Michel Bournaud et Philippe Legendre-Kvater: Raconte le loup (1995: extraits)

RACONTE LE LOUP

Jean et Marie Aujourd'hui la promenade est longue. Jean et Marie sont allés dans la forêt avec leur grand-père. Celui-ci connaît le chant de tous les oiseaux, il sait le nom de toutes les fleurs, il a des yeux qui lisent la nature.

Marie, un peu lasse, s’assoit sur un gros rocher.

— Marie, sais-tu que la pierre sur laquelle tu es assise s’appelle la Pierre au Loup? dit grand-père.
— Pourquoi? dit Jean.
— Parce que, jadis, ici, il y avait des loups. Et derrière cette pierre, il y avait la tanière d’une louve. Elle y avait fait ses petits. D’ailleurs, ce vallon où nous marchons, on l’appelle la Combe aux Loups.

Louve et louveteaux — C’est vieux ça, Papy ?
— Oh oui! Mon arrière grand-père avait vu des loups juste en cet endroit!
— Mais papy, il y avait des loups si près du village?
— Il y en avait partout !
— Et des petits loups sont nés là… dit Marie rêveuse et attendrie, en regardant sous ses pieds.
— Sûrement plusieurs. La louve fait en moyenne quatre petits, à peu près à cette époque de l’année, à la sortie de l’hiver. Elle prépare sa tanière, avec l’aide des autres loups de la meute, en creusant une ou plusieurs chambres sous la roche ou dans le sable, jamais loin de l’eau, car elle a souvent besoin de boire quand elle allaite ses petits.
Louveteaux — Les loups restent longtemps dedans?
— Près de deux mois. Les dernières semaines, les louveteaux commencent à sortir et à jouer devant l’entrée, comme font tous les jeunes animaux. Seul le père a le droit de leur rendre visite.
— Mais la louve ne sort jamais? Elle ne mange pas? dit jean inquiet.
— Non, elle est nourrie par le père ou d’autres loups de la meute, qui chassent et lui apportent des petites proies. Et ils ont un moyen efficace pour transporter la nourriture, dans leur ventre, tout simplement, et ils la régurgitent devant la Louve.
— Marchons un peu plus vite. Il faut finir le tour du vallon mais le sentier est bien étroit. Venez, passez derrière moi.
— On marche à la queue leu leu! remarque Marie.
— Oui, comme les loups. Et tu sais d’où vient cette expression? "A la queue loup loup", le nez de l’un près de la queue du loup qui précède. Ils mettent les pattes dans les traces du premier, si bien qu’on est incapable de compter le nombre de loups qui sont passés. C’est surtout l’hiver qu’ils font du chemin. Ils sont infatigables, ils peuvent faire cent kilomètres en une seule nuit!
— Finalement, le loup, c’est le roi des animaux de la forêt, conclut Marie rayonnante.
— En quelque sorte. C’est le roi des prédateurs, puisqu’il mange même des animaux carnivores comme le renard ou la belette. Il limite les populations d’animaux, comme celle des cerfs et des chevreuils qui, aujourd’hui, sont parfois trop nombreux et font des dégâts en mangeant les bourgeons et les écorces des jeunes arbres. Mais il n’y a plus de loups pour faire la loi!
Louveteaux — Et pourquoi n’y a-t-il plus de loups, Papy?
— Parce que les hommes les ont exterminés. Au Moyen-Age, au temps des rois, les gens des campagnes n’avaient pas de fusils, les loups étaient assez rusés pour leur échapper. Mais ensuite, avec les armes à feu et le poison qu’on mettait dans la viande en guise d’appât, on a éliminé le loup, presque partout.
— Mais pourquoi on voulait tuer les loups?
— D’abord, depuis que les hommes élèvent des moutons, le loup attaque les troupeaux et on ne le lui pardonne pas.
Ensuite, et c’est le plus important, c’est qu’on en a peur. Pourtant, c’est le loup qui a peur de l’homme et ne l’attaque jamais.
Une bergère pouvait arracher un agneau de la gueule d’un loup et l’éloigner en choquant ses sabots. Les paysans avaient inventé la tuile à loups que le vent faisait siffler et cela suffisait pour éloigner les loups. Oui, l’homme a peur et la peur, croyez-moi, est toujours mauvaise conseillère.