Auguste Allien
Inauguration de la
ligne d’Étampes à Auneau
Abeille d’Étampes, mai-juin
1893
Numéro
du samedi 27 mai 1893, p. 3
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Etampes.
— Voilà qui est bien acquis, à cette heure: la ligne d’Étampes
à Auneau sera inaugurée le lundi 5 juin prochain. A part la
restauration, la remise à neuf des bâtiments de notre gare —
dont l’aspect, il faut le reconnaître, sera presque élégant,
presque réjouissant, si on le compare à celui de l’ancien embarcadère
de 1843, — à part le complément d’installation des gares de
ce petit réseau qui va être effectué sans retard, la
ligne est prêt au roulement de ses trains, au transport de ses voyageurs
et de ses marchandises. Nous sommes en mesure d’indiquer déjà
à nos lecteurs que les voyageurs disposeront tout d’abord de trois
trains à l’aller, dont deux marchant à une vitesse de 50 kilomètres
à l’heure, feront le trajet d’Étampes à Auneau en cinquante-cinq
minutes; et au retour, de trois trains également. Nos lecteurs trouveront
à notre tableau-indicateur, en 4e page, l’énoncé de
ces trains et les prix pour les trajets entre les diverses stations. On peut
en conclure déjà qu’il y aura économie de temps de une
heure et demie au moins pour le trajet complet; économie d’argent
aussi dans une proportion très notable pour le voyageur.
Ajoutons, pour compléter nos informations, que
le service des gares de la nouvelle ligne sera service restreint,
c’est-à-dire que ce seront des femmes qui délivreront les billets
et enregistreront les bagages. Enfin les diverses stations communiqueront
entre elles par un téléphone.
Et maintenant, Go ahead!!! comme disent
les Américains.
Et pendant que nous sommes sur cet intéressant
sujet, qu’on nous permette de demander à la Compagnie d’Orléans
s’il ne serait pas possible — ceci au nom des nombreux habitants de notre
ville qui portent leurs lettres au bureau de poste de la gare — de continuer
le pavage en carreaux de bitume, du trottoir qui va de l’habitation de M.
le Chef de Gare au bas du perron central. Ce trottoir sera assurément
un des endroits les plus usagers de la ville; la provision de carreaux
de bitume est loin d’être épuisée, nous dit-on, et la
Compagnie n’aurait pas à en regretter l’emploi bien indispensable
à cet endroit.
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Numéro
du samedi 10 juin 1893, p. 3
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INAUGURATION
De la ligne d’Étampes à
Auneau
Y a-t-il longtemps qu’on en parle, longtemps
qu’on la désire, cette petite ligne de 33 kilomètres dont les
premiers terrassements, à ce que nous croyons, remontent à
dix ans, notamment pour le tronçon qui va d’Auneau à la limite
de la Seine-et-Oise!
Donc, c’est une affaire faite. Il n’y a si long
jour, comme dit l’autre, que le soir ne vienne: c’était lundi dernier
l’inauguration, en famille, sans tambour ni trompette, une inauguration en
éteignoir de la joie unanime, si cette joie n’avait été
vivace et sincère. Ce sont les curieux sympathiques, nos concitoyens
zélés amateurs de nos belles vallées voisines, ce sont
les futurs clients de cette petite ligne si utile qui la saluent à
son berceau de leurs hommages, qui lui font la fête et lui souhaitent
bienvenue et prospérité.
Deux drapeaux aux angles de la marquise, claquant
au soleil matinal; affluence dans les salles d’attente; le personnel est
sur pied. Le chef de gare se promène sifflet en éveil. Aucun
personnage officiel; seul l’un de nos estimés adjoints, souriant, et
que le train de Paris va emporter.
A l’unique pendule de la gare, 7 heures 45,
le train de Paris prend la moitié de l’assistance. Décidément
l’on voit bien que personne n’était convoqué, que nous sommes
en petit comité.
A 7 heures 50, pour la première fois,
le cri du service qui a frappé agréablement nos oreilles: «En
voiture, les voyageurs pour la ligne d’Auneau, Chartres, Dreux, en voiture!»
Les employés sont pénétrés de la gravité
du fait et malgré eux, il passe dans leur voix un petit tremblement,
et un accent peu ordinaire souligne leur cri d’appel.
Cependant la locomotive est sous pression, une
grosse botte de bleuets cueillie par les mécaniciens en orne l’avant,
et c’est tout. Le train est composé au départ de trois petists
wagons mixtes, premières et secondes, et d’une voiture de 3me classe.
Trois wagons chargés d’échalas destinés à clôturer
les côtés de la voie complètent le premier train
Dans l’un des compartiments de première
classe sont montés les représentants de la Compagnie d’Orléans:
M. de la Taille, inspecteur-général; Dorguin, inspecteur de
l’exploitation; Gigoust d’Herbeline, ingénieur d’arrondissement; Lana,
ingénieur, chef de section; Gendreau, conducteur des travaux de la
nouvelle ligne.
Nous occupons, en compagnie de quelques Étampois,
le compartiment voisin.
Au pont Saint-Jean, nous remarquons une foule
matinale de curieux qui se pressent, saluant les voyageurs, au milieu des
flots de vapeur qui s’élève et les aveugle.
Plus loin, le meunier du moulin de Vaujouan,
M. Marchon, et son personnel sont près de la voie, et nous filons
à toute vapeur dans le vallon. La marche et douce, et la voie semble
bien établie.
Un de nos compagnons de voyage, qui est du métier,
nous explique que la substruction ayant été exécutée
lentement et depuis quelques années déjà, les terrains
se sont tassés progressivement; que, dans ces bonnes conditions, la
voie ne peut manquer d’être bonne, malgré le fond de tourbe
qui, à quelques endroits de cette vallée, affecte une épaisseur
de dix à douze mètres.
8 heures. — Saint-Hilaire-Chalo. — Le
train stoppe; une forte partie des voyageurs descendent à cette première
station. Le voyage leur a suffi pour inaugurer, et, en attendant l’heure
du retour, ils vont fêter l’ouverture de la ligne en sablant le vin
clairet chez les joyeux débitants du Grand-Saint-Mars.
MM. les Ingénieurs sont descendus pour
le contrôle des bâtiments de la station et pour donner les dernières
recommandations à la dame chef de gare et à l’employé.
Ils remontent. La machine gravit allègrement les pentes qui, de la
verdoyante vallée de la Chalouette, nous amènent sur le plateau
beauceron, et le train passe, ralentissant son allure, mais sans s’y arrêter,
devant la halte du Plessis….. Mérobert. De ces localités,
les habitants sont venus voir passer le premier train, malgré leur
éloignement de la station.
8 h. 33. — Saint-Escobille. — La gare
est ornée d’un drapeau tricolore; plusieurs rangées d’habitants
de ce gentil pays que traverse la ligne garnissent le quai de la petite gare.
L’employée vient au-devant des autorités qui descendent. Après
la visite, nous filons sur Sainville qui est la station la plus importante
du trajet avant l’arrivée à Auneau.
A Sainville, les couleurs nationales flottent
au-dessus de la porte de la gare et en haut de la grue métallique
qui dessert la station. La foule, dans laquelle des femmes et des jeunes
filles se voient en grand nombre, salue de ses acclamations joyeuses l’arrivée
du train.
Les petites gares de ce réseau sont très
bien entendues: salle de départ, habitation, bureau du chef de gare,
et, à droite, un hangar clos avec toit avancé pour abriter
les marchandises, le tout formant un seul bâtiment. Le mouvement des
voyageurs est assez animé à Sainville, et le train y laisse
son premier wagon de marchandises.
On nous raconte que le conseil municipal de
Saint-Escobille avait voté pour fêter l’inauguration de la
ligne une somme de 200 fr. On devait remettre ce jour-là à
la Compagnie de pompiers un drapeau nouvellement acheté à
son intention, et faire ainsi double-fête. Nous ne savons ce qu’il
en est advenu.
En voiture, Messieurs, en voiture! Douze minutes
après, la station de la Chapelle d’Aunainville; enfin, neuf minutes
encore, et nous sommes à Auneau, à la gare du moins qui n’est
pas encore terminée; les ouvriers sont sur les quais. MM. Les Ingénieurs
descendent et se dispersent. Auneau est à une assez grande distance.
Un quart d’heure de repos; le petit train se reforme, et en route pour Étampes.
Le large plateau s’étend à perte
de vue: un corps d’armée y évoluerait à son aise. Çà
et là quelques réserves de chasse, quelques guérets,
mais la plaine n’offre pas un coup d’œil purement pittoresque. La présence
d’une population nombreuse y est révélée par les clochers
qui émergent à l’horizon. La nouvelle ligne va se trouver en
contact avec de nombreux intérêts; elle va satisfaire aux besoins
de toute cette région active et jusqu’ici déshéritée.
En outre, elle est une nouvelle voie de transit
fort utile; elle abrège la durée du transport pour tout ce
qui vient des centres de gros négoce, comme le Havre par Maintenon
et Dreux. Elle créera elle-même un accroissement de transport
de marchandises en le facilitant. Qui vivra verra; mais nous croyons à
l’avenir de cette ligne. Aussi l’Abeille a-t-elle tenu à assister
à l’inauguration et elle adresse à la Compagnie d’Orléans
ses souhaits les plus sincères pour la prospérité et
le bon fonctionnement de son nouveau réseau.
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Le passage à niveau de Vaujouan, l’une des rares vues conservées
de cette ligne, vers 1903.
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BIBLIOGRAPHIE
PROVISOIRE
Éditions
Auguste ALLIEN, «Etampes. — Voilà qui est bien acquis...» L’Abeille d’Étampes. Journal politique et
des insertions judiciaires de l’arrondissement. Littérature, Sciences,
Jurisprudence, Agriculture, Commerce, Voyages, Annonces, Annonces commerciales
et Avis divers, etc. paraissant tous les samedis 82/21 (27 mai 1893),
p. 3.
Auguste ALLIEN,
«Inauguration de la ligne d’Étampes
à Auneau», in L’Abeille d’Étampes
82/23 (10 juin 1893), p. 3.
Bernard GINESTE
[éd.], «Auguste Allien: Inauguration
de la ligne d’Étampes à Auneau (Abeille d’Étampes,
mai-juin 1892)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18930605inaugurationlignedauneau.html, 2008.
Sur cette
ligne
David RAYNAL
(1840-1903), Projet de loi ayant pour objet la déclaration d’utilité
publique et la concession définitive à la Compagnie du chemin
de fer de Paris à Orléans de la ligne de la limite de Seine-et-Oise,
vers Auneau, à Etampes..., présenté au nom de M. Jules
Grévy,... par M. Raynal,... 5 avril 1884 [in-4°; 4 p.], Paris,
A. Quantin [«Chambre des Députés, 3e législature,
session 1884» n°2771], 1884.
Hippolyte MOREL (sénateur de la Manche),
Rapport fait au nom de la Commission chargée d’examiner le
projet de loi ayant pour objet la déclaration d’utilité publique
et la concession définitive à la compagnie du chemin de fer
de Paris à Orléans de la ligne de la limite de Seine-et-Oise,
vers Auneau, à Etampes. 2 août 1884 [in-4°; 5 p.], Paris,
A. Quantin [«Chambre des Députés, 3e législature,
session 1884» n°3065; «Sénat. Session extraordinaire
1884» n°231], 1884.
David RAYNAL (1840-1903), Projet de loi,
adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet
la déclaration d’utilité publique et la concession définitive
du à la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans,
de la ligne de la limite de Seine-et-Oise, vers Auneau, à Etampes,
présenté, au nom de M. Jules Grévy,... par M. D. Raynal.
22 décembre 1884 [in-4°; 7 p.], Paris, P. Mouillot [«Sénat.
Session extraordinaire 1884» n°213], 1885.
Paul-Louis-Joseph CUVINOT,
Rapport... (Déclaration d’utilité publique et
concession définitive à la Compagnie du chemin de fer d’Orléans
à Paris, de la ligne de la limite de Seine-et-Oise vers Auneau à
Étampes), par M. Cuvinot,... 23 décembre 1884 [in-4°;
4 p.], Paris, P. Mouillot, 1885.
François
JOUSSET [éd.], «Maxime Legrand et
Émile Huet: D’Étampes à Auneau
en chemin de fer (1892)», in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/che-19-18920916detampesaauneau.html,
2008.
Bernard GINESTE [éd.],
«Auguste Allien: Inauguration de la ligne
d’Étampes à Auneau (Abeille d’Étampes, mai-juin
1892)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18930605inaugurationlignedauneu.html, 2008.
AUTEURS A DÉTERMINER
(noms illisibles sur le scan d’un exemplaire en vente en octobre 2008),
Ligne d’Auneau à Etampes. Départements d’Eure-et-Loir
et de Seine-et-Oise. Rapport sur l’exécution des travaux et dépenses
effectuées [26 p.; illustrations; descriptif du vendeur: “plan général et profil en long, historique, infrastructure,
longueur de la ligne, alignements et courbes, déclivités, acquisitions
des terrains, terrassements, ouvrages d’art, maisons de garde, livraison
à la Compagnie d’Orléans, dépenses totales, superstructure,
stations, etc.; plans détaillés avec cotes: type de bâtiment
des voyageurs avec halle aux marchandises accolée; gares d’Etampes,
Saint-Hilaire, Saint-Escobille, Sainville,La Chapelle-d’Aunainville, Auneau;
daté de Versailles, 14 mai 1893”], Versailles,
éditeur à préciser, 1893 [non conservé à
la BNF].
Toute critique, correction ou contribution sera
la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
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