CORPUS HISTORIQUE ETAMPOIS
 
 Dom Remy de Montmeslier 
Épître dédicatoire
des Antiquitez de la ville et du Duché d’Estampes
1683
 
     La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
     
Les Antiquitez de la Ville et du Duché d'Estampes
Paris, Coignard, 1681
Épître dédicatoire,
pp. III-VIII (non paginées)
Épître dédicatoire
 
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A MESSIEURS LES MAGISTRATS,
ET LES HABITANS DE LA VILLE D’ESTAMPES.
 
MESSIEURS,  

     Lorsque je vous offre les Antiquitez de vostre Ville, ce n’est pas tant un present que je pretens vous faire, que vous rendre un bien qui vous est acquis: puis que ce tresor ayant esté trouvé dans Estampes, vous en devez estre les seuls proprietaires: & que leur Auteur ayant receu de vous beaucoup de lumieres & de connoissances, & des Memoires considerables pour l’accomplissement de cet Ouvrage, il vous doit uniquement appartenir; & qu’enfin m’ayant fait l’honneur de croire que j’y pourrois mettre la derniere main, vous me l’avez confié avec tant d’honnesteté ; que je me suis véu obligé de contribuer aux soins que vous prenez pour la gloire de vostre Patrie, en vous le rendant dans le meilleur ordre qu’il me seroit possible. Outre que ne sçachant comment répondre à tant de [p.IV] marques d’amitié que vous m’avez donné pendant tout le temps que j’ay eu l’honneur de demeurer dans vostre Ville, j’ay souhaité souvent de trouver des occasions de vous en témoigner mes reconnoissances: & je ne pouvois sans doute en avoir une plus avantageuse que celle-cy, ni pour un sujet qui vous dût estre plus agreable: puis qu’il n’est rien de plus doux à des enfans que d’entendre parler, ou de lire les belles actions de leurs Ancestres, & de voir l’honneur que l’on rend à leur memoire.  

     J’ajouste qu’en vous l’offrant, je ne fais que suivre l’inclination de feu Pere Dom Basile Fleureau son Auteur, qui n’y a travaillé qu’afin de faire voir l’amour qu’il avoit pour sa Patrie, en faisant revivre aux yeux des hommes ceux qui luy avoient donné la vie. Et pour proposer à ses compatriotes toutes les belles actions qu’il nous represente dans son Livre, comme autant d’exemples de vertus qu’ils doivent suivre. Et les plus critiques n’ont pas le droit d’y trouver à redire, puis qu’il n’est rien de plus juste que de dresser un monument pour rendre immortel le souvenir de tant de vertus, & en faire part à la posterité.  

     Eneffet, MESSIEURS, leur piété n’y paroist-elle pas avec évidence dans la fondation de tant d’Eglises, de Maisons Religieuses, & d’Hospitaux, dont la beauté, & les ornemens ne conservent pas moins de marques éternelles de leur vertu, que de leur liberalité? Où trouvera-t’on une Ville comme la vôtre, qui n’est pas des plus grandes de la France, qui ait deux celebres Colleges de Chanoines, cinq belles Paroisses, une Abbaye considerable, sic Maisons Religieuses, un College pour l’éducation de la jeunesse, & cinq Hospitaux? Ce zele de vos Ancestres pour la Religion ne semble-t’il pas par là avoir donné beaucoup d’éclat? Mais la suite continuée par leurs enfans, [p.V] sans interruption; & sans alteration, durant tant de siecles, & malgré tant d’obstacles qui sont survenus, ne fait-elle point voir manifestement que la main de Dieu l’y a soûtenuë? Sans que l’impiete des heretiques y ait pu apporter le moindre changement, quoy que pendant les troubles du siecle passé ils s’en fussent rendus plusieurs fois les maistres: de sorte qu’on pourroit dire d’elle qu’elle n’a jamais eu lamoindre tache, puis qu’elle n’a jamais voulu souffrir qu’un seul de ces heretiques y ait establi sa demeure.  

     Le zele pour nos Rois n’y paroist pas avec moins d’éclat, puisqu’ils ont toûjours esté uniquement attachez à la Couronne, Et je ne doute point que cette affection unie à la beauté, & à l’agreable situation de vostre Ville, n’ait donné sujet à ces Princes d’y establir leur sejour pendant tant d’années. Car si l’on en considere l’assiette, peut-on rien voir de plus beau que cette diversité qui s’y rencontre, de collines qui ne sont point infertiles, de vallées qui divertissent les yeux par la variété de leurs objets, par la verdure de leurs prairies, par la quantité de leurs jardins, par la beauté des arbres qui les partagent, & par la fraîcheur de trois rivieres qui leur procurent la fecondité, & qui pour augmenter le profit de vostre Ville s’unissent toutes ensemble pour n’en faire qu’une qui facilite le commerce avec la capitale du Royaume. Tout cela y cause un air si pur & si doux, qu’il y a attiré nos Souverains, & les a portez à y bastir un superbe Palais, comme en un lieu le plus propre que l’on pust trouver pour leur dessein.  

     Mais je ne doute point que l’affection des peuples n’y contribuât encore davantage: car combien de fois ont-ils fait des assemblées publiques pendant les troubles qui sont arrivez en divers temps dans le Royaume, où ils ont protesté de demeurer inseparables de la personne de nos Rois, & de leur Couronne: & de [p.VI] perdre plûtost la vie, eux, leurs femmes, & leurs enfans, que de s’en separer? Combien de fois ont-ils arresté des armées, ou ennemies, ou qui s’estoient revoltées contre leurs Princes, & leur ont donné par ce moyen l’occasion de remporter sur elles de glorieuses victoires.  

     Les grans privileges qu’ils en ont recêus en sont des marques évidentes, & pour ne pas specifier, deux seuls me suffiront, & et qui semblent leur avoir esté particuliers. Le pouvoir de battre la Monnoye au coin de la Ville d’Estampes, est un droit qui l’a relevée si fort au dessus des autres Villes, qu’il semble égaler l’autorité des Souverains, à qui il est uniquement reservé. La franchise de Chalo saint-Mard n’estoit pas moins considerable, puis que contre l’ordinaire de presque tous les Etats, il donnoit le pouvoir aux filles d’ennoblir non seulement leurs enfans, mais encore leurs maris: De sorte qu’on eût pû appeller vostre Ville la Ville des Nobles, si la jalousie n’en eut rompu le cours, puis que la plus grande partie des familles y estant alliées, elles contractoient cette qualité si avantageuse.  

     Mais si le plus bel ornement des Villes consiste principalement dans les grands Hommes qu’elles produisent, & qui sont comme des modelles qu’on presente à leurs enfans, & à leurs successeurs, pour les porter à les suivre: vous n’aurez plus besoin de rechercher des exemples étrangers, puisque ces antiquitez vous en donnent de domestiques. Et que vous vous y pourrez admirer la sainteté dans un Cantien Huë, dont le Martyrologe de France fait un si bel eloge: la fidelité envers son Prince, dans un Eude le Maire, qui fut recompensé par ce beau privilege de la franchise de Chalo-saint-Mard: la profondeur de la Theologie dans un Jean Huë que la sorbonne employa tant de fois pour les affaires [p.VII] de l’Eglise, & de l’Etat, & les autres sciences dans un Guillaume Huë, que le merite eleva à la dignité de Doyen de l’Eglise de Paris: les lumieres de la Jurisprudence dans un Claude Mignaut Avocat du Roy à Estampes: & celles de la Medecine dans un Jacques Ollier. Ces deux derniers nous ayant fait voir par les ouvrages qu’ils ont donnez au public, qu’il y a peu de personnes qui puissent les égaler.  

     Mais sans m’arrester à des exemples si éloignez, la pieté qui se conservent dans les Ecclesiastiques, l’équité dans les Magistrats, & la fidelité dans les peuples, nous font assez voir que vous n’avez point degeneré des belles qualitez, & des vertus de vos Ancestres, puis qu’elle reflorissent dans leurs enfans avec des marques si sensibles. J’en pourrois faire icy le dénombrement: mais outre que vostre modestie ne me le permet pas, il me seroit difficile de les renfermer dans la brieveté d’une Epistre. Je ne puis cependant me dispenser sans injustice de temoigner au public qu’apres le Pere Fleureau vous estes redevables de ce Livre à Madame Joly sa sœur. Cette sage veuve, l’exemple des personnes de son sexe, sçachant que la charité ne se contente pas d’orner les cœurs où elle reside: mais qu’elle répend toûjours quand elle le peut, les merites sur son prochain, en luy procurant quelques avantages: apres avoir employé une partie de ses biens à soulager la misere des pauvres, & à embellir les Temples, & les Autels, a crêu qu’elle ne pouvoit rendre un service plus considerable à sa patrie, qu’en secondant les desseins de son frere. Et nous pouvons dire, que les soins, les veilles, & les travail du frere, eussent esté inutiles, si la sœur n’eust donné les moyens de les mettre au jour: ce qui ne peut sans doute que leur acquerir une gloire immortelle, [p.VIII] par celle qu’ils procurent à leur patrie. Et moy je m’estimeray tres-heureux si ce que j’y ay contribué peut avoir le bien de vous plaire, comme je dois estre satisfait d’avoir pu trouver cette occasion de vous témoigner combien je suis, 

    MESSIEURS,
Vôtre tres-humble, & tres-
obeïssant serviteur,
D. REMY DE MONTMESLIER,
Religieux Barnabite de la Con-
gregation de saint Paul


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Source: Basile Fleureau, Les Antiquitez de la ville et du Duché d'Estampes, pp. III-VIII. Saisie: Bernard Gineste, juillet 2001.
   
 
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

Éditions

 
     Édition princeps, posthume: Dom Basile FLEUREAU [1612-1674; religieux barnabite, de la congrégation de saint Paul; rédigé entre 1662 et 1668], Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec l'histoire de l'abbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées par erreur 127-134); publication posthume par Dom Remy de Montmeslier d'un texte rédigé en réalité entre 1662 et 1668], Paris, J.-B. Coignard, 1683.

     
Réédition en fac-similé: Dom Basile FLEUREAU, Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec l'histoire de l'abbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [23 cm sur 16; XIV+622+VIII p. (N.B: les pages 121-128 sont numérotées par erreur 127-134); réédition en fac-similé reliée], Marseille, Lafittes reprints, 1997.

     
Réédition numérique en ligne (en cours depuis 2001): Bernard GINESTE [éd.], «Dom Fleureau: Les Antiquitez d’Estampes (1668)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, depuis 2001.


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