Romain Chaudé
ÉLIAS ROBERT ET LE MUSÉE D’ÉTAMPES
L’intérêt
de cette petit notice méconnue sur Élias Robert, et sur le Musée
d’Étampes, est de nous faire connaître notamment les relations
qui existaient entre le sculpteur et au moins certains membres du conseil
municipal, comme surtout Romain Chaudé et de quelles cordes il savait
jour pour se faire attribuer des chantiers à Étampes.
Abel Romain Chaudé,
né en 1815 dans une famille de simples portefaix étampois, s’était
élevé au rang de propriétaire et avait dirigé
le bureau de bienfaisance de la ville. C’est lui qui devint le premier
conservateur du Musée créé en 1875 autour de la collection
de plâtre offerts à la ville par la veuve d’Élias Robert,
décédé en 1874.
Il paraît avoir
lui-même entretenu de bonnes relations avec Élias Robert, de
six ans son cadet, né comme lui à Étampes, et issu pour
sa part d’une famille de marchands chaudronniers. Nous voyons comment en 1874,
membre de l’équipe du maire Brunard, Chaudé était en
train de négocier avec l’artiste la réalisation d’un portrait
de Simonneau, maire d’Étampes célèbré dans toute
la France en 1792 pour avoir été assassiné en défendant
la Loi.
Cette notice est
vraisemblablement la source d’une erreur qui s’est propagée depuis
longtemps sur la date de naissance d’Élias Robert, confondu avec un
frère aîné homonyme mort en bas-âge. Notre Louis-Valentin
II Robert, alias Élias Robert, était né en réalité
en 1821, et non pas en 1819, comme je le prouve dans une autre page
sur la simple base des registres d’État Civil de la ville d’Étampes.
B. G., 24 janvier 2011.
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Le Musée inauguré dans la ville d’Étampes, le 26 septembre
1875, est intimement lié au nom de l’artiste étampois mort au
cours de l’année 1874, à l’âge de 54 ans*, c’est-à-dire dans la plénitude de
son talent.
Aucun établissement public ne comporte
une somme de difficultés aussi complexe que la fondation d’un musée,
dans une petite ville; le visiteur embrasse d’un premier coup d’œil l’ensemble
des objets installés; il passe rapidement devant la collection, puis
son regard interrogateur semble dire: «Quoi!… pas autre chose?»
— Il ne se rend pas compte qu’avec quelques rouleaux d’or, on installe à
bref délai une bibliothèque importante, riche quelquefois, par
la raison qu’on sait toujours où sont les éléments, à
quelle source on peut puiser. Les librairies anciennes et modernes sont nombreuses
et bine garnies, de telle sorte que su « l’argument irrésistible
» de Beaumarchais ne fait pas défaut, le but est toujours facile
à atteindre.
En est-il de même lorsqu’il s’agit de fonder
un musée? Le nombre considérable de villes importantes qui en
sont privées répond catégoriquement à la question
posée.
En effet, ces sortes d’établissement ne
s’improvisent pas; il leur fait un sérieux point de départ,
un noyau considérable d’objets d’arts ou de curiosité pour naître
viables.
C’est ainsi que la ville d’Angers, qui compte une population
d’environ 55.000 âmes, n’est entrée en possession d’un musée
réellement digne de ce nom, qu’après avoir reçu le legs
de son glorieux compatriote David (d’Angers).
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*
Élias Robert était mort à Passy,
autrement dit à Paris dans le XVIe arrondissement, le 29 avril
1874, âgé de 52 ans seulement. Chaudé se trompe sur sa
date de naissance. Rappelons que le premier Musée se trouvait dans
l’Hôtel dit alors de Diane de Poitiers, dont j’ai montré en
2009 qu’il faut l’appeler désormais l’Hôtel d’Esprit Hattes
(B.G.).
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Or la cité d’Étampes, avec sa modeste population et ses ressources
artistiques plus modestes, eût-elle [p.40]
pu rêver l’existence possible même d’une simple collection, sans
l’acte généreux et essentiellement patriotique accompli par
la veuve d’Élias Robert?
Elle savait, la noble femme, à quel degré
l’amour de son pays natal était profond dans le cœur de son mari!
Elle savait aussi que son ombre applaudirait
à l’interprétation d’une pensée que sa courte et douloureuse
maladie ne lui avait pas permis de formuler!
Elle savait tout cela… et le musée fut
fait. |
Signature de la veuve de l’artiste
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Louis-Valentin Robert (dit Élias) est né à Étampes
le 15 septembre 1819*, son père y exerçait
la profession de ferblantier-quincaillier; c’est au collège d’Étampes
qu’il fit ses modestes études; enfant, sa nature l’attirait vers l’art:
on se le rappelle à ses heures de récréation pétrissant
la terre glaise ou martelant le cuivre de l’atelier paternel.
Il venait de quitter les bancs du collège
lorsqu’il perdit une vieille parente qui l’adorait et qu’il aimait comme il
aimait sa mère; mu par un sentiment pieux, l’enfant se mit à
un travail qu’il cachait à tous, — même à son père
— puis, quelque temps après, la tombe de la vieille tante était
ornée d’une belle colonne cannelée, surmontée d’une
urne funéraire en bronze, d’un beau style et que chacun peut voir encore
aujourd’hui dans le cimetière Saint-Gilles, sa paroisse.
Sa première œuvre fut exécutée
d’instinct, sans autre conseiller que son cœur qu’il y mit tout entier!
Le père du
futur artiste ne croyait pas à la vocation, il était en communauté
d’idées avec beaucoup d’autres braves négociants de la province:
«J’ai acquis ma petite fortune dans mon commerce, pourquoi mon fils
ne deviendrait-il pas mon successeur?»
Ce fut sur ce thème produit, à
l’usage des grands parents, que s’engagea la lutte entre Élias et
son père; nul ne voulut faire de concession, et le statuaire en herbe
quitta la maison paternelle le cœur gros et le gousset plat.
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* Cette date est fausse,
c’est celle de la naissance d’un frère aîné homonyme,
mort un mois plus tard, le 23 octobre 1819 (comme je l’ai démontré
ailleurs).
Le deuxième Louis Valentin, plus tard surnommé Élias,
était né le 6 juin 1821; il n’avait donc que 52 ans à
son décès (B. G.).
Signature de Claude Robert
père d’Élias (1821)
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L’excellent homme qui voulut bine procurer le premier billet de mile francs
au futur auteur du «Geoffroy [p.41] Saint-Hilaire»
(*) n’a pas assez vécu pour applaudir
aux succès de son protégé.
Paris, l’immense Paris, accueille tous les arrivants,
mais il n’en fait pas ses pensionnaires; il fallait vivre cependant; la gaieté
traditionnelle de l’atelier abrège les journées, mais l’heure
du dîner n’en arrive que plus vite.
Dire ce que le jeune artiste employa de ruse
pour tromper son appétit, les innombrables sujets de pendules et d’ornements
que sa fraîche imagination rêva, créa, pour éviter
un appel désespéré à la paternité, intransigeante,
remplirait un gros volume. Dieu seul, — avec MM. Delafontaine et ses habiles
confrères — sait comment fut exploitée la jeune sève
de l’artiste.
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* M. Fulgence Godin, notaire à Étampes
(note de Chaudé) [Il était mort le 5
mars 1856 (B.G.)]
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Enfin, l’aurore se leva pour lui; M. Vaudoyer, architecte de la ville de Paris,
fut le premier qui voulut bine confier à l’artiste ignoré une
commande pour un monument public, et les deux belles caryatides qui ornent
l’entrée principale des Arts et Métiers, rue Saint-Martin, livrées
à l’examen du grand jury parisien, posèrent le jeune artiste:
la voie lui était désormais ouverte.
Peu de temps après, ces deux caryatides,
sentinelles avancées du monument, semblaient rendre les honneurs aux
statues d’Olivier de Serres et de Vaucanson qui faisaient leur entrée
à l’intérieur du savant Conservatoire.
Le groupe monumental qui domine le fronton de
la façade principale du Palais de l’Industrie, «la France distribuant
des couronnes», jugé par la presse de 1855, et par des milliers
de visiteurs français et étrangers, consacra définitivement
le talent de notre compatriote.
Le beau marbre qui décore le milieu de
la place du théâtre, dont Étampes a raison de s’enorgueillir,
valut à l’auteur, en 1858, la croix de chevalier de la Légion
d’Honneur. |
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Inutile d’énumérer ici les œuvres d’Élias Robert, qui
[p.42] sont, au musée de la
ville, au nombre de près de cent pièces: le musée est
ouvert à tout le monde et le livret en contient le détail. Mais,
en narrateur fidèle, citons les principales œuvres dont les modèles,
pour des causes diverses, n’ont pu être placées au Musée:
Le maréchal Jourdain, statue en
bronze, de 2 m. 60 de hauteur, érigée à Limoges.
L’Enfant-Dieu, méditant sur la couronne
d’épines; statue en marbre, achetée par l’État.
La Fortune, statue en bronze, de 2 m. de
proportion.
Fronton et cartouches exécutés
en pierre à la façade de l’École des Mines, à
Paris.
L’ensemble du monument à la gloire de Dom
Pedro IV, exécuté à Lisbonne, après concours
(hauteur 27 m. 50).
A l’inauguration de cette œuvre capitale l’artiste
fut nommé commandeur de l’ordre du Christ de Portugal.
Conservatoire des Arts et Métiers. —
Les statues en pieds d’Olivier de Serres et de Vaucanson. Hauteur 2 m. 50.
— Trois figures dans les anges du plafond du grand escalier.
L’Aigle du milieu du plafond.
Quatre bas-reliefs dans le plafond de l’escalier.
Les têtes du fronton et des clés.
Musée de Versailles. — Buste en marbre du
général Pajol; buste en marbre du général Bailly
de Monthyon; buste en marbre de Charles Bonaparte; buste en marbre de l’amiral
Blanquet de Chayle.
École de médecine. — Buste en marbre
du docteur Chaussier.
Ville de Roanne. — Buste en marbre de M. le duc
de Persigny.
Théâtre d’Étampes. — Caryatides
et figures d’enfants au foyer et aux avant-scènes.
Portrait de Molière et de Corneille,
grands médaillons sur la façade.
A Saint-Germain de Corbeil. — Trois figures
exécutées en pierre sur la façade de l’église.
Enfin: le buste en marbre de Mme la vicomtesse
de [p.43] Viart et plusieurs autres en possession
des familles intéressées.
La cruelle maladie à laquelle l’artiste
étampois a succombé, l’a surpris en plein travail; il achevait
le buste en marbre de M. Aimé Darblay, exposé au salon de 1875.
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Que de beaux projets ont été ensevelis avec lui… Il en est un
par dessus tout, qu’il caressait avec bonheur; quelques lignes détachées
d’une lettre qu’il écrivait le 4 février 1873 en témoignent
éloquemment:
«…Tu sais, depuis longtemps, que la ville
d’Étampes peut toujours compter sur moi, surtout quand il s’agit de
glorifier un de ses enfants morts pour son honneur… Elle m’a, de son côté,
prouvé que je pouvais aussi compter sur elle et je suis profondément
convaincu qu’elle considère comme impossible qu’un étranger
vienne me remplacer en cette circonstance. Elle acceptera, je n’en
doute pas, mon concours et mon dévouement.
«Je me mets entièrement à
la disposition du conseil municipal pour arriver à un prompt résultat,
car il y a trop longtemps que ce pauvre Simonneau* attend que notre pays lui paie sa dette…»
R. CHAUDÉ.
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*
Jacques Guillaume Simonneau, maire
d’Étampes, assassiné le 3 mars 1792 lors d’une émeute
frumentaire, qui fut célébré dans toute la France comme
un martyr de la légalité républicaine (B.G.).
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La
Salle des plâtres du Musée
d’Étampes en 1903. En 1897, Maxime Legrand persifle cette muséographie
“sentant un peu trop le tombeau de famille” (Étampes pittoresque,
tome I, p. 108).
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BIBLIOGRAPHIE
Éditions
Romain CHAUDÉ, «Élias
Robert et le Musée d’Étampes», in Revue étampoise.
1876. Almanach d’Étampes. Annuaire de l’arrondissement. Deuxième
année, Étampes, Lejeune, 1876, pp. 39-43.
Bernard GINESTE [éd.],
«Romain Chaudé: Élias
Robert et le Musée d’Étampes (1876)», in Corpus
Étampois, www.corpusetampois.com/cae-19-eliasrobert1876chaude.html, 2011.
Pages
liées
Bernard GINESTE [éd.],
«Sur la véritable date de naissance
d’Élias Robert (2011)», in Corpus Étampois,
www.corpusetampois.com/cae-19-eliasrobert2011deces.html, 2011.
Auguste ALLIEN
[dir.], «Inauguration du Musée», in ID., Abeille d’Étampes.
Journal des insertions judiciaires et légales de l’arrondissement.
Littérature, Sciences, Jurisprudence, Agriculture, Commerce, Voyages,
Annonces diverses, etc., paraissant tous les samedis 64/41 (samedi 9
octobre 1875), p. 3.
Bernard GINESTE [éd.], «Auguste Allien:
Inauguration du Musée d’Étampes (3 octobre 1875)»,
in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-19-18751003inaugurationmusee.html,
2005.
Suzanne de SAINT-PÉRIER,
«Le Musée d’Étampes», in Bulletin Municipal d’Étampes
n°1 (juillet 1963), pp. 24-25.
Bernard GINESTE [éd.], «Suzanne de
Saint-Périer: Le Musée d’Étampes (1963)»,
in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/cae-20-saintperier1963musee.html,
mai 2005.
COLLECTIF, «Éphéméride
du Musée d’Étampes», in Corpus Étampois,
www.corpusetampois.com/che-21-ephemeridedumusee.html,
2003.
Bernard GINESTE et qui voudra, «Bibliographie
du Musée d’Étampes», in Corpus Étampois,
www.corpusetampois.com/cbe-museedetampes.html,
depuis 2010.
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