de Louis VII et sollicita la confirmation des biens de son abbaye, notamment les églises de La Ferté-Baudouin avec leurs droits dans la châtellenie, ce qui lui fut accordé par un diplôme de 1145, reproduisant les termes de celui de 1120 (7). En 1161, Hugues de Toucy, archevêque de Sens, confirma à Landry, son successeur, le patronage des églises de La Ferté (8).
     (7) MENAULT, Morigny, cart. p. 31. — Chron. de Morigny, p. 82. — LUCHAIRE, op. cit., n° 154.

     (8) MENAULT, Morigny, cart., p. 154.
     En 1154, lorsque Clémence de Bar, veuve de Hugues II dernier comte de Dammartin et remariée à Renaud II comte de Clermont, vint à mourir sans postérité de son premier mari, sa succession fut revendiquée par divers membres des familles de Mello et de Bulles, en raison de leurs alliances avec la famille de Dammartin. Pour s’éviter les ennuis que son père et son aïeul avaient eus avec [p.67] les tenanciers de cette terre, Louis VII crut opportun de prononcer la réunion du comté de Dammartin à la couronne on le trouvera dans la suite disposant de ses biens et y signant un diplôme en 1159, au cours d’un voyage (1). Le plus récalcitrant des héritiers était Aubry II, ancien chambrier de France (1122-1129), fils d’Aubry Ier de Mello et d’Aélis de Dammartin, tante du comte Hugues (2): afin d’obtenir son acquiescement, il donna la châtellenie de La Ferté-Baudouin à son fils Aubry III.
     (1) TARDIFF, op. cit., n°523.

     (2) Dr LEBLOND, Notes pour le nobiliaire du Beauvaisis, II, 446; I, 134. — Abbé MULLER, Cart. de Saint-Leu d’Esserent. — Histor. de France, XIV, 7. — J. DEPOIN, Chartes de Saint-Martin-des-Champs, I, 15, note.
     Comme je l’ai indiqué plus haut, les religieuses d’Yerres possédaient la terre de Marbois, près de La Ferté. En 1155, lorsque Clémence Le Loup de Senlis en devint abbesse, elle sollicita du nouveau châtelain l’usage au bois mort dans la forêt de Marbois pour sa maison d’Artolu*. Accédant à sa prière, Aubry III, seigneur de La Ferté, Mahaud sa femme et Renaud, leur fils, accordèrent la faveur demandée, non seulement pour la maison d’Artolu*, mais aussi pour neuf hôtises de Marbois: au cas où leur nombre augmenterait, il ne serait point permis de leur vendre du bois ou de leur en donner, l’usage étant personnel. Ces neuf hôtes seraient tenus de faire moudre leur grain au moulin banal, situé au-dessous du château de La Ferté, et d’attendre leur tour, s’il était occupé. L’acte fut dressé en présence des principaux vassaux du châtelain, Thierry Galeran, Ferry du Donjon, André d’Ormoy, Robert Polin, Manassés de La Ferté, Bernoal de La Ferté, Ferry de D’huison, Pierre Buinelle, Thibaud, son prévôt de La Ferté, et Landry, son sénéchal. L’original est scellé sur lacs de cuir blanc d’un sceau rond, de 80 millimètres; il représente un cavalier galopant à gauche, brandissant son épée et se couvrant d’un bouclier ses armes, fascé de six pièces, avec cette inscription autour: + SIGILLVM. AUBERICI. DOMINI. FIRMITATIS (3).
    * Comprenez: de Retolu (hameau de Videlles, canton de La Ferté-Alais, Essonne, dont le nom s’était altéré en Artolu au moins de l’époque de Cassini jusqu’à celle d’Estournet) (B.G., 2008)

     (3) Pièces justif., n°I. [Traduction littérale: “Sceau d’Aubry seigneur de La Ferté.” (B.G. 2007)]
     Sur ces entrefaites, l’an 1160, Louis VII perdit la reine Constance, qui mourut en couches d’une fille, le 4 octobre. Quinze jours après, le 19 octobre, avant que le deuil de la cour ne fût terminé et sur les instances du grand chambellan Adam de Beaumont, il épousa Adèle, la plus jeune des filles de Thibaud, comte de Blois et de Champagne, et de Mahaud de Carinthie; le 16 novembre, elle fut solennellement couronnée reine, à Paris, par Hugues de Toucy, archevêque de Sens. Louis VII constitua un douaire à sa nouvelle épouse, ainsi que plusieurs chroniqueurs l’indiquent à propos d’un [p.68] litige avec Philippe-Auguste: «Post decessum patris sui, totam dotem suam, quâ rex Francorum Ludovicus, eam die desponsationis sue dotavit, in integrum redderet...» (1). Sceau de Philippe Auguste Dans plusieurs chartes, Adèle se dit usufruitière de Corbeil: «Nos, qui tunc temporis Corboilum nomine dotalicii tenebamus...» (2). En 1186, Philippe Auguste confirma une aumône de sa mère, en disant «Adela regina, dum Meledunum et Corbolium et Villam Novam, et quasdam alias villas nomine dotalicii, teneret...» (3). Le douaire de la reine Adèle comprit Corbeil, Melun, Villeneuve-le-Roi et d’autres villes qui ne sont point désignées, mais au nombre desquelles il convient de placer La Ferté-Baudouin, Moret, Grez et La Chapelle-en Gâtinais, Château-Landon, Chéroy, Lixy, Voulx, Flagy, Toury-Ferrottes et plusieurs domaines autour d’Orléans.
     (1) Histor. de France, XIII, 182, 324; XVII, 440. [Traduction littérale: “Après la mort de son père, qu’il lui règle l’intégralité de sa dote dont l’avait dotée le roi de France Louis le jour même de ses fianciailles.” (B.G. 2007)]
     (2) DELABORDE, Actes de Philippe-Auguste, n°° 132-133. — Cart. de Saint-Spire, p. 46. — G. ESTOURNET, Les chartes de Franchard (Ann. de la Soc. arch. du Gâtinais, 1913) et tir. à part, p. 48. [Traduction littérale: “La reine Adèle, alors qu’elle détenanit Melun, Corbeil, Villeneuve et certains autres villages...” (B.G. 2007)]
     (3) Arch. de Notre-Dame de Melun (Bull. de la Soc. d’archéol. de Seine-et-Marne, 1878, p. 20).


     Selon l’usage, l’assiette du douaire était établie par une enquête que des commissaires royaux, spécialement choisis, dressaient sur place, peu après la célébration du mariage; leur rapport était consigné dans un rôle dont le contenu n’était délivré à la reine qu’après la mort du roi. Il semble que Louis VII ait voulu déroger à cette coutume et qu’il mit lui-même Adèle de Champagne en possession du douaire, de son vivant, ainsi qu’il ressort des nombreux actes émanés de cette princesse pour l’administration de son douaire: plusieurs années s’écoulèrent cependant avant qu’il pût mettre son projet à exécution.

     La Ferté-Baudouin, qui permettait le libre passage du comté de Corbeil à celui de Melun, avait été imprudemment engagée: il fallait la libérer. Sacrifiant sa sécurité du côté de Dammartin, Louis VII en donna le comté à Aubry III: en 1162, avec son père le chambrier, Aubry confirma la fondation de l’abbaye de Chaalis et les biens donnés par la famille de Senlis; il rédigea cet acte le jour où il fut investi par le roi du comté de Dammartin, «... die qua de manu predicti regis Francorum Ludovici, investituram consulatus Dammartini suscepi» (4). La même année, son beau-frère, Raoul, comte de Clermont, confirma une vente faite à l’église de Breteuil, en présence de sa sœur la comtesse Mahaud, et de son mari, Aubry, comte de Dammartin (5). [p.69]
     (4) Bibl. nat., coll. Moreau LXXI, f°174. — A. LUCHAIRE, Instit. des premiers Capétiens, II, 23. [Traduction littérale: “le jour où il reçut de la main du roi de France Louis l’investiture du consulat (sic) de Dammartin.” (B.G. 2007)]

     (5) Arch. de l’Oise, fonds de Breteuil, H 16. — DE LÉPINOIS, Comtes de Clermont, p. 117. — BATICLE, Nouv. hist. de Breteuil, p. 93.
     Pour des raisons que l’on ignore, la liquidation de l’engagement de La Ferté-Baudouin n’était pas encore terminée en 1166, où Aimery devint abbé de Morigny. Par une charte non datée, Jean, prieur de Notre-Dame de La Ferté, avec l’assentiment d’Aimery, abbé de Morigny, et de son chapitre, ainsi que de son propre chapitre, jugea nécessaire d’acquérir la terre que les religieuses d’Yerres possédaient dans l’île de D’huison, en bordure de la sienne: pour l’obtenir, iI donna en échange sa terre d’Artolu* le contrat, scellé du sceau du prieuré, fut dressé en présence d’Aimery, abbé de Morigny, dudit Jean prieur, de Gautier, sous-prieur et chantre, avec promesse de garantie accordée par Aubry, comte de Dammartin et seigneur de La Ferté (1).
    * Comprenez: de Retolu (hameau de Videlles, canton de La Ferté-Alais, Essonne, dont le nom s’était altéré en Artolu au moins de l’époque de Cassini jusqu’à celle d’Estournet) (B.G., 2008)

     (1) Pièces justif., n°II.
     En 1171, Louis VII rappela qu’un litige s’était jadis élevé entre lui et Aubry de La Ferté, au sujet d’un serf, Guillaume de Villiers, qui devait lui appartenir parce qu’il avait épousé Bourgeoise, serve du roi. Aubry prétendait qu’ils lui appartenaient l’un et l’autre avec leurs enfants, parce que le roi lui avait inféodé le château de La Ferté avec la justice et tous les droits en dépendant: par esprit de conciliation, Aubry avait renoncé à ses prétentions. Depuis, à la demande de Joubert Briard et de Jean de La Ferté, chevaliers et seigneurs de Villiers, le roi affranchit Guillaume, sa femme et ses enfants (2).
     (2) TARDIF, op. cit., n°629. — LUCHAIRE, Louis VIl, n° 606.
     D’autre part, à l’époque où le château de Dammartin était en sa possession, Louis VII avait donné à l’Hôtel-Dieu de Paris une grange située entre Mitry et Mory. Depuis, Aubry étant entré en possession du château et de la grange, il avait dédommagé l’Hôtel-Dieu en lui cédant la grange de Cognenpuit que ledit Aubry lui avait rendue avec La Ferté. Un diplôme fut expédié en 1176 pour expliquer l’échange (3), mais, pas plus que le précédent, il ne relate un fait récent; l’un et l’autre sont des confirmations d’actes antérieurs, dont la date n’est pas connue. J’estime que La Ferté Baudouin fit retour au domaine royal en principe l’an 1162, ou le comté de Dammartin fit la contrepartie de l’échange; la délivrance ne fut cependant effectuée qu’en 1166 ou peu après.


     (3) BRIÈLE et COYECQUE, Arch. de l’Hôtel-Dieu de Paris, n°8. — LUCHAIRE, op. cit., n° 704.
     J’ai dit que La Chapelle-en-Gâtinais fut comprise dans le douaire: ainsi appelée dans un texte de 1154 Capella Gastinedi et un peu plus tard Capella in Vastineto, elle est expressément désignée comme domaine royal dans un diplôme de 1169, par lequel Louis VII donna au chapelain de Saint-Saturnin au palais [p.70] de Fontainebleau trois muids de blé à prendre sur sa grange de La Chapelle. Son nom était changé dès 1173, où Guillaume aux Blanches-Mains, archevêque de Sens, donna la dîme de Meung, paroisse d’Achères, aux moines des Fossés, résidant à La Chapelle- la-Reine: «... decimam loci qui dicitur Meun... in parrochia Acheriarum... monachis Fossatensibus, qui sunt in villa que dicitur Capella Regine super Liricantum, donavimus» (1). Comme frère de la reine, ce prélat était certainement bien au courant de ce qui se passait à la cour, et il se conforma aux actes et aux désirs du roi en dénommant à son exemple cette paroisse de son diocèse, La Chapelle-la-Reine, nom qui lui est resté depuis.
     (1) Arch. Nat., S 1874 n° 4, original; LL 46, f°27. — E. THOISON, Petites notes d’histoire gâtinaise, II, 6; Almanach de Seine-et-Marne, 1913. [Traduction littérale: “nous avons donné ... la dîme du lieu appelé Meung... dans la paroisse d’Achères... aux moines de Saint-Martin-des-Fossés qui sont dans le village appelé La Chapelle-la-Reine sur Larchant.” (B.G. 2007)]
     Villeneuve-le-Roi, dont Louis VII bâtit sur les bords de l’Yonne l’enceinte puissamment fortifiée, l’église et le château des Salles, dont relevaient quinze grands fiefs, notamment les seigneuries de Villefranche, de Dicy et de Villeneuve-les-Genêts, devint Villeneuve-la-Reine de par la volonté de son fondateur. Ce fut certainement pour se conformer à l’appellation adoptée par la Cour que le scribe du plus ancien cartulaire de Philippe-Auguste, transcrit avant 1204, détailla ses revenus sous la rubrique: «Census et redditus de Villa Nova Regine» (2).
     (2) Arch. nat., JJ 9; 26, f°302.[Traduction littérale: “Cens et revenus de Villeneuve-la-Reine.” (B.G. 2007)]
     Chalo, dans le comté d’Étampes, fut acheté par Adèle de Champagne aux religieux de Saint-Aignan d’Orléans, qui se réservèrent les églises construites ou à construire, les menues dîmes, la terre de Chicheny avec le cens, la justice et la rente en blé que leur payait l’Hôtel-Dieu d’Étampes. Par un acte daté de Boiscommun en 1174, elle donna en échange Artenay, Autroche et Assas, de plus trois charruées de terre à Donnery et une demie à Ruan avec dîme et champart, provenant de ses acquisitions; elle déclara céder les serfs et serves de ces domaines ou dépendant de la prévôté d’Artenay, sauf Hugues le Vieux et ses héritiers, que le roi gardait pour lui et qui tiendraient leurs possessions en villenage de Saint-Aignan. En reconnaissance, les religieux s’engagèrent à célébrer son anniversaire au jour de ses obsèques et à distribuer quarante sous à ceux qui y assisteraient (3).
     (3) HUBERT, Antiquitez de l’église Saint-Aignan d’Orléans, pr., p. 83.
     Les biens échangés provenant d’acquisitions, on ne saurait douter que la reine jouissait d’une certaine autonomie dans l’administration de son douaire. Ainsi, pour favoriser le développement de Chalo, dont les habitants étaient de condition servile, elle leur accorda l’affranchissement et le bénéfice des coutumes de Lorris. [p.71] Supprimant taille, tolte, aide et toute levée d’argent extraordinaire, elle leur imposa seulement une redevance assez minime, le cens, qu’elle fixa à cinq deniers par an pour une maison et un arpent de terre. L’année suivante, Louis VII confirma l’octroi de ces coutumes, mais en se réservant la justice de l’homicide; il ratifia aussi l’affranchissement, à condition qu’il ne serait pas étendu à des serfs ou serves provenant de ses terres (1). Un peu plus tard, Adèle donna Chalo aux Templiers qui, par reconnaissance, le dénommèrent Chalo-la-Reine (2).
     (1) Arch. nat., JJ 149, n°38. — Ordonnances, VIII, 34. — M. PROU, Coutumes de Lorris, p. 111.
     (2) Arch. nat., S 5702, p. 27. — L’ESCORNAY, Mém. de la ville de Dourdan, p. 50. — A. MOUTIÉ, Recueil de chartes du prieuré Notre-Dame des Moulineaux, p. 77.
     La délivrance du douaire que la charte de La Chapelle-la-Reine fixe antérieurement à 1173 fut la cause évidente de l’appellation «la Reine» donnée à ces diverses localités: ainsi en fut-il pour La Ferté-Baudouin, que le roi Louis VII a baptisée lui-même La Ferté Alais, diminutif de Adelaidis ou Adela. Par un diplôme de 1177, signé à Orléans, dont l’original existe encore aux Archives de Seine-et-Oise, ce prince donna aux religieuses de La Saussaye, près de Villejuif, tant lépreuses que autres, la dîme du pain et du vin consommés à La Ferté-Alais pour son service, celui de la reine et de son fils Philippe; en outre, pour le salut de son âme et de ses prédécesseurs, il leur concéda les chevaux de charge de son écurie qui seraient incapables de travailler (3). Pour que cette donation ne fût point illusoire, on est obligé d’admettre que la cour faisait de fréquents séjours au château de La Ferté, classé dès cette époque parmi les résidences royales. A la mort du roi, la dénomination de La Ferté-Alais était devenue officielle à la chancellerie de Sens, témoin cette charte de 1181, par laquelle l’archevêque Guy attesta qu’en sa présence, Jean, chevalier de La Ferté-Alais, avait donné aux religieux de Seine-Port deux muids d’hivernage et quatre muids de vin sur sa dîme de Villiers le-Châtel (4).
     (3) Pièces justificatives, n° IV. — L’objet de cette donation fut remplacé par une rente fixe en vertu de lettres patentes du 14 octobre 1581 (Arch. de Seine-et-Oise, D 1381, f°28).

     (4) Arch. de Seine-et-Oise, 71 H 1, original: édit. Annales de la Soc. Arch. du Gâtinais, 1893, p. 111.
     Il ne saurait y avoir de doute que la châtellenie de La Ferté Alais ait été comprise dans le douaire d’Adèle de Champagne. Par une charte signée à Moret le 30 avril 1200, elle usa de ses droits de châtelaine en approuvant la donation d’un demi-muid de blé à prendre tous les ans sur le champart de Courances, que [p.72] Pétronille, femme d’Adam de Cramayel, avait faite au prieuré de Franchard, dans la forêt de Bière; elle déclara qu’elle avait reçu l’assentiment de ses fils, Ferry et Adam, ainsi que du premier seigneur, Garmond de Courances (1). Or Courances faisait partie de la châtellenie de La Ferté, témoin les lettres par lesquelles, en 1372, Charles V accorda un droit de chasse à son «amé et féal Jean Monsseau, chevalier, seigneur de la ville de Couzance en la chastellenie de La Ferté-Aleps» (2) et les aveux répétant à chaque génération: «... Adveue à tenir du Roy en foy et hommaige, à cause de son chastel de La Ferté-Aleps, la congnoissance des nobles que j’ay en ma dite terre et seigneurie de Cousances... (3)». L’enquête de 1543 sur la consistance de la châtellenie y inclut Courances; un mémoire de 1758, concernant le domaine de La Ferté, analyse les baux des droits de la châtellenie à Courances (4).
     (1) G. ESTOURNET, Les Chartes de Franchard (Ann. du Gâtinais, 1913), n°XII.
     (2) Abbé BOULAY, La seigneurie de Courances (Ann. du Gâtinais. XI), p. 362.
     (3) Arch. du Loiret, A 1483, copie ancienne de l’aveu de Courances, par JEAN DU MONCEAU, seigneur dudit et de Cély, décembre 1355. — Arch. nat., P 64, n°2705; 65.2, n°2757, etc.
     (4) Arch. Nat., R4 943.
     Je ne puis passer sous silence l’opinion du regretté Henri Stern, fondateur et président de la Société archéologique du Gâtinais, exprimée dans un article sur l’Origine du nom de La Ferté-Alais (5). Il viendrait «d’Adélaïde (que le texte appelle Aeliz), femme du maréchal de France, Aubry Clément, que l’on voit consentir, en 1187, au don octroyé par son mari à l’Hôtel-Dieu de Paris d’un muid de blé de rente à prendre sur les moulins de La Ferté» (6). Je peux même ajouter que, par un acte de 1208 qu’il n’a point connu, Robert Clément, frère et héritier du donateur, confirma aux religieux de Saint-Denis vingt sous de rente sur sa censive de La Ferté-Alais, que les deux époux avaient légués, avant leur mort, pour l’entretien d’une lampe devant l’autel de Saint-Eustache, «de censibus suis de Feritate Aales» (7). Que disent ces deux actes? Le maréchal jouissait d’une rente sur les moulins de La Ferté, ex redditu molendinorum de Firmitate; il ne dit pas sur ses moulins, lesquels avec la châtellenie appartenaient à la couronne, comme en témoignent les diplômes de 1120, 1145 et 1182; il [p.73] possédait seulement une censive, donc il n’était que seigneur de fief et point châtelain. Ainsi qu’on le verra au chapitre suivant, en 1205, le roi donna la châtellenie et ses moulins à Guillaume des Barres (1), qui les transmettra à ses héritiers. Dans ces conditions, en vertu d’un rôle tout à fait chimérique, sans la moindre preuve, basé uniquement sur une analogie de prénom, il est inadmissible que la femme du maréchal ait pu donner son nom à La Ferté. D’ailleurs, Robert Clément, qui rédigea sa charte trois ans après l’investiture de Guillaume des Barres, se servit de deux variantes dans l’orthographe et indiqua lui-même qu’il n’identifiait pas sa belle-sœur Alix, Aaliz, avec la dame de La Ferté, Aales.


     (5) Ann. de la Soc. Archéol. du Gâtinais, 1933, XLI, 199.

     (6) E. COYECQUE et BRIÈLE, Arch. de l’Hôtel-Dieu de Paris, p. 18. — DELABORDE, Actes de Philippe-Auguste, n° 219. — A. MOLINIER, Obituaires. I, 128.


     (7) Pièces justificatives, n°VI. [Traductions littérales: “de leurs cens de la Ferté-Alais (...) du revenu des moulins de la Ferté.” (B.G. 2007)]





     (1) BEUGNOT, Les Olim, 103.
     La jouissance de La Ferté ne fut pas exempte de tribulations pour Adèle de Champagne: sacré à Reims, le 1er novembre 1179, du vivant même de son père, Philippe-Auguste commença son règne par une rupture avec sa mère et ses oncles. La politique qu’il adopta sur les directives du comte de Flandre et de Robert Clément, son conseiller intime, groupa contre lui un puissant parti dont sa mère prit la tête. Elle mit ses châteaux en état de défense, marquant sa volonté d’appuyer son opposition par les armes, si le besoin s’en faisait sentir: «Ob hoc castra sue dotis mater contra filium munire presumpsit. Quo comperto, a filio expulsa, ad fratres suos confugit» (2). Informé de ces mesures hostiles, Philippe Auguste riposta en s’emparant de La Ferté-Alais et des autres châteaux du douaire; il en expulsa les garnisons et les remplaça par des troupes sûres. Chassée de partout, Adèle se réfugia auprès de ses frères, et dans un premier moment de colère s’efforça d’envenimer leurs sentiments à l’égard du roi: déjà, le sénéchal Thibaud, comte de Blois, et Henri, comte de Champagne, se préparaient à attaquer les troupes royales, tandis que leurs émissaires informaient de la situation Henri, roi d’Angleterre, qui s’empressa de venir sur le continent, peu avant Pâques 1180. Le 20 avril, il convoqua son armée; Philippe-Auguste en fit autant. Néanmoins, le 28 juin, une entrevue eut lieu entre Gisors et Trie: les deux monarques commencèrent par renouveler le traité de paix réglant leurs rapports. Puis, Henri réussit à réconcilier Philippe-Auguste avec sa mère et ses oncles. Le roi de France promit de servir à sa mère une rente de sept livres par jour, tant que sou père vivrait; à sa mort, il lui remettrait le douaire, à l’exception des châteaux et des forteresses (3). Sur ces entrefaites. Louis VII [p.74] mourut à Paris, le 18 septembre 1180, et fut inhumé en l’abbaye de Barbeau, au-dessous de Melun. Oubliant les réserves énoncées lors de la réconciliation, Philippe-Auguste rendit intégralement le douaire à sa mère (1). Pour preuve de ses bons sentiments à son égard, durant l’été de 1181, il vint faire, à La Ferté, un séjour durant lequel il octroya un diplôme aux bourgeois de Saint-Martin de Châteauneuf (2).
     (2) Histor. de France, XII, 298; XIII, 182, 205, 324; XVII, 439, 617, 661; XVIII, 141, 133. [Traduction littérale: “Pour cette raison la mère n’hésita pas à fortifier place forte de son douaire à l’encontre de son fils.” (B.G. 2007)









     (3) Histor. de France, XIII, 183, 324.

     (1) Histor. de France, XVIII, 141.
     (2) L. DELISLE, Actes de Philippe-Auguste, n°21. — DELABORDE. Actes de Philippe-Auguste, n°30.
Sceau de Philippe Auguste      Au mois de juin 1190, par une ordonnance de Philippe-Auguste qui partait pour la croisade, Adèle de Champagne se vit confier la régence du royaume, qu’elle garda jusqu’à Noël 1191 (3). Désormais elle vécut paisiblement dans son douaire, s’efforçant par de sages mesures d’y relever l’agriculture et le commerce. La Chapelle la-Reine, Villeneuve-la-Reine, Flagy, Melun, Corbeil, Chalo, etc., avaient leurs chartes de franchises: La Ferté-Alais aurait-elle été moins favorisée? C’est peu probable et il n’est point téméraire d’avancer qu’elle affranchit ses habitants et leur octroya les privilèges de bourgeoisie dont on constate l’existence quelques années plus tard (4). Ses rapports avec ses administrés m’entraîneraient dans de trop longs développements: ils feront l’objet d’une étude spéciale. Elle mourut le 12 juin 1206 et fut inhumée en l’église abbatiale de Pontigny, devant le maître-autel, où un mausolée lui fut élevé (5).

     Au début de 1205, avec le consentement de sa mère, Philippe Auguste donna la châtellenie de La Ferté-Alais à Guillaume III des Barres en récompense de ses services et probablement, aussi, comme soulte de l’échange conclu avec sa femme, Amicie de Beaumont. Robert, comte de Leicester, venait de mourir sans enfants: sa sœur Amicie devait hériter de ses possessions, mais Jean Sans-Terre mit la main sur ses domaines situés en Angleterre. Quant à Breteuil et aux fiefs normands qui appartenaient aussi à Robert, Amicie les échangea, fin 1204, avec Plïilippe-Auguste, contre la châtellenie de Saint-Léger-en-Yveline. D’un premier mariage [p.75] avec Simon III de Montfort qui mourut le 13 mai 1181 (1), elle avait eu, entre autres enfants, Simon IV, rendu célèbre par sa croisade contre les Albigeois, et Guy, seigneur de Brétencourt, qui fut apanagé d’une partie de La Ferté-Alais relevant de l’aîné des Montfort, antérieurement à la mort de Guillaume des Barres, son beau-père; cette attribution ne peut s’expliquer que par un droit de sa mère dont il aurait hérité.
     (3) DELABORDE, Actes de Philippe-Auguste, n°345. — Histor. de France, XVII, 29, 370.



     (4) En juin 1231, «Adam burgensis de Firmitate Aales» vend une vigne aux religieux de Barbeau, et présente comme caution Thibaud de Seine-Port, chevalier, qui se constituera prisonnier au château de La Ferté en cas de perturbation (Bibl. nat., ms. latin 5466, p. 312). — En mai 1243, Simon, prieur de La Ferté, notifie que Jean de La Cour, «burgensis de Feritate Aales», vend une vigne aux Hospitaliers (Arch. nat., S 5146A, n°34).

     (5) QUANTIN, Not. sur les tombeaux de Pontigny (Bull, de la Soc. Sciences de I’Yonne, 1847), p. 278. — A. MOLINIER, Obituaires, I, 44, 138, 283, 400, 442, 617.

     (1) A. RHEIN, La seigneurie de Montfort, p. 58.



     En donnant La Ferté, Philippe-Auguste s’en réserva l’hommage, auquel il était lui même astreint vis-à-vis de l’évêque de Paris. Par acte de décembre 1222, il fut reconnu qu’à raison de La Ferté il ne pourrait être cité en justice, mais il serait tenu de payer à l’évêque, son suzerain, soixante sous pour un cierge, et de fournir un chevalier pour le porter à sa première entrée dans la ville épiscopale (2), charges qui furent imposées à Guillaume des Barres et à ses successeurs et qui subsistaient encore lors de l’enquête de 1543.

     Notons, en passant, qu’en 1182 Philippe-Auguste avait confirmé à l’abbaye de Morigny la possession des églises de La Ferté, en termes identiques à ceux des diplômes de 1120 et de 1145 (3), et en 1190, aux religieuses d’Yerres, la franchise de la terre de Marbois (4).
     (2) TEULET, Layettes du Trésor des Chartes, I, 555. — En 1219, Baudouin de Corbeil et Thibaud le Maigre furent désignés par le roi pour l’hommage de La Ferté-Alais, Corbeil et Montlhéry, et pour porter la chaise de l’évêque, Guillaume de Montfort, à son entrée dans la cathédrale (GUÉRARD, op. cit., I, 158). — Arch. nat., R4 943. — J. DEPOIN, Les Vicomtes, p. 36.
     (3) MENAULT, Morigny, cart., p. 34.
     (4) DELABORDE, op. cit., n°304.
   
 
7. GUILLAUME III DES BARRES († 1233)

Blason de la famille des Barres      Guillaume III des Barres, seigneur d’Oissery-en-Brie, Forfry, Saint-Pathus, Silly, Gondreville et La Ferté-Alais, comte de Chalon-sur-Saône, se fit une telle réputation de bravoure et de loyauté que les chroniqueurs le surnommèrent le brave des braves, l’Achille de son temps, le plus renommé chevalier qui fut sous le règne de Philippe-Auguste et le placèrent dans leurs relations, lui simple chevalier, avant les plus grands noms de France, tant était profonde l’estime qu’avaient de lui ses contemporains. Rigord dans Les Gestes de Philippe-Auguste, Guillaume le Breton dans la Philippide, aussi bien que dans sa Chronique, et les historiens des croisades en ont fait un héros légendaire. Son oraison funèbre [p.76] dit qu’il était beau, bien fait, d’une haute stature, joignant l’agilité du corps à une force athlétique peu commune (1).

     (1) E. GRÉSY, Not. gén. sur Jean des Barres. — E. GRÉSY, Rouleau mortuaire de Guillaume des Barres. — H. STEIN et P. QUESVERS, Inscriptions de l’ancien diocèse de Sens, III, 416, et tirage à part. — A. LONGNON, Livre des Vassaux du Comté de Champagne, p. 275. — F. LABOUR, La châtellenie suzeraine d’Oissery. — M. PROU, Notice sur G. des Barres (Mém. de la Soc. arch. de Sens, 1851).
     En 1186, Guillaume des Barres escorta Philippe-Auguste en Bourgogne où il accourait contre le duc Hugues III: au siège de Châtillon-sur-Seine, montant le premier sur les murailles, il mit en fuite les assiégés terrifiés qui allèrent aussitôt se renfermer dans la citadelle. La guerre ayant éclaté entre la France et l’Angleterre, Richard s’approcha devant Nantes pour en faire le siège, mais le brave des Barres le repoussa vigoureusement. A la tête de son escadron, il chargea si furieusement qu’un instant il porta le désordre au milieu des Anglais. Richard étant accouru avec sa noblesse de Normandie, le fit prisonnier et lui rendit aussitôt la liberté «par la grande estime qu’il s’était acquise au fait de chevalerie». Guillaume le Breton ajoute que des Barres eut l’honneur de faire le coup de lance avec Richard lui-même et qu’ils s’attaquèrent avec tant de vigueur, que leurs lances traversèrent bouclier, cuirasse et gamberon, mais leurs plastrons seuls les empêchèrent de s’entre-percer, ce qui est probablement un peu exagéré. Il fut blessé au combat de Soindres (2).
     (2) Gesta Philippi Augusti Rigordi liber, passim; Gesta Philippi Augusti Guillelmi Armorici, passim, éd. F. Delaborde.
     Au mois de juillet 1190, il partit pour la croisade: en arrivant à Messine, il fut gratifié par Philippe-Auguste d’un don de quatre cents marcs pour les pertes qu’il avait subies en mer (3). Il se distingua à la bataille d’Assur en 1191 au moment où les Sarrasins revenaient à la charge après un sanglant échec, Guillaume des Barres et Richard Cœur de Lion les dispersèrent de nouveau après un combat beaucoup plus meurtrier que le premier. Philippe Auguste étant revenu en France, il resta quelque temps avec le roi d’Angleterre et l’accompagna au siège de Jaffa. De retour dans sa patrie, en 1195, il refusa de se laisser corrompre par l’argent de ce monarque (4).
     (3) Les grandes chroniques de France, édit, P. Paris, IV, 75. — H. MARTIN, Hist. de France, III, 539.

     (4) Histor. de France, XVIII, 61, 542, 598.
     En 1196, des Barres commanda l’arrière-garde à Aumale et se conduisit brillamment. En 1197, près de Gisors, Philippe-Auguste fut surpris avec une petite escorte: pour lui permettre de se replier, Guillaume des Barres combattit jusque tant qu’il fut accablé [p.77] par la multitude des ennemis. Il fut pris et présenté à Jean Sans-Terre aux grandes acclamations que le roi était pris. «Mais des Barres, se découvrant, dist: «Vous n’avez pas le roy, mais un pauvre chevalier des moindres du royaume.» — Répliqua le roi d’Angleterre: «Barroys, puisque je t’ai, je n’ay mie failly», et, dit-on, il lui rendit la liberté (1).»
     (1) E. GRÉSY, Rouleau mortuaire.
     En 1199, il alla mettre Tours à l’abri des incursions des barons du Poitou; il prit part aux sièges de Château-Gaillard, en 1202, d’Andelys, en 1203, de Pontorson, de Falaise, de Mortagne et de Rouen, en 1204, où il souscrivit la trêve qui se termina par la reddition de la ville et acheva la conquête de la Normandie. Il accompagna Guy de Thouars en Bretagne. Le 1er juin 1213, à Dam, il repoussa l’attaque de Guillaume Longespée et de la flotte anglaise (2).
     (2) PETIT-DUTAILLIS, Louis VIII, p. 42.
       Au printemps de 1214, raconte Pierre des Vaux de Cernay dans l’Histoire de la croisade des Albigeois, des Barres vint contribuer au siège de Narbonne avec deux cents chevaliers: dans une attaque, Simon de Montfort eut sa selle rompue d’un coup de lance et tomba en grand danger d’être tué ou fait prisonnier; des Barres, qui commandait l’arrière-garde et ville péril, chargea furieusement l’ennemi, l’obligea à se replier en désordre sur la ville et ramena Simon indemne (3). En octobre de la même année, à la bataille de Bouvines, il fut placé à côté de Philippe-Auguste, que l’ennemi chercha à tuer pour vaincre plus facilement son armée: à un moment, le roi fut renversé de cheval, et l’empereur Othon était presque parvenu à l’atteindre: c’en était fait de lui, si des Barres, accompagné de quelques chevaliers, n’était accouru à son secours et n’eût fait une puissante diversion par sa valeureuse attaque; il parvint en effet à dégager le roi et à faire lâcher pied aux ennemis qui l’entouraient; il tenait même l’empereur Othon par le cou, prêt à le tuer, lorsqu’il eut son cheval tué sous lui par Girard de Horstmar; dégagé par Thomas de Saint-Valéry, il continua à combattre jusqu’au succès final (4). Sur les états de mobilisation dressés à cette occasion, Guillaume des Barres figure parmi les chevaliers bannerets du Vexin, et au nombre des chevaliers du comté de Dammartin possédant plus de soixante livres de revenu (5). Des champs de bataille, passons à la cour de France: en juin 1196, Guillaume des Barres assista au conseil devant lequel [p.78] fut lue la charte de Renaud, comté de Boulogne, promettant fidélité au roi (1). En avril 1198, il jura au nom du roi les conditions sous lesquelles Thibaud III, comte de Champagne, était admis à la ligéité (2). En 1200, il fut l’un des seigneurs que Philippe-Auguste donna pour caution à Blanche de Navarre des conventions relatives à l’éducation et à la garde de la fille de cette princesse. L’année suivante, il garantit au roi que le mariage de la fille de Blanche ne pourrait causer aucun dommage au royaume (3). Vers 1202, comme membre du conseil privé, il figura parmi 1e grands barons appelés pour rendre l’arrêt de la cour du roi, déclarant que le vidame de Châlons-sur-Marne n’avait aucun droit sur la régale de l’évêché de cette ville (4).

      En 1204, il fut un de ceux qui se portèrent caution de la fidélité au roi d’Alix, comtesse d’Angoulême (5). Au mois d’août 1208, il fut choisi comme arbitre entre Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, et Blanche, comtesse de Champagne, au sujet de Brégy (6). Le 18 septembre 1214, il fut l’un des garants de la trêve conclue par Philippe-Auguste avec Jean Sans-Terre, roi d’Angleterre (7). En avril 1216, avec Mathieu de Montmorency, il fut envoyé par Philippe-Auguste vers la comtesse de Champagne pour en recevoir l’assurance qu’elle observerait sa trêve avec Erard de Brienne (8). En novembre 1217, il se porta garant, à concurrence de 200 marcs, de la fidélité de Robert de Courtenay envers le roi, et en 1221; de celle de Guy de Saint-Paul, jusqu’à 500 marcs (9). Le 1er mars 1221, il fut l’un des barons qui rendirent compte de la conduite de l’évêque de Paris dans son procès avec le roi au sujet du clos Bruneau (10).

Bouvines (BNF, fr 2813, f°253v, 14 e siècle)
Bouvines (Grandes Chroniques de France, XIVe s.)

     (3) Mon. Germ. hist. scriptores, XXIII, 902. — Histor. de France, XVIII, 785. — P. DES VAUX DE CERNAY, Hystoria Albigensis, édit. P. Guébin et E. Lyon, II, 195; III, 159.
     (4) Les grandes chroniques, IV, 184.
     (5) Histor. de France, XXIII, 686, 689.
     (1) TEULET, Layettes du Trésor des Chartes, V, 42.
     (2) TEULET, op. cit., I, 196.
     (3) Arch. nat., B VI, f°1.
     (4) L. DELISLE, op. cit., p. 503.

     (5) TEULET, op. cit., I, n°742. — L. DELISLE, n°° 811, 812.
     (6) BRUSSEL, Usage des fiefs, p. 100. — D’ARBOIS DE JUBAINVILLE, Hist. des comtes de Champagne, n°690.
     (7) TEULET, op. cit., I, n°1082.
     (8) TEULET, op. cit., I, n°1182. — D’ARBOIS, n°963. L. DELISLE, n°1658.
     (9) TEULET, op. cit., I, n°1269. — La pièce est aujourd’hui en déficit selon Dupuy, G. des Barres y était qualifié comte; ibid., n°1448.
     (10) TEULET, op. cit., I, n°1439. — L. DELISLE, op. cit., n°2034.
     Des Barres continua à servir Louis VIII, comme il avait servi son père. Le 3 novembre 1226, à Montpensier, avec les barons présents, il jura à Louis VIII mourant de faire couronner tout de suite son fils Louis (11). [p.79]
     (11) TEULET, op. cit., II, 96. — PETIT-DUTAILLIS, La vie et le règne de Louis VIII, p. 145.
     Guillaume des Barres excellait particulièrement dans les tournois en l’honneur des dames: il est question d’un tournois à Saint-Trond, ou l’auteur fait figurer en vantant sa beauté et son prix, le chevalier Guillaume des Barres (1); ce côté de sa vie ayant déjà été signalé par plusieurs auteurs, il est superflu d’y revenir.
     (1) Le roman de la Rose ou de Guill. de Dôle, éd. G. Servais, p. LXVI, 21, 63. — A. LONGNON, Livre des vassaux du comté de Champagne, p. 276. — H. STEIN, Inscriptions de Sens, III, 418.
     Voyons maintenant Guillaume des Barres dans ses terres: en 1177, il consentit à une donation de son père Guillaume aux religieuses de Noëfort (2). En 1182, avec l’assentiment de Jean, son frère, il donna au couvent de Fontaines-les-Nonnes sept muids de grain sur la dîme de Forfry, pour l’âme de son père défunt, en échange de pareille rente sur la grange de Notre-Dame de Châge (3). En 1194, avec l’assentiment de ses frères et sœurs, il assigna au même prieuré deux muids de froment et neuf setiers d’avoine sur le tensement de Mitry pour le repos de l’âme de sa sœur Agnès. La même année, il lui confirma en qualité de suzerain la donation de son frère Jean sur la taille d’Ognes (4).
     (2) T. DUPLESSIS, Hist. de l’église de Meaux, II, 64.


     (3) DUPLESSIS, op. cit., II, 69.


     (4) DUPLESSIS, op. cit., II, 80.
Blason de la famille des Barres      En 1200, Guy d’Orville et Guillaume, son frère, ayant vendu au prieuré du Val Notre-Dame les droits de champart et d’hivernage qu’ils avaient sur les terres de cette église situées près d’Orville, Guillaume des Barres accorda à ce prieuré des lettres de garantie de cette vente à cause de son comté de Chalon-sur-Saône, dont ces terres relevaient. Dans l’acte, il n’a pas pris le titre de comte de Chalon. Le sceau, rond, de 70 millimètres, représente un château à trois tours, avec cette inscription autour: + SIGILLVM. WILLELMI. DE. BARRIS. Le contre-sceau offre un écu losangé, avec ces mots qui continuent l’inscription de la face: + COMITIS. CABILONIS (5). Vers 1198, Guillaume II, comte de Chalon, se fit moine à Cluny: sa fille Béatrix était en instance de divorce avec Étienne, comte d’Auxonne. Il est probable que Philippe-Auguste confia l’administration du comté à des Barres, en attendant que l’autorité ecclésiastique eût prononcé la dissolution de leur mariage pour cause de parenté. Ce fut seulement au mois de janvier 1203 que Béatrix prit la gestion du comté (6).
     (5) Arch. nat., S 4185, n°1, original scellé. — Ed. E. GRÉSY, Not. sur Jean des Barres, p. 10. — DOUET D’ARCQ, Invent. des sceaux, n° 1295. [Traduction littérale: “Sceau de Guillaume des Barres .... comte de Châlon.” (B.G. 2007)]

     (6) J.-L. BAZIN, Les comtes héréditaires de Chalon-sur-Saône, p. 83.
Blason de la famille des Barres      En 1201, Guillaume des Barres notifia que son beau-frère, Guillaume Clugnet, avait vendu à l’abbaye de Chaalis pour 60 livres trois arpents de vigne, dénommés la vigne des Barres et [p.80] situés à Torigny, ainsi que deux sous de cens sur trois masures au même lieu; Alix, femme du donateur, et Guillaume, leur fils aîné, y consentirent, ainsi que Jean son frère; comme suzerain du tout, à l’exception de trois deniers dus à Eudes de Poincy, il accorda l’amortissement. A l’original, est appendu un sceau rond de 85 millimètres, en cire blanche, représentant un château à trois tours, avec l’inscription: + SIGILLVM. WILLELMI. DE BARRIS. Le contre-sceau, de 50 millimètres, diffère du précédent, en ce que l’écu losangé est entouré de ces mots: + S’. WILLELMI. DE. BARRIS (1). En 1202, Geoffroy, évêque de Senlis, confirma cette vente et enregistra le consentement de Simon de Guignecourt, beau-frère de Guillaume Clugnet, de Jean son frère, d’Alix sa femme, de Guillaume son fils, de Hugues de Ver son beau-père, et de Comtesse, femme de celui-ci, enfin de Marguerite et de Marie, sœurs du donateur (2). En 1203, Guillaume des Barres amortit à l’aumône de la même abbaye la dîme de Marchémoret que Guillaume Clugnet, son beau-frère, avec sa femme et son fils, lui avait vendue pour 70 livres le sceau est identique à celui qui a été décrit. Il y eut des lettres confirmatives de Geoffroy, évêque de Senlis, et d’Anseau, évêque de Meaux (3).
     (1) Bibl. nat., ms. latin 17113, p. 309; coll, de Picardie, 331, n°10, original. [Traduction littérale: “Sceau de Guillaume des Barres... S(ceau) de Guillaume des Barres.” (B.G. 2007)]


     (2) Bibl. nat., coll. Picardie 331, n°11, original; — ms. latin 17113, p. 310; ms. latin 11003, n° 983.

     (3) Bibl, nat., ms. latin 17113, p. 164; ms. latin 11003, f°254, n°981.
Sceau de Philippe Auguste      J’ai dit qu’en 1205, Guillaume des Barres fut récompensé de ses services par la donation de La Ferté-Alais. Il trouva une situation compliquée s’il faut en croire le cartulaire de Philippe Auguste (4). Ainsi, Gautier, chevalier de Lardy, déclara tenir ses biens de Guillaume des Barres, mais être homme-lige du roi pour ce qu’il possédait à Lardy et la moitié de deux moulins, à cause de quoi il devait deux mois de garde à Montlhéry. Robert de Varennes était également homme-lige du roi et lui devait deux mois de garde à Montlhéry pour ce qu’il avait à La Ferté, à Groteau et à Pierre-Omaise, ainsi que pour les possessions de son oncle Guérin à Bonnes, une charruée de terre à Artolu*, le bois Guérin et la maison de La Fauque à La Ferté. Guillaume de La Ferté était aussi homme-lige du roi et astreint au même devoir pour ses biens de Verville. Arode du Plessis, mêmes obligations pour ce qu’il tenait à Villiers, à la chaussée de La Ferté. De même, Jean Briard, chevalier et seigneur de Villiers, relevait de Montlhéry, pour un fief à La Ferté. Enfin, Philippe-Auguste avait accordé aux habitants de Mondeville, vassaux du prieuré de Saint-Éloi à [p.81] Paris, la faculté d’acheter et de vendre, sans payer de droits, au marché de La Ferté les denrées venant de Mondeville: ce sera, après sa mort, l’objet d’un litige (1). Grâce à cette donation, Guillaume des Barres, déjà chevalier banneret, fut inscrit sur le rôle des châtelains (2).
     (4) Arch. Nat. JJ 8. — Histor. de France, XXIII, p. 671, 673.


    * Corrigez: de Retolu (hameau de Videlles, canton de La Ferté-Alais, Essonne) (B.G., 2008)

     (1) BEUGNOT, Les Olim, 281, arrêt d’Octave de la Chandeleur 1268.
     (2) Histor. de France, XXIII, 683, 686.
     Son premier souci fut de réviser les usagers du Buisson de Marbois il demanda aux religieuses d’Yerres de justifier leur usage au bois mort. Après enquête, dans laquelle fut certainement produite la charte d’Aubry de Dammartin, il déclara qu’il n’avait aucun droit de s’opposer à cet usage et le confirma tant pour la maison d’Artolu* que pour les neuf hôtes de Marbois; malgré cette concession, il demeurera libre d’aliéner le bois quand bon lui semblera, mais son aliénation n’abolira point le privilège d’usage. Il imposa à la maison d’Artolu et aux hôtes de Marbois l’obligation de faire moudre leur grain à son moulin banal; au cas où le moulin serait occupé, il faudrait attendre qu’il fût libre. Cet acte, daté de 1205, est identique à celui octroyé par Aubry de Dammartin; il en existe un exemplaire délivré sous le sceau du doyen de Melun; la même année, entre le 10 avril et le 31 octobre il fut confirmé par un diplôme de Philippe-Auguste (3).
    * Corrigez: de Retolu (hameau de Videlles, canton de La Ferté-Alais, Essonne) (B.G., 2008)

     (3) Pièces justificatives, n° 5.
     En 1206, avec l’assentiment de son fils Guillaume, des Barres confirma la donation faite par Guillaume Clugnet à l’aumône de Chaalis de la dîme d’une terre qu’il tenait de lui en fief le sceau est toujours le même (4). Désormais, pour éviter toute confusion, il s’appellera Guillaume le père, et son fils, Guillaume le jeune.
     (4) Bibl. nat., ms. latin 17113, p. 164.
     Par un acte donné publiquement à La Ferté, en 1207, il notifia que Jean Langevin, chanoine de Saint-Spire de Corbeil, avait légué à son église soixante sous de rente à percevoir sur une censive comprise dans la châtellenie de La Ferté et relevant de Guy de Bonnes, chevalier, qui la tenait en fief du châtelain. Il en accorda l’amortissement à condition que les chanoines célébreraient l’anniversaire de son père, Guillaume la promesse fut tenue et ils en marquèrent la commémoration sur leur obituaire au 13 novembre (5).
     (5) COUARD-LUYS, Cart. de Saint-Spire, p. 60, 170.
     En septembre 1213, devant Geoffroy, évêque de Meaux, Guillaume des Barres le père assigna aux religieuses de Fontaines trois muids de blé sur sa dîme d’Oissery pour le salut de son âme [p.82] et pour ses parents. En 1214, avec sa fille Amicie, il leur donna dix livres provinoises à percevoir sur le cens d’Oissery, après sa mort, à charge de prières (1). En janvier 1214, il reconnut tenir de Thibaud IV de Champagne ce qu’il possédait à Saint-Pathus, à Marchémoret et à Silly, sauf la forteresse; il se déclara son homme-lige, après la ligeance du comte de Dammartin (2).
     (1) DUPLESSIS, op. cit., p. 105.

     (2) TEULET, Layettes, V, n°209. — D’ARBOIS, n°897.
     En 1218, Guillaume des Barres le vieux notifia que Guillaume Clugnet et sa femme Alix avaient donné aux religieux de Chaalis tout ce qu’ils avaient acheté à Marchémoret: une maison avec granges, jardins, dépendances et vingt-huit arpents de terres labourables, sous réserve du cens et du champart; en outre, Alix leur avait légué trois arpents de terre, au milieu desquels s’élevait ladite maison, sans coutumes ni cens; en qualité de suzerain, il amortit ces concessions et les exonéra de toute redevance à son égard; Geoffroy, évêque de Meaux, approuva la donation (3). Au mois d’août 1222, des Barres consentit à ce que le prieur de Saint-Martin de Crécy disposât à son gré du tiers des dîmes d’Oissery et de Forfry, qu’il tenait d’un bienfaiteur de son monastère. A la même date, il prit à bail emphythéotique le tiers de la dîme d’Oissery et de Forfry, appartenant au même prieuré, pour douze muids de blé (4).
     (3) Bibl. nat., coll, de Picardie 313, n°25, original; ms. latin 17113, p. 164; ms. latin 11003, n° 988.

     (4) J. DEPOIN, Chartes de Saint-Martin-des-Champs, III, 385, 386. — E. GRÉSY, Not. sur Jean des Barres, p. 11.
     En juillet 1223, il déclara que Thibaud de Champagne étant en tutelle lorsque sa mère, la comtesse Blanche, lui avait donné une rente de soixante livres sur le péage de Coulommiers dont il avait été reçu à l’hommage, pouvait, étant devenu majeur, révoquer cette donation (5). Au mois de novembre suivant, il déclara que la terre que Philippe-Auguste lui avait donnée dans le pays de Caux devait, après sa mort, retourner au roi (6). En décembre, il reçut de Louis VIII une pension de trois cents livres sur les prévôtés de Paris et de Crépy-en-Valois, la pêcherie dans les viviers d’Anthilly et la chasse avec l’usage au bois mort dans la forêt de Retz pour sa maison de Gondreville (7).
     (5) D’ARBOIS DE JUBAINVILLE, actes, n°1549.
     (6) Arch. nat., JJ 31, 93. — CH. PETIT-DUTAILLIS, La vie et le règne de Louis VIII, p. 455.
     (7) Ed. E. GRÉSY, Not. sur Jean des Barres. p. 9, n°3, d’après Bibl. nat. ms latin 9852, f°180. — PETIT-DUTAILLIS, p. 456.
     En juillet 1229, il notifia que le chevalier Renaud de Montigny, son frère, avait donné à l’abbaye de Chaalis dix arpents de terre [p.83] dans la couture de Liuvre: en qualité de suzerain, il accorda l’amortissement (1). L’original n’a plus le sceau dont Gaignières a fait exécuter un beau dessin: il est conforme à celui décrit sous l’année 1201. Au temps de l’évêque Anseau (1195-1207), il avait fondé deux prébendes en l’église d’Oissery: par une charte de 1230, il stipula qu’elles seraient à la collation de l’évêque (2).
     (1) Bibl. nat., coll, de Picardie, 313, n°36, original; ms. latin 17113, p. 163; ms. latin 11003, n° 991.

     (2) DUPLESSIS, II, 125.
     Au mois d’octobre 1230, comme châtelain de La Ferté, il approuva l’engagement de la dîme de Mélimon et de la Boissière à Bouville, que Guillaume de Gravelle avait consenti aux religieuses de Villiers-le-Châtel. En février 1231 (n. st.), avec l’autorisation du roi, il leur amortit quatre arpents de terre situés à Courdimanche et relevant de sa seigneurie. Au mois de mars 1232 (n. st.), il leur donna une maison ayant appartenu à Jean Briard, sieur de Villiers, et sise dans sa mouvance, ainsi que quarante sous de cens, le tout sous réserve de la justice (3).
     (3) D. FLEUREAU, Briefve histoire de l’abbaie Notre-Dame la Roïale de Villiers, éd. P. Pinson (Ann. de la Soc. Archéol. du Gâtinais XI, p. 14-15).
     Le testament de Guillaume des Barres ne nous est point parvenu: on sait néanmoins qu’il légua cent livres à Notre-Dame de Paris pour la fondation de son anniversaire, marqué sur l’obituaire avec éloge de sa noblesse et de sa vaillance; quarante livres à la cathédrale de Meaux; enfin dix sous pour la pitance à l’Hôtel-Dieu de Meaux (4).
     (4) A. MOLINIER, Obituaires, I, 115; IV, 42, 190. — Duplessis, II, 473.
     Guillaume des Barres et sa femme, Amicie de Beaumont, comtesse de Montfort, donnèrent à l’abbaye de l’Estrée l’usage du bois mort dans la forêt d’Yveline et le péage d’Elleville, ainsi que l’usage du bois mort à ses religieux d’Aunay, pour le repos de l’âme du comte Simon III de Montfort, premier mari de ladite dame (5); cette charte ne porte point de date, mais la présence de Robert, comte de Leicester, parmi les témoins, prouve qu’elle est antérieure à décembre 1204; c’est la seule où les deux époux se trouvent réunis. En revanche, sans son assistance, Amicie, dame de Montfort, délivra plusieurs actes: vers 1182, elle donna à l’abbaye de Lyre une rente de soixante sous angevins sur sa dot pour le repos de l’âme de son frère, Guillaume de Breteuil (6). Avec l’assentiment de ses fils, Simon et Guy, elle assigna aux religieux des Vaux-de-Cernay une rente sur la prévôté de Rambouillet (7). En 1195, elle confirma la cession de la seigneurie [p.84] de Pacy, faite par son frère Robert, comte de Leicester, au roi Philippe-Auguste; l’acte est scellé d’un sceau ovale représentant une dame portant un rameau, avec ces mots autour: + SIGILLVM. AMICIE. DOMINE. MONTISFORTIS (1).
     (5) A. RHEIN, La seigneurie de Montfort, n°62 et p. 315, n°25.


     (6) A. RHEIN, La seigneurie de Montfort, n°39 et p. 310. n°17 et p. 266.
     (7) Bibl. nat., coll. Clairambault, 306, p. 511.


     (1) A. RHEIN, op. cit., n°42. [Traduction littérale: “Sceau d’Amicie, dame de Montfort.” (B.G. 2007)]
     Fin 1204, Amicie abandonna au roi le château de Breteuil et tout ce que le comte de Leicester, son frère, avait de ce côté de la mer; elle garantit que sa sœur, femme de Sehier de Quincy, n’élèverait pas de réclamation sur ces biens; Philippe-Auguste lui donna en échange le château de Saint-Léger avec la totalité de la forêt d’Yveline, ce qui dépendait de la prévôté du château, sauf les fiefs de Guillaume de Garlande et de Jean de Rouvray, les fiefs des Bordes et de Fouilleux et la grurie des bois de Gazeran. En mai 1206, elle assigna à la cathédrale de Chartres une rente de cent sous à prendre sur le cens de Saint-Léger. En mai 1208, elle permit au prieuré de Bazainville de convertir un bois en terres labourables, moyennant trente livres. Le 8 juillet 1208, elle donna aux religieuses de Gambaiseuil le lieu dit Grandchamp, dans la forêt d’Yveline, à charge d’y établir six chanoines prêtres (2). En 1213, elle accorda au prieuré Saint-Nicaise de Meulan le pressurage de la vigne que les moines tenaient d’elle, sauf le cens et les droits de justice (3). La même année, elle donna à l’infirmerie des pauvres de l’abbaye des Vaux-de-Cernay le panage de quarante porcs dans ses défens (4). Le 27 avril 1213, elle confirma à l’abbaye de Grandchamp la donation faite par Falque de Chartres, femme de Pierre de Poitiers. En 1215, elle assista à un accord entre vassaux de Montfort par devant le bailli. En octobre 1220, elle donna au prieuré de Bazainville le droit de pâturage dans l’Yveline, en dehors des défens, les hommes du prieuré devant en retour faire les corvées de curage dans les fossés de Houdan (5).
     (2) A. RHEIN, op. cit., n°60, 61, 64, 76, 77.

     (3) A. RHEIN, op. cit. n° 107. — E. HOUTH, Rec. des chartes de Saint-Nieaise de Meulan, n°84.

     (4) MERLET et MOUTIÉ, Cart. des Vaux de Cernai, I, 190. A. RHEIN, op. cit., n°108.


     (5) A. RHEIN, op. cit., n°° 111, 176.
     Le 19 février 1222 (n. st.), Amicie ordonna que sa fille Pernelle serait élevée à Saint-Antoine de Paris jusqu’à l’âge de douze ans, moyennant le paiement annuel d’une somme de dix livres sur la terre de Montfort, et l’autorisa à se faire ensuite religieuse, auquel cas elle donnerait une rente annuelle de vingt livres. Son sceau, ovale, représente une dame debout, tournée de trois quarts à gauche, vêtue d’une ample cotte retenue par une ceinture et dont la traîne déborde sur la légende ; un manteau couvre ses épaules [p.85] et son chapeau plat est attaché sous le menton par une large bande d’étoffe. A sa droite, un arbre porte, attaché à une de ses branches, un écu sur lequel est représenté un lion. Autour, on lit: + SIGILL’. AMICIE. COMIT1SSE. LEICESTRIE. ET. MONTIS. FORTIS. D’E. (1) La confirmation de plusieurs de ses actes en 1222, par son petit-fils Amaury, m’incline à regarder cette année comme celle de sa mort. Son obit était célébré le 31 août à Saint-Denis, le 3 septembre à Saint-Nicaise de Meulan, le 5 octobre à l’abbaye des Hautes-Bruyères où elle fut inhumée dans la salle capitulaire. Sur sa tombe, on grava son effigie au trait, avec l’inscription suivante: HIC. QVIESC1T. AMICIA. QVONDAM. COMITISSA. MONTISFORTIS. AC. LICESTRIE. CVIVS. ANIMA. CVM. FIDELIBUS. DEI. REQVIESCAT. AMEN. OBIIT. AVTEM. TERTIO. NONAS. OCTOBRIS (2).
     (1) A. RHEIN, op. cit., n°183 et p. 322, n° 36. [Traduction littérale: “Sceau d’Amicie comtesse de Leicester et D(ame) de Montfort.” (B.G. 2007)]

     (2) A. RHEIN, op. cit., p. 62. E. HOUTH, op. cit., p. 197. Amicie avait donné aux religieux de La Saussaye cinq charretées de bois à prendre dans sa forêt, ce qui fut confirmé par son petit-fils Amaury, en mars 1223 (Arch. de Seine-et-Oise, D 1381 bis, f°3).[Traduction littérale: “Ici repose Amicie autrefois comtesse de Montfort et de Leicester. Que son âme repose avec les fidèles de Dieu. Amen. Elle est morte le 3 des nones d’octobre.” (B.G. 2007)]
     De son union avec Amicie de Beaumont qu’il épousa vers 1182 (3), Guillaume III des Barres avait eu au moins sept enfants: 1° Guillaume IV, qui suit; 2° Marie, dame de La Ferté Alais, en partie, dont la vie sera retracée au chapitre suivant; 3° Jeanne, veuve de Guillaume seigneur de Coubert, en 1233, où elle soumit à l’approbation de son père la donation qu’elle avait faite à sa sœur Alipe, religieuse à Fontaines (4); 4° N..., femme de Raoul du Sart en 1201, dotée d’un fief à Bapaume qui lui fut confirmé par Philippe-Auguste; une quinzaine d’années plus tard, Guillaume des Barres assistera à une enquête sur les fiefs de son gendre (5); 5° Alipe, qui devint prieure de Fontaines, où son obit était célébré le 28 février (6); 6° Amicie, également religieuse à Fontaines, où elle mourut très âgée, un 23 décembre (7); 7° Pernelle, religieuse à Saint-Antoine.

     Parvenu à une heureuse vieillesse, Guillaume des Barres s’éteignit [p.86] le 23 mars 1233 (n. st.), suivant le nécrologe de Fontaines, où il fut inhumé dans le chœur de l’église, sous la clef de voûte. Sur le tombeau était couchée la statue du défunt, les mains jointes, la tête nue reposant sur un carreau soutenu par deux anges, vêtu d’une tunique à manches étroites, descendant jusqu’à mi-jambes, fermée sur la poitrine par une fibule de forme circulaire et serré à la taille par une ceinture de cuir à laquelle est suspendue une aumônière; sur ses épaules est posé un manteau ouvert, et ses pieds, qui écrasent la tête d’un lion symbolique, sont chaussés de sandales. Ce costume pourrait surprendre, on en verra plus loin l’explication (1).

Blason de la famille des Barres      Les religieuses de Fontaines firent circuler à son intention un rouleau mortuaire (2), orné d’une belle miniature: l’effigie du défunt y est représentée de profil, revêtu de l’ordre de Fontevrault, le capuce relevé sur la tête et les bras sont posés en croix sur les cuisses; le corps est exposé sur un lit de parade. Au milieu de la crypte s’avance Pierre de Cuisy, évêque de Meaux, en habits pontificaux, tenant le goupillon de la main droite pour jeter l’eau bénite sur le corps; suivent deux acolytes, dont l’un porte la croix processionnelle et l’autre un livre fermé. Derrière eux, se presse un groupe de six religieuses voilées et drapées aux mêmes cou leurs que le défunt; celle qui figure au premier plan, sans doute la prieure Alipe, fait un geste de douleur et porte à la main droite un livre à fermaux. Au chevet du mort se tiennent deux religieuses en pleurs, les yeux fixés sur leurs livres d’heures ouverts: l’une est sans doute sa fille Amicie. Au-dessus de leurs têtes est suspendu un bouclier portant ses armoiries, losangé d’or et de gueules; en chef, à dextre, est ajouté en guise de franc-quartier un petit écu d’azur destiné sans doute à recevoir celles de sa femme, un échiqueté. Au bas de la miniature sont inscrits en belles capitales onciales les deux vers léonins que je traduis: «Vous qui regardez ce tombeau, apprenez à mépriser les choses d’ici-bas, car il sera la dernière demeure de tout homme.»
     (3) Robert III de Meulan, dit aux Blanches-Mains, seigneur de Beaumout-le-Roger et comte de Leicester, mourut en Grèce en 1190. De son mariage avec Pétronille de Grandménil, il avait eu: Robert IV, qui lui succéda; 2° Guillaume, seigneur de Breteuil; 3° Roger, évêque de Saint-André; 4° Amicie, seconde femme de Simon III de Montfort après 1167, mariée vers 1182 à Guillaume des Barres (Cf. L. DELISLE, Cart. normand, n° 7).
     (4) E. GRÉSY, Not. sur J. des Barres, p. 8, d’après le cartul. de Fontaines, qui existe encore dans une collection particulière. Cette charte mentionne leur fille Isabelle, femme de Simon de Poissy.
     (5) L. DELISLE, Actes de Philippe-Auguste, n°658. — Histor. de France, XXIV, 59*,
     (6) A. MOLINIER, Obituaires, IV, 189.
     (7) A. MOLINIER, Obituaires, IV, 194.
     (1) A. MOUNIER, Obituaires, IV, 42. — DUPLESSIS, op. cit., II, 132. — La pierre tombale, identifiée par EUG. GRÉSY et sauvée de la destruction, est reproduite dans son ouvrage.

     (2) E. GRÉSY, Étude histor. et paléographique sur le rouleau mortuaire de G. des Barres, 1865, avec planches. L. DELISLE, Rouleaux des morts, p. 407.

     Après avoir passé par Dammartin, Lagny, Chelles, Gournay, Malnoue, le rouleau fit le tour de la capitale et en sortit pour se rendre à Longpont, Étampes, Morigny et La Ferté-Alais, où le prieur y écrivit ces quatre vers: [p.86]

Guillermus, tutor Feritatis, juris amator,
Vir bello fortis intravit limina mortis:
Ad te clamamus, Deus, unanimesque rogamus,
Per noctem requiem des sibi perque diem.*

     C’est-à-dire: «Guillaume, le défenseur de La Ferté, l’ami de la justice, le vaillant guerrier a touché le seuil de la mort: mon Dieu, nous nous réunissons tous pour vous prier et vous supplier de lui accorder le repos éternel. Ce rouleau était chez nous à la vigile de l’Ascension de Notre-Seigneur.» Il fut porté à Notre-Dame de Corbeille surlendemain, 13 mai, et enrichi de ces six vers:
     [Traduction plus littérale: “Guillaume, défenseur de la Ferté, ami du juste droit, homme vaillant à la guerre, a franchi le seuil de la mort. Nous te le demandons tous d’un seul cœur, Dieu, donne lui le repos jour et nuit.” (B.G. 2007)]
Urbs cecidit fortis, cum vivere desiit iste;
Francorum portis signum lacrimabile triste
Apparens mortis, cujus solamen habere,
Vix posset vere Gaulorum turba cohortis
Hanc
[lisez: Hunc] Deus in celis teneat et corde fidelis
Pro regno micuit catholicusque fuit.
     En d’autres termes: «La mort de ce brave équivaut à la perte d’une ville forte. Aux portes de la France apparut un signe lamentable de tristesse à la nouvelle de cette mort dont l’armée tout entière des Français aura peine à se consoler. Que Dieu admette au séjour des bienheureux celui qui s’est montré bon catholique et dont le cœur a été si fidèle au royaume.» De Corbeil, le rouleau fut porté à Saint-Père de Melun, Barbeau, Chaumont, etc... A Notre-Dame de Fontenay dans le diocèse d’Orléans, une plume habile dessina Guillaume des Barres tel qu’on l’avait connu, en cotte de mailles, surcot et ceinture, la lance à la main droite, et la gauche appuyée sur un immense bouclier. Les détails du voyage, qui dura du 6 mai au 20 août et atteignit 198 communautés, est sans intérêt pour mon sujet.
     [Traduction plus littérale et plus exacte: “Une ville forte est tombée, lorsqu’il a cessé de vivre, signe funeste aux portes des Francs, lamentable, manifeste, d’une mort dont la foule de l’armée des Gaulois, à la vérité, pourra difficilement se consoler. Que le Dieu fidèle le garde aux cieux et dans son cœur: il s’est battu pour le royaume et a été catholique.” (B.G. 2007)]
*
*     *

     Guillaume IV des Barres, cité en 1206 avec son père, lui succéda dans les terres de Brie, mouvant du comte de Dammartin ou du comte de Champagne, mais il n’eut qu’une portion non définie sur la moitié de La Ferté-Alais. Comme son père, il fut un brillant chevalier. Pierre II, roi d’Aragon, étant venu assiéger Muret, Simon de Montfort demanda de tous côtés des renforts pour aller délivrer la ville et fixa le rendez-vous à Saverdun: «Lors trente chevaliers estoient venu novelement de France por faire leur pèlerinage, entre les quiex uns chevaliers iert qui estoit frère du comte [p.87] par sa mère, qu’en appeloit Guillaume des Barres.» Les croisés culbutèrent les détachements campés sur leur passage et pénétrèrent dans la place; le lendemain, 12 septembre 1213, dans une vigoureuse sortie, ils attaquèrent les Aragonais, qui ne purent soutenir le choc et s’enfuirent en laissant sur le terrain de nombreux morts, parmi lesquels le roi d’Aragon. Aussitôt les prélats présents adressèrent une lettre à la chrétienté pour annoncer la victoire; ils n’oublièrent point de souligner le concours opportun et efficace de Guillaume des Barres (1).

     (1) Hystoria Albigensis, II, 144; III, 170. — D. VAISSÈTE, Hist. gén. de Languedoc, VI, 423.
     En 1214, dans le rôle des chevaliers bannerets du Vexin qui prirent part à la bataille de Bouvines, figure Guillaume des Barres le jeune (2). Le prince Louis avait projeté une descente en Angleterre: le 24 août 1217, à la bataille de Lincoln, des Barres fut fait prisonnier (3). En 1231, le 23 juillet, dans la solde des chevaliers convoqués à Antrain pour marcher contre le comte de Bretagne, il fut porté pour 40 livres (4).

     En avril 1234, il fut sollicité par les chanoines de Saint-Spire de Corbeil de leur confirmer la rente de soixante sous donnée par Jean Langevin sur les cens de La Ferté qu’il tenait de Guy de Bonnes, chevalier, et ledit Guy, de son père: avec sa femme Héloïse, il accéda à leur désii et amortit à nouveau ladite rente, à condition que l’anniversaire de sa mère et le sien seraient célébrés, mais il n’en est pas fait mention dans l’obituaire (5).
     (2) Histor. de France, XXIII, 686. — G. des Barres le jeune fut donné, en 1215, par Hervé, comte de Nevers, comme caution du mariage projeté de sa fille avec Philippe de France (Hist. de France, XVIII, 784).
     (3) Histor. de France, XVIII, 361.
     (4) Histor. de France, XXI, 221.





     (5) Cart. de Saint-Spire, p. 73.
     En juillet 1234, il amortit en faveur de l’abbaye de Villiers les prés que les hoirs de Thomas de Buno lui avaient vendus (6). Le 8 juin 1236, il fut mandé à Saint-Germain-en-Laye pour un service de trois semaines contre le comte de Champagne (7).
     (6) D. FLEUREAU, Hist. de l’abbaie de Villiers (Ann. du Gâtinais, XI), p. 14.
     (7) Histor. de France, XXIII, 725.
     En 1238, des Barres déclara que messire Baudouin de Vayres, chevalier, avait donné en sa présence aux Templiers du Saussay, pour ses parents défunts et pour la rémission de ses péchés, deux setiers de vin à percevoir sur le pressoir et la vigne voisins de leur maison. A l’original est appendu un sceau rond, de 70 millimètres, du type équestre: le cavalier galope vers la droite en brandissant son épée et en se couvrant d’un bouclier à ses armes, avec [p.89] cette légende autour: + SIGILLVM. GVILLERMI. DE. BARRIS. Le contre-sceau, en 37 millimètres, représente un château à trois tours, accosté de deux fleurs de lys (1).
     (1) Arch. nat., S 5150, n°31, original scellé. [Traduction littérale: “Sceau de Guillaume des Barres.” (B.G. 2007)]
     Le 24 octobre 1238, il déclara avoir vendu à Hugues, duc de Bourgogne, moyennant 434 livres, le fief de Vèvre et ses dépen dances qu’il possédait en commun avec son beau-frère Guillaume de Mont-Saint-Jean (2). Le sceau que l’éditeur a fait graver d’après l’original reproduit le château sur la face, et le sujet équestre en 37 millimètres, au contre-sceau. D’après les comptes de 1239, il reçut un manteau de cent sous, comme chevalier de l’hôtel du roi (3).
     (2) PÉRARD, Documents inédits pour servir à l’histoire de Bourgogne, p. 440.

     (3) Histor. de France, XXII, 587.
Blason de la famille des Barres      En novembre 1241, avec l’assentiment de sa femme Héloïse et de son fils Guillaume, chevalier, il échangea quatre arpents de terre dans la couture d’Oissery contre quatre arpents que Hugues Le Fauconnier tenait de lui en fief, entre Saint-Pathus et Noëfort: en outre, pour se libérer de vingt livres provinoises qu’il lui devait, il lui donna trois arpents, à charge de deux deniers de cens. L’original est scellé de deux sceaux: celui du châtelain, rond, en 60 millimètres, en cire blanche, représente un château à trois tours accosté, de deux fleurs de lys, avec l’inscription: + SIGILLVM... DE BARRIS; le contre-sceau représente un écu losangé, entouré de ces mots: + SECRETVM. GVILLERMI. DE. BARRIS. Celui de la châtelaine, ovale, 70 millimètres de hauteur, représente une dame debout en robe et manteau, coiffée du hennin, tenant une fleur en sa main droite et la gauche sur la poitrine, avec ces mots autour: + S’. HELOIS. VXORIS. WILL’I. DE.BARRIS (4).
     (4) Bibl. nat., coll. de Picardie, 337, n°30, original scellé. [Traduction littérale: “Sceau de... des Barres. (...) Contre-sceau de Guillaume des Barres. (...) S(ceau) d’Héloïse epouse de Guillaume des Barres.” On notera que le mot de secretum, “contre-sceau, est curieusement ignoré du Lexicon tant de Blaise que de celui de Niermeyer, alors qu’il paraît tout à fait usuel à cette époque (B.G. 2007)]
     A la même date, tous trois approuvèrent un échange de biens à Silly, conclu entre Guillaume Clugnet, chevalier, et le prieuré de Saint-Laurent-au-Bois, à Othis, membre de l’abbaye Saint-Vincent de Senlis. En juillet 1244, avec l’assentiment de sa femme, de son fils Guillaume, de ses filles Amicie et Hélissende et de son gendre Guyot d’Aulnay, Guillaume des Barres ratifia la fondation de deux chanoines audit prieuré par le même Guillaume Clugnet, moyennant la donation de cinquante-trois arpents de terre et six arpents de bois à Silly et à Moussy-le-Vieux (5). A une charte mutilée de décembre 1246 que Douèt d’Arcq a connue, mais qui n’a pu être retrouvée, il apposa son sceau identique à celui qui vient d’être décrit (6). En 1246, il approuva le don de quinze arpents de bois fait à l’église de Silly [p.90] par Manessier de Saint-Médard, chevalier, et Mathilde, sa femme (1).
     (5). Arch. de l’Oise, H 730 et H 519, p. 221.
     (6) DOUET D’ARCQ, Invent. des sceaux, n° 1297.
     (1) Arch. nat., S 6764. — E. GRÉSY, Not. sur Jean des Barres, p. 25. — En 1245, G. des Barres avait une censive à Lagny-le-Sec (Arch. nat., LL 1187, p. 16).
     Survint la croisade, à laquelle il voulut participer: en juin 1248, il notifia que Jean Trousseau, chanoine de Corbeil et de Paris, avait légué à l’église de Saint-Spire certaines maisons, terres et censives, tant à Corbeil qu’à Essonnes et Chevannes, avec un muid de blé de rente à prendre sur la terre du Plessis-Pâté, dont la délivrance fut faite par Hugues du Plessis, son héritier; moyennant finance, il en accorda l’amortissement (2). Il lui fallait de l’argent pour les frais de l’expédition: en juin 1248, avec sa femme Héloïse, il vendit à l’abbaye de Morigny huit livres de rente sur la prévôté de La Ferté-Alais. Le mois suivant, devant Pierre évêque de Meaux, Héloïse accorda son consentement, ce qui indiquerait qu’elle résidait habituellement à son château d’Oissery. Le 18 juillet, il écrivit à sa sœur, Marie, dame de Mont-Saint-Jean, et au prévôt de La Ferté pour leur notifier la vente d’une rente de huit livres qu’il percevait sur leur prévôté, à la Purification: il lui serait agréable qu’elle fût payée exactement, sans aucune taxe. Il obtint de Louis IX des lettres de confirmation, mentionnant que ladite rente relevait de la couronne (3).
     (2) J. DE LA BARRE, Antiquitez de Corbeil, p. 137. — LEBEUF, op. cit., IV, 307.




     (3) MENAULT, Morigny, cartul., p. 106, 107, 108, 113. — D. FLEUREAU, op. cit., p. 578.
     Du chef de sa femme, des Barres possédait la vicomté de Provins: en juillet 1248, avec son assentiment, il la vendit à Thibaud, comte de Champagne, à charge de partager avec lui le fruit des amendes et des exploits; par une charte du même mois, son beau-frère, Jean Britaud, qui partait également pour la croisade, ratifia la vente effectuée par sa sœur Héloïse et son mari (4). Le même mois, avec l’assentiment de sa femme, de ses fils Jean et Guillaume, des Barres assigna aux religieuses de Fontaines un demi-muid de blé à prendre annuellement sur la dîme de Forfry (5). Antérieurement, une date inconnue, il avait jadis fondé en l’abbaye du Paraclet, que la famille de Nangis affectionnait tout particulièrement, un anniversaire pour lui-même, sa femme Héloïse, ses fils Pierre, chevalier, et Guillaume, écuyer, ses filles Jeanne et Hélissende; il était marqué sur l’obituaire au 24 avril (6). [p.91]
     (4) M. LECOMTE, Les Britaud, seigneurs de Nangis-en-Brie (Bull. de la Soc. Archéol. de Seine-et-Marne, 1909), p. 203 et 204.
     (5) DUPLESSIS, op. cit., II, 151.
     (6) MOLINIER, Obituaires, IV, p. 412. — A sa mort, il était en procès avec Gilbert de Nesles, chevalier (BOUTARIC, Actes du Parlement, p. 420).
     Les préparatifs de la croisade étant terminés, au mois d’août 1248, Guillaume des Barres rejoignit Aigues-Mortes; il s’embarqua avec le gros des croisés pour faire escale dans l’île de Chypre, où l’on décida de passer l’hiver; cantonné à Nicosie, où régnait une violente épidémie, il en fut atteint et mourut le 13 novembre, suivant l’obituaire de Saint-Spire de Corbeil, ou le 15, suivant celui de la cathédrale de Sens, ou même le 16, suivant le nécrologe de la Grande Confrérie de Notre-Dame de Paris (1).
     (1) Histor. de France, XX, 356, 552; XXI, 165, 185; XXIII, 117. — H. GÉRAUD, Chron. lat. de Guillaume de Nangis, I, 203. — Gallia christ., IX, 744. — A. MOLINIER, Obituaires, I, 13, 84, 408.
Blason de la famille des Barres Blason de la famille de Montfort (source: Wikipédia)      En juin 1250, Héloïse, veuve de Guillaume des Barres, notifia que Jean Rouget, chevalier de Forfry, et Jeanne, sa femme, avaient vendu à l’abbaye de la Victoire de Senlis deux parts d’une dîme d’Oissery qui avait appartenu à défunt Jean Bâtard, chevalier, père de ladite dame. Après avoir souligné que la mouvance de cette dîme faisait partie du douaire qui lui avait été constitué lors de son mariage, elle déclara en approuver la vente et l’amortir; à l’original est appendu le sceau de la châtelaine déjà décrit (2). Le même mois, elle notifia que Geoffroy Leschans, chevalier, et Ève, sa femme, avaient vendu 40 arpents de bois à Philippe, chevalier de Nogent, représentant sa mère, Marie de Villepinte; puis ledit Philippe s’en était dessaisi au profit de Colin de Pomponne et d’Alix, sa femme, dont ces bois devenaient la dot: Héloïse en accorda l’investiture et la garantie (3). En décembre 1251, assistée de son fils, Jean des Barres, seigneur d’Oissery, elle autorisa les religieux de la Victoire à posséder en mainmorte, sous réserve de la justice, trois arpents et demi de terre, mesure d’Oissery, qu’ils avaient achetés à Thomas Bateau et se trouvaient situés au-dessus de la ville: il était défendu d’y construire une maison sans l’autorisation expresse des suzerains (4). L’original est scellé du sceau d’Héloïse déjà décrit et de celui de Jean des Barres, représentant un écu parti d’un losangé, qui est des Barres, et d’un lion rampant à la queue fourchée, qui est de Montfort: la vague parenté dont il se réclama dans sa jeunesse, pour l’abandonner dans un âge avancé, se retrouvera dans le sceau de son frère. Héloïse vivait encore au mois d’octobre 1260 où Jean des Barres garantit une vente contre toute revendication de sa mère, mais elle était décédée au mois [p.92] d’avril 1261, ou une nouvelle garantie ne la mentionne plus (1). Guillaume IV des Barres avait épousé Héloïse, fille de Pierre Britaud, châtelain de Nangis-en-Brie et vicomte de Provins, et d’Ermengarde de Boutigny; les Britaud portaient pour armoiries de gueules au sautoir d’or. De cette union, il eut au moins sept enfants: 1° Pierre, chevalier, mort jeune; 2° Jean, châtelain d’Oissery, inhumé en 1289 dans ladite église, oh se voit sa pierre tombale (2); 3° Guillaume, qui suit; 4° Amicie, femme de Guyot d’Aulnay; 5° et 6° Jeanne et Hélissende, sans alliance connue.
     (2) Bibl. nat., coll, de Picardie, 337, n°40, original scellé.

     (3) Bibl. nat., ms. latin 5482, f°227.




     (4) Bibl. nat., coll. de Picardie, 337, n°43, original scellé. — Arch. de l’Oise, H 742, f°237.





     (1) Cartul. de l’abbaye de la Victoire (Arch. de l’Oise, H 742, f°239).



     (2) E. GRÉSY, Not. généal. sur Jean des Barres, avec planches, 64 p., in-8°, 1850.

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     Guillaume V des Barres, cité avec son père et sa mère en juillet 1248, conserva quelques biens autour de La Ferté-Alais, ce qui l’amena à épouser Héloïse Le Fauconnier, dame en partie de Puiselet. En mai 1266, il approuva une transaction entre son frère Jean et les Templiers de Lagny-le-Sec au sujet de la haute justice et du droit de pâture sur les terres situées entre leur maison et Marchémoret. Son sceau, rond, en 27 millimètres, représente un écu parti d’un losangé et d’un lion rampant à la queue fourchée, avec une inscription dont il reste ces mots: ... GVILLAUME. DES. BARRES... (3). On ne sait si Guillaume suivit son père et son frère à la croisade de 1248, mais, en 1265, il prit part à l’expédition de Charles d’Anjou pour la conquête du royaume de Naples. II devint chevalier-terrier de l’hôtel et conseiller du roi qui lui confia des commandements militaires en Achaïe et en Romanie, en 1272 et 1273. Il figure maintes fois sur les registres angevins de Naples de 1271 à 1277 (4). Puis, laissant ses possessions de Sicile à son fils Guillaume, également chevalier-terrier de l’hôtel (1276, †1281), il revint en France. En 1285, on le trouve en procès avec l’abbaye de Chaalis au sujet de la haute justice de Silly, à cause de laquelle il revendiquait comme épave les biens d’un certain Guillaume Langlois, mort sans hoirs; les religieux prétendaient qu’il était décédé en dehors de sa juridiction et que d’ailleurs Guillaume des
[p.93] Barres leur avait jadis donné les biens en litige; Gautier d’Aulnay, chantre de Beauvais, pris comme arbitre, lui donna gain de cause (1).
     (3) Arch. nat., S 5173, n°20. — DOUET D’ARCQ, Inv. des sceaux, n°1299. — MANNIER, Le grand prieuré de France, p. 253.


     (4) DURRIEU, Archives angevines de Naples, II: reg. X, f°187; XXIX, f°115; XVII, f°95; XV, f°84; XIV, f°168 ; XXII, f°228; XXVII, f°165. — Pour le fils: XXII, f°228; XXVII, f°165; CCXXV, f°301; XXVIII, f°74; VIII, f°154.


     (1) Bibl. nat., ms. latin 17113, f°156.
     En 1305, le vendredi après Sainte-Croix en septembre, Guillaume des Barres et Héloïse, sa femme, vendirent à Jean de Vayres, bailli du roi, tout ce qu’ils avaient à Puiselet-le-Marais en cens, surcens, terrages, oublies, lods, ventes et justice, mouvant en fief à cause d’elle, de Guillaume Le Fauconnier, chevalier, seigneur de Puiselet, moyennant la somme de cent livres (2). Il n’en est plus fait mention.
     (2) Bibl, nat., coll. Baluze LIV, f°192.


   
8. ÉTIENNE DE MONT-SAINT-JEAN († apr. 1259)

     Marie des Barres épousa avant 1220 Guillaume, fils de Guillaume II, seigneur de Mont-Saint-Jean, de Saumaise, de Vergy en partie, Thoisy, Thoire, Charny, Châtellenot, Chorencey, Arconcey, Auvillers, Faugy, Orfans, etc., et de Bure, dame d’Ancy-le-Franc. Elle reçut le château et la moitié de la châtellenie de La Ferté-Alais, sans que l’on puisse affirmer si ce fut au moment de son mariage, ou seulement après partage de la succession paternelle. Cependant, au compte d’Ascension 1238, figure une somme dc 190 livres, représentant la moitié du rachat dû au roi pour la terre de Guillaume des Barres (3); cette somme est afférente à son lot parce qu’elle fut seule de ses cohéritiers à posséder la moitié de La Ferté; le surplus était partagé entre ses frères Guillaume IV des Barres et Guy de Montfort, ou son fils.

     (3) Histor. de France, XXI, 257.


     En 1222, Guillaume II de Mont-Saint-Jean reçut de Thibaud, comte de Champagne, une rente de trente livres sur la foire de Saint-Jean à Troyes; il lui en fit hommage-lige, sauf la ligéité du duc de Bourgogne et du comte de Nevers (4). Vers 1224, il prit la défense des religieux l’abbaye de Saint-Seine contre Garnier, seigneur de Sombernon, qui les inquiétait au sujet de leurs acquisitions de Turcey. En 1228, il céda aux mêmes religieux certains fonds avec les cens qui y étaient affectés, à charge d’un anniversaire pour son père (5). Au mois de mars 1230 (n. st.), avec Joubert, seigneur d’Ancy-Je-Franc, il confirma aux religieux de Pontigny dix sous de rente que Damerons leur bisaïeule, et [p.94] Bure, leur mère, leur avaient donnés sur leur cens de Pouilly (1). En 1231, il reconnut que les terres de Mont-Saint-Jean, de Saumaise et de Thoisy relevaient du duc de Bourgogne; que leurs châteaux et donjons étaient jurables et rendables à grande et à petite force; il demanda seulement que le duc ne les lui demandât pas tous trois à la fois et qu’il lui en laissât toujours au moins un; il déclara en même temps qu’il tenait encore du duc d’autres châteaux et d’autres fiefs (2).
     (4) D’ARBOIS DE JUBAINVILLE, actes, 1450. — TEULET, Layettes, I, n°1551. — R. DE LESPINASSE, Le Nivernais et les comtes de Nevers, II, 112.

     (5) D. PLANCHER, Hist. de Bourgogne, I, 331.


     (1) A. DUCHESNE, Hist. de la maison de Vergy, p. 125 et pr., p. 171.


     (2) D. PLANCHER, op. cit., I, 332.
     Au mois d’avril 1234, il fut caution envers le roi d’une amende de 5 000 marcs à laquelle Hugues IV, duc de Bourgogne, avait été condamné pour avoir refusé aide et secours à Thibaud, comte de Champagne, malgré l’ordre qu’il en avait reçu (3). En octobre 1238, il ratifia la vente d’une terre que son vassal, Guillaume de Saumaise, chevalier, avait faite au prieur de cette même localité (4). En mai 1239, lorsque le duc fit hommage au roi pour les châtellenies de Charolles et du Mont-Saint-Vincent, il accepta d’en être pleige et engagea tous ses biens comme garantie. Le 4 juin, pour pacifier ses démêlés au sujet de Vergy avec Hugues IV, duc de Bourgogne, il signa un traité d’après lequel le duc donnerait sa fille, Marguerite, en mariage à Guillaume, son fils aîné, et au cas où il viendrait à décéder avant sa célébration, à Étienne, son fils cadet; la dot serait de 500 livrées de terre. En considération de cette alliance, Guillaume lui délaissa tout le droit qu’il avait au château et en la montagne de Vergy tant en fiefs qu’en seigneuries et le bois appelé d’Espoisse, sauf ce qui lui appartenait en la châtellenie de Vergy et en la terre assise hors la montagne. Si les mariés décédaient sans postérité, la seigneurie du Molinet, assignée par le duc à sa fille pour 200 livres, demeurerait au seigneur de Mont-Saint-Jean et à ses hoirs, en récompense de l’abandon de Vergy. Le château et la terre de Mont-Saint-Jean ne seraient plus jurables, c’est-à-dire sujets à rendre foi et hommage au duc, bien qu’ils fussent toujours ses fiefs-liges (5).
     (3) D. PLANCHER, op. cit., I, 28.

     (4) PÉRARD, Rec. de pièces..., p. 441.











     (5) A. DUCHESNE, Hist. de la maison de Vergy, p. 125 et pr., p. 170. — D. PLANCHER, op. cit., I, 331.
     Au mois d’août 1248, Guillaume de Mont-Saint-Jean partit pour la croisade au milieu des barons nivernais qui accompagnaient Gaucher de Châtillon. Il trouva la mort en Égypte, à la désastreuse bataille de Mansourah (6).
     (6) R. DE LESPINASSE, », in Annales de la Société archéologique du Gâtinais., p. 213.
     On a vu que Marie des Barres, comme dame de La Ferté, eut [p.95] à approuver la vente d’une rente consentie par son frère Guillaume à l’abbaye de Morigny. En septembre 1251, elle fit une donation pour l’anniversaire de son mari aux religieuses du Tart (1). En janvier 1253 (n. st.), elle assigna aux religieuses de Villiers-le-Châtel trois livres parisis de rente, à prendre le jour de l’octave de la Toussaint sur sa prévôté de La Ferté, avec faculté d’acquérir dans l’étendue de la châtellenic jusqu’à douze livres de revenu et de posséder le tout en mainmorte; à titre de sanction, elle ajouta que, si ses héritiers empêchaient les religieuses d’en jouir paisiblement, elle leur accordait dix livres de rente sur le quint dont elle pouvait disposer dans la châtellenie de La Ferté (2). Elle mourut peu après.
     (1) Arch. de la Côte-d’Or, série H, fonds du Tart.


     (2) D. FLEUREAU, Antiquitez d’Estampes, p. 380; Hist. de l’abbaie de Villiers, p. 27.
     De son union avec Guillaume de Mont-Saint-Jean, Marie des Barres avait eu trois enfants: 1° Guillaume III, lequel, en 1255, avec son frère Étienne, reconnut que leur père était resté devoir 200 livres à l’abbaye de Cîteaux, et pour les amortir il céda ses pâturages et maisons de Fusse (3); il fut enlevé par une mort prématurée, sans laisser de postérité de son mariage avec Marguerite de Bourgogne; 2° Étienne qui suit; 3° Agnès, qui épousa Anseau de Trainel, sieur de Voisines, fils d’Anseau Ier et de Mathilde de Melun; il devint maréchal, puis gouverneur, enfin connétable de Champagne; il est connu par de nombreux actes de 1229 jusqu’en 1263, où une donation à l’abbaye de Larrivour le cite avec sa femme et leur fils Anseau (4).
     (3) A. DUCHESNE, Hist. de Vergy, pr. p. 171.
     (4) Abbé DEFER, Hist. de Trainel (Mém. Soc. acad. de l’Aube, 1884), p. 356. — TEULET, Layettes, II, n° 3470. — Bibl. nat., Pièces originales 1916, p. 68. — D’ARBOIS DE JUBAINVILLE, IV, 460, 494, 523; V, n°3015 et p. 292. — QUANTIN, Cart. gén. de l’Yonne, III, 296.
     Au mois d’août 1258, Étienne de Mont-Saint-Jean vendit au duc de Bourgogne tout ce qu’il possédait au village de Vèvre, relevant du fief que le sieur de Saffres y tenait de lui. Il avait hérité de son frère Guillaume une rente de 70 livres qu’il avait droit de prendre chaque année sur le trésor du duc pour reste de la dot de la princesse Marguerite, sa fille; mais, ayant depuis reçu 700 livres pour l’amortissement de cette rente, il en donna décharge et délaissa tous les droits qu’il pouvait prétendre à Vergy (5).
     (5) DOM PLANCHER, op. cit., I, 22, 331.
     A la mort de sa mère, Étienne de Mont-Saint-Jean hérita seul de sa part de la châtellenie de La Ferté-Alais, qu’il ne conserva pas longtemps. En effet, au mois de septembre 1259, il vendit à [p.96] Louis IX le château de La Ferté avec la châtellenie, tant en fiefs qu’en domaines, rentes, terres labourables, vignes, prés, eau, rivières, bois, garennes, hommes libres, serfs et tous autres droits lui appartenant tant du côté de sa mère que de son aïeul, Guillaume des Barres, moyennant une rente de 300 livres sur le Temple, payable à compter de l’octave de la Toussaint prochaine et tenue du roi à hommage-lige au même titre que La Ferté. En outre, l’acquéreur serait tenu d’acquitter les rentes suivantes: 11 livres 6 sous 8 deniers à Guy d’Aulnay, chevalier (à cause de son mariage avec Amicie des Barres); 8 livres à l’abbaye de Morigny (par acquisition de Guillaume IV des Barres); 30 sous pour le cierge de La Ferté; 4 livres aux religieuses de Fontaines (sans doute par legs de Guillaume III des Barres); 60 sous aux religieuses de Villiers; 40 sous au prieur de La Ferté (pour la sonnerie de la cloche de l’église les jours de plaid), plus 9 setiers de blé et autant d’orge sur les moulins de La Ferté et pareille quantité de grain sur les moissons de Valpuiseaux; demi-muid de blé sur les moulins de La Ferté, à la léproserie de la ville (1); demi- muid de blé et autant d’orge sur lesdits moulins à Thomas Barbeluiche, et pareille rente à Gervais Le Conteur (2). A l’original est appendu un sceau rond, de 36 millimètres, en cire verte sur lacs de soie verte, représentant un écu (de gueules) à trois écussons (d’or) deux et un, avec cette légende autour: + S’. STEPHANI. DE. MO(N)TE. SCI. IOH’IS. Il est à remarquer que la redevance de 60 sous, due à l’évêque de Paris pour un cierge, à cause de la mouvance de La Ferté, est réduite ici de moitié, c’est-à-dire à 30 sous, parce que Marie des Barres, ayant hérité seulement de la moitié de la châtellenie, payait la part de charges afférente à son lot; le surplus était acquitté par ses cohéritiers.
     (1) En février 1235, le maître et les frères de la léproserie Saint-Lazare de La Ferté approuvèrent la donation faite à l’abbaye de Villiers par Étienne Faucillon d’un pré lui appartenant près le moulin du Gué, à Baume (D. FLEUREAU, Hist. de Villiers, p. 18).
     (2) A. DUCHESNE, Hist. de Vergy, p. 126; pr., p. 171. — D. FLEUREAU, Antiquitez d’Estampes, p. 579. — TEULET, Layettes, III, n°4550. — DOUET D’ARCQ, Inv. des Sceaux, n° 2860. — En mars 1270 (n. st.), Etienne de Mont-Saint-Jean vendit la moitié de la rente que le roi lui avait constituée pour la cession de La Ferté, au chambellan Jean Sarrasin (A. DUCHESNE, pr., p. 171).
     Dans l’année qui suivit la vente, conformément à la coutume de Paris en vigueur à La Ferté, Anseau de Trainel en demanda le retrait lignager, du chef de sa femme, sœur du vendeur, et par conséquent sa plus proche héritière: il offrait de payer la rente et d’acquitter les charges. Le 15 septembre 1260, un arrêt du Parlement le débouta de sa demande, disant que le retrait lignager [p.97] n’était pas recevable parce qu’il n’y avait pas eu vente à prix d’argent, mais seulement échange d’héritage (1). Ce principe spécieux fit jurisprudence et la coutume de Paris l’inséra dans ses Commentaires (2).
     (1) BEUGNOT, Les Olim, I, 1831. — A. DUCHESNE, Hist. de Vergy, pr., p. 171.
     (2) Coutumes de la prévosté et vicomté de Paris, édit. de 1678, p. 243.
     Il y eut encore quelques difficultés soulevées par le zèle des officiers du roi: ainsi, contre leurs prétentions, les habitants de Mondeville durent faire confirmer leur franchise au marché de La Ferté-Alais (arrêt de Chandeleur, 1268) (3). Le prieur de Saint Éloi de Paris, ayant droit de voirie sur sa terre de Maisse et dans toute la châtellenie, réclama un hôte de Maisse, que le bailli d’Étampes avait emprisonné sous l’inculpation de vol; par arrêt de Pentecôte 1269, il obtint qu’il lui fût rendu (4).
     (3) BEUGNOT, Les Olim, 281. — BOUTARIC, Actes du Parlement, n° 1341.

     (4) BEUGNOT, Les Olim, 758.
   
   
9. GUY Ier DE MONTFORT († 1228)

     Guy Ier de Montfort, fils cadet de Simon III de Montfort et d’Amicie de Beaumont, fut seigneur de Brétencourt et de Beynes (5). Il reçut de Guillaume III des Barres une partie de La Ferté-Alais, qu’il transmit à son fils, sans que l’on puisse préciser si ce fut une pure générosité de son beau-père ou un droit perçu dans la succession de sa mère. Au mois de juin 1190, il suivit Philippe-Auguste au siège de Saint-Jean d’Acre: après son retour, il demeura, avec Richard, roi d’Angleterre, pour combattre les Sarrasins; en 1192, il prit part à la bataille d’Antipatride et à celle de Joppé; il regagna ses terres l’année suivante (6).
     (5) A. MOLINIER, Catal. des actes de Simon et Amaury de Montfort (Bibl. Ec. des Chartes, XXXIV), p. 445-501. — A. RHEIN, La seigneurie de Montfort en Iveline. — P. ANSELME, Hist. gén. de la Maison de France, VI, 79. — L. BARBAZA, Annales de la ville de Castres, p. 86. — P. BOREL, Les antiquitez de la ville et comté de Castres. — D. DEFOS, Traité du comté de Castres. — E. JOLIBOIS, Les seigneurs de Castres (Revue histor. du Tarn, 1878), p. 18.
     (6) VILLEHARDOUIN, éd. N. de Wailly, ch. XXXVIII, p. 22. — Chron. d’Ernoul..., éd. Mas. Latrie, p. 337. — Histor. de France, XVIII, 800; XXIV, 761.
     En 1199, Guy approuva la charte de son frère, Simon IV, confirmant à l’hôpital du Grand-Beaulieu de Chartres les donations de leurs ancêtres. Le 28 novembre de cette année, il prit la croix avec son frère au célèbre tournois du château d’Ecri-sur-Aisne. En 1200, il ratifia la donation du bois de Soligny que son frère avait faite au prieuré de Saint-Paul des Aulnaies. La même année, [p.98] avec son frère, il confirma l’accord conclu par ses ancêtres avec les moines de Saint-Martin-des-Champs au sujet de la terre de La Couperie à Beynes (1).
     (1) A. RHEIN, La seigneurie de Montfort, n°°45-46. — J. DEPOIN, Chartes de Saint-Martin-des-Champs, III, 182. — R. MERLET et M. JUSSELIN, Cart. de la léproserie du Grand-Beauiieu, p. 68.
Blason de Guy Ier de Montfort, et de la commune actuelle de saint-Martin-de-Bréthencourt (source: Wikipédia)      Au mois d’avril 1202, comme seigneur de Brétencourt, il arbitra un conflit entre le prieuré de même nom et Jean d’Auneau, qui prétendait avoir le droit de procuration sur la grange des religieux à Verville; moyennant la somme de trente livres qu’ils lui versèrent, le droit prétendu fut aboli en présence de Simon de Montfort. L’acte était scellé d’un sceau rond, de 65 millimètres, du type équestre: en cotte de mailles et casque, le cavalier galope vers la droite, en brandissant son épée et en se couvrant d’un bouclier à ses armes, avec cette inscription autour: + SIGILL’. GVIDONIS. DE. MONTE. FORTI. Le contre-sceau, de 38 millimètres, représente un écu au lion rampant à la queue fourchée, chargé d’un lambel de sept pendants, avec ces mots autour: + SIGILL’. GVIDONIS. DE. MO(N)TE. FORTI (2).
     (2) Bibl, nat., ms. latin 544P, p. 120. [Traduction littérale: “Sceau de Guy de Montfort. (...) Sceau de Guy de Montfort.” (B.G. 2007)]
     L’organisation de la croisade étant enfin terminée, les pèlerins s’acheminèrent vers Venise pour s’embarquer: ne pouvant payer le prix exhorbitant de leur passage, ils furent dirigés par le doge sur Zara, en Dalmatie, dont la conquête lui parut profitable aux intérêts de sa République. Ce n’était plus la croisade: aussi abandonnant le camp de Zara, Simon et Guy passèrent à Barletta en Apulie et de là en Terre-Sainte; ils s’y distinguèrent dans des luttes glorieuses contre les musulmans. Au bout d’une année, Simon regagna la France, ou sa présence est constatée à la fin de 1203. Guy prolongea son séjour: il devint seigneur de Sidon par son mariage avec l’héritière. En 1210, il assista au couronnement de Jean de Brienne (3).
     (3) De la conqueste de Constantinoble par Joffroi de Villehardouin, édit. P. Paris, p. 34. — Hist. occid. des croisades, I, 243. — Histor. de France, XVIII, 104, 359, 714. — P. DES VAVX DE CERNAY, Hystoria Albigensis, édit. P. Guébin et E. Lyon, I, 110.
     A Noël 1211, avec sa femme et ses enfants, Guy vint retrouver son frère Simon dans la ville de Castres, où la croisade contre les Albigeois l’avait amené. A la pointe de l’épée, il dut se conquérir un apanage et débuta par la prise de plusieurs châteaux en Albigeois, notamment celui des Touelles. Puis vinrent des expéditions plus importantes: sièges de Penne, de Moissac et de Toulouse, en 1212, de Puycelci et de Rabastens, en 1213, de Sévérac, en 1214. Au mois de juin 1215, il prit possession de Toulouse au nom de son [p.99] frère; en novembre, il se rendit au concile de Latran pour l’y représenter. L’année 1216 fut marquée par le siège de Beaucaire; en juillet, il approuva une charte de son frère pour la ville de Nîmes. Il combattait dans les environs de Carcassonrie au mois d’octobre 1217, lorsque la révolte de Toulouse l’obligea à joindre ses troupes à celles de son frère pour investir la ville. On sait comment Simon de Montfort y fut tué le 26 juin 1218, laissant une lourde succession. La lutte contre les hérétiques devenait de plus en plus difficile; sans se décourager et faisant preuve d’une rare énergie, Guy lutta sans relâche pour aider son neveu Amaury dans la tâche écrasante qui lui incombait  (1).
     (1) Hystoria Albigensis, I, 285-287, voir table des matières.
     Guy de Montfort revint dans l’lle-de-France où sa présence devenait nécessaire: en mars 1221, iI approuva la transaction de Guillaume de Hautbout, son compagnon d’armes à Sévérac, et de Germond des Pâtis avec Port-Royal au sujet des dîmes (2). Le même mois, il renonça à exiger des moines de Saint-Martin-des Champs un palefroi valant dix livres, lors de la désignation d’un nouvel hospitalier, comme l’avait fait jadis son frère Simon, à titre de coutume féodale, sur la terre de La Couperie à Beynes (3). En 1223, il fut pris comme arbitre entre les religieux de Brétencourt et Michel Gorluin, au sujet d’un hôte qui leur avait été donné et que cependant il réclamait; il confirma les droits du prieuré (4). Le sceau, dont il se servit en cette occasion, différait du précédent; rond, de 70 millimètres, il représentait un cavalier revêtu d’une cotte de mailles et d’un surcot flottant, portant un casque fermé, tenant une lance à bannière émanchée et se couvrant d’un bouclier à ses armes, avec cette inscription autour: + SIGILLVM. GVIDONIS. DE. MONTE. FORTI. Le contre-sceau, de 30 millimètres, figurait un écu au lion rampant à la queue fourchée, chargé d’un lambel de quatre pendants. Le 16 juin 1224, il vint assister à la consécration de l’église de Joyenval, fondée par son neveu, Barthélemy de Roye, chambrier de France; à cette occasion, il donna cent sous de rente sur sa prévôté de Beynes (5). En juillet suivant, avec l’assentiment de sa femme Briande et de son fils Philippe, il donna aux religieuses de Port-Royal vingt sous de rente à percevoir sur sa censive de Gometz (6).
     (2) A. DE DION, Cart, de Porrois, p. 73.


     (3) J. DEPOIN, Chartes de Saint-Martin-des-Champs, III, n°787.

     (4) Bibl. nat., ms. latin 5441.2, p. 120.





     (5) A. DUTILLEUX, L’abbaye de Joyenval (Mém. de la Soc. Histor. et Arch. du Vexin, 1890), p. 88. [Traduction littérale: “Sceau de Guy de Montfort (B.G. 2007)]
     (6) A. DE DION, Cart. de Porrois, p. 94.
     En mars 1224 ou 1225, il donna au prieuré de Saint-Paul des [p.100] Aulnaies, près de Chevreuse, vingt-deux arpents de bois «afin d’estre ès continuelles prières de ladite église» (1). En mai 1225, à la demande de l’abbé de Saint-Jean en Vallée de Chartres, il accorda à ses hôtes l’exemption du péage, dit travers, dans toute la châtellenie de Brétencourt (2). Le sceau différait du type équestre précédent par la bannière à ses armes et par le lambel de trois pendants seulement. Au mois d’avril 1226, il délaissa au roi Louis IX tout ce qu’il possédait à Saint-Antonin (3). Le 31 janvier 1228 (n. st.), il fut tué d’un coup de flèche à la tête au siège de Vareilles, près de Pamiers, dans le comté de Foix (4).

     En premières noces, Guy de Montfort avait épousé Alice, veuve de Renaud de Sidon et fille de Balian II, seigneur d’Ibelin et de Marie Commène, reine douairière de Jérusalem. Elle mourut peu avant le 1er juin 1216, où son mari donna au monastère de Prouille, pour le repos de l’âme de son épouse, Alice, dame de Sidon, une rente de cinquante sous melgoriens à percevoir à Rabastens (5). De cette union vinrent: 1° Philippe qui suit ; 2° Pernelle, religieuse à Saint-Antoine, morte avant 1238. En secondes noces, il épousa Briande, à laquelle il constitua un douaire sur sa seigneurie de Beynes, d’où le nom de Briande de Beynes, qu’on lui donne parfois. Suivant les pièces d’une longue procédure relative à sa succession, elle était sœur de Lambert de Monteil-Adhémar, et veuve de Lambert de Thury, chevalier français, à qui Simon avait inféodé la baronnie de Lombers et dont elle avait eu un fils, mort sans postérité (6). De cette union naquirent trois enfants 1° Guy II de Montfort, seigneur de La Ferté-Alais en partie, lequel donna aux religieuses de Port-Royal une grange sise à Marbois, près de La Ferté, dans la mouvance de son frère Philippe, avec des vignes et des terres labourables (7); en juillet 1247, lors du partage de la succession paternelle avec son frère, il renonça à tous ses droits sur la seigneurie de Lombers en faveur de sa mère et consentit à ce qu’elle en fût investie; en mars 1248, il obtint de Louis IX des lettres mandant au sénéchal de Carcassonne de [p.101] lui faire prompte justice contre l’évêque d’Albi et Pierre, vicomte de Lautrec, qui avaient empiété sur son patrimoine (1); parti pour la croisade fin août, il y mourut le 15 avril 1249; 2° et 3° Alice et Agnès, religieuses à Port-Royal, auxquelles leur mère assigna quarante livres de rente sur le bois de Gazeran (2).
     (1) Arch. nat., S 2125, cité dans une sentence du 6 juillet 1519.
     (2) Bibl. nat., ms. latin 5481, f°24.
     (3) Arch. nat., JJ 31, f°132, n°15. — D. VAISSÈTE, VIII, 823, d’après Arch. nat. J 295, original scellé ; — VI, 786.
     (4) D. VAISSÈTE, Hist. gén. de Languedoc, VI, 627; VII, 71, note sur la mort de Guy de Montfort; VII, 124, note sur les seigneurs de Castres de la maison de Montfort. — MOLINIER, Obituaires, I, 637, nécrologe de Port- Royal.



     (5) J. GUIRAUD, Cart. de Prouille, n°80.





     (6) D. VAISSÈTE, op. cit., VII, 124.


     (7) A. DE DION, Cart. de Porrois, p. 260. — D. VAISSÈTE, VI, 627; VII, 125.



     (1) D. VAISSÈTE, op. cit., VIII, 1195, 1221; 1198; VI, 798.
     (2) A. DE DION, Cart. de Porrois, p. 262.
   
 
10. PHILIPPE Ier DE MONTFORT († av. 1273)

     Philippe Ier de Montfort, seigneur de Brétencourt, de Beynes, de La Ferté-Alais en partie et de Castres, était né en 1205. Étant à Paris au mois d’avril 1229, il reconnut tenir de Louis IX ses droits à La Ferté-Alais qu’on ne précise pas (3). Par un autre acte de la même date, sous le service de dix chevaliers, il lui présenta l’hommage-lige de la partie de l’Albigeois située à la gauche du Tarn, excepté la ville d’Albi avec ses droits seigneuriaux et la régale: Castres en était le siège. Il devenait le vassal du comte de Toulouse, mais, si celui-ci violait la paix conclue, la terre inféodée reviendrait à la couronne, et Philippe serait vassal du roi, comme son père l’avait été du feu roi. Au cas où la sécurité de l’État nécessiterait l’occupation de quelques châteaux ayant appartenu à son père, Philippe recevrait des terres équivalentes (4). L’année n’était point terminée que l’exclusion concernant Albi fut levée et le vice-légat, Pierre de Colmieu, eut à rendre une sentence touchant la seigneurie entre l’évêque et Philippe de Montfort, à qui le roi avait cédé ses droits sur la ville d’Albi (5).
     (3) D. VAISSÈTE, VI, 627.







     (4) Arch. nat., JJ 300, f°49, n°112. — D. VAISSÈTE, op. cit., VI, 645.

     (5) D. VAISSÈTE, VIII, n°195, et p. 919.
     En janvier 1230, comme seigneur de Brélencourt, Philippe reçut l’hommage de Guillaume de La Chapelle pour trente-cinq arpents de terre qu’il lui avait donnés dans son bois de Ribout, sous réserve de la ligéité due à son père Aubert de La Chapelle, et à son frère, Pierre (6). Il se servit d’un sceau rond, de 70 millimètres, représentant un cavalier galopant vers la gauche, vêtu d’une cotte de mailles et d’un surcot flottant, portant un casque fermé, tenant une lance à bannière émancliée et se couvrant d’un bouclier à ses armes, le cheval caparaçonné aux armes, avec ces mots autour: + SIGILLUM. PHILIPPI. DE. MONTE. FORTI*. Le contre-sceau, de 35 millimètres, représente un chasseur à cheval, sonnant du cor et galopant vers la droite, un lévrier entre les jambes du cheval, un arbre en arrière. [p.102]

     (6) Bibl. nat., ms. latin 54412, p. 121.


     * Sceau de Philippe de Montfort (B.G. 2007)
     Au mois de mars 1231, Philippe donna aux religieuses de Port-Royal quinze livres de rente sur sa prévôté de La Ferté-Alais, in prepositura mea de Feritate Aales, savoir cent sous le dimanche des Brandons et dix livres à la Nativité de saint Jean-Baptiste: la rente était payable par son prévôt, au terme fixé, sous peine de cinq sous d’amende par jour de retard. Au mois de juillet 1231 (chose digne de remarque parce que des Barres était encore en vie), en qualité d’aîné et de suzerain, Amaury de Montfort confirma cette donation (1). Le nécrologe ajoute qu’elle avait été faite par Philippe, à l’intention de sa sœur Pernelle, alors décédée. En décembre 1238, il déclara que jadis il avait assigné à Saint-Antoine des-Champs cent sous de rente sur sa prévôté de La Ferté-Alais en faveur de sa sœur Pernelle, lors de sa prise d’habit, mais décédée depuis. Pour que l’anniversaire de sa femme Éléonore fût célébré dans ladite église, il y ajouta cent sous sur sa prévôté de La Ferté Alais, payables le dimanche des Brandons, sous peine d’une amende de deux sous par jour de retard pour le prévôt (2).
     (1) A. DE DION, Cart. de Porrois, p. 18, 128 et 130, n°254 et 255. — A. RHEIN, op. cit., n° 218. [Traduction littérale: “dans ma prévôté de La Ferté-Alais (B.G. 2007)]





     (2) Arch. nat., L 1014, n°36, original.
     Le 7 août 1239, Philippe s’engagea envers l’évêque et le chapitre d’Albi à leur assigner dans cinq ans sur ses domaines, excepté sur les châtellenies de Lombers et d’Ambialet, les vingt livres melgoriennes de rente que Simon, son oncle paternel, leur avait données en 1212, avec ordre à son sénéchal de Lombers de payer en attendant, tous les ans, cette rente (3).
     (3) D. VAISSÈTE, VI, 646.
     Peu après, cédant aux instances de son cousin germain, Balian III d’Ibelin, seigneur de Baruth et connétable de Chypre, Philippe de Montfort partit pour la Terre-Sainte. A peine arrivé, il eut à défendre Acre contre les attaques de Richard Filangier, connétable de Constantinople. Ayant conseillé à la reine de Chypre, Alix, de revendiquer la régence du royaume de Jérusalem, il fut chargé avec Balian d’en occuper les forteresses et de les garnir de troupes. Après que les barons eurent reconnu la nouvelle régente, il fut un des premiers à lui faire hommage. Dans l’été de 1243, avec le concours de Balian, il mit le siège devant Tyr que défendait Filangier; la ville capitula entre ses mains et son adversaire, qui cherchait à s’enfuir, fut fait prisonnier (4).
     (4) PHILIPPE DE NOVARE, Mémoires, édit. C. Kohler (Les classiques français du moyen âge, p. par MARIO ROQUES). — DUCANGE, Les familles d’outre-mer, p. 449.
     A une date que je ne saurais préciser, Philippe de Montfort revint en France, où le sénéchal de Carcassonne avait reçu du roi [p.103] l’ordre de procéder au partage de la succession de son père, entre lui et son frère Guy, et de remettre la ville de Lombers à sa belle mère, Briande. Au mois de juillet 1247, les parties furent convoquées et le magistrat détermina les lots; mais les représentants de Philippe refusèrent celui qui lui revenait, parce que Guy de Montfort ne s’était point présenté au surplus, celui-ci avait cédé ses droits à sa mère. La noble dame s’en plaignit au roi qui manda au sénéchal de procéder à nouveau au partage devant elle et le procureur de Philippe, et de remettre à chacun des intéressés ce qui lui appartiendrait (1).
     (1) D. VAISSÈTE, op. cit., VIII, 1195 et 1221.
     En 1247, Philippe de Montfort amortit aux religieuses de Villiers-le-Châtel le champart, la justice et tout ce que Mathieu de Pavillon leur avait vendu à Garancières, dans la mouvance de sa seigneurie de Brétencourt (2). En juillet 1248, au même titre, il délaissa la justice de Longorme à Mahaud de Dreux, sur arbitrage de son cousin, Jean de Montfort (3).
     (2) D. FLEUREAU, Hist. de l’abbaie de Villiers, p. 29.
     (3) A. RHEIN, op. cit., n°253.
     Le 25 août 1248, Louis IX s’embarqua à Aigues-Mortes avec l’armée des croisés Philippe de Montfort et son frère Guy prirent part à cette expédition, où ils se signalèrent en Égypte par leurs exploits; Joinville raconte en détail les pourparlers qu’il eut avec un émir. En 1254, lorsque le roi revint en France, Philippe fut l’un des cent chevaliers laissés pour secourir les chrétiens de Terre-Sainte. Durant la division et la guerre entre les Vénitiens et les Gênois, l’an 1256, il se rendit maître de la partie de la seigneurie que les Vénitiens avaient en la ville de Tyr; le surplus lui appartenait déjà par accord avec Balian. A partir de cette date, il prit la qualité de seigneur de Tyr (4).
     (4) D. VAISSÈTE, op. cit., VI, 798. — DUCANGE, Les familles d’outre-mer, I, 499 et 448.
     Au moment de quitter la France, Philippe de Montfort avait laissé la gestion de ses biens à son beau-père, Étienne de Sancerre, qui la remit à son fils aîné, Philippe II de Montfort, dès que celui-ci eut atteint sa majorité: il s’était réservé une rente de deux mille livres qu’il lui abandonna un peu plus tard. Le 1er avril 1268, il écrivit de Tyr au roi Louis IX pour le prier de recevoir son fils à l’hommage pour la portion qui lui reviendrait après sa mort en Albigeois, Narbonnais et Carcassés, dont il se démettait en sa faveur. Il vivait encore en février 1270, mais il était déjà décédé en 1273, car son fils, Jean le jeune, se qualifiait alors seigneur de Tyr (5). [p.104]
     (5) CATEL, Mém. de l’histoire du Languedoc, p. 705. — BALUZE, Hist. gén. de la maison d’Auvergne, II, 523. — D. VAISSÈTE, VII, 124.
     En premières noces, Philippe Ier de Montfort avait épousé Êléonore, fille de Pierre II de Courtenay, empereur de Constantinople, et de Yolande de Hainaut; il en eut Philippe II qui suit (1). En secondes noces, il épousa une fille d’Étienne de Sancerre, seigneur de Saint-Briçon, bouteiller de France, dont on ignore le nom: en décembre 1251, ledit Étienne de Sancerre, faisant en France les affaires de son beau-fils, Philippe de Montfort, amortit aux religieuses de Villiers-le-Châtel la donation par Erembour de Centignonville du droit de champart, justice et redevances, achetés en 1245 à Philippe de Garancières (2). En troisièmes noces, il épousa Marie d’Antioche, dame de Thoron, fille de Rupin, prince d’Antioche et d’Héloïse de Chypre, dont il eut: 1° Jean, seigneur de Tyr, mort en 1283, et 2° Aufroy, seigneur de Thoron, dont la postérité est sans intérêt pour mon sujet (3).
     (1) P. ANSELME, I, 479.



     (2) P. ANSELME, II, 848. — D. FLEUREAU, Hist. de l’abbaie de Villiers, p. 29.

     (3) P. ANSELME, VI, 79.
   
   
11. PHILIPPE II DE MONTFORT († 1270)

     Philippe II de Montfort fut seigneur de Brétencourt, de Beynes, de La Ferté-Alais en partie et de Castres (4). Le 24 mai 1253, il céda le château de La Grave à Pierre, vicomte de Lautrec, en échange de celui de Fiac. Au mois d’août 1255, il obtint du roi des lettres mandant au sénéchal de Carcassonne de s’interposer entre lui et Pierre de Lautrec, puis d’autres pour imposer silence à Amaury, vicomte de Lautrec, qui l’avait assigné devant l’autorité ecclésiastique (5). Le 17 novembre 1256, au nom de son père et au sien, comme seigneur de Castres, il reçut l’hommage d’Amaury de Lautrec pour le château d’Ambres. En mai 1258, il transigea avec Pierre de Lautrec au sujet des dépendances de Fiac (6). Bertrand, vicomte de Lautrec, et ses neveux prétendirent que les biens confisqués pour hérésie dans l’étendue de leur vicomté devaient être réunis à leur domaine. Philippe soutenait qu’ils lui appartenaient en qualité de suzerain et il se mit en campagne pour appuyer sa thèse par les armes. Informé de l’incident, le roi manda à son sénéchal de s’interposer pour éviter une effusion de sang et de s’informer de leurs possessions respectives antérieurement à l’inféodation de 1229  (7). [p.105]
     (4) D. VAISSÈTE, VIII, 1434.


     (5) D. VAISSÈTE, VIII, 1361, 1363, 1434; V, 679, 855.


     (6) D. VAISSÈTE, VI, 679, 855.




     (7) D. VAI5SÈTE, VI, 854 ; VIII, n° 328.
     En novembre 1259, au nom de son père Philippe, seigneur de Tyr, il assigna aux filles de Guy Ier de Montfort, Alice et Agnès, religieuses à Port-Royal, la somme de 120 livres pour leur quint dans les biens situés en Albigeois; en outre, il confirma à l’abbaye la grange de Marbois, près La Ferté, que défunt Guy II de Montfort, son oncle, lui avait donnée: mention est faite de l’assentiment de sa femme, Jeanne (1).
     (1) A. DE DION, Cart. de Porrois, p. 260.
     Sur enquête de Pierre d’Auteuil, sénéchal de Carcassonne, le Parlement rendit un arrêt, le 1er juin 1259, disant que la ville de Graulhet mouvait en fief du roi et non de Philippe de Montfort. Ce dernier ne se tint pas pour battu; il produisit une réception d’aveu par son père, établissant le contraire: le 2 février 1260, un nouvel arrêt, en acceptant sa preuve, le maintint en possession de cette mouvance (2).
     (2) BOUTARIC, Actes du Parlement, n°°316, 405. — BEUGNOT, Les Olim, n° 77.
     La même année, il plaida contre les officiers du roi à propos du péage de la Croix du Quartier, perçu sur le chemin d’Étampes à Corbeil, au pont de Bouray, qui formait la limite entre les châtellenies de La Ferté et de Montlhéry. Philippe de Montfort soutenait que les officiers de Guillaume des Barres et de ses successeurs dans la châtellenie de La Ferté-Alais avaient toujours perçu ce péage sur les marchands portant des denrées sujettes à la taxe; que les dits officiers avaient été en saisine de ce droit depuis le jour où la ville de La Ferté fut donnée à Guillaume des Barres, sauf pendant la croisade où, profitant du désarroi général, les officiers du roi avaient prélevé le péage. Depuis, les seigneurs de La Ferté avaient protesté contre cette violation de leurs droits et repris la perception du péage. Les officiers du roi objectaient que le péage ne pouvait appartenir à Philippe de Montfort, parce qu’il n’avait ni la souveraineté, ni le domaine de la châtellenie; que le roi l’avait toujours perçu..., etc. Sur les doléances des parties, une enquête fut confiée au bailli d’Orléans: sa conclusion fut que, dès son investiture, Guillaume des Barres avait effectivement perçu le péage et en avait gardé la saisine, qu’il avait transmise à ses héritiers et successeurs, mais cette perception avait été illégale; en conséquence, au nom du roi, il inclinait à ce que le péage fût supprimé: aucune des parties n’aurait à l’avenir le droit de le percevoir. Un arrêt du Parlement, rendu à la Chandeleur 1260 (n. st.), homologua cette décision (3).
     (3) BEUGNOT, Les Olim, n°103.
     En 1262, Philippe de Montfort le jeune se qualifiait «successeur [p.106] en Albigeois, au delà du Tarn, des comtes de Toulouse et de Montfort, des vicomtes de Béziers et autres seigneurs», dans un acte de pariage qu’il conclut avec Raimond, abbé de Candeil. En janvier 1265, «du conseil et de la volonté des chevaliers-terriers de son père», il confirma les coutumes de Castres. Il se dit, dans cet acte, «vice-gérant de Philippe de Montfort, seigneur de Tyr et de Thoron, son père, à Castres, dans le Narbonnais, en Albigeois et dans toutes les terres qu’il possédait en Albigeois, avec pouvoir de les gouverner et d’en réformer l’état à cause du droit qu’il devoit avoir un jour sur ces terres» (1).
     (1) D. VAISSÈTE, VIII, 1476; VI, 855.
     Sur ces entrefaites, cédant à l’appel du pape, Charles d’Anjou s’embarqua à Marseille, en octobre 1265, pour aller faire la conquête de la Lombardie et des royaumes de Naples et de Sicile sur Mainfroi, fils naturel de l’empereur Frédéric II. Philippe de Montfort fit partie de l’expédition: dès le commencement de l’année, il avait été détaché avec un corps de troupes pour préparer les voies au delà des Alpes, commission dont ce chevalier, qui était fort brave, s’acquitta avec honneur, car il battit les partisans de Mainfroi. Avec le maréchal de Mirepoix, il commandait l’avant-garde de Charles, à la fameuse bataille de Bénévent, que ce prince gagna sur Mainfroi, son concurrent, le 26 février 1266. Après cette victoire, Charles avait d’abord songé à nommer Philippe de Montfort gouverneur de Milan, avec le titre de podestat, puis il se ravisa et l’envoya en Sicile avec les pouvoirs de vice-roi. Un peu plus tard, il le nomma commandant des troupes chargées de défendre les États de l’Église. Dans les registres angevins, Philippe est plusieurs fois qualifié cousin du roi (2).
     (2) D. VAISSÈTE, VI, 892. — Del GIUDICE, Codice diplomatico, I, 248. — DURRIEU, Arch. angevines de Naples, XXIX, f°°9 et 17 ; III, f°28. — DU CHESNE, Histor. Franc. Scriptores, V, 837.
     Le 4 août 1267, Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse, informa Philippe de Montfort que ses gens avaient enlevé le blé des vicomtes de Lautrec à Labruguière et l’invita à leur rendre justice. A la même date, il l’avisa que son bailli, Raimonnet de Contains, s’était rendu coupable de plusieurs méfaits à l’égard de Sicard Alemand, chevalier, et lui demanda de l’obliger à réparer ses torts. Le 13 septembre, le même Sicard s’étant plaint que Philippe de Montfort percevait injustement un péage de trois deniers à Loupiac, il le pria de s’en abstenir à l’avenir. En décembre, Philippe accorda des lettres de sursis à Isarn, vicomte de Lautrec, [p.107] pour le fouage qu’il lui devait à raison de certaines terres (1). Ce même mois, au nom de son père, il amortit les acquisitions de Port-Royal dans sa seigneurie de Beynes (2).
     (1) D. VA1SSÈTE, VIII, 1606, 1608; VI, 902. Arch. nat., JJ 24c, f°49.
     (2) A. DE DION, Cart. de Porrois, p. 308.
     En 1268, Philippe de Montfort fut invité par le sénéchal de Carcassonne à venir résider dans la ville, un certain temps de l’année, ainsi que ses fiefs l’y obligeaient. Il y assista, en tête de la noblesse, à l’assemblée des trois États convoquée pour voter les subsides demandés par le roi pour l’expédition d’outre-mer. La même année, en raison de la lettre de son père, il fut investi du comté de Castres et en présenta l’hommage au roi Louis IX. Le 13 septembre, il s’accorda avec les vicomtes de Lautrec au sujet d’une somme de 400 marcs qu’ils lui devaient. Le 25 juillet 1269, il assista à une nouvelle réunion des trois État (3). Au château de Roquecourbe, le 1er avril 1270, en présence de Jeanne, sa femme, il fit son testament, par lequel il institua tous ses enfants héritiers suivant la coutume de France, avec cette réserve que celles de ses filles qui auraient été dotées durant sa vie ou celle de sa femme, n’y auraient point part. Il fondait un chapelain à Roquecourbe, près de Carcassonne, et assignait divers legs, notamment une rente de dix livres aux Frères Prêcheurs de Castres, qu’il avait fondés en 1258 (4).
     (3) D. VAISSÈTE, VI, 905, 913; VIII, 1661, 1665, 1630.


     (4) Arch. du domaine de Montpellier, Castres, liasse 1, n°1. — D. VAISSÈTE, VI, 924; VIII, 360. — D. MARTÈNE, Ampl. coll., VI, 485.
     Aussitôt après, il repartit pour Naples, où Charles d’Anjou l’attendait pour passer en Afrique. Il mourut devant Tunis le 28 septembre 1270: Géraud de Burlas, chevalier et son écuyer, fit enterrer ses entrailles et ses chairs dans le camp, mais il apporta ses ossements et son cœur à Castres, où ils furent inhumés dans l’église de Saint-Vincent le 9 septembre de l’année suivante, en présence de Jeanne de Lévis, sa femme, et de toute la noblesse du comté. Un tombeau avait été préparé à droite de l’autel du saint, du côté de la sacristie; les religieux y firent graver une épitaphe où l’on vantait ses talents et ses vertus, mais surtout ses exploits militaires; ils le représentaient comme la fleur de la chevalerie de son temps, bien fait, libéral, rempli d’honneur, de probité, de piété, de courage et de sagesse (5). En voici l’inscription: [p.108]

IN CELVM RECIPI DE FORTE MONTE PHILIPPI
FAC ANIMAM, CHRISTE, FLOS MILITIE FVIT ISTE,
LARGVS, FORMOSVS, HVMILIS, SAPIENS, ANIMOSVS,
MILITIE RECTOR CAROLINE PVGNAT VT HECTOR.
ORDINIS INVENTVS FVNDATOR ET EDIFICATOR
HVIVS CONVENTVS NON EST ITA VERVS AMATOR.
TVNICII MORITVR, SOLEMNITER HIC SEPELITVR;
CONTINET HEC FOSSA TANTI DOMINI COR ET OSSA.

     De son mariage avec Jeanne, fille de Guy Ier de Lévis, seigneur de Mirepoix et maréchal de Simon de Montfort, et de Guibour (1), Philippe II avait eu cinq enfants: 1° Jean, qui suit; 2° Simon, chevalier-terrier de l’hôtel du roi de Sicile, qui fut fiancé sous les murs de Tunis à la fille cadette de Pierre de Beaumont, comte de Montescaglioso, mais elle mourut avant la célébration du mariage; au retour de la croisade, le 6 janvier 1271, il fut créé comte d’Avellino; dans son duel du 24 janvier 1272 (n. st.), contre Foulque Leroux, chevalier calabrais, il fut tué: son corps fut ramené de Pouille à Castres et inhumé aux pieds de Philippe II (2); 3° Jeanne, à qui son père donna 12 000 livres en dot à l’occasion de son mariage avec Guy, comte de Forez; elle épousa en secondes noces Louis de Savoie et mourut en 1293, laissant dix enfants (3); 4° Éléonore, qui sera présentée après son frère; 5° Laure, qui atteignit sa quinzième année en février 1274; elle épousa Bernard VI, comte de Cominges, et mourut avant son mari, laissant neuf enfants (4).

     (5) Histor. de France, XXI, 744, ex Bernard Guy ord. predic. — Historia conventus Castrensis, p. 305. — D. MARTÈNE, Ampliss. coll., VI, 498. — D. VAISSÈTE, VI, 924. [Traduction littérale: “Fais, ô Christ, que soit accueillie au ciel l’âme de Philippe de Montfort. Il fut la fleur de l’armée, libéral, beau, humble, sage, vaillant. Général de l’armée de Charles il se bat comme Hector. Considéré comme le fondateur et le bâtisseur de notre ordre, ami plus véritable de ce couvent que personne d’autre, il meurt à Tunis, est enseveli ici solennellement. Cette fosse contient le cœur et les os de ce si grand seigneur.” (B.G. 2007)]

     (1) P. ANSELME, IV, 12. — Bibl. nat., coll. Clairambault, 306, 521. — A. MOUTIÉ,  Cart. de Notre-Dame de La Roche, p. 139. En 1232, Guy de Lévis, maréchal d’Albigeois, et Guibour, sa femme, donnèrent 4 000 livres pour la fondation de l’abbaye de La Roche.
     (2) P. ANSELME, IV, 12. — Histor. de France, XXI, 745, où la mort est fixée au 24 janvier 1275 par la chronique dominicaine, mais, le 14 janvier 1272 (n. st.), Charles d’Anjou interdit les poursuites à son frère Jean de Montfort, le meurtre ayant été commis sur le domaine royal. — DURRIEU, Arch. angevines de Naples. — A. DE BROUARD, Actes et lettres de Charles Ier, roi de Sicile, n°677.
     (3) LA MURE, Hist. des ducs de Bourbon et des comtes de Forez, p. 284. — GUICHENON, Hist. généal. de la royale maison de Savoye, II, 1274. — D. VAISSÈTE, IX, 242.
     (4) P. ANSELME, II, 632.
     En décembre 1270, Jeanne de Lévis, veuve de Philippe II de Montfort, ayant le bail de Jean et Simon, ses fils mineurs, demanda au sénéchal de Carcassonne d’être reçue à l’hommage pour la ville de Castres et les autres domaines situés entre le Tara et l’Agout, sous le service de sept chevaliers, au lieu de dix que porte l’inféodation de 1229, ce qui indique une distraction du patrimoine [p.109] sans doute au profit des filles; elle rendit cet hommage au mois de février suivant. Elle confirma dans ses fonctions le sénéchal, Étienne de Dardières, établi par son mari. Elle mourut le 30 mai 1284 et fut inhumée à côté de son mari, sous une tombe particulière (1).
     (1) Histor. de France, XXI, 745. — Dom VAISSÈTE, VI, 924. — DE FOS, Castres, p. 28.
 
   
12. JEAN DE MONTFORT († 1300)

     Jean de Montfort, seigneur de Brétencourt, de Beynes, de La Ferté-Alais en partie, de Castres et de Beaumont-en-Gâtinais, s’attacha à la fortune de Charles d’Anjou, qui le fit chevalier-terrier de son hôtel, membre de son conseil et comte de Squillace (2). Il accompagna son père à la croisade de Tunis, car sous les murs de cette ville fut dressé l’accord de son mariage avec Marguerite, fille aînée de Pierre de Beaumont, grand chambellan de Sicile, comte de Montescaglioso et d’Alba, et de défunte Jeanne Brouard, issue d’une riche famille beauceronne: cette union est attestée dans un sauf-conduit que lui délivra Charles d’Anjou, à Florence, le 11 juillet 1273, à l’occasion d’un voyage qu’il allait faire en France (3).
     (2) MINIERI RICCIO, De Grandi Uffiziali del regno di Sicilia, 165-172.

     (3) A. DE BOUARD, Actes et lettres de Charles 1er, roi de Sicile, concernant la France, n°808, d’après reg. angevin XX, f°48.
     Le but de ce déplacement est expliqué par la mort de son beau-père, survenue à Paris le 10 mai 1273 (4). Il lui succéda dans ses fonctions de grand chambellan et dans ses comtés; dès qu’il en eut été investi, il vint en France pour accomplir ses legs et régler les détails de sa succession. Le 18 novembre 1273, il fit hommage à l’évêque de Paris pour le fief de Thérouanne, dont il héritait du chef de sa femme (5); Ce même mois, il fonda chez les religieux de Brétencourt un anniversaire pour lui-même, sa femme, leurs enfants à venir et leurs parents, moyennant la concession en main morte de friches qu’il possédait près de Ribout et de Brouville. Le sceau, rond, en 45 millimètres, est analogue à celui de son père, mais plus petit; il représente un cavalier galopant vers la gauche, en cotte de mailles, surcot et casque fermé, tenant une lance à la bannière émanchée et se couvrant d’un bouclier au lion rampant à la queue lourchée, brisé d’un lambel de cinq pendants, la housse du cheval également aux armes; autour se lit cette inscription: [p.110] + S’. IOHAN. DE. MONTFORT. CHEVAL’. Le contre-sceau, de 30 millimètres, représente un chasseur à cheval, sonnant du cor, sans le lévrier et sans l’arbre du sceau précédent, avec cette légende: SIGILLVM. SECRETVM (1).
     (4) Bibl. nat., ms. latin 17020, f°114.

     (5) GUÉRARD, Cart. de Notre-Dame de Paris, I, 201. — EM. RICHEMOND, Les seigneurs de Nemours, II, n°LXI ter.

    (1) Arch. de Seine-ei-Oise, 25 H 1. — Bibl. nat., ms. latin 5441.2, p. 121. — Arch. d’Eure-et-Loir, H 2258. — D. MARTÈNE, Hist. de l’abbaye de Marmoutier, II, 23. [Traduction littérale: “S(ceau) de Jean de Montfort chevalier. (...) Contre-sceau.” (B.G. 2007)]
     Au Parlement de la Chandeleur 1274 (n. st.), il demanda un délai qui lui fut refusé, pour payer à Jeanne de Lévis, sa mère, sa dot de 3 000 livres et son douaire; en même temps, sa sœur Laurette obtint qu’il lui délivrerait la part lui revenant de la succession de leur père, parce qu’elle avait atteint l’âge de quinze ans, et que, suivant la coutume de France, elle pouvait gérer ses biens, quoiqu’elle ne fût pas encore majeure (2). Le 20 février, tant en son nom que pour ses cohéritiers à Roquecourbe, il transigea avec les chanoines d’Albi touchant la justice de Caylus (3). En avril, il amortit au prieuré de Brétencourt vingt arpents de bois à Ribout que lui avait donnés Jean d’Auneau, seigneur de Denisy. Au mois de mai suivant, il confirma la charte par laquelle Guy le Rouge et Adélaïde de Rochefort, sa femme, avaient donné l’église de Brétencourt à l’abbaye de Marmoutier (4). Peu après, au château de Beaumont-en-Gâtinais, Jean de Montfort et sa femme fondèrent une chapelle en l’honneur de Sainte-Croix, moyennant une rente de vingt livres à percevoir sur les dîmes de la seigneurie: en septembre 1276, Philippe III le Hardi confirmera cette fondation (5). Charles d’Anjou trouva que l’absence de son chambellan durait trop longtemps: le 17 décembre 1274, iI lui signifia que, si, au mois d’avril suivant, il n’était pas de retour dans ses terres, elles seraient confisquées; il dut obéir (6).
     (2) D. VAISSÈTE, VI, 925; IX, 34.
     (3) D. VAISSÈTE, V, 1350, n°118; VI, 625. — MARTÈNE, Ampliss. coll., VI, 498.


     (4) Bibl. nat., ms. latin 5441.2, p. 117, 121.



     (5) Bibl. nat., ms. latin 9895, f°169.

     (6) A. DE BOUARD, Actes et lettres de Charles Ier roi de Sicile, n°808.
     A Pentecôte 1282, Jean de Montfort obtint du Parlement de Paris un arrêt interdisant au sénéchal de Carcassonne de lever le rachat dans les terres qui avaient appartenu à feu Simon de Montfort, son frère; quoi qu’il fût chevalier, ledit Simon n’avait pas rendu hommage ni prêté serment de fidélité pour les terres qu’il possédait en Albigeois, parce qu’il était mineur à l’époque de sa mort et par conséquent exempt du rachat (7). Cette année, il amortit aux religieux de Brétencourt deux muids de terre que [p.111] Jean de Brouville leur avait vendus, puis quarante arpents de bois à Ribout que Guiard de Roi leur avait cédés (1).
     (7) D. VAISSÈTE, IX, 79, 82.
     (1) Arch. d’Eure-et-Loir, H 2257, 2258. — Arch. de Seine-et-Oise, 25 H 1. — Bibl. nat., ms. latin 5441.2 p. 121.
     En 1283, Jean de Montfort fut l’un des cent chevaliers qui devaient combattre pour le roi de Sicile contre ceux du roi d’Aragon; dans les années suivantes, il fut plusieurs fois mêlé aux hostilités contre ce royaume (2). Au mois d’août 1290, il obtint un arrêt contre Amaury de Lautrec au sujet de la mouvance du château d’Ambres (3).
     (2) D. VAISSÈTE, IX, 89, 103, 125, 132.

     (3) D. VAISSÈTE, IX, 152.
     Pour remplir les dernières volontés de Pierre de Beaumont, Jean Britaud, seigneur de Nangis, connétable de Sicile, panetier de France et son exécuteur testamentaire, devait remettre un legs de sept livres aux religieuses de Saint-Antoine, où il avait élu sa sépulture: il leur fit remise du champart que le défunt percevait sur leur grange de Savigny et qui valait quarante sous de rente; de plus, entre Aulnay et Savigny, il leur assigna quatorze arpents de terre, prisés à cent sous de rente. Néanmoins, le 15 septembre 1290, avec l’assentiment de sa femme, Jean de Montfort ordonna au bailli d’Aulnay de payer cette rente sur la présentation de ses lettres (4). Le sceau, rond, en 85 millimètres, cire rouge sur lacs de soie rouge, représente un cavalier galopant vers la droite, cri cotte de mailles, surcot et casque fermé, tenant une lance à bannière émanchée, et se couvrant d’un bouclier aux armes qui se trouvent reproduites sur la housse du cheval, avec cette légende: + S’. IOHANNIS. DE. MO(N)TE. FORTI. COMITIS. SQVILACII. (E)T. MO(N)TIS. CANEOS’. Le contre-sceau offre un écu au lion rampant à la queue fourchée, brisé d’un lambel de cinq pendants. Le second sceau est celui de sa femme: ogival, de 65 millimètres de haut, il représente une dame debout, en robe et manteau vairé, coiffure en voile, posée sur un piédouche, tenant à la main droite un rameau fleuri; à dextre, un écu aux armes de Montfort; à sénestre, un écu aux armes de Beaumont, gironné de douze pièces, avec cette légende autour: + S’. MARGARIT. DE. BELLOMO(N)TE. VXOR. DNI. IOH’IS. D’. MO(N)TE. FORTI. MILITIS. Le contre-sceau offre un écu gironné de douze pièces, avec ces mots autour: + SECRETVM. MEVM.
     (4) Arch. nat., L 1014, n° 13, original scellé. — Édit. DOUET d’ARCQ, Les comtes de Beaumont-sur-Oise (Mém. Soc. Antiq. de Picardie, IV, 122, n°185), d’après Arch. nat., L 1601; Invent, des sceaux, n°2908 et 11790. — MAQUET et DION, Nobiliaire et armorial du comté de Montfort-l’Amaury, p. 67. [Traductions littérales: “S(ceau) de Jean de Montfort, comte de Squillace et de Montescaglioso. (...) S(ceau) de Marguerite de Beaumont, épouse du chevalier Jean seigneur de Monfort. (...) Mon contre-sceau.” (B.G. 2007)]
     En septembre 1291, Jean de Montfort porta ses doléances au Parlement contre des officiers royaux qui avaient pénétré sur son [p.112] territoire, brisé sa prison et mis en liberté les coupables qui s’y trouvaient. En 1293, il assigna Hugues de Monteil en restitution de la baronnie de Lombers, injustement détenue par son frère qui l’avait subrepticement obtenue à la mort de Guy Il de Montfort: il n’eut pas le temps de voir la conclusion de ses poursuites qui traînèrent en longueur (1).
     (1) D. VAISSÈTE, op. cit., IX, 127; VII, 124, note XLIV; IV, 763. — Lambert de Monteil-Adhémar avait été investi de Lombers par la reine-mère et y fut maintenu par Louis IX, de passage à Beaucaire en 1254.
     La succession de Philippe II de Montfort et de Jeanne de Lévis était restée dans l’indivision entre leurs enfants: le 15 mai 1295, Jean de Montfort, comte de Squillace et de Montescaglioso et chambellan de Sicile, procéda au partage avec Bernard de Cominges, chevalier, fils aîné du comte et de sa sœur Laure, alors décédée, et avec Éléonore de Montfort, mariée au comte de Vendôme (2). Revenu en Italie où ses fonctions rendaient sa présence nécessaire, il mourut à Foggia, près de Naples, le 1er décembre 1300. Quatre ans plus tard, les Frères Prêcheurs allèrent chercher son corps pour l’inhumer dans leur église de Castres, selon ses dernières volontés; de retour à Toussaint 1304, ils le déposèrent au monastère de Prouille, en attendant l’achèvement du caveau, qui ne demanda pas moins de six mois. Le 29 juin, le cercueil fut transporté à Castres, déposé dans la chapelle de la Trinité et veillé par les religieux. Enfin, le mercredi 7 juillet 1305, avec l’assistance de toute la communauté, des moines blancs de Candeil, des Cisterciens d’Ardorel, de tout le clergé de la ville, de toute la noblesse précédée par Jean de Lévis, maréchal de Mirepoix, Constance de Foix, sa femme, ses frères, cousins germains du défunt, et surtout sa sœur, Éléonore de Montfort, comtesse de Vendôme, avec ses trois fils, il fut amené à l’église de Saint-Vincent en grande pompe et inhumé au milieu du chœur. Le procès-verbal de la cérémonie rapporte que, la nuit précédente, Éléonore voulut voir son frère une dernière fois et fit ouvrir le cercueil, où le corps apparut exempt de corruption; elle le reconnut à une cicatrice qu’il portait au visage depuis son enfance (3). Sur sa tombe fut gravée l’inscription suivante:
     (2) D. VAISSÈTE, op. cit., IX, 152; IV, 94. — A. MOUTIÉ, Cart. de Notre-Dame de 1a Roche, p. 458.











     (3) Histor. de France, XXI, 745. — D. VAISSÈTE, VI, 625 ; IX, 242.
EST HIC DONATVS I.DE MONTFORT REQVIEI.
DEFENSOR FIDEI, VIR IN ARMIS VALDE PROBATVS
JVSTVM PLANGE VIRVM, LARGVM SENSVQVE PROFVNDVM.
IN VITA MVNDVM PROBAT HOC VNVM BENE VIRVM:
[p.113]
CORPVS QVOD IACVIT ANNIS MVLTIS TVMVLATVM
ABSQUE FŒTORE FVIT SOLIDVM, NON INCINERATVM
CASTRIS TRANSLATVM lACET HIC IN HONORE LOCATVM
AD PLANTAS MATRIS, E REGIONE PATRIS...
*

     Marguerite de Beaumont, sa veuve, épousa en secondes noces Robert II de Dreux, seigneur de Beu, Bagnaux et La Chapelle Gauthier, alors veuf de Yolande de Vendôme, auquel Charles II, roi de Sicile, donna le comté de Squillace (1). Se jugeant lésé, attendu qu’il était le neveu et le filleul du défunt, Jean, comte de Forez, demanda la restitution du comté; par lettres du 8 novembre 1306, le roi lui répondit qu’il devait se pourvoir en justice et, s’il succombait, il lui donnerait une terre de même valeur (2).

      * Traduction littérale: “C’est ici qu’a été livré au repos Jean de Montfort, défenseur de la foi, homme qui a largement montré sa valeur au combat. Pleure cet homme juste, libéral et d’une profonde intelligence. Ce seul fait prouve montre bien un homme pur pendant sa vie: son corps, qui avait reposé enterré de nombreuses années s’est trouvé intact, sans puanteur, sans avoir été incinéré. Transporté à Castres, il repose ici, où il a été solennellement placé aux pieds de sa mère, vis à vis de son père.” (B.G. 2007)
      (1) DU CHESNE, Hist. de la maison de Dreux, 145, 311. — P. ANSELME, 1, 432. — BRÉQUIGNY, VIII, 126.
     (2) Arch. nat., P 1396, p. 402. — La Mure, p. 331.
 
 
13. JEAN DE VENDOME
ET ÉLÉONORE DE MONTFORT

Blason de Jean V de Vendôme selon Olivier, Sébastien et Julie Lefebvre      S’il faut en croire le Père Anselme, Éléonore de Montfort aurait été fiancée en février 1270 (n. st.) à Bertrand II, seigneur de La Tour d’Auvergne (3). Ce projet n’ayant pas eu de suite, elle épousa Jean V, comte de Vendôme, fils de Bouchard V et de Marie de Roye. En 1282, il alla au secours de Charles d’Anjou, roi de Sicile. En 1288, au moment de partir pour l’Aragon, il donna à la Trinité de Vendôme dix arpents de vigne proche Villedieu, pour l’âme de son père Bouchard. Il fit son testament le 18 mai 1315 et mourut peu après, laissant quatre enfants: 1° Bouchard VI, qui lui succéda dans le comté de Vendôme et fut seigneur de Lautrec en Albigeois; 2° Jean, qui plaidait en 1320 contre le comte de Cominges; 3° Pierre, seigneur de Floire et de Tocé dans le Maine, cité en 1335 et 1352; 4° Jeanne, femme de Henri IV de Sully, grand bouteiller de France (4).
     (3) P. ANSELME, VI, 80; VIII, 726. — D. VAISSÈTE, VI, 127. — DE PÉTIGNY, Hist. archéol. du Vendômois, p. 543.






     (4) P. ANSELME, VIII, 726.
     Au partage du 15 mai 1295, Éléonore reçut de son frère la châtellenie de Brétencourt estimée valoir 400 livres de rente, les droits qu’il pouvait prétendre dans la châtellenie de La Ferté-Alais, les châteaux de Vias et de Bessan, près d’Agde, prisés quarante livres et quelques autres terres en Albigeois (5). Sur ces entrefaites, [p.114] pour exécuter les dernières volontés de son père lui prescrivant d’assigner un apanage à son frère Louis, comte d’Évreux, Philippe IV le Bel voulut agrandir la châtellenie d’Étampes en lui incorporant celle de La Ferté, déjà bien appauvrie par les concessions de Marguerite de Provence et de Philippe III le Hardi: en 1298, il traita avec Éléonore de Montfort de la cession de ses droits, réalisant ainsi la réunion à la couronne de la totalité de la châtellenie (1).
     (5) D. VAISSÈTE, IV, 94. — A. MOUTIÉ, Cart. de l’abbaye de Notre-Dame de la Roche, p. 458.
     (1) Arch. du Loiret, A 1237. — Ce fut seulement en avril 1307 que la châtellenie de La Ferté-Alais fut réunie à celle d’Étampes, pour l’apanage de Louis, comte d’Évreux.
     A la mort de son frère Jean, qui l’avait instituée son héritière, Éléonore eut à se défendre contre les revendications des familles de Cominges et de Forez. Au nom de ses enfants, Bernard VI de Cominges demanda le tiers de la succession, mais, par arrêt de février 1302 (n. st.), conformément à la coutume de Paris, cette succession fut adjugée en entier à Éléonore; le procès se termina seulement en 1329, par une transaction avec son neveu Bernard VII (2).
     (2) BEUGNOT, Les Olim, II, 454. — D. VAISSÈTE, VI, 127.
     Plus heureux, Jean, comte de Forez, fils de Guy et de Jeanne de Montfort, obtint la saisie de Castres et de la terre de l’Albigeois: Éléonore fit opposition disant qu’elle en avait hérité du défunt et rempli toutes les formalités légales; les prétentions du comte ne pouvaient porter que sur la vingt-huitième partie, ou tout au plus sur le tiers de l’héritage; par arrêt d’avril 1303, le Parlement confirma les deux tiers de la succession à Éléonore, et mit l’autre tiers sous la main du roi, en attendant que la cour en eût ordonné (3).
     (3) LA MURE, Hist. des comtes de Forez, p. 329.
     En 1314, pour la fondation de trois messes, Éléonore donna six cents livres aux religieuses de Port-Royal (4). Vers cette date, elle amortit quinze setiers de terre à Garancières en faveur de l’abbaye de Villiers-le-Châtel (5). En janvier 1318 (n. st.), avec l’assentiment de ses fils, Bouchard, Jean et Pierre, elle assigna aux religieux des Vaux-de-Cernay une rente de trois setiers de blé sur les moissons de Brétencourt (6). En 1322, elle s’accorda avec le prieur de Brétencourt au sujet d’un litige relatif à ses hommes. Elle testa le 8 mai 1338, et mourut peu après (7).  [p.115]
     (4) A. DE DION, Cart. de Porrois, I, 140.
     (5) D. FLEUREAU, Hist. de l’abbaie de Villiers, p. 29.
     (6) Bibl. nat., coll. Clairambault, 306, 511.
     (7) Bibl. nat., ms. latin 5441.2, p. 121.
G. ESTOURNET.

 
Carte du secteur de La Ferté-Alais vers 1641
pour servir à l’intelligence des six chartes latines qui suivent

La ferté-Alais sur la carte de l'archidiaconé d'Etampes d'Outhier (1641)
Outre La Ferté au centre, on notera Morigny à l’angle sud-ouest, Duison au sud, La Saussaye au nord-est, Marbois et Artolu au sud-est (aujourd’hui à nouveau Retolu)

PIÈCES JUSTIFICATIVES.
(avec leur traduction par B.G, 2007)


I

     Vers 1155. — Aubry, seigneur de La Ferté, accorde aux religieuses d’Yerres un droit d’usage dans le Buisson de Marbois.
     Arch. de Seine-et-Oise, 63 H 66, original. — Arch. nat., LL 1599B, p. 60, copie du XIIIe siècle. — Bibl. nat., ms. latin 17096, f°618, extrait.
  
Texte édité par Estournet (1944)
 Traduction Bernard Gineste (2007)
     Sciant omnes tam futuri quam presentes, quod ego Aubericus, dominus Feritatis, et uxor mea Mahaudis, et filius meus Renaudus, sancte ecclesie de Hedera concessimus mortuum nemus de Amaro Nemore domui de Retollu ad usum ipsius et novem hospitibus de Amaro Nemore et non pluribus, ad usum ipsorum, ita quod nichil inde liceat eis vel vendere vel dare, tali vero conditione hoc factum est, quod hospites illi novem et non plures ad molendinos domini Feritatis venient per bannum et post illum, cujus annonam in trimodia invenient, molent. Hoc autem factum est in presencia Clemencie, tunc temporis abbatisse. Testes hujus rei sunt Teodericus Galerannus, Ferricus de Donjunno, Andreas de Ulmeto, Robertus Polinus, Manasserus de Feritate, Bernodalius de Feritate, Ferricus de Duisonno, Petrus Buinellus, Teobaudus pretor, Landricus seneschallus, frater Ogerus et frater Odo.      Que tous sachent, tant à venir que présents, que moi Aubry seigneur de la Ferté, mon épouse Mahaud et mon fils Renaud, avons donné à la sainte Église d’Yerre le bois mort de Marbois pour la maison de Retolu pour son usage et celui de neuf hôtes de Marbois et pas davantage, avec cette précision qu’il ne leur en est rien permis de vendre ou de donner.
     Mais cela s’est fait à la condition que ces neuf hôtes et pas davantage viendront par ban au moulin du seigneur de la Ferté, et qu’il moudront juste après celui dont ils auront trouvé le blé dans la trémie
*.
     Cela s’est conclu en présence de Clémence, alors abbesse. De cette transaction sont témoins: Thierry Galeran, Ferry du Donjon, André d’Ormoy, Robert Polin, Mannassé de la Ferté, Ferry de Dhuison, Pierre Buinel, le prévôt Thibaud, le sénéchal Landry, frère Oger et frère Eudes.

 
     * On appelle trémie (latin trimodia) une “sorte de grande auge à ouverture carrée, large par le haut, étroite par le bas, dans laquelle on met le blé, qui tombe de là entre les meules pour être réduit en farine” (Littré)
(B.G., 2007).

II

     Vers 1166. Devant Aubry de Dammartin, seigneur de La Ferté, Jean, prieur de Notre-Dame de La Ferté, abandonne sa terre d’Artolu [aujourd’hui à nouveau Retolu (B.G., 2008)] aux religieuses d’Yerres, en échange d’une terre sise dans l’île de D’Huison.
     Arch. de Seine-et-Oise, 63 H 66, original.
 
Texte édité par Estournet (1944)
Traduction Bernard Gineste (2007)
     Sciant universi ad quorum noticiam littere iste pervenerint, hanc esse convencionem inter ecclesiam Sancte Marie Feritatis et inter ecclesiam Sancte Marie de Hedera. Ecclesia Sancte Marie de Hedera habebat in insula de Duisun terram quandam, juxta terras monachorum Sancte Marie Feritatis sitam. Hanc Johannes, ejusdem Feritatis prior, ecclesie cui preerat necessariam esse conspiciens, dedit per assensum Haimerici Mauriniacensis abbatis et capituli, assensuque capituli Feritatis, ecclesie Sancte Marie de Hedera in excambio terram quandam quam habebat apud Retollu [p.116], territorio illi proximam. Et ut hoc ecclesie Sancte Marie de Edera ratum et firmum tam presenti evo quam succiduis temporibus maneat, et sigilli Sancte Marie Feritatis auctoritas et perhabilium testium affirmetur veritas, quorum nomina sunt predictus Haimericus, Mauriniacensis abbas, Johannesque predicte Feritatis prior, Gauterius ejusdem loci subprior et cantor et litterarum istarum scriptor. Nomina autem secularium et fidejussorum conventionem istam patrocinantium sunt hec: Albericus de Domno Martino, ejusdem Feritatis dominus, Petrus clericus filius Baudewini, Symon de Varennis, Ansellus filius Harpini de Mauriniaco.
     Que sachent tous ceux à qui viendra connaissance de cette notice qu’il existe la convention suivante entre l’Église de Notre-Dame de la Ferté et l’Église de Notre-Dame d’Yerre.
     L’Église de Notre-Dame d’Yerre possédait dans l’île de Dhuison une certaine terre jouxtant les terres des moines de Notre-Dame de la Ferté. Jean, prieur de la dite Ferté, considérant que cette terre était nécessaire à l’Église qu’il présidait, avec l’accord de l’abbé de Morigny Aimery et du chapitre, et avec l’accord du chapitre de la Ferté, a donné en échange à 
l’Église de Notre-Dame de la Ferté une certaine terre qu’il possédait à Artelu, tout près de ce terroir.
     Et pour que cela demeure établi et ferme en faveur de l’
Église de Notre-Dame d’Yerre, tant dans l’âge présent dans dans les temps à venir, que soient consigné tant l’autorité du sceau de Notre-Dame de la Ferté que la véracité de témoins très fiables, dont suivent les noms: le susdit Aimery, abbé de Morigny; le susdit Jean, prieur de La Ferté; Gautier, sous-prieur et chantre du même établissement, qui a rédigé cet acte. Les noms des personnes séculières et cautions qui se sont portées garant de cette convention sont les suivants: Aubry de Dammartin, seigneur de la dite Ferté, le clerc Pierre fils de Baudouin, Simon de Varennes, Anseau fils d’Harpin de Morigny.

III
  
     1164 avant novembre. — Landry, abbé de Morigny, faisant droit à une demande de Thierry Galeran qui avait bâti l’église de La Ferté et lui avait donné une terre et la villa du Saussay, lui rend ces biens en échange d’une rente de dix livres sur le cens royal d’Etampes.
     Arch. nat., S 5150, n°29, original. — Bibl. nat., Baluze, t. LXXVII, f°72, copie. — E. MANNIER, Les commanderies du grand prieuré de France, p. 79, analyse.
   
Texte édité par Estournet (1944)
Traduction Bernard Gineste (2007)
     Ego Landricus, Dei paciencia Mauriniacensis abbas. Notum facio universis presentibus et futuris quod dominus Teodericus Galerannus edificaverat ecclesiam nostram de Firmitate, et in multis perficiens, nobis villas de Salceis et terram donaverat, assensu Gilonis de Turnella, de cujus feodo res erat, sub presentia piissimi regis Ludovici. Deinde renuntians seculo dominus Theodericus et se reddens Templo voluit acquirere easdem villas et Templo dari pro X libris de illis XXX libris, quas dominus rex Ludovicus Templo assignaverat in censu suo Stampis, ad festum sancti Dionisii.
     Communicato consilio per instantiam ipsius Theoderici qui multa nobis contulerat, assentiente capitulo Mauriniacensi et capitulo Sancte Marie de Firmitate, concambium taxatum concessimus ut fratres Templi villas de Sauceis, sicut eas habebamus, habeant, et nos X libras in censu regis Stampis capiamus ante solutas, quoque domus Templi accipiat XX reliquas et ab ipso rege principaliter habendas. Hanc conventionem sigilli nostri caractere confirmavimus, multis atestantibus qui affuerunt, Garino capicerio de Corboilo, Theoderico Galeranno, Archembaldo de Catena, Nanterio de Corboilo, Godefrido de Saviniaco, [p.117] fratribus Templi, Gerardo et Godefrido, servientibus Templi; Odone Engania, Hescelino de Linaiis, Teberto de Monteleeri, Teobaldo, preposito de Firmitate, Galfredo de Monteleeri, Girelmo de Carnoto, Fulcone Ruffo, Frodone de Stirpiniaco.
     Moi Landry, par un effet de l’indulgence de Dieu abbé de Morigny, je fais savoir à tous présents et à venir que monseigneur Thierry Galeran avait fait bâtir notre église de la Ferté, et qu’entre autres nombreux bienfaits il nous avait donné les domaines et la terre du Saussay, avec l’accord de Gilles de Tournelle dont on tenait ce fief, en présence du très pieux roi Louis. Ensuite, monseigneur Thierry, renonçant au siècle et se donnant au Temple, voulut acquérir les dits domaines et les donner au Temple, moyennant dix livres des trente livres de rente que monseigneur le roi Louis avait  donné au Temple sur sa caisse d’Étampes, à percevoir à la saint Denis.
     Après en avoir délibéré à la demande du dit Thierry, qui nous avait fait de nombreux dons, avec l’accord du chapitre de Morigny et du chapitre de Notre-Dame de la Ferté, nous avons accepté le dit échange. Les frères du Temple possèderont les domaines du Saussay comme nous les possédions, nous percevrons dix livres sur la caisse du roi à Étampes qui seront réglées tout d’abord, et l’établissement du Temple recevra les vingt livres qui resteront et qui seront à percevoir du dit roi par le biais de son administration
*.
     Nous avons confirmé cettte transaction de l’empreinte de notre sceau, en présence des nombreux témoins qui se sont présentés: Garin, curé de Corbeil; Thierry Galeran, Archambaud de la Chaîne, Nantier de Corbeil, Geoffroy de Savigny, frères du Temple; Gérard et Geoffroy, serviteurs du Temple; Eudes Engaigne
**; Hescelin de Linas; Thiébert de Montlhéry; Thibaud, prévôt de La Ferté; Geoffroy de Montlhéry; Giraume de Chartres; Foulques Roux; Front d’Étréchy. 
 
     * Voici un usage de l’averbe principaliter qui me paraît remarquable en ce que le contexte semble bien obliger à comprendre: sur l’argent public (litteralement: du prince, c’est-à-dire du roi) (B.G., 2007).
     *
* Le latin engania me paraît ici refléter l’ancien français engaigne (substantif féminin) , pour lequel le Lexique de Godefroy donne: “mécontentement, dépit, chagrin, fâcherie” ou bien “sorte de flèche”, qui paraît lui-même une variante de engigne (substantif féminin), “tromperie” ou bien également “sorte de flêche”, qu’on fait dériver du latin ingenium, pris au sens de “ruse” (B.G., 2007).

IV
 
     1177 24 avril-8 avril 1178. — Louis VII donne aux religieuses de La Saussaye la dîme du pain et du vin consommés à La Ferté Alais pour son service, celui de la reine ou de son fils Philippe.
     Arch. de Seine-et-Oise, D 1382, original et copie du XVIIIe siècle dans le Cartulaire, D 1381, f°27. — Gallia christ., VII, 635, analyse. — Abbé LEBEUF, Hist. du diocèse de Paris, édit. Bournon, IV, p. 39. — DUBREUL, Antiq. de Paris, 1215. — A. LUCHAIRE, Actes de Louis VII, n°738. — Confirmation par Philippe-Auguste en 1182 (même cote) par saint-Louis en 1260 (Arch. nat., JJ 39A, f°93), et par Philippe V en 1316 (JJ 53, f°39).
  
Texte édité par Estournet (1944)
Traduction Bernard Gineste (2007)
     In nomine sancte et individue Trinitatis, amen. Ludovicus Dei gratia Francorum rex. Ad noticiam omnium tam presentium quam futurorum volumus pervenire, quod mulieribus apud Salceiam prope Parisius ad serviendum Deo congregatis, tam leprosis quam aliis, decimam panis quem, tam nos quam regina, uxor nostra, quam carissimus filius noster Philippus, apud Firmitatem Aaleis expendemus, et vini similiter, insuper et summarios nostros recreantos, pro salute nostra et predecessorum nostrorum, liberali devotione concessimus, sigillique regii auctoritate nostri nominis karactere subter annotato hec ipsis habenda iussimus confirmari. Actum Aurelianis anno incarnati Verbi M°C°LXX°VII°, astantibus in palatio nostro quorum subscripta sunt nomina et signa. S. comitis Theobaldi dapiferi nostri, S. Guidonis buticularii, S. Reginaldi camerarii, S. Radulfi constabularii, vacante cancellaria.
     Au nom de la sainte et indivise Trinité, amen. Louis par la grâce de Dieu roi des Francs. Nous voulons qu’il parvienne à la connaissance de tous, tant présents qu’à venir, nous avons donné aux femmes réunies à La Saussaye près de Paris pour y servir Dieu, tant lépreuses que non lépreuses, libéralité inspiré par la dévotion, la dîme du pain que nous autant que notre épouse la reine et que notre très cher fils, dépensons à la Ferté-Alais, et pareillement du vin, ainsi que nos chevaux de bât* de rebut**, pour le salut de nos âmes et de celles de nos prédécesseurs, et que nous avons ordonné qu’il soit confirmé qu’elles jouissent de ces donations par l’autorité de notre sceau, le monogramme de notre nom étant porté ci-dessous.. Fait à Orléans l’an de l’Incarnation du Verbe 1177, étant en  fonction dans notre palais ceux dont sont portés ci-dessous les noms et les marques. Marque de notre sénéchal le comte Thibaud. Marque du bouteiller Guy. Marque du chambrier Rainaud. Marque du connétable Raoul. La chancellerie étant vacante. 

Sceau de Louis VII      * Latin summarius, “bête de somme, cheval de charge”, mot très bien représenté selon Blaise, curieusement négligé par le Lexicon de Niermeyer (du moins dans l’édition de 1992).
     ** Latin recreantus. Niemeyer donne pour sens “lâche, fuyard” (XIIIe siècle) ou bien “cheval harassé” (XIIIe siècle), et pour étymologie le verbe recredere, “se recommander, se soumettre à la décision du tribunal”, ce qui n’est pas très satisfaisant à la vérité; le Lexicon de Blaise de son côté lui donne pour sens “lâche, mou” ou bien “recru, fatigué (bête)”, et produit (ou imagine?) une orthographe alternative (non relevée par Niermeyer), recreandus, adjectif verbal à sens passif du verbe recreare, “ranimer, requinquer”: il faudrait donc comprendre “qui doit être requinqué”, d’où: “découragé, abattu, harassé” (B.G., 2007).

V
 
    1205 du 10 avril au 31 octobre. — Guillaume des Barres confirme aux religieuses d’Yerres leur droit d’usage au bois mort dans le Buisson de Marbois.
     Arch. nat., LL 1599B, p. 188, copie du XIIIe siècle. — Arch. de Seine-et-Oise, 63 H 66, notification du doyen de Melun; confirmation par le roi.
 
Texte édité par Estournet (1944)
Traduction Bernard Gineste (2007)
     Guillermus de Barris, universis ad quos littere presentes pervenerint, salutem. Noverint quod controversia erat inter me et abbatissam [p.118] et moniales de Edera, super quodam usuagio quod ipse dicebant se debere habere in mortuo nemore de Amerboes ad opus domus illarum de Retolu et novem hospitum suorum de Amerboes. Ego vero, cognita veritate, publice recognovi me nichil contradictionis habere in usuagio illo in mortuo nemore, et hoc usuagium in mortuo nemore eisdem monialibus omnino quitavi, sicut moniales predicte illud clamabant ad opus predicte domus de Retolu et novem hospitum suorum de Amerboes. Ego vero nec pro supradicto earumdem usuagio in mortuo nemore, quandocumque voluero, predictum nemus de Amerboes vendere pretermittam, nec ipse nec ipsarum supradicti hospites pro venditione quam faciam, predictum usuagium in mortuo nemore habere cessabunt. Supradicta vero domus de Retolu et supradicti hospites quandocumque molere voluerint, ad meum venient de consuetudine molendinum. Ipsi vero consequenter post illum emolent quem in molendino invenerint emolentem. Quod ut ratum et firmum permaneat, in perpetuum presentem paginam mei sigilli munimine confirmavi. Actum anno incarnationis dominice M°CC°V°.
     Guillaume des Barres, à tous ceux à qui parviendra le présent acte, salut. Qu’ils sachent qu’il y avait débat entre moi et l’abbesse et les moniales d’Yerre au sujet d’un droit d’usage dont elles disaient devoir jouir quant au bois mort de Marbois au bénéfice de leur établissement de Retolu et à celui de neuf de leurs hôtes à Marbois.
     Quant à moi, après avoir enquêté sur le fond, j’ai publiquement reconnu ne rien avoir à redire à ce droit d’usage en matière de bois mort, et je cède complètement ce droit d’usage en matière de bois mort aux dites moniales, selon ce qu’en revendiquaient les dites moniales pour l’usage du susdit établissement de Retolu et de leurs neuf hôtes de Marbois.
     De mon côté je ne cesserai pas, en raison du susdit droit d’usage en matière de bois mort, de vendre à chaque fois que je le voudrai le dit bois de Marbois; de leur côté ni elles ni leurs susdits hôtes ne cesseront, à cause de la vente que j’en ferai, de jouir de ce susdit droit d’usage en matière de bois mort.
     Le susdit établissement de Retolu et les susdits hôtes, à chaque fois qu’ils voudront moudre, viendront à mon moulin banal. Et ils moudront juste après celui qu’il trouveront en train de moudre au moulin.
     Et pour que cela demeure fixe et stable à jamais, j’ai certifié le présent acte au renfort de mon sceau. Fait l’an de l’Incarnation du Seigneur 1205.

     * Latin usuagium (variantes: usagium, usaigium, usatgium, usaticus), “règle de droit coutumier / coutume, redevance coutumière / péage / droit d’usage” (B.G., 2007).

VI
 
     1208 avril. — Robert Clément confirme à l’abbaye de Saint-Denis le legs de vingt sous de rente sur sa censive de La Ferté-Alais, fait par le maréchal Aubry Clément, son frère, et Alix, sa femme.
     Arch. nat., L 846, n°5, original.
 
Texte édité par Estournet (1944)
Traduction Bernard Gineste (2007)
     Ego Robertus Clementis, notum facio universis presentibus pariter et futuris, quod concessionem et donationem viginti solidorum annis singulis solvendorum, quam fecit bone memorie Albericus, frater meus, marescallus domini regis Francorum, voluntate et assensu uxoris sue Aaliz, ad serviendam lampadem ante altare Beati Eustachii martyris in ecclesia Beati Dionisii, de censibus suis de Feritate Aales qui redduntur in festo Beati Remigii, quoniam idem census ad me sunt devoluti, ego et Helois, uxor mea, gratam et in perpetuum ratam habemus, et insuper statuimus ut vel nos, vel quicumque predictum censum tenuerit, predictos viginti solidos annuatim deferri ad thesaurarium Beati Dyonisii faciamus, pro animabus nostris et animabus eorumdem et antecessorum nostrorum. Quod ut ratum sit, paginam hanc sigilli mei karactere communivi. Actum anno Domini M°CC°VIII°, mense aprili.
     Moi Robert Clément, je fais savoir à tous, tant présents qu’à venir, que moi et mon épouse Héloïse agréons et tenons pour irrévocable à jamais la concession et donation de vingt sous à verser chaque année, opérée par mon frère de bonne mémoire Aubry, maréchal du roi de France, avec l’autorisation et l’accord de son épouse Alais, pour alimenter une lampe devant l’autel de saint Eustache martyr dans l’église de Saint-Denis, sur les cens qu’ils avaient à La Ferté-Alais et qui sont réglés à la Saint-Rémy, vu que le dit cens m’a été dévolu.
     En outre nous avons décidé que soit nous-mêmes, ou quiconque tiendra le dit cens, ferons verser chaque année les dites vingt livres à la caisse de Saint-Denis, pour le salut de nos âmes, des leurs, et de celles de nos prédécesseurs.
     Et pour que cela soit bien établi, j’ai certifié cet acte par l’empreinte de mon sceau. Fait l’an du Seigneur 128 au mois d’avril.

[p.119]
 

     La Ferté.— Bouchard de Vendôme.— Albert de Corbeil.— Baudouin du Donjon.— Guy Ier de Montlhéry.— Guy II le Rouge.— Hugues de Crécy.— Louis VI.— Louis VII et Adèle de Champagne.— Aubry de Dammartin.— Guillaume III des Barres.— Guillaume IV des Barres.— Guillaume V des Barres.— Étienne de Mont-Saint-Jean.— Guy Ier de Montfort.— Philippe Ier de Montfort.— Philippe II de Montfort.— Jean de Montfort.— Jean de Vendôme et Éléonore de Montfort.— Pièce I (vers 1155).— Pièce II (1166).— Pièce III (1164).— Pièce IV (1178).— Pièce V (1205).— Pièce VI (1208).
 
Source du texte: L’édition de 1944.
BIBLIOGRAPHIE
 
Éditions

     Gustave ESTOURNET, «La Ferté-Alais, ses origines, ses noms, ses premiers châtelains», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 21 [50e année] (1944), pp. 33-118.

     Bernard GINESTE [éd.], «Gustave Estournet: La Ferté-Alais, ses origines, ses noms, ses premiers châtelains (1944)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-estournet1944lafertealais.html, 2007.

Sujet analogue

     Joseph DEPOIN (1855-1924), «La Chevalerie étampoise. Les chevaliers et les vicomtes d’Étampe sous Philippe Ier et  Louis VI», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 15 [15e année] (1909), pp. 73-93.
     Tiré à part: La Chevalerie étampoise: les chevaliers et les vicomtes d’Etampes sous Philippe Ier et Louis VI [in-8°; 12 p.], Picard, 1910.
     Dont une réédition en ligne: Bernard GINESTE [éd.], «Joseph Depoin: La Chevalerie étampoise (1909)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-depoin1909chevalerieetampoise.html, 2007.

     Joseph DEPOIN, «Les Vicomtes de Corbeil et les chevaliers d’Étampes au XIIe siècle», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 5 [5e année] (1899), pp. 1-11.
     Tiré à part: Les Vicomtes de Corbeil et les chevaliers d’Étampes au XIIe siècle [in-8°; 79 p; planches; extrait du Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix (5e année)], Corbeil, Librairie historique, 1899.

     Joseph DEPOIN, «Addition à la notice sur les Vicomtes de Corbeil», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 5 [5e année] (1899), pp. 159-(165?).

     Joseph DEPOIN, «Les vicomtes de Corbeil, au XIIIème siècle», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 20 [20e année] (1914) pp. 40-49.

     Joseph DEPOIN, Les Vicomtes de Corbeil sous Louis VIII et ses successeurs: notes complémentaires à l’histoire des vicomtes [in-8°; 12 p.], Corbeil, Librairie historique, 1917.

Gustave Estournet. Brouillon de bibliographie

     Gustave ESTOURNET, «Bouchard II, comte de Corbeil, 1070-1077», in Annales de la Société archéologique du Gâtinais (1911), pp. ?-23-?.

     Gustave ESTOURNET, «Recherches sur la généalogie des Le Riche de Paris», in Annales de la Société archéologique du Gâtinais ? (1912), pp. ?-21-35-?

     Gustave ESTOURNET, «Les chevaliers du Donjon: Montereau», in Annales de la Société archéologique du Gâtinais XXXV (?), pp. 1-?

     Gustave ESTOURNET, «Les chevaliers du Donjon: famille de Corbeil», in Annales de la Société archéologique du Gâtinais 38 (1926), pp. 28-?

     Gustave ESTOURNET, «Guy du Donjon, seigneur de Trézan et sa pierre tombale», in Annales de la Société archéologique du Gâtinais XXXV (?), pp. ?-157-?

?
     Gustave ESTOURNET, «Bouchard II, comte de Corbeil (1070-1077)» in Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais ? (1911), pp. ?-23- 32-?.
     Gustave ESTOURNET, Bouchard II, comte de Corbeil (1070-1077) [in-8°; 39 p.; extrait des Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais (1911)], Fontainebleau, M. Bourges, 1911.

     Gustave ESTOURNET, Origines des seigneurs de Nemours [in-8°; 32 p.; planche; tableau généalogique; extrait des Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais (1912); rectification de l’article précédent], Fontainebleau, M. Bourges, 1912.
     Gustave ESTOURNET, Origines des seigneurs de Nemours, note rectificative avec des recherches sur la généalogie des Le Riche de Paris [in-8°; 126 p.; planche; tableau généalogique; rectification de l’article précédent], Fontainebleau, M. Bourges, 1912.

     Gustave ESTOURNET, Les Chartes de Franchard, prieuré de l’ordre de Saint-Augustin, près Fontainebleau [in-8°; 99 p.; extrait des Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais (1913)], Fontainebleau, M. Bourges, 1913.

     Gustave ESTOURNET (membre de la Société historique du Vexin et de la Société archéologique du Gâtinais), Les Montmorency-Saint-Denis. Lignage des Foucaud, seigneurs de Saint-Leu et de Juilly [in-8°; 127 p.; planche; tableau généalogique], Paris, Société historique du Vexin, 1923 (en fait 1925).

     Gustave ESTOURNET, Casimir Carbonnier, peintre beauvaisien, 1787-1873 [in-8° (24,5 cm sur 16); 52 p.], Beauvais, Imprimerie départementale de l’Oise, 1925.

     Gustave ESTOUNET, «Les origines historiques de Nemours», in Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais 29 (1929), ?-118-120- ?

     Gustave ESTOURNET, Un compagnon de Jeanne d’Arc: Bertrand de Toujouse, Montereau, Claverie, 1933 [non conservé à la BNF].

     Gustave ESTOURNET, «La Ferté-Alais, ses origines, ses noms, ses premiers châtelains», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 21 [50e année] (1944), pp. 33-118.
     Dont une réédition numérique en mode texte par Bernard GINESTE, «Gustave Estournet: La Ferté-Alais, ses origines, ses noms, ses premiers châtelains (1944)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-estournet1944lafertealais.html, 2007.

     Gustave ESTOURNET, «Les Briart de Villiers-le-Châtel et les Frères Prêcheurs», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 23 [52e année] (1946), pp. 52-99.

     Gustave ESTOURNET, «La maison de Massy et ses pierres tombales (1080-1467)», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 24 [53e année] (1947), pp. 25-60 ; 25 [54e année] (1948), p. 39.

     Gustave ESTOURNET, «La maison de Massy et ses pierres tombales (1080-1467) (suite). Jean de Garencières, Terdual de Kermoisan», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 26 [60e année] (1954), pp. 23-46.

     Gustave ESTOURNET, «Gilles Mallet, Seigneur de Villepesque, Vicomte de Corbeil, bibliothécaire de Charles V», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 27 [61e année] (1955), pp. 3-48.

     Gustave ESTOURNET, Gilles Malet, sr de Villepesque, vicomte de Corbeil, garde de la librairie de Charles V [in-8° (25 cm); 48 p.; planches; portrait; fac-similé], Paris, 1957.

     Mme Paulette CAVAILLER, «In memoriam: Olivier-Marie-Gustave Estournet (1873-1958)», in Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 29 [65e année] (1959), pp. 3-8.

     Gustave ESTOURNET, «Les Longueau, les Garreau et les Gauville à Fessard», in Bulletin de la Société d’Emulation de l’Arrondissement de Montargis 3e série n°41 (?, après 1959), p.1-?


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