L’Illustration
VII.162 (samedi 4 avril 1846), pp. 51-62
Inauguration
du chemin de fer de Paris à Bordeaux.
PREMIÈRE SECTION, DE PARIS A TOURS.
[extrait, pp. 65-66]
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Nous
tenons notre promesse: nous avons rapporté de Tours un souvenir
illustré; le dessin qui accompagne cet article représente
la scène principale de cette belle fête à laquelle
nous avons eu le bonheur d’assister, et dont nous allons, à
notre tour, faire un court récit. Du chemin et de ses merveilles,
— châteaux, points de vue, travaux d’art, — il ne nous reste absolument
rien à dire. Nous avons déjà tout décrit
et tout montré d’avance dans notre précédent numéro.
Jeudi dernier l’illustration était, sinon dans toutes les mains,
du moins dans tous les wagons. Elle inaugurait dignement son numéro
spécial destiné à servir, pendant de nombreuses
années, de guide pittoresque à tous les voyageurs qui
iront de Paris à Tours. Elle a été récompensée
de ses efforts par un succès complet; les éloges qu’elle
a recueillis ne lui feront rien perdre de sa modestie passée,
ils lui inspireront seulement le désir d’en mériter d’autres,
et de se surpasser, si cela lui est possible.
Dès six heures du matin les
abords de la gare du chemin de fer d’Orléans présentaient
un aspect inaccoutumé. De tous les points de Paris accouraient
des voitures, d’où descendaient avec empressement à l’entrée
de l’embarcadère des invités, surpris de se voir à
une pareille heure et craignant, non de s’être fait attendre, —
les chemins de fer bouleversent tous les rapports et tous les usages sociaux,
— mais de n’avoir pas été attendus. Plus de mille cartes
avaient été distribuées, et un petit nombre des privilégiés
avait résisté, par nécessité ou par indifférence,
à la tentation de faire, ce que personne n’avait encore fait en
France, un voyage de cent vingt lieues dans un seul jour, en moins de
dix-huit heures.
A sept heures précises, un
premier convoi est parti; il emportait plus de cinq cents voyageurs.
Une demi-heure après, le second convoi se mettait en route;
il était encore plus considérable
Le trajet de Paris à
Orléans s’est effectué en trois heures et demie. Il n’a
offert qu’un incident digne d’une mention. Une halte d’un quart d’heure
avait été accordée à Etampes. A cette nouvelle,
quatre cents personnes environ se sont abattues comme un essaim bruyant
de sauterelles affamées dans la salle du restaurateur de la
station, C’était un spectacle curieux. Tout ce qui paraissait,
je ne dirai pas bon à boire et à manger, mais propre à
servir de nourriture ou de boisson dans un cas pressant, a disparu en
un clin d’œil. Nous devons relever un fait odieux, car nous espérons
inspirer des remords salutaires à plus d’un honnête pète
de famille qui s’est rendu involontairement coupable d’un délit
prévu et puni par le code pénal. Quand la cloche a donné
le signal du départ, chacun s’est précipité vers
son wagon. Oserons-nous l’avouer! des députés, des pairs
de France se sauvaient sans même remercier de son hospitalité
le restaurateur un peu trop cher dont ils venaient de dévorer le
chocolat et le jambon on d’avaler le bordeaux. Ils s’enfuyaient, persuadés
peut-être que ce déjeuner anticipé leur était
offert par la compagnie... Des réparations sont dues. Nous ne doutons
pas que les coupables n’échappent aux remords qu’ils éprouveraient
bientôt, et ne réduisent la justice au silence, en réglant
promptement les comptes de leur estomac et de leur conscience. |
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Tandis que nous déplorions ces incroyables erreurs d’une société
choisie, trois excellentes machines nous emportaient au galop dans cette
plaine si parfaitement unie de la Beauce où la nature est plus riche
que belle; des nuages montaient à l’horizon et commençaient
à intercepter les rayons du soleil. Mais le ciel avait perdu sa
monotonie avec sa pureté, et ses aspects variés contrastaient
heureusement avec le spectacle uniforme présentait la terre.
A onze heures nous entrions dans la
gare d’Orléans, d’où nous repartions à onze heures
et demie. Bien que nous eussions pris de nouveaux invités, une
seule machine nous conduisait; elle était montée par M.
Félix Tourneux, aujourd’hui ingénieur en chef du chemin
de fer de Tours à Nantes. M. Woodhouse, l’ingénieur en chef
du chemin de fer d’Orléans [p.66]
à Bordeaux, s’était chargé de conduire
le second convoi, le convoi des princes, qui nous suivait de près.
LL. A. R. monseigneur le duc de Nemours et monseigneur le duc de Montpensier
avaient passé la nuit à Orléans, où un bal
magnifique leur avait offert par la ville. Ils ont été reçus
dans la gare d’Orléans par M. le duc de Mouchy, président
du chemin de fer d’Orléans à Bordeaux, qui leur a présenté
les membres du conseil d’administration: MM. le baron Sarget, Bourlon,
Barres, le comte de la Pinsonnière, Teste, le colonel W. de Bathe,
Gladstone, Luzarches, Monternaut, Bénat de Saint-Marsy, le baron
de Richemont, le vicomte de Cussy. Après cette présentation,
les princes sont montés dans le wagon royal, magnifique voiture
qui sort des ateliers de M. Gettingue.
Au moment où le convoi royal
sortait de la gare d’Orléans, nous nous arrêtions à
Beaugency pour nous approvisionner d’eau. Nous avions déjà
franchi presque un quart de la distance qui sépare Orléans
de Tours. Etc.
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BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
Éditions
ANONYME, «Inauguration du chemin de fer
de Paris à Bordeaux», in L’Illustration. Journal universel
VII/162 (samedi 4 avril 1846),
pp. 65-66 [avec une gravure de Pharamond Blanchard p. 1: «Inauguration
du chemin de fer de Paris à Tours. — 26 mars 1816. — Bénédiction
des machines, par mons. 1’archevêque de Tours.»].
Bernard GINESTE [éd.],
«L’Illustration du 4 avril 1846: Grivellerie en
gare d’Étampes (26 mars 1846)», in Corpus Étampois,
www.corpusetampois.com/che-19-18460404illustration.html, 2005.
Numéro précédent
ANONYME, «Chemin de fer de
Paris à Bordeaux», in L’Illustration. Journal universel
VII/161 (samedi 28 mars 1846), pp. 51-62 [avec 41 gravures de Philémon
Blanchard et Adrien Dauzats et 4 cartes], dont une réédition
partielle par le Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-19-18460328illustration.html, 2005 [le texte concernant
les environs d’Étampes est pp. 54-55 & les gravures
concernant Chamarande et Étampes pp. 53 & 56-57].
Toute critique, correction ou contribution
sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
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