Le
Bombardement d’Étampes du 28 juin 1944
Soirée-débat du 28 juin 2004, salle
Saint-Antoine, sous l’égide du Corpus Étampois
A l’occasion de leur assemblée générale du 10 juin
2004, jour anniversaire du bombardement d’Étampes, les membres du
Corpus Étampois constatèrent que ce triste
anniversaire avait été dûment et dignement célébré,
mais que peut-être il aurait été opportun de se saisir
de cette occasion pour donner la parole à des témoins de cet
événement et du vieil Étampes, dont le nombre va se
raréfiant.
De fait presque tous ceux
que nous avons contactés, d’une manière un peu improvisée,
ont accepté immédiatement de participer à une soirée-débat
le 28 juin suivant. Plusieurs regrettèrent de s’être déjà
engagés en ce mois de juin déjà très chargé.
Un autre nous a dit franchement que ces souvenirs étaient encore
trop douloureux pour lui, soixante ans après, pour les évoquer
en public, ce qui constitue en soi un témoignage particulièrement
émouvant sur l’horreur
de ces événements. Mais enfin une dizaine
de personnes se trouvèrent libres ou réussirent à se
dégager. En voici la liste, par ordre alphabétique.
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MM. Noël Jaffredo et André Cattiaux, témoins
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M. André Cattiaux, troisième du nom, était lors du
bombardement déporté du travail; mais l’entreprise familiale
fut alors durement touchée.
Georges Dantan est le fils d’un grand résistant
qui hébergea l’un des deux seuls aviateurs qui réussirent
à s’éjecter vivant de leur appareil. Il a lui-même
longuement enquêté sur les différents avions abattus
lors de cette opération de bombardement et reste en contact avec
le dit survivant, Pritchard, qui est toujours vivant.
Noël Jaffrédo était alors
ouvrier agricole à Villeneuve-sur-Auvers. Il découvrit le
surlendemain du bombardement le corps déchiqueté d’un aviateur
à côté des lambeaux du fuselage d’un appareil.
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Georges Dantan, fils d’un résistant qui sauva un aviateur,
et chercheur
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Mesdemoiselles Simone et Suzanne Lancteau font partie de la mémoire
vivante d’Étampes et spécialement du quartier le plus touché,
depuis profondément remodelé.
Jacques Lederer, écrivain, avait alors
perdu son père, déporté par les nazi et disparu dans
un camp d’extermination avec la plus grande partie de famille. Lui-même,
avec sa mère, échappa par miracle à la rafle du Vel’d’Hiv.
Après avoir vécu caché pendant toute la guerre, il
rejoignit sa mère à Étampes, rue de la Manivelle,
la veille même du bombardement.
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Mesdemoiselles Simone et Suzanne Lancteau, témoins
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L’écrivain Jacques Lederer, témoin du
bombardement
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Le Dr Négellen, chercheur, spécialiste
de ce bombardement
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Le docteur Jean-Luc Négellen, médecin à Étréchy,
s’est attaché depuis plusieurs années à reconstituer
l’histoire de ce bombardement, en puisant aux meilleures sources: celles
des des témoins, mais surtout des archives, qui doivent toujours
primer en bonne recherche historique, tant la mémoire humaine est
une chose fragile et contredite par les documents d’époque.
Bernard Paillasson était alors un enfant,
mais ses souvenirs sont très nets, et il est l’une des grandes
figures de la mémoire vivante d’Étampes. Il a de plus longtemps
travaillé chez Rameau, le fameux photographe étampois, auteur
de la plupart des photographies prise dans les jours qui suivirent le bombardement.
On a noté aussi la présence
des présidents ou membres de différentes associations, MM.
Claude Bosc, Bernard Laumière, Claude Cuillerier, François
Jousset, etc., qui nous ont honoré de leurs présences. D’autres
personnalité étaient là, sans doute: on excusera
l’auteur de ces lignes, frais Étampois qui ne connaît pas
encore grand monde. |
M. et Mme Marin, témoins
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Bien que l’information n’ait pas été très bien diffusée,
la salle était assez pleine. Nous avons entendu dire que bien des
personnes ont regretté de n’avoir pas été là
et de n’avoir pas été informées de la tenue de cette
soirée: nous nous y prendrons, une autre fois, plus à l’avance.
Il me faut ici remercier au nom de tout le
monde les trois principaux artisans de cette soirée:
Bernard Paillasson, toujours aussi discret
et efficace (on le voit à peine sur les photos de la soirée),
s’est occupé de la sono et a fourni beaucoup d’éléments
d’interprétation des photographies projetées. Tout le matériel
était prêté par le secteur paroissial d’Étampes.
Jean-Michel Rousseau, président de
l’association Multi-collections et vice-président
du Corpus Étampois, a collecté auprès de différentes
personnes et scanné un nombre impressionnant de clichés
d’époque (nous avons aussi projeté des clichés plus
récents de la bombe retrouvée en 2003 avenue de la Libération).
Frédéric Gatineau, archiprêtre
d’Étampes et secrétaire du Corpus Étampois,
fin connaisseur de la topographie étampoise, qui a conduit de main
de maître la projection, à l’affût de toute nouvel élément
d’interprétation qui pourrait jaillir de la mémoire des
témoins.
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Projection de photographies du bombardement et recueil de
témoignages
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La soirée s’est divisée en trois parties principales:
On a d’abord rappelé le fil des événements,
par un récit à plusieurs voix, en commençant par
la lecture d’une page de la brochure classique de René Collard.
Georges Dantan a ensuite raconté le bombardement du point de vue
des aviateurs britanniques. Puis, insensiblement, plusieurs témoins
se sont mis à évoquer leurs souvenirs personnels : c’était
un débat informel d’une très grande richesse, extrêmement
émouvant et pudique, qui n’est jamais tombé dans le sensationnalisme.
Ont été ensuite projeté
presque toutes les photographies qui ont pu jusqu’à présent
être collectées et qui avaient été scannées
par Jean-Michel Rousseau. On donnait à chaque fois tous les éléments
d’identification des lieux et d’interprétation possibles, en demandant
au témoins leurs confirmations ou de nouvelles remarques, qui n’ont
pas manqué.
Enfin, car le temps passait vite, on parla
des appareils abattus et de leurs équipage, sujet assez nouveau à
Étampes, où on a longtemps cru, bien à tort, qu’il
n’y avait eu aucune victime du côté britannique, ce qui est
loin d’être la vérité. Le docteur Négellen, qui
a poussé très loin l’étude de la question, M. Jaffrédo,
qui nous a raconté sa macabre découverte à Villeneuve-sur-Auvers
(et qui conserve le boîtier d’une montre ayant appartenu à
l’un de ces malheureux héros), nous ont éclairés sur
cette question, suivis de Georges Dantan, qui nous a fait le récit
détaillé de la cavale du sergent Pritchard, heure par heure,
jusqu’à son heureux retour au Pays de Galles, où il coule aujourd’hui
une paisible vieillesse.
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Frédéric
Gatineau aux commandes de la projection
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La soirée s’acheva fort sympathiquement, Jacques Lederer ayant eu
la gentillesse de saluer publiquement notre initiative et de faire l’éloge
de notre Corpus d’une manière bien exagéré,
mais qui nous a été droit au cœur. En bref, nous sommes heureux
surtout que chacun soit reparti apparemment bien satisfait de cette soirée
fort conviviale: le mérite en revient à tous et à chacun,
suivant le principe du Corpus, qui est celui du pot commun, où
chacun verse et prend ce qu’il veut. Depuis, à ce que nous avons entendu
dire, plusieurs personnes ont exprimé le regret de n’avoir été
informées de la tenue de cette soirée: nous leur en faisons
nos excuses, et nous essaierons de faire mieux la prochaine fois.
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Jean-Michel Rousseau, Jacques Lederer et Bernard Paillasson
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Les derniers
rescapés de la soirée (dont certains ne s’étaient pas revu depuis fort longtemps,
spécialement Jacques Lederer) se sont dispersés à la
nuit tombée, en se promettant de remettre ça. Des contacts
ont été pris pour exploiter toute la matière historique
qui a été évoquée lors de ce débat.
Le sujet de la prochaine soirée-débat reste à déterminer.
Pourquoi pas la Libération, ou le séjour des Américains
à Étampes?
Bernard Gineste
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Frédérc Gatineau, Mlles Lancteau et Jean-Michel Rousseau
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