Formentin
et Cie
Étampes
en 1836
Lithographies
Joséphine Clémence Formentin, dit la demoiselle Formentin, née
vers 1802 à Belleville, associée au sieur Denis Louis Goujon,
obtient le 22 juin 1824 un brevet d’imprimeur lithographe (1). Elle se présente à l’Exposition
des produits de l’Industrie de 1827, où elle obtient déjà
une médaille, et à nouveau en 1844, dont le jury lui accorde
une médaille d’argent. A cette date, son entreprise, située
au n°59 de la rue Saint-André-des-Arcs, emploie une trentaine
d’ouvriers (2). Plusieurs dessinateurs et graveurs connus sont cités
comme ayant travaillé pour cette imprimerie ou en collaboration avec
elle (3). Nous voyons que cette imprimerie jouit
aussi d’une certaine estime dans les milieux artistiques (4), favorables et attentifs aux progrès continuels
de ce nouveau médium, mis en valeur par des affichettes publicitaires
destinées à drainer toujours plus de nouveaux clients (5)
En 1836, c’est tout naturellement que Maxime de
Montrond fait appel aux services de cette entreprise pour illustrer le premier
tome de ses Essais historiques sur la ville d’Étampes. La typographie du titrage des lithographies en question est la
même que dans d’autres productions du même atelier (6). Ces planches sont au nombre
de cinq: “Étampes. Vue prise du château de Vauroux”, numérotée,
à l’intention de l’imprimeur-relieur, p. 1, “Tour de Guinette”, numérotée
p. 48, “Notre-Dame d’Étampes, p. 56, “Restes de l’abbaye de Morigny”,
p. 98, et enfin “Monnaies frappées à Étampes sous les
règnes de Philippe Ier et Louis VI ou Louis VII”, p. 132.
Cette dernière planche paraît avoir
été empruntée à un ouvrage de numismatique. Il
y faut joindre certainement l’ornementation des pages 1 et 4 de couverture,
dans le style troubadour, où la tourelle portée au dos du livre
est peut-être une allusion au nom de l’éditeur étampois
de l’ouvrage, Fortin.
Les compétences me manquent pour évaluer
l’intérêt artistique des quatre premières de ces lithographies;
il n’est pas indifférent à cet égard de remarquer qu’elles
n’ont pas été signées, ni du dessinateur, ni du graveur;
on ne peut exclure que les dessins originaux en aient été dus
à quelque artiste local, éventuellement même à
Maxime de Montrond lui-même, et qu’ils aient été ensuite
gravés par un employé quelconque de l’atelier de Mlle Formentin.
Il est étrange que Léon Marquis ne
les ait pas citées dans la liste qu’il donne en 1881 des lithographies
connues de la ville d’Étampes, et il est difficile de ne pas interpréter
cette omission comme volontaire (7). On notera
également que Maxime de Montrond lui-même, pour une raison indéterminée,
mais probablement financière, n’a pas illusté de nouvelles planches
le deuxième tome de son ouvrage, paru dès l’année suivante.
L’intérêt archéologique de
ces lithographies, en tout cas, même s’il ne doit pas être majoré, est loin d’être
négligeable. C’est ce que nous essaierons de montrer au cas par cas
dans les pages que nous consacrerons à chacune de ces vues.
Bernard Gineste, février
2011
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Notre-Dame d’Étampes
( 1) BÉCHU 1998, p.324, note 842.
( 2) FONTAINE 1844, pp.
357-358 (voir notre Annexe 4).
( 3) Différentes
pages internet et ouvrages en ligne en 2011.
( 4) LAVIRON 1844, pp. 75-77
(voir notre Annexe 5).
( 7) Les Rues d’Étampes et ses monuments,
Étampes, Brière, 1881, pp. 397-399 (en ligne i ci)
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Toute critique, correction ou contribution sera
la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
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ANNEXE 1
Une autre gravure de l’atelier
Formentin et Cie, pour comparaison
Vue de l’Hôtel du général
Foy, vers 1825
Vue de l’Hôtel du général Foy, vers
1825 (Gallica)
On remarque
la même typographie dans les titres de ces lithographies portant toutes deux la marque explicite de l’imprimerie
de Mlle Formentin. Mais la première est attribuée précisément
à Charles Séchan (1803-1874) et A. Couturier,
tandis que les lithographies étampoises ne mentionnent pas les noms
de leurs auteurs particuliers au sein de l’atelier Formentin et Cie.
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Lithographie non signée.
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ANNEXE 2
Un procès de la demoiselle
Formentin
Recueil Sirey, 1825
BAIL.
— RESILIATION. — MAISON DE JEU.
L’établissement d’une maison de jeu dans un bâtiment occupé
en partie par un locataire, autorise celui-ci à demander la résiliation
du bail. (Code civil, art. 1719, 1721 et 1741)
(La régie des jeux — C. Honnet et consorts.)
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Le
sieur Honnet loue les premier et second étages de sa maison au sieur
Bénezat, administrateur de la régie des jeux de Paris. Mais
déjà le rez de chaussée était loué an sieur
Thomine, et sous-loué par celui-ci au sieur Goujon et à la
demoiselle Formentin qui y exploitaient une entreprise de lithographie. La
régie des jeux allait entrer en possession et ouvrir sa banque, lorsque
le sieur Goujon et la demoiselle Formentin assignèrent le sieur Thomine
pour qu’il fût tenu d’expulser la régie des jeux, sinon pour
que le sous-bail fût résilié, et Thomine condamné
en 20,000 fr de dommages-intérêts.
Thomine dénonça cette demande au sieur
Honnet, propriétaire,qui lui-même assigna en garantie la fenne
des jeux, eu s’appuyant sur l’engagement qu’elle avait pris expressément
dans l’acte de bail, de le garantir de toutes poursuites intentées
par les autres locataires à raison de l’établissement des jeux
dans sa maison.
Jugement du tribunal civil de Paris, en date du 7 juillet
1825, qui ordonne que Thomine et Honnet seront tenus d’expulser l’établissement
de jeux, sinon déclare la location faite par Honnet à Thomine,
et la sous-location faite par ce dernier à Goujon et à la demoiselle
Formentin, résiliées pour le 1er octobre suivant; condamne Thomine
envers Goujon et la demoiselle Formentin, en 500 fr de dommages-intérêts
en cas d’expulsion de la maison de jeux, et en 6,000 fr. en cas de non expulsion;
condamne en outre Honnet à garantir Thomine, et enfin Bénazet
à garantir Honnet de l’effet de toutes ces condamnations, avec dépens.
Voici les motifs du jugement:
«Attendu, en droit, que le bailleur,
par la nature du contrat de louage, sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation
particulière à cet égard, est obligé d’entretenir
la chose louée en état de servir à l’usage pour lequel
elle a été louée, et d’en faire jouir paisiblement le
preneur pendant la durée du bail, à peine de dommages-intérêts,
et même de résiliation du bail (article 1741 du Code civil);
Attendu, en fait, que Thomine, en sous-louant à Goujon et à
la demoiselle Formentin les lieux qu’ils occupent dans la maison dont il
s’agit, pour y exploiter une entreprise de lithographie, ne leur a point
imposé l’obligation de souffrir ultérieurement, dans le même
corps de bâtiment, l’existence d’une maison de jeux qui n’y était
pas, et qui, quoique tolérée par la police, n’en est pas moins
assez immorale, assez incommode, assez dangereuse sous tous les rapports
pour préjudicier aux autres locations, et spécialement a l’entreprise
de Goujon et de là demoiselle Formentin, et nécessiter la résiliation
de leur bail, avec indemnité, si l’expulsion de cet inconvenant voisin
n’est pas effectuée; Attendu que les mêmes considérations
et les mêmes motifs s’appliquent à la demande en garantie de
Thomine contre Honnet; — En ce qui touche la demande récursoire de
ce dernier contre Bénazet, (motif tiré de l’interprétation
de la clause du bail) — ordonne que, dans la quinzaine, à compter de
ce jour, Thomine et Honnet seront tenus d’expuser l’établissement des
jeux exploité par Bénazet, etc.»
Appel de la part du sieur Bénazet, administrateur
des jeux.
ARRÊT.
LA COUR; — Adoptant les
motifs des premiers juges, a mis et met l’appellation au néant; ordonne
que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, etc.
|
Une lithographie de Mlle Formentin
(Wikicommons)
|
Recueil général
des lois et des arrêts. Volume 26, Paris, Sirey, 1826, p.286.
|
ANNEXE 3
Une réclame de Mlle Formentin
en 1827
Affichette en vente sur un internet en
2011
Début
2001, la librairie L’Île Enchantée (7, quai aux Fleurs, F-75004
) proposait à la vente pour 1.250 €, sous le n°37874, une affichette
lithographiée de l’imprimerie lithographique de Mlle Formentin, petit
in-folio (33,2cm. x 21cm.), imprimée au recto seulement, avec
divers caractères et décors typographiques, et diffusée
probablement à l’occasion de l’Exposition de 1827.
IMPRIMERIE LITHOGRAPHIQUE
DE MLLE FORMENTIN ET CIE,
RUE St. ANDRE DES ARCS, N. 59, A PARIS.
On se charge dans cet Etablissement
de l’Impression de tous les genres de Dessin et de toutes les Espèces
d’Ecriture. Dessins au Crayon... Dessins au Trait... Ecritures,... L’Etablissement
embrasse généralement tout ce qui concerne la Lithographie...
Comme cet Art fait tous les jours de nouveaux progrès, les perfectionnements
y sont adoptés à mesure qu’ils ont lieu... On trouve dans cet
Etablissement des Pierres, des Crayons, de l’Encre, du Papier Autographe,
en en un mot tout ce qui concerne les Dessins...
Imprimerie Lithographie de
Mlle Formentin, 1827.
|
Source: le site commercial Find-a-book.com,
http://www.find-a-book.com/db/book2513_37874.html, en
ligne en février 2011.
|
ANNEXE 4
Médaille d’argent à
Mlle Formentin
Exposition des produits de l’industrie de 1844
MÉDAILLES
D’ARGENT.
Mademoiselle FORMENTIN, à Paris, rue des Saints-Pères, 10.
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|
Mademoiselle
Formentin, qui avait obtenu une médaille à l’exposition de 1827,
n’avait point paru aux dernières expositions.
Mademoiselle Formentin n’abandonnait pas pour cela l’industrie
dans laquelle elle avait débuté avec succès; elle s’occupait
de la recherche et des applications de nouveaux procédés qui
pussent la mettre en évidence parmi ses concurrents, et elle s’est
présentée à l’exposition de cette année avec des
produits vraiment remarquables. [p.358]
Mademoiselle Formentin, qui a exposé des lithographies
de tous genres et toutes parfaitement exécutées, est surtout
remarquable dans les lavis lithographiques et les lithographies à l’estompe
qu’elle a amenés à une grande perfection.
Le procédé est tel que les épreuves,
même après un tirage considérable, sont à peine
inférieures aux premières.
Mademoiselle Formentin a d’ailleurs un établissement
important et occupe journellement une trentaine d’ouvriers. Elle fait pour
plus de 100,000 fr. d’émission de ses produits chaque année.
Le jury décerne une médaille d’argent
à Mademoiselle Formentin.
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FONTAINE [président
du jury], Rapport du Jury central sur les produits
de l’industrie française en 1844. Tome troisième. Sixième
commission. Beaux-Arts [790 p.], Paris, Fain & Thunot, 1844, pp. 357-358.
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ANNEXE 5
Gaston Laviron
La lithographie à
l’Exposition de 1844
L’Artiste 4/1 (1844), pp. 75-77
J’ai pensé
qu’il intéresserait plusieurs internautes de trouver ici en Annexe
ce qu’un artiste du temps pensait des progrès techniques de la lithographie
à l’époque qui nous occupe, à une époque où
où l’atellier de Mlle
Formentin tenait une place remarquée sur la place de Paris. Voici donc ce qu’écrivait en 1844 le peintre Gaston Laviron
des lithographies présentées à l’Exposition des produits
de l’industrie de 1844.
B. G., 2001
EXPOSITION DES PRODUITS DE L’INDUSTRIE.
LA LITHOGRAPHIE.
|
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Je
voulais aborder aujourd’hui les bronzes, les cristaux, l’orfévrerie,
la sculpture sur bois, sur métaux, la céramique, l’ébénisterie,
la reliure, les objets de luxe, tout ce qui tient de plus près à
l’art et se rattache plus directement aux matières qui sont habituellement
traitées dans ce journal; mais la partie de l’exposition où
se trouvent réunies toutes ces choses présente une telle confusion
de formes, de styles, de caractères, qu’ébloui de l’éclat
extraordinaire de tant de combinaisons diverses, je n’en ai rapporté
que des impressions confuses, et que j’éprouve le besoin de revoir
plusieurs fois en détail toutes ces chatoyantes nouveautés,
avant qu’il me soit possible de formuler une appréciation motivée
de chacun des ouvrages qui méritent une attention particulière.
Jamais, dans aucun pays, on n’a [p.75b] fait
fléchir, tourner, s’enrouler les métaux, les poteries, les cristaux,
les pâtes, les cartons dans des combinaisons plus variées, jamais
les couleurs n’ont été amalgamées dans des assemblages
plus étranges. De tous côtés les regards sont blessés
et le goût offensé par l’aspect de formes monstrueuses bizarrement
accouplées, tantôt exagérées et tantôt déguisées
par une multitude d’ornements d’un style équivoque, mais exécutés
avec une grande recherche, et brillant de l’éclat le plus éblouissant.
Tout ce que les artistes du moyen âge ou de l’antiquité, de la
renaissance ou du bas-empire, ont produit de plus étrange, a été
consulté, imité, mélangé. Tous les peuples du
monde ont été mis à contribution, depuis les formes barbares
des nations primitives jusqu’au style maniéré du siècle
de Louis XV. Les ornements arabes, chinois, étrusques, indiens, grecs,
égyptiens, japonais, bizantins, assemblés au hasard et plus
souvent confondus que combinés avec intelligence, composent le fonds
commun où sont puisées toutes les ressources de la fabrication
moderne. A force d’étudier le passé et de l’étudier sans
s’éclairer au moyen d’une critique intelligente, notre époque
semble avoir perdu toute spontanéité: la mémoire surchargée
de matériaux indigestes ne laisse plus de place à l’imagination.
On n’invente pas, on se souvient.
|
Une lithographie de Mlle Formentin
|
Cette
stérile fécondité qui fait du nouveau avec les ruines
de tous les siècles, est la conséquence naturelle de ce qui
s’est passé dans les arts depuis quelques années. Les études
comparatives que l’on a faites de l’architecture et des détails d’ornementation
de tous les peuples, faute d’avoir été entreprises d’un point
de vue élevé, et dirigées avec intelligence, ont amené
cette confusion anarchique.
|
|
Cependant
tout le monde n’a pas subi l’influence de ce goût bizarre et l’on aperçoit
çà et là de rares ouvrages dont les auteurs ont dû
rester simples et naturels au milieu des extravagances prétentieuses
que la mode a fait prévaloir.
|
|
Encore
si chaque objet était exactement inscrit sous le nom de celui qui l’a
inventé, perfectionné, fabriqué, la critique saurait
à qui s’en prendre; mais point. Malgré les avertissements que
nous avons donnés longtemps avant l’ouverture des galeries de l’Exposition,
et auxquels on avait promis de faire droit, le jury d’admission a laissé
passer une foule d’objets inscrits sous le nom de fabricants supposés
dont la plupart ne font qu’exploiter les fabricants véritables; ils,
achètent à vil prix leurs modèles, leurs inventions,
et quelquefois même ils se dispensent complètement de les payer,
ce qui ne laisse pas d’augmenter sensiblement leur bénéfice.
Ce sont là des habiletés commerciales qui peuvent mener à
la fortune, mais qui ne devraient dans aucun cas obtenir les félicitations
et les récompenses du gouvernement. Qu’on ne dise pas que la religion
du jury peut être trompée par des fraudes adroites, car, avec
un peu de bonne volonté, il lui sera toujours possible de remonter
aux auteurs véritables des objets qui sont soumis à son appréciation.
En effet, si nous avons pu, bien que privés des moyens d’investigation
dont il dispose, découvrir un certain nombre de ces iniquités,
il est de toute évidence que rien ne pourra rester caché aux
yeux des commissions spéciales chargées d’apprécier chaque
nature de produits le jour où elles voudront sincèrement connaître
la vérité.
|
|
On
n’a pas d’idée de l’impudence avec laquelle certains forbans industriels
exposent des ouvrages qui ne sont pas même leur propriété
légitime; à ceux-là nous déclarons dès
aujourd’hui guerre à outrance, et nous la leur ferons sans miséricorde
à mesure que leurs méfaits viendront à notre connaissance.
|
|
En
attendant, nous allons nous occuper de la lithographie, [p.76a] celle de toutes les industries qui, par sa
nature même, se présente à l’Exposition avec la plus grande
loyauté possible. En effet, ici le dessinateur et l’imprimeur, le
peintre même d’après lequel le dessin a été exécuté,
tous ceux en un mot qui concourent à la production, tiennent chacun
le degré d’estime qui leur revient de droit. M. Lemercier n’a pas
plus la prétention d’avoir dessiné les planches de M. Léon
Noël, que M. Léon Noël celle de les avoir imprimées.
Le nom de chacun est au bas de son œuvre, et il y est mentionné pour
la part qu’il y a prise; cela est d’une loyauté parfaite.
|
|
M.
Lemercier, puisque son nom s’est présenté le premier sous ma
plume, aurait dû encore être cité le premier, eu égard
au nombre des ouvrages qu’il a envoyés à l’Exposition. Cet habile
imprimeur est incontestablement un des hommes qui ont fait faire les progrès
les plus considérables à l’art de l’impression lithographique.
On ne se figure pas à combien de chances défavorables sont
exposés, quand vient le tirage, les dessins les plus admirablement
exécutés. M. Lemercier a depuis longtemps essayé de
lutter contre ces chances, de les diminuer, et de les soumettre au calcul
de probabilité. Dans un temps, il crut même pouvoir répondre
de toutes les pierres dont il entreprendrait le tirage; mais cette audacieuse
assurance fut obligée de céder devant l’expérience quotidienne,
car cette expérience a démontré qu’avec tous les soins
possibles on ne peut jamais être sur du tirage d’une lithographie, et
que la réussite ou l’insuccès de ce tirage tiennent à
des causes qui ont échappé jusqu’ici à l’observation
la plus attentive.
|
|
De
tous les imprimeurs lithographes, M. Lemercier est celui qui a envoyé
à l’Exposition les ouvrages les plus nombreux et les plus variés;
toutes les épreuves que renferment ses cadres sont irréprochables,
bien que les planches ne soient pas toutes également intéressantes;
mais le public ne peut guère juger du mérite de ces magnifiques
épreuves, car elles sont presque toutes placées à une
hauteur qui ne permet pas à l’œil le plus exercé d’en apprécier
le mérite. Au reste, aucun de ses confrères n’a été
plus favorisé; tous leurs ouvrages de petite dimension sont placés
très défavorablement et éclairés d’une façon
déplorable; ceux même qui auraient eu besoin de la lumière
la plus pure, comme les chromolithographies de MM. Engelmann et Graf, se trouvent
exposés à contre-jour, à côté de stores
éblouissants qui ne permettent pas d’en saisir les qualités
essentielles. Cependant il n’eût pas été fort difficile
de trouver des dispositions plus convenables; pour cela il aurait suffi d’élever
au centre d’une des galeries une cloison fort simple, à laquelle les
exposants auraient accroché leurs ouvrages, qui, disposés de
cette manière, se seraient trouvés sous les yeux du public et
n’auraient pas occupé un espace bien considérable. Mais les
galeries de l’Exposition semblent avoir été disposées
en dehors de la prévision des objets qu’elles devaient contenir;
au contraire, l’exhibition de ces objets est subordonnée aux dispositions
des galeries, et doit s’en arranger tant bien que mal. La salle est ainsi
faite: tant pis pour ceux qui ne peuvent pas s’y arranger convenablement.
|
|
Ce
qu’il y a de malheureusement certain, c’est que le public n’aura qu’une idée
très imparfaite de la plupart des ouvrages qui sont étalés
à ses regards. Les impressions en couleurs de M. Lemercier, pas plus
que celles de M. Engelmann, pas plus que celles de M. Simon fils de Strasbourg
ou de mademoiselle Formentin, ne se peuvent apprécier convenablement;
cependant toutes sont un progrès, et quelques-unes sont dignes d’une
attention particulière. Nous citerons, entre autres, les vitraux des
cathédrales [p.76b] de Chartres et de
Sens, ceux de l’abside de la cathédrale d’Auxerre, imprimés
par M. Lemercier; les Fils de la Vierge, de l’imprimerie Formentin;
la Danse des morts, d’après une fresque du XVe siècle,
imprimée et publiée à Moulins par M. Dérosiers,
et, par dessus tout, les magnifiques ouvrages sortis des presses de MM. Engelmann
et Graf.
|
|
Les persévérantes
recherches de M. Engelmann dans ce genre d’impression ont été
depuis longtemps couronnées de succès. Les lecteurs de L’ARTISTE
n’ont pas oublié une vue de Venise sortie de ses presses dès
le commencement, et qui avait tout l’aspect d’une délicieuse aquarelle.
Une des premières publications auxquelles ce procédé
fut appliqué dans des proportions considérables est, si je ne
me trompe, l’ouvrage de M. Hittorff sur l’architecture polychrome; mais l’exécution
de ce travail laissait encore beaucoup à désirer. Le Voyage
en Nubie de M. Delaborde présenta des planches plus irréprochables,
et certaines épreuves des monuments d’Égypte, par M. Champollion
jeune, sont d’une perfection qui ne sera pas de longtemps dépassée.
|
|
Des tentatives
de genres très divers ont amené, dans d’autres voies, des résultats
plus ou moins satisfaisants. M. Castier a exposé la Sainte Famille
de Raphaël, lithographiée à la plume par MM. Collette et
Sanson. C’est un ouvrage très remarquable dans son genre, mais je
ne crois pas les travaux de cette nature appelés à un grand
succès; ils lutteront toujours avec trop de désavantage contre
la gravi, re au burin. Mademoiselle Formentin a essayé l’estompe sur
pierre, qui n’est pas, à proprement parler, une nouveauté,
et qui ne saurait donner de résultats bien satisfaisants. Le lavis
sur pierre, quoique plus nouveau, ne me semble pas appelé à
un plus brillant avenir. On voit pourtant à l’Exposition d’assez belles
épreuves obtenues par ce procédé dans les imprimeries
de M. Lemercier, de mademoiselle Formentin et de M. Auguste Bry; mais il ne
faut pas juger d’après les exemplaires soumis à l’appréciation
du public ceux que l’on obtiendrait dans un tirage courant. |
|
M. Bertaut
n’a pas cru devoir se risquer dans ces aventureuses tentatives: il s’est maintenu,
au contraire, dans le genre qui a fait la réputation de sa maison.
Il n’a guère produit que des ouvrages de médiocre dimension,
mais ils sont imprimés avec une pureté irréprochable.
M. Bertaut s’est consacré particulièrement à l’impression
des dessins d’artistes, et il y a réussi au-delà de ses espérances.
Ses épreuves sont nettes, franches, spirituelles, colorées,
pittoresques, capricieuses, comme le génie qui a produit l’original;
on y retrouve toutes les fantaisies du crayon, tous les bonheurs du grattoir,
tous les hasards de l’inspiration. Aussi la plupart des artistes préfèrent-ils
son imprimerie à toutes les autres, et, depuis l’établissement
de sa maison, il n’est guère de publication d’art pour laquelle il
n’ait à peu près constamment travaillé. Cela est facile
à expliquer: en effet, tandis qu’ailleurs on produit des épreuves
presque exclusivement commerciales, M. Bertaut recherche toutes les délicatesses
de l’art, et il arrive quelquefois à ce point que ses épreuves
ressemblent presque à des dessins originaux.
|
|
Les presses
de la maison Kaeppelin sont spécialement consacrées à
des travaux d’une tout autre nature. D’autres essaient de lutter avec la
gravure au burin, soit au moyen de la plume, soit au moyen de la gravure
sur pierre; M. Kaeppelin, lui, prend la gravure originale elle-même,
la transporte sur pierre où il la fixe par un procédé
à lui connu, et la contraint ainsi à être le type d’un
nombre de reproductions infini. Malheureusement ces reproductions laissent
considérablement à désirer et, si elles peuvent être
satisfaisantes quand il s’agit d’estampes communes, [p.77a] elles seront toujours insuffisantes quand
il s’agira de planches traitées avec une certaine délicatesse.
|
|
De la lithographie
aux presses lithographiques la transition est simple et naturelle. L’exposition
en donne de plusieurs sortes depuis les grandes machines de MM. Kocher, Perrot
et antres, jusqu’à la presse portative de M. Thuvien.
|
|
Depuis
longtemps on cherchait un moyen de transporter à la lithographie les
avantages conquis à la typographie par la presse mécanique;
mais aucun des essais tentés jusqu’à ce jour n’avait produit
des résultats quelque peu satisfaisants. La machine de M. Kocher
présente des avantages incontestables, car il est hors de doute qu’elle
ne, puisse fournir en très peu de temps un nombre d’épreuves
très considérable, mais elle me semble guère applicable
à d’autre impression que celle de l’écriture. En effet, la
forme cylindrique donnée à la pierre s’oppose à ce qu’on
puisse exécuter sur sa surface un objet d’art un peu important, à
cause de l’impossibilité où se trouverait le dessinateur d’apprécier
l’ensemble de son œuvre et d’un autre coté le grenage ou préparation
des pierres doit être d’une grande difficulté.
|
|
L’invention
de M. Perrot a l’avantage de pouvoir s’appliquer aux dessins exécutés
sur une surface plane, ce qui lui permet d’imprimer des dessins de toute espèce,
mais je ne pense pas qu’elle puisse être d’un grand usage dans l’application
aux ouvrages d’art. Les échantillons fournis par M. Perrot ne me
semblent rien moins que concluants et encore je doute fort qu’on puisse
les obtenir tels qu’ils sont sans retouche et dans un tirage courant.
|
|
La presse
autographique de M. Pierron a quelques analogies avec celles de M. Thuvien;
l’une et l’autre me semblent d’un usage assez simple et assez facile. La presse
à bascule de M. Bouyonnet est très ingénieuse: elle
doit être assez commode, mais la pratique seule en peut démontrer
les avantages ou les inconvénients. |
|
Les échantillons
de presses typographiques exposés cette année n’offrent rien
de bien nouveau: tout le monde a pu voir fonctionner celles de M. Normand
dans l’impression de ceux des journaux qui, comme le Siècle,
la Presse, les Débats, se tirent à un très
grand nombre d’exemplaires. Celles de M. Dutartre ont été combinées
de façon à pouvoir être utilement appliquées à
l’impression des ouvrages de luxe, et les épreuves du Jocelyn
de M. de Lamartine démontrent que, par leur moyen, on peut arriver
à des résultats fort satisfaisants; mais ces résultats
sont loin encore de pouvoir soutenir la comparaison de ceux qu’on obtient
par le moyen de la presse à bras.
|
|
Ce serait
ici le lieu de parler des miracles de la typographie moderne, mais voila
assez d’industrie pour une fois, ce sera le premier sujet de mon prochain
article; comme aussi la reliure qui, par le luxe tout oriental qu’on y voit
déployé, me fournira l’occasion de parler de l’orfévrerie,
des cristaux, ainsi que de la gravure sur pierre et sur métal.
G. LAVIRON.
|
|
Gaston LAVIRON,
«Exposition des produits de l’industrie: la lithographie», in
L’Artiste 4/1 (1844), pp. 75-77.
Réédition:
Bernard GINESTE [éd.], «Gaston Laviron: La lithographie à l’exposition des produits
de l’industrie (1844)», in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois/cae-19-formentin1836etampes.html#laviron,
2011.
|
ÉBAUCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Éditions
Clément-Melchior-Justin-Maxime
FOURCHEUX DE MONTROND (dit Maxime de MONTROND ou de MONT-ROND), Essais
historiques sur la ville d’Étampes (Seine-et-Oise), avec des notes
et des pièces justificatives, par Maxime de Mont-Rond [2 tomes
reliés en 1 vol. in-8° (XIII+243p.; 240); planches (seulement dans
le tome 1); tome 2 «avec des notes... et une statistique historique
des villes, bourgs et châteaux de l’arrondissement»], Étampes,
Fortin, 1836-1837, tome 1 (1836), pp. 1 (Étampes. Vue prise du château
de Vauroux), 48 (Tour de Guinette), 56 (Notre-Dame d’Étampes), 98
(Restes de l’abbaye de Morigny) et 132 (Monnaies frappées à
Étampes ous les règnes de Philippe Ier et Louis VI ou Louis
VII).
Réédition en ligne, in Google Books,
à cette adresse (cliquez ici), en ligne en 2011 [d’où les scans
ici utilisés].
Réédition
en fac-similé, Paris, Le Livre d’histoire, 2010.
Bernard GINESTE [éd.],
«Formentin et Cie: Étampes en 1836 (lithographies)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-formentin1836etampes.html, 2011.
Bernard GINESTE [éd.],
«Formentin et Cie: Vue d’Étampes prise du château de
Vauroux (lithographie, 1836)», in Corpus Étampois,
http://www.corpusetampois.com/cae-19-formentin1836vauroux.html, 2011.
Bernard GINESTE [éd.],
«Formentin et Cie: Tour de Guinette (lithographie, 1836)»,
in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-formentin1836guinette.html, 2011.
Bernard GINESTE [éd.],
«Formentin et Cie: Notre-Dame d’Étampes (lithographie,
1836)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-formentin1836notredame.html, 2011.
Bernard GINESTE [éd.],
«Formentin et Cie: Restes de l’abbaye de Morigny (lithographie,
1836)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-formentin1836morigny.html, 2011.
Quelques lithographies
en ligne produites par Formentin et Cie
Paysages
BNF (Bibliothèque nationale de France) [éd.],
«C. Séchan et A. Couturier: Vue de l’hôtel du
général Foy (imprimerie lithographique de Mlle Formentin
», in Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84145573.r, en
ligne en 2011.
Portraits
BNF [éd.], «Charles Vogt (d’après):
Wolfgang Amadeus Mozart (lithographie, éd. Formentin)»
[scan], in Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84228460.r,
en ligne en 2011.
BNF [éd.], «Charles Vogt: Louis-Antoine-Eléonore
Ponchard (éd. Formentin & Cie, 1840)», in Gallica,
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8423649v.r, en
ligne en 2011.
BNF [éd.], «Charles Bazin: Christophe
Colomb (éd. Formentin, 1845)» [scan], in Gallica,
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8400245b.r, en
ligne en 2011.
BIUM (Bibliothèque interuniversitaire de
médecine et d’odontologie) [éd.], «Formentin: Jean Paul
Marat (lithographie)», in Banque d’images, http://www.bium.univ-paris5.fr/images/banque/zoom/anmpx21x2186.jpg,
en ligne en 2011.
BIUM [éd.], «Formentin: Jean Pierre
Joseph d’Arcet (lithographie)», in Banque d’images, http://www.bium.univ-paris5.fr/images/banque/zoom/anmpx13x0782.jpg,
en ligne en 2011.
BIUM [éd.], «Formentin: Joseph-Ignace
Guillotin (lithographie)», in Banque d’images, http://www.bium.univ-paris5.fr/images/banque/zoom/anmpx05x0193.jpg,
en ligne en 2011.
Autres sujets
BNF [éd.], «Mademoiselle Formentin:
L’Ouïe (lithographie)», in Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8431743c.r=.langFR,
en ligne en 2011.
BIUM [éd.], «Formentin: Ophtalmologie
(lithographie)», in Banque d’images, http://www.bium.univ-paris5.fr/images/banque/zoom/06158.jpg,
en ligne en 2011.
BIUM [éd.], «Formentin: Instruments
d’ophtalmologie (lithographie)», in Banque d’images, http://www.bium.univ-paris5.fr/images/banque/zoom/06157.jpg,
en ligne en 2011.
Sur Mlle Formentin
Recueil général
des lois et des arrêts. Volume 26, Paris, Sirey, 1826, p.286.
FONTAINE [président
du jury], Rapport du Jury central sur les produits
de l’industrie française en 1844. Tome troisième. Sixième
commission. Beaux-Arts [790 p.], Paris, Fain & Thunot, 1844, pp. 357-358.
Gaston LAVIRON, «Exposition
des produits de l’industrie: la lithographie», in L’Artiste 4/1
(1844), pp. 75-77.
Réédition: Bernard GINESTE
[éd.], «Gaston
Laviron: La lithographie à l’exposition des produits de l’industrie
(1844)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois/cae-19-formentin1836etampes.html#laviron,
2011.
Philippe BÉCHU, De la Paume à
la presse: étude de topographie et d’histoire parisiennes: recherches
sur les immeubles des 57 rue de Seine et 62 rue Mazarine, leurs occupants
et leurs familles [490 p.], Paris, Fédération des sociétés
historiques et archéologiques de Paris et de l’Ile-de-France [«Paris
et Ile-de-France: Études et documents» 4], 1998, p.324, note
842.
Wikipédia n’a pas de page consacrée
à Mlle Formentin en 2011, mais il est probable que le chose ne vas
pas tardr désormais.
Toute critique,
correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution
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Source:
les scans ont été empruntées au site Google
Books en 2011. |