CORPUS HISTORIQUE ETAMPOIS
 
 Dom Basile Fleureau 
Du Nom d’Estampes.
Antiquitez d’Estampes I, 1
1668
 
La fondation de Paris par le mythique duc troyen Ibor (miniature pour les Grandes Chroniques de France, 14e siècle, © BNF)
La fondation de Paris par le mythique duc troyen Ibor
(miniature pour les Grandes Chroniques de France, 14e siècle, © BNF)
 
     La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
     
Les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes
Paris, Coignard, 1683
Première Partie, Chapitre Premier,
pp. 1-3
Du nom d’Estampes
 
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PREMIÈRE PARTIE, CHAPITRE PREMIER
Du Nom d’Estampes.

LA premiere question dont les Historiographes, aussi-bien que les Philosophes, traitent au commencement de leurs Ouvrages, regarde l’explication des noms des choses, dont ils veulent parler, parce que l’on a toûjours estimé qu’il y avoit des mysteres cachez sous les noms propres, non seulement des hommes et des animaux; mais aussi des Citez & des Villes, ausquelles on les a imposez pour quelque sujet particulier; quoy que bien souvent on ne puisse le penetrer.  Cette difficulté se rencontre en l’imposition du nom d’Estampes à la Ville qui le porte aujourd’huy, [p.2] dont on ne peut rendre une bonne raison; si ce n’est que suivant l’opinion de ceux qui disent que le territoire de Paris a esté premierement habité, & la ville fondée par quelques Troyens, qui fuyans les Grecs aprés la ruïne de leur ville, se retirerent en Gaule, en ces lieux là, qui estoient encore inhabitez: & qu’après s’y  estre establis ils commencerent à s’étendre aux lieux circonvoisins, suivant le cours des rivieres, nous disions que que quelques-uns d’eux, suivant celle de Juisne, depuis son emboucheure dans la Seine jusques vers sa source, ils rencontrerent une fort agréable prairie, arrosée de plusieurs ruisseaux, remplie de beaucoup d’arbres, & environnée de collines, au dessus desquelles s’étendent des pleines [sic] tres-fertiles, ils y fonderent une Ville, à laquelle ils imposerent le nom de Tempe, qu’il a esté facile de convertir en celuy d’Estampes, à cause de la ressemblance de ce lieu avec celuy de Thessalie appelé Tempe.

     Pour moy  je ne puis me persuader que les Troyens soient venus dans les Gaules y fonder des Villes: & j’estime que la Franciade de Ronsard n’est qu’une pure Fable poëtique. Car car encore que les forces des Troyens eussent esté aussi entieres qu’elles estoient avant la ruïne de leur Ville, ils n’auraient pû fournir tant de colonies, peupler tant de pays, & fonder des Estats aussi grands & aussi puissans que ceux qu’on leur attribuë. C’est  pourquoy j’estime qu’on peut croire avec plus de probabilité, qu’au commencement Estampes a esté nommé Tempe, ou temph par les premiers Gaulois, qui se servoient de la Langue Grecque, au rapport de César, en ses Commentaires, au moins les plus sages, ausquels seuls il appartient de donner les noms aux choses: Et que ce nom qui signifie indifferemment toutes sortes de lieux meslez de prairies, de ruisseaux, de collines, & de bocages, a esté donné par antonomase à la ville d’Estampes à cause de son agréable situation; de mesme qu’à une partie de Thessalie; & qu’avec le temps qui change toutes choses, du nom de Tempe, l’on a, par l’addition de quelques lettres, formé celuy d’Estampes.
Un ruisseau près d'Etampes (d'après un tableau de H. Boulenger; carte postale de Paul Allorge Ee7 n°3)
     Le paysage d’Estampes est l’un des plus beaux de la France, à cause de sa situation, & de ses diversitez. Il est à quatorze petites lieuës de Paris, ville capitale  du Royaume, & à ving lieux seulement d’Orleans, l’une des plus belles, & des plus anciennes villes de la France, soit que nous l’entendions sous le nom de Genabum Carnatum, dans César, ou de celui d’Aurelia, à cause de l’Empereur Aurelius qui l’a fit [sic] rétablir, & sur le grand chemin qui de l’une de ces Villes à l’autre: aux confins des Provinces du Gastinois, de l’Heurepois, & de la Beausse, Province renommée pour l’abondance, & pour la [p.3] bonté de son bled, & communément appellée l’un des greniers de la France. C’est en cette Province que Jules Cesar voulant s’en retourner en Italie, sur la fin de l’an 55. avant la Nativité de Jesus-Christ, pour continuër ses brigues à Rome, envoya une partie de ses légions en quartier d’Hyver.  Ce paysage est composé d’un valon fort large, & fort étendu vers le Midy, dans lequel est une agréable prairie, si bien partagée par quantité de hayes élevées en forme de palissades, & de divers plans de saules, & autres arbrisseaux qui ont accoustumé de naistre et de s’élever dans les lieux humides, qu’à les voir de dessus les collines qui l’environnent, on le prendroit facilement pour un agreable parterre. Ce valon tirant du costé d’Orleans est partagé en deux autres plus étroits, dont l’un s’étend vers le Midy, & est arrosé de la riviere de Juisne, laquelle a sa source à cinq lieuës d’Estampes, au lieu qui luy donne le nom: & l’autre vers l’Occident. Ce dernier a deux rivieres qui coulent dans la plaine à trente pas de distance l’une de l’autre. La premiere qu’on appelle Chaloüette, prend son origine d’une fontaine, au dessous du village de Challou la Reine: & l’autre nommé Loüette, commence un peu au dessus d’un hameau appellé Aubterre, dans la Paroisse de Challo saint Mard. Toutes ces rivieres s’unissent ensemble dans la prairie au dessous de la ville d’Estampes, & font une riviere assez forte pour porter des batteaux. Cette derniere riviere ainsi composée porte le nom de riviere d’Estampes, & les autres perdent le leur. Elle va se décharger dans la riviere de Seine à Corbeil; où par l’un de ses bras qui passe sous le pont-levis de la porte de Paris, elle sépare le Gastinois d’avec l’Heurepois, de mesme que le long de son cours depuis Estampes. Les collines qui environnent ces valons sont la plus part chargées de vignes sur des pentes, qu’il n’est pas facile de labourer pour y semer du bled, ou sont ornées de tres-agreables bocages; & au dessus, le pays commence à s’étendre, & à faire connoistre la fertilité des plaines de la Beausse. Sa situation à l’égard du Ciel est en longitude de 22. degrez 20. minutes. Sa latitude est de 48. degrez 10. minutes.
Etampes vers 1610 (gravure du 17 siècle; carte postale de Paul Allorge Ee7 n°1)


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Source: Basile Fleureau, Les Antiquitez de la ville et du Duché d’Estampes, pp.1-3. Saisie: Bernard Gineste, juillet 2004.
     
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

Éditions

 
     Édition princeps, posthume: Dom Basile FLEUREAU (religieux barnabite, 1612-1674), Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées par erreur 127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d’un texte rédigé en réalité vers 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683.

     
Réédition en fac-similé: Dom Basile FLEUREAU, Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec lhistoire de labbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [23 cm sur 16; XIV+622+VIII p.], Marseille, Lafittes reprints, 1997.

     
Réédition numérique en ligne (en cours depuis 2001): Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, 2001-2010.

     Pour ce chapitre:
Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Du nom d’Estampes (Antiquitez d’Estampes I, 1, 1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b01.html, 2004.


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