CORPUS ARTISTIQUE ÉTAMPOIS
 
Henri de Grandmaison 
Tirailleur sénégalais
lithographie, 1888
   
Henri de Grandmaison (lithographie, 1888)
 © artoftheprint.com 2003

     Cette lithographie de l’Étampois Henri de Grandmaison était en vente en 2003 dans une galerie canadienne. Voyez notre page sur Plusieurs types militaires du même artiste.
 
    
Un tirailleur sénégalais

    Cette lithographie est tirée de l’ouvrage in-octovo en 12 volumes de Henri Beraldi, imprimé par Lemercier à Paris en 1888: Les graveurs du XIXe siècle. Elle mesure 21,6 cm sur 11,4.
 
     Son sujet devait être à la mode, puisqu’on trouve en ligne une lithographie de l’année suivante, due à Ludovic et colorée à la main (20,6 cm sur 15,8), que nous avons ci-dessous reproduite vis-à vis de celle du graveur étampois, pour donner un élément de comparaison.
 
     Rappelons que la véritable colonisation du Sénégal date des gouvernorats de Louis Faidherbe (1818-1889), de 1854 à 1865. Faidherbe défait les Toucouleurs, refoule les Maures derrière le fleuve Sénégal, fonde Dakar, développe la culture de l’arachide, établit des écoles et enrôle les premiers tirailleurs sénégalais dès1857.

  

     L’utilisation première de ces troupes fut donc bien de mener la politique de conquête et de pacification de nouvelles régions destinées à intégrer l’empire colonial français. Très vite cependant, du fait de l’efficacité et de l’ardeur au combat de certaines d’entre elles, elles furent utilisées loin de leurs bases et engagées dans les aventures extérieures du Second Empire (guerre de Crimée, 1854-56; intervention au Mexique, 1862-1867). Surtout, quelques bataillons furent appelés au front lors de la guerre de 1870-71. De cette époque et du traumatisme de la défaite de Sedan date d’ailleurs une nouvelle vision du potentiel de ces régiments et des territoires dont ils provenaient.
     Sous l’impulsion d’officiers de l’armée d’Afrique, ces régions difficilement conquises et pacifiées acquièrent dans l’esprit d’une partie du personnel politique, jusqu’alors relativement indifférent, une importance stratégique. Cette Force noire fut de plus en plus envisagée comme une «réserve d’hommes» qui permettait enfin de lutter d’égal à égal contre l’ogre démographique allemand.

Emmanuel Blanchard, Plein Droit n°56, mars 2003
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     Vers 1888, c’est un autre grand colonial qui poursuit l’œuvre de Faidherbe au Sénégal, Joseph Gallieni. Ce contexte idéologique n’est pas à négliger pour l’interprétation de notre lithographie: la noblesse de ce guerrier est française. Notons d’ailleurs qu’on est déjà en pleine mode nègre:
 
     A partir de 1870, les Parisiens découvre des spectacles sur l’Afrique (les «Dahoméens» au Jardin d’acclimatation en 1882, les «Zoulous» aux Folies-Bergères en 1878…). C’est la mode «nègre» qui durera jusqu’au milieu des années 20. […] En 1879, les Sénégalais obtiennent la citoyenneté française. Ils votent et envoient un représentant au Palais Bourbon (blanc, généralement). 
Mathieu Pagura, Le Nouvel Obs Com
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     Merci d’adresser au Corpus Étampois toute information en votre possession, ou tout commentaire intéressant sur cette œuvre et son auteur.
Origines étampoises de lartiste

   
 Henri de Grandmaison (en réalité Henri Auguste Babin-Grandmaison) était né à Étampes le 25 septembre 1834.
 
     Il était le fils de Jean Marie Narcisse Auguste Babin-Grandmaison, ancien capitaine de cavalerie, qui se faisait appeler Auguste de Grandmaison. Clément Wingler, directeur des Archives Municipales, nous signale qu’un jugement du tribunal civil d’Étampes en date du 2 mai 1876 avait interdit à cette famille, du point de vue de l’état-civil, l’usage de cette particule usurpée. Henri avait alors 41 ans.
 
     Monsieur de Grandmaison père était propriétaire de la Tour de Guinette dans les années 1830; il devint adjoint au maire d’Étampes par ordonnance royale du 1er juin 1844 et le resta jusqu’à l’arrêté préfectoral du 19 novembre 1847, selon Léon Marquis (Les Rues d’Étampes, 1881, p. 81).
 
     Marquis nous donne de plus quelques lumières sur le milieu d’
origine de notre artiste, qui paraît avoir été curieux et cultivé:
 
     «[p.327] On peut dire que sans l’intervention de l’un des derniers possesseurs, A. de Grandmaison, le donjon lui-même aurait été vandalisé. […] Des fouilles furent pratiquées au milieu des ruines du château par A. de Grandmaison, et depuis dans l’intérieur de la tour par la Ville d’Étampes, à différentes époques. […]
     «[p.331] De toutes ces murailles antiques, il ne reste aujourd’hui autour du donjon que de larges fondations cachées sous les massifs de verdure d’un charmant bosquet, dit le bois de
Guinette, planté par M. de Grandmaison vers 1832, et transformé en promenade publique par la ville d’Étampes en 1860.
     «Ce fut M. Poluche, beau-père de M. de Grandmaison, qui commença les plantations sur un terrain pierreux et sauvage. Il y mit des ébéniers, des acacias, des marronniers, des coudriers des peupliers, des frènes, des pins et des sapins.
     «On déblaya le sol à une assez grande profondeur, nous dit M. de Grandmaison, mais on n’en trouva pas d’autres ruines que celles qu’on voit encore actuellement.
     «[p.332] Voici le résultat des fouilles qui furent faites par le même vers 1832, d’après une lettre qu’il nous écrivit le 16 mars 1867 après la publication de notre notice sur le château d’Étampes:
     «Dans le puits de la tour on trouva deux belles pièces d’or de Philippe de Valois et une pièce d’argent de Henri III;
     «Dans le sol, en plantant un arbre, une pièce d’argent de François Ier;
     «Enfin dans les latrines d’une ancienne tour, à gauche du pavillon, plusieurs deniers tournois de Henri IV et Louis XIII;
     «Une cruche et une tasse en terre rouge, un fer de flèche, un fer de lance, une cuillère en forme de spatule, diverses fibules ou agrafes en cuivre.» […]
     [p.343] Enfin, on découvre un pavillon moderne bâti par M. de Grandmaison en 1832 sur la plate-forme du château, et servant aujourd’hui de logement au gardien du bois de
Guinette
 
Carrière de lartiste

   
Nous ne connaissons pas le détail de la carrière que fit dans l’armée Henri de Grandmaison, sinon qu’il était major en 1882, et colonel au service de l’état-major en 1887.

     Il commença sa carrière artistique alors qu’il stationnait en Afrique du Nord dans les années 1860. Ses premiers travaux furent publiés par Cadart et la Société des Aqua-fortistes, qui publièrent certains des plus belles gravures de ces années 1860.

     Vers 1870, Henri de Grandmaison se détourna de l’eau-forte et commença à expérimenter la lithographie, médium qui garda sa faveur jusqu’à la fin de sa vie. Ses plus belles œuvres, sont pour la plupart des scènes de la vie militaire. Ce magistral portrait d’un soldat algérien donne une idée du meilleur de sa production lithographique.
 
      Comme graveur il collabora à plusieurs ouvrages en tant qu’illustrateur, dont au moins ceux-ci: Les Écossais à l’armée et gardes du corps en France, depuis leur formation jusqu’à leur dissolution, de 1418 à 1830, par le Révérend Père jésuite William Forbes-Leith, ouvrage en anglais et en deux volumes in-quarto, paru en 1882 à Édimbourg; Le Chant de l’épée, poème d’un certain Korner, qu’il illustra de sept planches en photozincogravure.

     On cite encore de lui les gravures suivantes: Plusieurs types militaires (eaux-fortes publiées chez Mouroux), Charge de cuirassiers prussiens et Le Rêve au bivouac, ainsi que des Menus pour dîners d’officiers.

 
Merci de nous signaler tout autre information disponible sur cet Étampois méconnu, et sur son œuvre de graveur.
Bibliographie

L’artiste


     ARCHIVES MUNICIPALES D’ÉTAMPES, Registre des naissances pour l’année 1834. [selon un couriel de Clément WINGLER en date du vendredi 25 avril 2003 16:23].

     William FORBES-LEITH [jésuite, 1833-1921], The Scots men-at-arms and life-guards in France. From their formation until their final dissolution A.D. MCCCCXVIII.-MDCCCXXX. By William Forbes-Leith, S.J., with etched plates by Major H. de Grandmaison [in-4° (30 cm), 2 vol., frontispice à chaque volume, illustrations, planches (certaines doubles); «Impression limited to 312 copies: 45 copies with proof impressions of the etchings on Japanese, China and Holland paper, 267 copies with etchings on Holland paper»], Edinburgh [Édimbourg], William Paterson, 1882.

     Henri de GRANDMAISON, Plusieurs types militaires [eaux-fortes], Mouroux éditeur, date inconnue.

     KORNER [poète] & Henri de GRANDMAISON [illustrateur], Le Chant de l’épée [7 planches en photozincogravure], éditeur et date inconnus.
 

     Henri BERALDI, Les Graveurs du XIXe siècle. Guide de l’amateur d’estampes modernes [gros in-8°; 12 tomes en 10 volumes; planches; tome 1 (122 p; 1885): Abbema-Bovinet; tome 2: Bracquemond-Chéret; tome 3: Cherrier-Dien; tome 4 (207 p.; 1886): Doré-Gavard; tome 5: Gavarni-Guérard (242 p.; 1886); tome 6: Guérin-Lacoste; tome 7 (278 p., 1888): Laemlein-Mécou; tome 8 (296 p., 1889): Meissonier-Piguet; tome 9: Pillement-Saint-Evre; tome 10 (292+32 p; 1890): Saint-Marcel-Zwinger], Paris, L. Conquet, 1885-1892 [dont une réédition en fac-similé (24 cm; 10 vol.), Nogent-le-Roi, LAME, 1981], tome 5 (1886), pp. ?-?.

     Jacques BUSSE [éd.], E. BENEZIT [†], «Grandmaison, Henri de», in ID., Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, par un groupe d’écrivains spécialisés français et étrangers. Nouvelle édition entièrement refondue sous la direction de Jacques Busse, Gründ, 1999, tome 6, p. 372.

     ART OF THE PRINT [galerie d’art canadienne], «Henri de Grandmaison: Graveurs du XIXe siècle», in artoftheprint.com, http://www.artoftheprint.com/artistpages/de_grandmaison_henri_lesgraveursduxixsiecle.htm, 2003 [page qui a connu deux versions puis a disparu, sans doute par suite de la vente de l’œuvre, en octobre 2003, et dont nous sauvegardons les données suivantes].

     Henri de Grandmaison: A full colonel in the French army, Henri de Grandmaison began his artistic career while stationed in North Africa during the 1860’s. His initial works were published at this time by Cadart and the ‘Societe des Aqua-Fortistes’, who were responsible for printing some of the finest French graphic art of the 1860’s.
     Around 1870, Henri de Grandmaison turned away from etching and began experimenting with lithography, a medium he favoured for the rest of his life. Most of the artist’s finest works are in the area for military studies. This masterful depiction of an Algerian soldier is indicative of the best of his lithographic work.
     Henri Beraldi and "Les Gravures du XIX Siecle": From 1885 to 1892 the influential French writer, Henri Beraldi issued a twelve volume series of biographical catalogues under the title of "Les Gravures du XIX Siecle". With the emphasis placed upon living French etchers and lithographers, Beraldi requested a number of contemporary masters to contribute original graphic works for the catalogues dedicated to them. The response was an incredible success with such major artists as Buhot, Guerard, Boutet, Grandmaison, Cheret, Bracquemond and Lepere contributing brilliant works of a scale and size to fit within the pages of these volumes.
     A valuable and scarce reference source, the volumes from these catalogues and particularly the original prints are very difficult to obtain. Beraldi is to be thanked for commissioning these great works, which represent some of the finest graphic art from one of the most exciting eras of the art of France.

   
     Bernard GINESTE [éd.], «Henri de Grandmaison: Tirailleur sénégalais (lithographie, 1888)», in Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cae-19-grandmaison-01.html, 2002.

     Jean-Michel ROUSSEAU & Bernard GINESTE [éd.], «Henri de Grandmaison: Plusieurs types militaires (eaux-fortes, vers 1894)», in Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cae-19-grandmaison-02.html, 2004.

Le sujet
 
     Mathieu PAGURA, «Le Sénégal à Paris. La Communauté sénégalaise. Historique», in Le Nouvel Observateur, http://www.planetaparis.com/senegal/fiche2.htm (en ligne en 2003).
 

     Emmanuel BLANCHARD, «Les tirailleurs, bras armé de la France coloniale», in Plein Droit 56 (mars 2003), pp. ?-? [dont une édition en ligne sur le site GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), http://www.gisti.org/doc/plein-droit/56/tirailleurs.html (en ligne en 2003). 
   
     Sources: Catalogue de la BNF, Art of the Print, Léon Marquis, Bénézit. 
 
 
Henri de Grandmaison (lithographie, 1888)

Ludovic: tirailleur sénégalais et spahi sénégalais (lithographie, 1889)

Henri de Grandmaison (1888)
Ludovic (1889)
 
Explicit
 
 
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