Corpus Historique Étampois
 
Bernard Gineste
Sur la mort du lieutenant Grant H. Cory
23 juin 1944
     
Commémoration de la mort du Lieutenant Cory H. Grant
Grant H. Cory
(source: Frank Birtciel)
 
     Je donne ici ce que j’ai pu savoir, au vu des documents à ce jour en ligne, sur la personne et sur le sort du lieutenant Grant H. Cory, dont le Lockheed s’abatttit le 23 juin 1944 à Étampes, à côté de la ferme de Guinette. Ce premier et modeste travail sera vite dépassé, car j’entends dire qu’un jeune chercheur a d’ores et déjà mené une enquête bien plus approfondie, qui lui a permis d’en savoir bien plus, tant sur le lieutenant Cory lui-même que sur les circonstances du combat aérien qui eu lieu au-dessus du hameau de Pierrefitte, et même sur l’identitité de l’as allemand qui abattit non seulement l’appareil du lieutenant Cory mais encore celui du lieutenant Hoffman, tombé pour sa part en parachute du côté de Voves en Eure-et-Loir.
B. G., 24 juin 2009 
  
Bernard Gineste
Sur la mort du lieutenant Grant H. Cory
23 juin 1944

Lockheed P38 Lightening du type de celui que pilotait le lieutenant Cory
Lockheed P38 Lightening
 
     En mai et juin 1944, l’aviation alliée prit pour cible à plusieurs reprises la ville de Sens dans l’Yonne. L’un de ces bombardements fut programmé pour le 23 juin 1944. Il s’agissait de larguer en vol plané des bombes visant spécialement le quai de la gare de Sens et les ponts qui enjambent l’Yonne dans cette ville.

     La mission fut confiée à une unité de l’Armée de l’Air des Etats-Unis basée à Wormingford, en Essex. Cet aérodrome militaire était occupé à cette date par le 55th Fighter Group et le 362d Fighter Group. Le groupe 362 était là depuis le 30 novembre 1943 et il y avait été rejoint par le 55 le 16 avril 1944. Chacun était composé de  trois escadrilles.

     Le 55e groupe décolla de l’aérodrome de Wormingford le 23 juin 1944 vers 11 heures du matin. Il comprenait pour cette opération un total de 49 bombardiers monoplaces Lockheed P-38 Lightning, et il était commandé par le major Kelly. 

Aérodrome militaire de Wormingford (10 mai 1946)
Vue aérienne de l’aérodrome de Wormingford (prise le 10 mai 1946)

     Au sein du groupe 55, la 38e escadrille était conduite par le capitaine Des Voignes, dont l’équipier était le lieutenant Callaghan; en tête de cette unité se trouvait lieutenant Littlefield dont l’équipier était le lieutenant Robert Hoffman.

     Au sein de cette escadrille se trouvait une unité appelé Hellcat Blue, commandée par le capitaine Snell, dont l’équipier était le lieutenant Gould. En tête de cette unité volait l’appareil n°3, piloté par le lieutenant Grant H. Cory, dont l’équipier était le lieutenant Silk.

     Après avoir bombardé Sens, le groupe obliqua vers le nord-est, à proximité de Paris. Il traversa un tir de DCA. Il s’agissait probablement de celle d’Étampes. Ce tir cessa lorsque plongèrent sur les bombardiers un groupe de sept chasseurs Messerschmitt BF 109, en position défavorable pour les appareils alliés puisqu’ils venaient du côté du soleil.

     On était alors, selon le témoignage du capitaine Clair Des Voignes, à 10.000 pieds d’altitude, du côté de Dreux, mais des recherches récentes tendent à démontrer que cela se produisit plutôt du côté d’Étampes, au-dessus précisément du hameau de Pierrefitte.


Messerschmitt Bf 109 du type de ceux qui attaquèrent la formation du lieutenant Cory.
Messerschmitt BF 109

     Les Messerschmitt s’esquivèrent avant que les équipages des bombardiers n’aient pu réagir à leur attaque.

     Le capitaine Des Voignes était lui-même à la tête d’une autre unité de la escadrille appelée Hellcat White. Il vit de ses yeux la DCA en action dans le secteur où volait l’unité du lieutenant Cory, et, vers 14 heures, entendit par radio l’un de ses équipiers dire que Hellcat Blue avait obliqué à gauche. C’est la raison pour laquelle, sans doute, l’appareil du lieutenant Cory se trouva au-dessus d’Étampes. Le capitaine Des Voignes obliqua à son tour à gauche. Comme il n’observa plus aucun appareil ennemi, il continua à tourner jusqu’à avoir opéré un tour à 306 degrés. Il demanda à son escadrille de refaire cette manœuvre avec lui avant de reprendre sa course vers l’Angleterre. Ce faisant il examina la zone où on lui avait dit qu’un appareil avait explosé et était descendu en flammes, mais il ne vit ni appareil ni parachute. Il affirme cependant que cet appareil fut plus tard identifié comme étant celui du lieutenant Cory.

     Lors de cette expédition, deux appareils seulement furent perdus. Selon les informations qu’a pu obtenir Robert M. Littlefield, c’est par la DCA qu’aurait été abattu l’appareil de Cory, mais des recherches plus récentes tendent à démontrer qu’il fut abattu comme le second par un Messerschmitt.

     L’autre bombardier en question était piloté par le lieutenant Robert B. Hoffman, qui était alors l’équipier du lieutenant Littlefield. Il fut abattu par un appareil allemand, mais Hoffman réussit à sauter en parachute dans le secteur de Voves en Eure-et-Loir. Il fut dans un premier temps protégé par la Résistance, mais finalement capturé par les Allemands à Paris où il séjourna trois mois sans réussir à se faire exfiltrer. Il fut envoyé à Buchenwald, puis de là au Stalag Luft VII A, dont il ne fut libéré que par l’armée du Général Patton.

     Selon un témoignage, l’appareil du lieutenant Cory en flamme passa au ras des ruines de la maison de la Tour, déjà détruite par le bombardement du 10 juin, au milieu de la promenade de Guinette, et poursuivit sa course vers la ferme de Guinette, contre le mur duquel il s’abattit.

    Jean Minier, âgé de onze ans, et qui était alors en compagnie de son père, put s’approcher de l’appareil abattu et y aperçut une botte dans laquelle se trouvait encore un bout d’os. Un autre témoin se proposait de cacher ce reste sous un tas de foin, lorsque des soldats allemands arrivèrent et les refoulèrent rudement.

     Le sort ultérieur des restes du capitaine Cory est inconnu. Ils ne sont pas conservés au cimetière Saint-James, où son nom est seulement porté parmi ceux des disparus au combat.

Médaille décernée à titre posthume au lieutenant Cory
     En janvier 2009, un collectionneur d’objets militaires de la seconde guerre mondiale a fait connaître la médaille de l’Armée de l’Air qui avait été décernée à titre posthume au lieutenant Cory, et dont on voit la photographie ci-contre.


     Le souvenir de ce drame a longtemps hanté la mémoire du jeune Fernand Minier, qui, soixante-cinq ans après ces événements, a obtenu de la municipalité d’Étampes l’érection d’une plaque commérative, qui a été solennellement été inaugurée le 23 juin 2009.

     Cette cérémonie s’est déroulée en présence de M. le député-maire Franck Marlin, de M. Pierre Lambeseur, p
résident du Comité d’Entente des Anciens Combattants et Victimes de guerre, de membres du Conseil Municipal et des Autorités militaires, en l’espèce de membres de la Gendarmerie et de l’Armée de l’air, ainsi que d’une foule nombreuse d’Étampois.

 
Commémoration de la mort du Lieutenant Cory H. Grant
Franck Marlin, Grant H. Cory et Fernand Minier (cliché Jacques Corbel, 23 juin 2009)
ANNEXE 01
     Robert M. Littelfield 
Sur la mort du lieutenant Grant H. Cory
d’après son ouvrage Double Nickel, Double Trouble (1993)

 
MACR No. 06247
MACR No. 06247
     Captain Clair Des Voignes reported: "I was leading Hellcat White flight in the vicinity of Dreux, France. I observed flak in the area where Hellcat Blue flight was flying. At approximately 1400 Hellcat Blue was told to break left. I broke to the left. I observed no E/A so made the break a complete 360. I called to the squadron to make a 360, reassemble, and resume course. While making my second 360 I observed where a plane had exploded and gone down on fire. Neither the plane or the pilot were observed. This plane was later identified as that flown by 1/Lt. Grant H. Cory."
     Voici le rapport du capitaine Clair Des Voignes : «J’étais à la tête de l’unité aérienne Hellcat White aux environs de Dreux en France. J’ai observé un tir de la DCA dans le secteur où volait l’unité Hellcat Blue. Vers 14 h quelqu’un a déclaré que Blue Hellcat avait obliqué à gauche. J’ai obliqué à gauche. Je n’ai pas repéré d’appareil ennemi et j’ai donc poursuivi ma rotation jusqu’à 360°. J’ai appelé l’escadrille à faire un tour sur elle-même, à se réassembler puis à reprendre son chemin. Tout en faisant mon second tour tout à 360° j’ai repéré l’endroit où un appareil avait explosé et était tombé en flammes. On n’a repéré ni l’appareil ni le pilote. Cet appareil a été identifié ensuite comme étant celui que pilotait le lieutenant Grant H. Cory.»
     Hellcat Blue flight was lead by Captain Snell. His wingman was Lt. Gould, the element leader, (#3) was Lt. Cory and Cory’s wingman was Lt. Silk. The 38th Sqdn. was being led by Capt. Des Voignes and his wingman was Lt. Callaghan, the element was led by Lt. Littlefield and his wingman was Lt. Robert Hoffman. The mission for the Group, led by Major Kelly, was to glide bomb the railroad embankment and bridges at Sens, France. The three squadrons of the group put up 49 P-38s for this mission. They took off at 1135 and landed at 1512.
     L’unité aérienne Hellcat Blue était commandée par le capitaine Snell, dont l’équipier était le lieutenant Gould; en tête se trouvait le n°3, le lieutenant Cory et l’équipier de Cory était le lieutenant Silk. La 38e escadrille était conduite par le capitaine Des Voignes, dont l’équipier était le lieutenant Callaghan; en tête de cette unité se trouvait lieutenant Littlefield dont l’équipier était le lieutenant Robert Hoffman. La mission du groupe, commandé par le major Kelly, était de lâcher des bombes en vol plané sur le quai ferroviaire et les ponts de Sens, en France. Les trois escadrilles du groupe comprenaient 49 appareils Lockheed P-38 Lightning pour cette mission. Ils avaient décollé à 11h35 et ont atterri à 15h12.
     After bombing, the Group turned north and west near Paris, encountering flak, which ceased as four Me-109s came down out of the sun on the rear of Hellcat squadron at 10,000 feet near Dreux. Four more Me-109s serving as top cover came in but broke away before we could engage.
     Après le bombardement, le groupe se dirigea vers le nord-ouest, près de Paris, rencontrant un tir de DCA, qui cessa lorsque quatre Messerschmitt BF 109, avec le soleil derrière eux, plongèrent sur l’arrière-garde de l’escadrille Hellcat à 10.000 pieds d’altitude dans les environs de Dreux. Quatre Messerschmitt supplémentaires, qui les couvraient par en-dessus, entrèrent en scène, mais s’esquivèrent avant que nous ayons pu réagir.
     Two men were lost; Cory to flak and Hoffman to enemy aircraft. Lt. Cory was from Montana. His name is on the Wall of the Missing, Brittany American Military Cemetery and Memorial, St. James, France.
    Deux hommes furent perdus, Cory par le fait de la DCA et Hoffman par le fait d’un appareil ennemi. Le lieutenant Cory était du Montana. Son nom est sur le Mur des Disparus au combat, au cimetière et mémorial anglo-étatsunien de Saint-James, en France.
    (Reproduced with the kind permission of Mr. Robert M. Littlefield, from the author’s book, Double Nickel, Double Trouble.)       (Reproduit avec l’aimable autorisation de M. Robert Littlefield, d’après le livre de cet auteur, Double Nickel, Double Trouble).
 

ANNEXE 2
Note sur les Rapports sur les équipages portés disparus (MACRs)
Missing Air Crew Reports

     Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’Armée de l’Air des Etats-Unis d’Amérique (US AAF) demanda aux unités aériennes, au niveau des Groupes de combat, de rendre des rapports sur les personnels aériens manquants (Missing Air Crew Reports, MACRs) aux QG des forces aériennes, moins deux jours après qu’un appareil ou qu’un équipage ne paraisse pas être revenu d’une mission de combat. Le QG de l’Air Force ordonna aux QG des différents groupes de rendre un rapport pour tout incident impliquant la perte de membres d’équipage durant des opérations de combat et ce quel que soit le nombre des équipages perdus. Par exemple, les groupes de bombardiers lourds devraient rendre un rapport lorsqu’un appareil s’en reviendrait d’une mission avec moins que les dix membres d’équipage habituels. Dans le cas où un équipage entier se serait pas revenu, il fallait rendre aux QG de l’Air Force un rappport racontant les événements qui avaient précédé la perte de cet appareil. De même, les groupes de combat présenteraient un rapport lorsque les pilotes d’avion monoplace ne serait pas revenu d’une mission.

     Les informations contenues dans un MACR habituel comprennent la date, l’heure et le lieu où l’équipage et l’appareil ont été vus pour la dernière fois ou ont portées disparues de la formation. Plus de détails étaient tirés de déclarations faites par les membres d’équipage d’autres avions volant dans la même formation. Ces déclarations mentionnent d’habitude si on a vu des parachutes qui se soient ouverts et combien de soldats ont quitté l’avion avant l’accident. Les noms des membres de l’équipage manquants étaient répertoriés par place occupée dans l’appareil, grade, numéro de série, et statut connu, à savoir Disparu au combat (MIA, Missing in Action) ou Prisonnier de guerre (POW, Prisonner of War).

     Comme informations complémentaires figurant dans le MACR, on trouve le numéro de série de l’appareil (porté sur sa queue), son surnom ou la lettre l’identifiant au sein de l’escadrille, ainsi que le type, le modèle et le numéro de série du moteur ou de la mitrailleuse. Apparaissent également dans le MACR le nom de la base aérienne attitrée et le numéro de l’unité (de l’escadrille, du groupe ou de l’armée de l’Air) à laquelle appartenait l’avion.

     Le Bureau des études historiques de l’Armée de l’Air (Air Force Historical Studies Office), à Washington (district fédéral), conserve les MACR sur microfiches.
     L’Administration des Archives et des dossiers nationaux (NARA, National Archives and Records Administration) conserve les MACRs sur microfilm de 16 mm.
     L’Agence pour les recherches historiques de l’Armée de l’Air (AFHRA, Air Force Historical Research Agency), localisée à la Base aérienne militaire de Maxwell (Maxwell AFB), située à Montgomery en Alabama, aide aussi les chercheurs à trouver les MACR qui pourraient les intéresser. Elle dispose de plusieurs listes établies à partir des dossiers des différentes unités de l’Armée de l’Air, qui peuvent servir à repérer le numéro des MACR concernant des personnels disparus lorsque l’on a déjà l’une des informations suivantes: type de l’avion et son numéro de série, date de la disparition, numéro de série de la mitrailleuse ou du moteur.


     Source: AFHSO (Air Force Historical Studies Office, Bureau des études historiques de l’Armée de l’Air), «Missing Air Crew Reports (MACR)s», in Site officiel, http://www.airforcehistory.hq.af.mil/faq/MACR.htm, en ligne en 2009.
Bernard Gineste, juin 2009
Sources: la Toile en juin 2009.
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
 
Édition
     
     Bernard GINESTE, «Sur la mort du lieutenant Grant H. Cory (23 juin 1944)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-19440623cory.html, juin 2009.

Sources

     Robert M. LITTLEFIELD, Double Nickel, Double Trouble [203 p.; nombreuses illustrations; bibliographie p. 201; index; nombreuses information sur chacun des membres du 55th Fighter Group qui ont été tués, qui ont échappé à la capture ou ont été faits prisonniers], Visalia (California, USA), Jostens Printing & Publications, 1993, pp. ?-?.
     Dont un extrait mis en ligne avec l’autorisation de l’auteur par
Russ ABBEY [ci-dessous].
     Dont une traduction par Bernard GINESTE, ci-dessus.

     Russ ABBEY [éd.], «Lt. Grant Cory», in ID., 55th Fighter Group Website, http://www.55th.org/ [cliquez sur “Pilots”, puis sur “38th Fighter Squadron”, puis sur “Cory”], en ligne en 2009.

     Nick *** [pseudonyme d’un collectionneur], «Air Force Fighter Pilot Air Medal in Europe, 38th Fighter Squadron, 55th Fighter group», in US Militaria Forum (For Collectors – Dedicated to Heroes), http://www.usmilitariaforum.com/forums/index.php?showtopic=34745&pid=265874&mode=threaded&start=#entry265874, 19-24 janvier 2009, en ligne en 2009.

     Jacques CORBEL, «Commémoration de la mort du lieutenant Grant H. Cory (23 juin 1944 - 23 juin 2009)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-21-20090623cory.html, juin 2009.

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