CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Auguste Allien
Inauguration de la ligne d’Étampes à Auneau
Abeille d’Étampes, mai-juin 1893
   
La Gare d'Etampes en novembre 1892 (dessinée par Georges Roux et gravée par Victor Michel)
La Gare d’Étampes en novembre 1892 (dessin gravé par Victor Michel)
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     L’inauguration de la ligne d’Étampes à Auneau, qu’on attendait depuis une dizaine d’années, se fit pourtant sans tambour ni trompette, du moins à Étampes même, où aucun élu ne jugea bon de faire le déplacement. On est loin du ton lyrique de l’article publié quelques mois auparavant par Maxime Legrand et Émile Huet et que nous avons déjà mis en ligne.
     Rappelons le sort ultérieur de cette ligne éphèmère en citant Étampes en lieux et places (2003) de Frédéric Gatineau: “La ligne Étampes-Auneau fonctionna à partir de 1893. Le trafic voyageurs cessa dès 1939 et le trafic marchandises en 1969. Le pont qui surplombait la rue de Chauffour a été coupé, il en reste des vestiges. Le site de la voie est occupé par l’actuelle piste cyclable. Il existe encore une ancienne maison de garde-barrière à Vaujouan.”

B.G., novembre 2008
 
   
Auguste Allien
Inauguration de la ligne d’Étampes à Auneau
Abeille d’Étampes, mai-juin 1893
 

Gare de Saint-Hilaire


Numéro du samedi 27 mai 1893, p. 3


     Etampes. — Voilà qui est bien acquis, à cette heure: la ligne d’Étampes à Auneau sera inaugurée le lundi 5 juin prochain. A part la restauration, la remise à neuf des bâtiments de notre gare — dont l’aspect, il faut le reconnaître, sera presque élégant, presque réjouissant, si on le compare à celui de l’ancien embarcadère de 1843, — à part le complément d’installation des gares de ce petit réseau qui va être effectué sans retard, la ligne est prêt au roulement de ses trains, au transport de ses voyageurs et de ses marchandises. Nous sommes en mesure d’indiquer déjà à nos lecteurs que les voyageurs disposeront tout d’abord de trois trains à l’aller, dont deux marchant à une vitesse de 50 kilomètres à l’heure, feront le trajet d’Étampes à Auneau en cinquante-cinq minutes; et au retour, de trois trains également. Nos lecteurs trouveront à notre tableau-indicateur, en 4e page, l’énoncé de ces trains et les prix pour les trajets entre les diverses stations. On peut en conclure déjà qu’il y aura économie de temps de une heure et demie au moins pour le trajet complet; économie d’argent aussi dans une proportion très notable pour le voyageur.

    Ajoutons, pour compléter nos informations, que le service des gares de la nouvelle ligne sera service restreint, c’est-à-dire que ce seront des femmes qui délivreront les billets et enregistreront les bagages. Enfin les diverses stations communiqueront entre elles par un téléphone.

     Et maintenant, Go ahead!!! comme disent les Américains.



     Et pendant que nous sommes sur cet intéressant sujet, qu’on nous permette de demander à la Compagnie d’Orléans s’il ne serait pas possible — ceci au nom des nombreux habitants de notre ville qui portent leurs lettres au bureau de poste de la gare — de continuer le pavage en carreaux de bitume, du trottoir qui va de l’habitation de M. le Chef de Gare au bas du perron central. Ce trottoir sera assurément un des endroits les plus usagers de la ville; la provision de carreaux de bitume est loin d’être épuisée, nous dit-on, et la Compagnie n’aurait pas à en regretter l’emploi bien indispensable à cet endroit.





Numéro du samedi 10 juin 1893, p. 3


INAUGURATION
De la ligne d’Étampes à Auneau


     Y a-t-il longtemps qu’on en parle, longtemps qu’on la désire, cette petite ligne de 33 kilomètres dont les premiers terrassements, à ce que nous croyons, remontent à dix ans, notamment pour le tronçon qui va d’Auneau à la limite de la Seine-et-Oise!

     Donc, c’est une affaire faite. Il n’y a si long jour, comme dit l’autre, que le soir ne vienne: c’était lundi dernier l’inauguration, en famille, sans tambour ni trompette, une inauguration en éteignoir de la joie unanime, si cette joie n’avait été vivace et sincère. Ce sont les curieux sympathiques, nos concitoyens zélés amateurs de nos belles vallées voisines, ce sont les futurs clients de cette petite ligne si utile qui la saluent à son berceau de leurs hommages, qui lui font la fête et lui souhaitent bienvenue et prospérité.

     Deux drapeaux aux angles de la marquise, claquant au soleil matinal; affluence dans les salles d’attente; le personnel est sur pied. Le chef de gare se promène sifflet en éveil. Aucun personnage officiel; seul l’un de nos estimés adjoints, souriant, et que le train de Paris va emporter.

     A l’unique pendule de la gare, 7 heures 45, le train de Paris prend la moitié de l’assistance. Décidément l’on voit bien que personne n’était convoqué, que nous sommes en petit comité.

     A 7 heures 50, pour la première fois, le cri du service qui a frappé agréablement nos oreilles: «En voiture, les voyageurs pour la ligne d’Auneau, Chartres, Dreux, en voiture!» Les employés sont pénétrés de la gravité du fait et malgré eux, il passe dans leur voix un petit tremblement, et un accent peu ordinaire souligne leur cri d’appel.

     Cependant la locomotive est sous pression, une grosse botte de bleuets cueillie par les mécaniciens en orne l’avant, et c’est tout. Le train est composé au départ de trois petists wagons mixtes, premières et secondes, et d’une voiture de 3me classe. Trois wagons chargés d’échalas destinés à clôturer les côtés de la voie complètent le premier train

     Dans l’un des compartiments de première classe sont montés les représentants de la Compagnie d’Orléans: M. de la Taille, inspecteur-général; Dorguin, inspecteur de l’exploitation; Gigoust d’Herbeline, ingénieur d’arrondissement; Lana, ingénieur, chef de section; Gendreau, conducteur des travaux de la nouvelle ligne.

     Nous occupons, en compagnie de quelques Étampois, le compartiment voisin.

     Au pont Saint-Jean, nous remarquons une foule matinale de curieux qui se pressent, saluant les voyageurs, au milieu des flots de vapeur qui s’élève et les aveugle.

     Plus loin, le meunier du moulin de Vaujouan, M. Marchon, et son personnel sont près de la voie, et nous filons à toute vapeur dans le vallon. La marche et douce, et la voie semble bien établie.

     Un de nos compagnons de voyage, qui est du métier, nous explique que la substruction ayant été exécutée lentement et depuis quelques années déjà, les terrains se sont tassés progressivement; que, dans ces bonnes conditions, la voie ne peut manquer d’être bonne, malgré le fond de tourbe qui, à quelques endroits de cette vallée, affecte une épaisseur de dix à douze mètres.

Gare de Saint-Hilaire

     8 heures. — Saint-Hilaire-Chalo. — Le train stoppe; une forte partie des voyageurs descendent à cette première station. Le voyage leur a suffi pour inaugurer, et, en attendant l’heure du retour, ils vont fêter l’ouverture de la ligne en sablant le vin clairet chez les joyeux débitants du Grand-Saint-Mars.

     MM. les Ingénieurs sont descendus pour le contrôle des bâtiments de la station et pour donner les dernières recommandations à la dame chef de gare et à l’employé. Ils remontent. La machine gravit allègrement les pentes qui, de la verdoyante vallée de la Chalouette, nous amènent sur le plateau beauceron, et le train passe, ralentissant son allure, mais sans s’y arrêter, devant la halte du Plessis….. Mérobert. De ces localités, les habitants sont venus voir passer le premier train, malgré leur éloignement de la station.

Saint-Escobille

     8 h. 33. — Saint-Escobille. — La gare est ornée d’un drapeau tricolore; plusieurs rangées d’habitants de ce gentil pays que traverse la ligne garnissent le quai de la petite gare. L’employée vient au-devant des autorités qui descendent. Après la visite, nous filons sur Sainville qui est la station la plus importante du trajet avant l’arrivée à Auneau.

     A Sainville, les couleurs nationales flottent au-dessus de la porte de la gare et en haut de la grue métallique qui dessert la station. La foule, dans laquelle des femmes et des jeunes filles se voient en grand nombre, salue de ses acclamations joyeuses l’arrivée du train.

Sainville

     Les petites gares de ce réseau sont très bien entendues: salle de départ, habitation, bureau du chef de gare, et, à droite, un hangar clos avec toit avancé pour abriter les marchandises, le tout formant un seul bâtiment. Le mouvement des voyageurs est assez animé à Sainville, et le train y laisse son premier wagon de marchandises.

     On nous raconte que le conseil municipal de Saint-Escobille avait voté pour fêter l’inauguration de la ligne une somme de 200 fr. On devait remettre ce jour-là à la Compagnie de pompiers un drapeau nouvellement acheté à son intention, et faire ainsi double-fête. Nous ne savons ce qu’il en est advenu.

     En voiture, Messieurs, en voiture! Douze minutes après, la station de la Chapelle d’Aunainville; enfin, neuf minutes encore, et nous sommes à Auneau, à la gare du moins qui n’est pas encore terminée; les ouvriers sont sur les quais. MM. Les Ingénieurs descendent et se dispersent. Auneau est à une assez grande distance. Un quart d’heure de repos; le petit train se reforme, et en route pour Étampes.

     Le large plateau s’étend à perte de vue: un corps d’armée y évoluerait à son aise. Çà et là quelques réserves de chasse, quelques guérets, mais la plaine n’offre pas un coup d’œil purement pittoresque. La présence d’une population nombreuse y est révélée par les clochers qui émergent à l’horizon. La nouvelle ligne va se trouver en contact avec de nombreux intérêts; elle va satisfaire aux besoins de toute cette région active et jusqu’ici déshéritée.

     En outre, elle est une nouvelle voie de transit fort utile; elle abrège la durée du transport pour tout ce qui vient des centres de gros négoce, comme le Havre par Maintenon et Dreux. Elle créera elle-même un accroissement de transport de marchandises en le facilitant. Qui vivra verra; mais nous croyons à l’avenir de cette ligne. Aussi l’Abeille a-t-elle tenu à assister à l’inauguration et elle adresse à la Compagnie d’Orléans ses souhaits les plus sincères pour la prospérité et le bon fonctionnement de son nouveau réseau.

  
La passage à niveau de Vaujouan
Le passage à niveau de Vaujouan, l’une des rares vues conservées de cette ligne, vers 1903.


           
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
  
Éditions

     Auguste ALLIEN, «Etampes. — Voilà qui est bien acquis...» L’Abeille d’Étampes. Journal politique et des insertions judiciaires de l’arrondissement. Littérature, Sciences, Jurisprudence, Agriculture, Commerce, Voyages, Annonces, Annonces commerciales et Avis divers, etc. paraissant tous les samedis 82/21 (27 mai 1893), p. 3.

     Auguste ALLIEN, «Inauguration de la ligne d’Étampes à Auneau», in L’Abeille d’Étampes 82/23 (10 juin 1893), p. 3.

     Bernard GINESTE [éd.], «Auguste Allien: Inauguration de la ligne d’Étampes à Auneau (Abeille d’Étampes, mai-juin 1892)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18930605inaugurationlignedauneau.html, 2008.

Sur cette ligne

     David RAYNAL (1840-1903), Projet de loi ayant pour objet la déclaration d’utilité publique et la concession définitive à la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans de la ligne de la limite de Seine-et-Oise, vers Auneau, à Etampes..., présenté au nom de M. Jules Grévy,... par M. Raynal,... 5 avril 1884 [in-4°; 4 p.], Paris, A. Quantin [«Chambre des Députés, 3e législature, session 1884» n°2771], 1884.

     Hippolyte MOREL (sénateur de la Manche), Rapport fait au nom de la Commission chargée d’examiner le projet de loi ayant pour objet la déclaration d’utilité publique et la concession définitive à la compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans de la ligne de la limite de Seine-et-Oise, vers Auneau, à Etampes. 2 août 1884 [in-4°; 5 p.], Paris, A. Quantin [«Chambre des Députés, 3e législature, session 1884» n°3065; «Sénat. Session extraordinaire 1884» n°231], 1884.

     David RAYNAL (1840-1903), Projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet la déclaration d’utilité publique et la concession définitive du à la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans, de la ligne de la limite de Seine-et-Oise, vers Auneau, à Etampes, présenté, au nom de M. Jules Grévy,... par M. D. Raynal. 22 décembre 1884 [in-4°; 7 p.], Paris, P. Mouillot [«Sénat. Session extraordinaire 1884» n°213], 1885.

Rapport du 14 mai 1893      Paul-Louis-Joseph CUVINOT, Rapport... (Déclaration d’utilité publique et concession définitive à la Compagnie du chemin de fer d’Orléans à Paris, de la ligne de la limite de Seine-et-Oise vers Auneau à Étampes), par M. Cuvinot,... 23 décembre 1884 [in-4°; 4 p.], Paris, P. Mouillot, 1885.

     François JOUSSET [éd.], «Maxime Legrand et Émile Huet: D’Étampes à Auneau en chemin de fer (1892)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18920916detampesaauneau.html, 2008.

     Bernard GINESTE [éd.], «Auguste Allien: Inauguration de la ligne d’Étampes à Auneau (Abeille d’Étampes, mai-juin 1892)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18930605inaugurationlignedauneu.html, 2008.

     AUTEURS A DÉTERMINER (noms illisibles sur le scan d’un exemplaire en vente en octobre 2008), Ligne d’Auneau à Etampes. Départements d’Eure-et-Loir et de Seine-et-Oise. Rapport sur l’exécution des travaux et dépenses effectuées [26 p.; illustrations; descriptif du vendeur: “plan général et profil en long, historique, infrastructure, longueur de la ligne, alignements et courbes, déclivités, acquisitions des terrains, terrassements, ouvrages d’art, maisons de garde, livraison à la Compagnie d’Orléans, dépenses totales, superstructure, stations, etc.; plans détaillés avec cotes: type de bâtiment des voyageurs avec halle aux marchandises accolée; gares d’Etampes, Saint-Hilaire, Saint-Escobille, Sainville,La Chapelle-d’Aunainville, Auneau; daté de Versailles, 14 mai 1893”], Versailles, éditeur à préciser, 1893 [non conservé à la BNF].


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: exemplaires de l’Abeille conservés aux Archives municipales d’Étampes.
  
Explicit
 
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