CORPUS ARTISTIQUE ÉTAMPOIS

Philippe Lejeune
Berchère d’Étampes, Berchère l'Égyptien
[avec un Avant-propos de Clément Wingler]
1996 

Narcisse Berchère vu par Gustave Moreau
Berchère par Moreau
Philippe Lejeune vu par Nathalie Gobin
Lejeune par Gobin
 
Berchère d’Étampes, Berchère l'Égyptien
(1819-1891)

     Né à Étampes le 11 septembre 1819, le peintre, graveur et lithographe Narcisse Berchère subit tour à tour l’enseignement de Renoux et de Rémon aux Beaux-Arts, avant de délaisser leur enseignement suranné au profit de lémerveillement né de la découverte de Théodore Rousseau et de Corot.
     Profondément sincère, Berchère ne peut concevoir d’autres sujets que ceux offerts par la nature. Cet amour de la couleur et des paysages, il le retrouve au fil des cours d’eau et dans les rues de sa ville natale, et à travers les voyages, de plus en plus nombreux, de plus en plus lointains.
 

     En 1849 et 1850, il visite l’Égypte, la Syrie, l’Asie Mineure, la Turquie, la Grèce, Venise. Il apprivoise la lumière d’Orient et se lie d’amitié avec Gérôme, Bartholdi et de Lesseps, qui le choisit comme peintre dessinateur de la compagnie de Suez. Il entame son troisième voyage à travers l’Égypte en 1869, en compagnie de Fromentin.
 
     
Désormais, Berchère fait partie des maîtres de la peinture orientaliste. Il meurt à Asnières le 20 septembre 1891.   

Clément Wingler
      L’homme est un animal au visage tourné vers le ciel, disait à peu près un ancien; les poètes ont le visage tourné vers l’Orient. Ils obéissent en cela à une loi générale, et je ne sais si la course des astres y est pour quelque chose, ou si le sol mouvant, et que nous croyons ferme, en se dérobant sans cesse, exige un mouvement inverse pour nous garder en équilibre. Les choses lourdes et étendues accompagnent la ronde et l’ont voit assez que les villes s’étendent aussi dans cette direction, et le salut nous vient parfois de l’Occident. 

     Mais c’est l’Orient pour lequel les poètes se font tuer à Missolonghi, pour quoi on se croise, cet Orient que l’on cherche en lui tournant le dos comme Colomb ou que l’on confond avec les paradis artificiel des chemins de Khatmandou. Les poètes qui n’ont pas de temps à gagner et ceux qui ont leur vie à perdre, n’hésitent pas à perdre un jour pour saluer plus tôt le soleil. C’est un choix difficile. Pourtant Philéas Fog au hasard des méridiens eu la bonne fortune de retrouver le temps perdu. 

Narcisse Berchère vu par Gustave Moreau      L’orientalisme, puisqu’il faut l’appeler par son nom, n’a pas épargné les peintres, la lumière exige d’eux un hommage continuel et veut qu’ils viennent à son avance. Berchère était peintre et poète, il fut doublement atteint. La contagion ou l’accident décident des maladies. L’orientalisme s’empara de lui des deux manières. Fromentin lui passa le virus, l’actualité le mit en condition. 

     Décisions les plus folles, les voyages les plus imprévus veulent en effet des rasions. Il nous faut un prétexte et l’Orient ne manque jamais d’en fournir. Quand les gloires de l’Empire n’appellent pas les enfants d’Étampes au pieds des pyramides, c’est le bruit des faiseurs de canal qui vient les arracher au calme de leur province. Son ouvrage d’art ne servant plus à grand chose, le mérite de Monsieur de Lesseps ne demeure-t-il pas d’avoir fait voir le Nil à un peintre Beauceron et d’avoir servi l’art sans ouvrage. 

     Comment peut-on être Étampois? Par la vertu de Suez! Dans un wagon du P.O., Delacroix qui se rendait à Angerville chez son ami Berryer composait, en marge de l’horaire, les esquisses du «Massacre de Chio» tout en contemplant Saint-Basile et Notre-Dame d’Étampes. La Juine est une vallée perdue pour le boschiman. Mais il faut prendre du champ pour le savoir, mais il faut se lever, partir, pour voir enfin ce que l’accoutumance avait effacé. 

     L’accoutumance, ce terrible danger des drogues, cet entraînement redouté des médecins qui savent que la nature a horreur de la répétition et de l’identique. 

     Le danger des fleurs du mal que l’on cueille en Orient est leur impuissance à contenter un désir toujours accru. 

     Les plus subtils parfums perdent leur odeur s’ils sont toujours présents. On sent bien un certain résultat auquel on est accoutumé mais on ne saurait discerner ce qui y entre à cause de la multitude, comme lorsqu’on entend de loin le bruit de la mer, on ne discerne pas ce que fait chaque vague, quoique chaque vague fasse son effet sur nos oreilles, mais quand arrive un changement, nous le remarquons bientôt... 

     La présence, le familier, le quotidien, tous ces tranquillisants charmants perdraient peu à peu de leur efficace si par moments, des peintres, à la limite de l’insolation, ne venaient rendre hommage à l’ombre en découvrant les charmes qu’ils avaient quittés. 

     Berchère est un maître d’inaccoutumance, il voit Étampes avec les yeux d’un explorateur, il peint le Nil comme s’il voyait la Chalouette. 

     D’un côté, nous devons le croire, bien qu’il vienne de loin, puisque la ressemblance des objets que nous connaissons est évidente en ses œuvres et nous dit de le suivre en des réalités que nous ne pouvons vérifier; d’un autre côté, la lumière d’Orient envahit par sa main la place de l’Hôtel de Ville, et le marché du samedi prend des allures de souk. Nous sommes avertis que nous avons la chance d’habiter ces lieux que l’on dit touristiques et qui doivent être précieux puisque les peintres les prennent pour modèles. Grâce à lui, l’exotisme devient familier et le familier exotique. 

     Ayant achevé l’autre jour d’encadrer ces délicieux dessins aux deux crayons qu’il a consacrés à sa rivière, je rentrais par le boulevard Berchère et la Promenade, un sentiment étrange se fit en moi. 

Philippe Lejeune vu par Nathalie Gobin      Ces arbres, ce ciel, cette lumière, je croyais les découvrir. Ils me frappaient fortement comme un spectacle nouveau. C’étaient comme ces lieux inconnus que l’on croit déjà connaître à la première visite. Je m’apercevais tout à coup de ce que je savais par cœur mais avec le sentiment obscur que s’éveillait en moi un souvenir précis que je ne formulais pas encore et qui pourtant avait suffi à m’ouvrir les yeux. Car je voyais enfin la nature, mais tant de naturel est un effet de l’art et je me pris à remercier l’ami charmant dont je voyais les œuvres en regardant la colline. Les familiers du peintre lui survivent. 

     Les arbres que Berchère aimait, la rivière, son amie, sont toujours là et s’offrent à notre affection commune. 

     Nous passions sans les voir, tous ces lieux familiers que l’accoutumance avait rendus transparents! Cette ville que le peintre a vu pour nous, c’est elle qui l’a décidé à peindre; c’est en peignant qu’il en a modifié l’image. Oserais-je ajouter en paraphrasant Leibniz: «Que la nature mène à l’art et que l’art perfectionne la nature en s’en servant.» 

Philippe Lejeune 
     Sources:l’édition de 1996, saisie par Bernard Gineste en 2001.
 
 
 BIBLIOGRAPHIE
  
 
Philippe Lejeune
 
Philippe Lejeune vu par Nathalie Gobin      GALERIE DURAND-RUEL [Paris], Philippe Lejeune. 20 mai-5 juin 1970. Durand-Ruel [23 cm; non paginé; 12 p.; illustr. en noir et blanc et en couleur; catalogue d’exposition], Paris, Durand-Ruel, 1970
  
     Bérénice LEJEUNE-CANNAVO [conceptrice] & Nathalie GOBIN [réd. (1964-1992)], L’école d’Etampes. 1971-1991 [30 cm; 46 p.; illustr. en couleur], Étampes, Les Amis de l’Atelier de la vigne à Etampes, 1991

     LES AMIS DE L’ATELIER DE LA VIGNE À ÉTAMPES, Philippe Lejeune [24 cm; non paginé; 48 p.; illustr. en couleur], Étampes, Les Amis de l’Atelier de la vigne, 1992.

     [«L’École», pp. 4-6; «Philippe Lejeune», pp. 8-11; «Christoff Debusschere», pp. 12-15; «Geneviève Decroix», pp. 16-19; «Joël Giraud», pp. 20-23; «Nathalie Gobin», pp. 24-27; «Jean-Marc Idir», pp. 28-31; «François Legrand», pp. 32-35; «Roger Piquet», pp. 36-39; «Jacques Rohaut», pp. 40-43; «Roger Verluca», pp. 44-47] 

     Philippe LEJEUNE, «Berchère d’Étampes, Berchère l’Égyptien» [avec un Avant-propos de Clément WINGLER, p. 21], in ARCHIVES MUNICIPALES D’ETAMPES, Le Portail Royal de Notre-Dame d’Étampes, suivi de: Berchère d’Étampes, Berchère l’Égyptien [brochure illustrée, 24 p.], A.M.E., Étampes, 1996, pp. 21-24 [dont une saisie numérique par le Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cae-20-lejeune-berchere.html, 2002].

     ASSOCIATION DU SALON D’AUTOMNE [Denys FERRANDO-DURFORT, directeur de la communication], «Philippe Lejeune: Saphir et Ananie», in ID., Panorama de l’Art vivant 97. Salon d’automne, http://www.salon-automne.asso.fr/html/oeuvres/pe0329.htm, 1997, en ligne en 2003.

     Nathalie GOBIN [éd. (1964-1992)] & Philippe LEJEUNE [auteur], Lejeune. Les carnets d’atelier du peintre Philippe [21 cm; illustr. en noir et blanc et en couleur; feuillets montés en onglets; textes recueillis par Nathalie Gobin], Paris, Mémoire vivante & Aigues-Vives, HB éd. [«Carnets d’atelier» 4], 1998

     Pierre LEJEUNE [poète] & Philippe LEJEUNE [dessinateur], Via crucis [23 x 31 cm; non folioté; 19 folios de sonnets & 15 folios de planches; 75 exemplaire numérotés; avec une eau-forte de Philippe Lejeune justifiée et signée porte: La Déposition], Paris, Mémoire vivante, 1999

     Philippe LEJEUNE, Conseils à un jeune peintre. L’ordre du jour [23 cm; 99 p.; illustr.], Paris, Éditions de Paris, 2001

 
Narcisse Berchère dans le Corpus Étampois
 
Narcisse Berchère vu par Gustave Moreau      Narcisse BERCHÈRE, Le Désert de Suez. Cinq mois dans l’Isthme [recueil épistolaire dédié à Eugène Fromentin], Paris, Hetzel, 1863 [dont nous avons réédité quelques extraits: «Narcisse Berchère: Le Désert de Suez [trois extraits]», in Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cle-19-berchere-suez.html, 2002].    

     Maxime LEGRAND, «Narcisse Berchère intime. Notes biographiques et bibliographiques», in Conférence des Sociétés savantes, littéraires et artistiques de Seine et Oise, Compte-rendu de la quatrième réunion [réunion de 1908; 264 p.], Étampes, Flizot [«Conférence des Sociétés savantes, littéraires et artistiques de Seine et Oise»  4], 1909 [édition numérique (en mode image) de la BNF, gallica.bnf.fr (2001), N066434; dont une saisie numérique en mode texte par Bernard Gineste, in Corpus Etampois, http://corpusetampois.com/cpe-19-berchere-legrand, 2002], pp. 143-152.   
    
     Philippe LEJEUNE, «Berchère d’Étampes, Berchère l’Égyptien» [avec un Avant-propos de Clément WINGLER, p. 21], in ARCHIVES MUNICIPALES D’ETAMPES, Le Portail Royal de Notre-Dame d’Étampes, suivi de: Berchère d’Étampes, Berchère l’Égyptien [brochure illustrée, 24 p.], A.M.E., Étampes, 1996, pp. 21-24 [dont une saisie numérique par le Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cae-20-lejeune-berchere.html, 2002].    
    
      Clément WINGLER, «Un homme, une rue: Boulevard Berchère, Centre-Ville» [remaniement du texte de 1996], in Étampes-Infos 556 (13 décembre 2002), p. 5 [dont la présente saisie numérique: «Narcisse Berchère», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois/cpe-19-berchere-wingler, 2002].   

     Bernard GINESTE, «Quelques œuvres de Narcisse Berchère», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-berchere.html, 2002.   
    
     Bernard GINESTE, «Narcisse Berchère. Bibliographie dynamique», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cbe-berchere.html, 2002.


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