CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
 
L’Ami de la Religion
Le curé de Bouville face au choléra
juin 1832
 
   
Un cholérique dessiné d'après nature par le Dr Froriep en 1832
Cholérique dessiné d’après nature par un médecin allemand en 1832.

     En 1832, le pays d’Étampes fut frappé durement par une épidémie de choléra. L’histoire de cette épidémie a été étudiée de manière exhaustive et magistrale par Marie-Thérèse Larroque en 1991, et n’est plus à faire, pour ce qui concerne Étampes même. Il reste cependant à étudier, à cette vive lumière, ce qu’il en fut aux alentours, et c’est dans cette perspective que nous mettons en ligne ce petit document intéressant l’histoire de la paroisse de Bouville, tiré d’un journal clairement clérical de l’époque de la Restauration.
B.G., avril 2009 
  
L’Ami de la Religion
Le curé de Bouville face au choléra
mai-juin 1832


     Avant de donner ce que nous apprend L’ami de la Religion du comportement du curé de Bouville pendant l’épidémie de choléra de 1832, nous reprenons l’un des bulletins que donne ce journal au sujet de la propagation de l’épidémie, parce qu’il mentionne précisément le pays d’Étampes parmi les secteurs les plus touchés de la Seine-et-Oise. Nous y joignons des données sur le curé en question généreusement communiquées par Frédéric Gatineau.
1) Le choléra gagne notamment la région d’Étampes (mai 1832)

24 mai 1832.
[p.169]
NOUVELLES POLITIQUES.

     — Le 20 mai, il n’est mort à Paris que 9 personnes du choléra, 6 à domicile et 3 dans les hôpitaux. Jamais le chiffre des décès n’avoit été aussi foible depuis le développement de la maladie. Le 21, le nombre des décès est remonté à 22, dont 12 à domicile et 10 dans les hôpitaux. Le premier jour, il y avoit diminution, sur la veille, de 4, et, le second, augmentation de 13. Il n’a été conduit aux hôpitaux, [p.170] le 20, que 15 cholériques; le 21, il y eu a eu 31. Il en est sorti guéris le premier jour 33, et le second 57. Le nombre des décès, par suite d’autres maladies que le choléra, a été le 20 de 61, et le 21 de 52. On voit que depuis quelque temps il y a toujours compensation dans les différens chiffres. Les sommes versées à la caisse municipale, pour les orphelins des victimes de l’épidémie, s’élevoient le 21 à 38,346 fr.
— Le département de Seine-et-Oise compte maintenant 182 communes où le choléra se soit manifesté. Le 20, il y a eu 114 nouveaux malades et 63 morts, non compris l’arrondissement d’Etampes, où l’épidémie prend de l’intensité. Le 21, 106 cas et 55 décès ont été signalés à Meaux. Le total pour le département de Seine-et-Marne est porté maintenant à 7,472 cas et 1,824 décès, ce qui excède beaucoup les résultats des autres départemens, et se trouve cependant très-inférieur au département de la Seine, eu égard aux populations respectives. Le même jour, il y a eu 52 cas et 34 décès dans celui de l’Aisne, 64 cas et 35 décès dans celui de la Meuse, 56 cas et 16 décès dans celui de la Somme, 35 cas et 20 décès dans celui de l’Oise, 36 cas et 6 décès à Troyes, 12 cas et 13 décès à Orléans, 14 cas et 8 décès à Rouen; le 20, 76 cas et 22 décès dans le département du Nord, 9 cas et 4 décès à Reims, 9 cas et 5 décès à Clamecy (Nièvre). Le 19, 39 cas et 14 décès dans le département du Pas-de-Calais. L’épidémie continue ses ravages dans le département de l’Yonne ; elle en fait très-peu dans ceux de l’Eure, d’Eure-et-Loir, de Loir-et-Cher, à Troyes, à Charmes (Vosges), à Bourges. Jusqu’au 19, 8 personnes ont été atteintes du choléra dans l’hôpital de Brest et 6 y ont succombé : il n’y avoit pas de cholériques dans la ville.

 
2) Le curé de Bouville face au choléra

30 juin 1832
[p.424]
NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES

      — Nous apprenons tous les jours quelques exemples de charité et de dévouement, de la part de curés et ecclésiastiques, pendant la durée du fléau qui a visité plusieurs de nos provinces. M. Houyvet, curé de Bouville, près Etampes, est un de ceux qui se sont le plus distingués par leur zèle, leur activité et leur courage. Cet estimable ecclésiastique, qui est jeune, s’est multiplié d’une manière prodigieuse pendant l’invasion du choléra, qui s’est fait sentir avec force dans ces cantons. Chargé de quatre paroisses, il alloit de l’une à l’autre pour visiter les malades, et il continue depuis près de six semaines ce pénible ministère. Les malades étoient à peu près abandonnés par l’impression de terreur qui s’étoit emparée de tous les esprits. Le curé alloit les voir, les soigner, les consoler. Jusque-là les paysans, assez apathiques, ne faisoient guère avertir leur curé dans leurs maladies; mais la nécessité les a forcés de recourir à lui. Ce qu’ils ont éprouvé de bontés et d’attentions de sa part les a touchés; ils le vénèrent aujourd’hui autant qu’auparavant ils lui témoignoient d’éloignement et de froideur. Ses ennemis mêmes, car il en avoit, malgré sa douceur, sont revenus à lui, et sont les premiers à proclamer tout ce qu’on lui doit de reconnoissance. Le curé étoit secondé dans ses soins par deux Sœurs de la Providence, établies sur les lieux par la générosité de madame de Balivière, propriétaire du château de Farcheville, sur la même paroisse. Cette dame avoit donné une pharmacie qui étoit établie chez M. le curé, et à la tête de laquelle étoit sa sœur. Cette pharmacie a rendu beaucoup de services au milieu des ravages du choléra. Madame de Balivière nourrit en outre et habille les pauvres du lieu. Le sous-préfet d’Etampes étant venu visiter la commune [p.425] pendant l’invasion du fléau, a vu avec peine qu’il y avoit beaucoup de malades, et a témoigné son étonnement au maire de ce qu’il ne lui avoit pas écrit pour demander des secours. Le maire lui répondit qu’il se seroit reproché de lui faire quelques demandes, puisque le curé d’une part, et madame de Balivière de l’autre, suffisoient, l’un pour soigner les malades, l’autre pour leur fournir des remèdes. Le sous-préfet a été d’autant plus surpris, que déjà des malveillans avoient cherché à rabaisser auprès de lui le mérite des charités d’une dame qui ne fait acception de personne dans ses libéralités. Il faut espérer qu’à la fin tant d’exemples de ce que peut l’esprit de la religion chez les prêtres et chez les personnes qui font profession de piété, guériront de leurs préventions les plus enracinées ceux qui s’obstinoient à juger le clergé et les fidèles, non d’après la réalité et les faits, mais d’après les suggestions de l’esprit de parti.



3) Information supplémentaires inédites sur ce curé de Bouville
d’après la base de données Exonna de Frédéric Gatineau (2009)
     On remercie ici Frédéric Gatineau de la générosité avec laquelle il partage ses trouvailles avant même que n’ait été mise en ligne sa base de données Exonna, dont la publication est très attendue et constituera un événement pour l’histoire locale de tout le département.

Tirées de la base de données Exonna, encore inédite

     D’après des notes encore inédites de Frédéric Gatineau, le curé de Bouville est en 1824 est un certain Latil, desservant qui a quitté le presbytère et qui est interdit, mais qui continue d’exercer (AD78 1 V 12); d’après une enquête diocésaine de 1827 (Arch. Dioc. 78), l’église “quoique pauvre est propre” et une sœur de la Providence fait l’école aux petites filles, au frais du châtelain, M. de Balivière; “les paroissiens sont peu généreux pour l’église ou ils vont pourtant beaucoup”.

     Nous ne savons pas pour l’heure depuis quand Huyvet est curé de Bouville, lorsque survient l’épidémie de 1832. L’Ami de la Religion précise qu’il est en charge de quatre paroisses simultanément; il n’y a donc pas à s’étonner qu’un autre abbé, Étienne Tassart, soit mentionné comme desservant la paroisse de Bouville à partir de 1833; mais Houyvet conserve clairement le titre de curé de Bouville, sous lequel il assiste  encore le 11 août 1834 à l’enterrement du curé de La Ferté-Alais (d’après l’abbé Desgrandchamps dans l’Écho catholique de la Ferté-Alais). Ce n’est qu’en 1841 que Georges Houyvet est nommé curé de Marcoussis, en remplacement de Louis Quentin Martin (AD78 1 V 43), et il est alors lui-même remplacé à Bouville par l’abbé Jean-Pierre Bastide.


 
4) Bouville
d’après Maxime de Montrond (1836)
4° BOUVILLE.
Bouville, 490 habitans.

     On remarque près de ce village, situé à 2 lieues E. d’Etampes, l’antique château de Farcheville, fortifié encore de créneaux et de tours; il est d’une forme carrée et environné de fossés.

     Ce château et le joli parc qui l’environne sont aujourd’hui la propriété de madame de Balivière.

     L’ancienne forteresse de Farcheville est l’une de celles qui furent rachetées vers l’an 1360, par la ville de Paris, des mains des Anglais. (Voyez plus haut article Boissy-le-Sec.)

Essais historiques sur la ville d’Etampes, t. II (1836), p. 170.

  
Source: le réédition numérique de ce numéro de L’Ami de la Religion mise en ligne par Google Books, saisie corrigée par Bernard Gineste, avril 2009.
   
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
      
Édition

     Adrien LECLERE [dir.], «Nouvelles ecclésiastiques», in L’Ami de la religion. Journal ecclésiastique, politique et littéraire 72 (1832), pp. 424-425.

     Bernard GINESTE [éd.], «L’Ami de la Religion: Le curé de Bouville face au choléra (1832)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-1832amidelareligion-bouville.html, 2009.

Sur l’épidémie de choléra de 1832 dans le secteur d’Étampes

Un cholérique dessiné d'après nature par le Dr Froriep en 1832      Camille MARTIN, Considérations sur le choléra-morbus épidémique observé à Etampes pendant le printemps et l’été de l’année 1832 [thèse], Paris, Faculté de médecine [«Thèse de médecine. 1833» n°44], 1833.
 
     Justin BOURGEOIS, Coup d’œil sur les deux épidémies de choléra asiatique qui ont sévi à Étampes et dans son arrondissement pendant les années 1832 et 1849 [in-8°; 91 p.], Puy, J.-B. Gaudelet, 1851.

     Marie-Thérèse LARROQUE, «Une saignée démographique à Étampes, le choléra de 1832», in ASSOCIATION ÉTAMPES-HISTOIRE, Le pays d’Étampes au XIXe siècle [288 p.; bibliographie et indication des sources manuscrites pp.
161-162.], Éditions Amattéis, Le Mée-sur-Seine, 1991, pp. 128-165.

     André DODIN (professeur à l’Institut Pasteur, chef de l’unité Choléra et Vibrions et du Centre national de références des Vibrions, 1926-1995), «Une épidémie de choléra dans la vallée de l’Ecole», chapitre apparemment l’ouvrage de Patrice BOURDELAIS et André DODIN, Visages du choléra [13,5 cm sur 21,5; 168 p.; illustrations], Paris, Belin [
«Regards], 1987.
     Dont une bonne saisie numérique illustrée mise en ligne par: Éric GACHOT, «André Dodin: Une épidémie de choléra dans la vallée de l’École», in ID., Histoire et actualité de Milly-la-Forêt [blog], http://milly91490.blogspot.com/2008/04/une-pidmie-de-cholra-dans-la-valle-de.html, 2008, en ligne en 2009.

Autres épidémies dans le pays d’Étampes

     Petrus-Josephus PINAIRE [Pierre-Joseph PINAIRE], De febre, quae sub fine decimi et initio undecimi Reipublicae anni, epidemicè grassabatur ad oras amnis Exonae Parisiorum, per vallem cui vulgò nomen a vico Maisse, in sub-praefecturâ Stempensi, ex partitione Sequanae-et-Oesiae, tentamen, in Scholâ medicâ Parisiensi, die 29 mensis nivôsi anni XII ad doctoratûs lauream, propugnatum a Petro-Josepho Pinaire [in-4°; “De la fièvre qui à la fin de la Xe et au début de la XIe année de la République sévissait sur les rives des la rivière parisienne de l’Essonne à travers la vallée dite de Maisse dans l’arrondissement d’Étampes au département de Seine-et-Oise: thèse soutenue à l’École de Médecine de Paris pour l’obtention du doctorat par Pierre-Joseph Pinaire le 29 nivôse de l’an XII (17 janvier 1804)”], Parisiis (Paris), J.-J.-D. Valade [«Thèses de Médecine», t. V, n°150], anno XII (1804).

     Justin BOUGEOIS, «D’une épidémie particulière de suette survenue concurremment avec celle du choléra en 1849», in Archives générales de Médecine de Paris. Mélanges Épidémies, 3e (?) série [1838-1842 (3e s. I-XV), ou peut-être plutôt 1843-1852 (4e s. I-XXX)
], Paris, 1849.

     Bernard GINESTE [éd.], «Famille Noury: Double épitaphe (1849)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-noury1849doubleepitaphe.html, 2004.



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