LE CHÂTEAU
DE CONDILLAC (DRÔME)
restauré par Madame la comtesse d’Andigné.
Le château se compose
de trois parties distinctes: une très ancienne, terminée,
du côté sud-est, par un donjon carré dominant tous les
autres bâtiments; une autre plus récente qui est de l’époque
des Blacons; enfin, une troisième partie est l’oeuvre toute moderne
de Madame la comtesse d’Andigné.
La salle basse du château
de Condillac, dans laquelle on pénètre par l’ancien pont-levis,
a été peinte à fresque vers 1609, ainsi que l’indiquent
les armoiries qui couronnent la porte de cette
grande salle, et qui sont celles des Priam, des d’Arnaud de Forez de Blacons,
des Latour Gouvernet et des Mirabel.
La description et l’explication
des sujets peints à fresque, que Madame la comtesse d’Andigné
a fait restaurer et exécuter avec tant de soin, nous font connaître
quelques-unes des traditions légendaires relatives à cet ancien
manoir; elles ont été inspirées:par les principaux
événements de la guerre de Troie. Dans sa Gaule poétique,
Marchangy adopte toutes ces traditions, en s’autorisant des souvenirs qui
se rapportent, a la fondation de la colonie grecque de Marseille. Nous aurons
occasion de parler de ces diverses légendes, en rendant compte, dans
cette Revue, de deux éditions
extrêmement rares du poëme de Pontaymerie, sur les trois Prinses
de la ville de Montélimar.
M. Lacroix, archiviste du département de la Drôme, dans sa
notice sur Condillac, cite des titres anciens, qui retracent l’histoire
de cette seigneurie.
Les faits les plus importants
pour nous, mis en évidence par ces documents, sont:
1° L’achat du château de Condillac,
en 1453, par un membre de la famille de Priam, moyennant la somme, énorme
pour ce temps-là, de 400 écus d’or et le droit de haute,
moyenne et basse justice;
2° Le mariage de
Loyse de Priam, avec un seigneur de Forez-Mirabel-Blacons, qui eut lieu
en 1582; ce fut en vertu du contrat
d’alliance de ces deux familles que le château de Condillac arriva
dans la maison de Blacons;
3° La possession, avec
toutes leurs tenances et dépendances, des deux seigneuries de Mirabel
et de Blacons, qui étaient situées, la première, dans
la vallée de la Drôme près d’Aoust, et la seconde ,
dans la commune de La Roche-St-Secret (Drôme). Cette dernière
seigneurie avait été longtemps protégée par
un manoir féodal que Lesdiguières fit raser, dans un moment
où la renommée des seigneurs de Blacons lui causait quelques
inquiétudes, pendant les guerres de religion en Dauphiné.
Madame Onéida de
Blacons., dernière du nom, comtesse d’Andigné, bien qu’appartenant
aujourd’hui de droit à la province d’Anjou, par son mariage avec
le général comte d’Andigné, pair de France, a abandonné
à ses deux fils le soin de conserver les traditions et les manoirs
de la lignée paternelle, situés dans cette province, et elle
s’est réservée la restauration et les embellissements de son
château de Dauphiné. Ces deux fils sont: le général
marquis d’Andigné, sénateur de Maine-et-Loire, qui se rattache
aussi à la Provence, par son.mariage avec Mademoiselle de Barbentane,
et le comte Amédée d’Andigné, qui a appartenu quelques
temps au corps diplomatique français et a épousé Mademoiselle
de Croix.
Parmi les membres illustres
de la maison des Blacons, dont les peintures du château de Condillac
et le poëme de Pontaymerie nous retracent les hauts faits, nous devons
citer, en premier lieu: Thibaut de Blacons, qui prit une part glorieuse
à la croisade contre les maures d’Espagne en 1211; ensuite viennent:
Hector de Forez, Pierre d’Armand et Alexandre de Forez de Blacons, qui
brillèrent aux batailles de Cérisoles, de Ravénne et
de Chomérac; enfin, un député de la noblesse aux États
de Dauphiné et aux États généraux, qui fut
le dernier marquis de Blacons.
Henri-François-Luçrétien,
marquis de Blacons, est représenté au moment où il
déclare, aux États généraux, qu’il se réunit
au Tiers-État pour la vérification des pouvoirs; la séance
a lieu dans, l’église St-Louis, de Versailles, le 22 juin 1789. Les
généalogistes ajoutent à ces noms, des chevaliers de
Malte, un châtelain de Pisançon, nommé par Louis XI,
etc.
Les tombeaux des dames de
Priam et de Blacons se voyaient,avant la révolution,dans les églises
de Romans, de Montélimar et d’Orange.
L’habile artiste italien,
chevalier Ruspi, aujourd’hui défunt, qui a restauré, avec
une scrupuleuse fidélité, les peintures anciennes de Condillac,
a aussi exécuté avec talent des fresques nouvelles ; il appartenait
à l’académie de Rome, chargée par le Pape de conserver
et de restaurer les palais apostoliques.
Nous empruntons à
la Notice sur Condillac, de M. Lacroix, (p. 7), la description complète
des peintures à fresques du château de Madame la comtesse d’Andigné.
Premier tableau. — Il représente
la célèbre bataille de Las Navas de Tolosa, livrée
le-16 juillet 1211, contre les Maures d’Espagne, sous Mahomet II. Le roi de Navare, sur un cheval blanc
, et Blacons, sur un cheval noir, s’apprétant à s’élancer
dans la mêlée, si un nouvel effort est nécessaire;
mais déjà la cavalerie espagnole refoule les défenseurs
du.Goran et la victoire est assurée aux Chrétiens.
Deuxième tableau.
— On aperçoit, à droite, Hector de Forez de Blacons, sur son
cheval blanc, à la tête de là cavalerie, qui arrête
l’effusion du sang dans Montélimar, repris aux catholiques, en 1591.
Troisième tableau. —
Pierre d’Armand, témoin de la mort prématurée de Gaston
de Foix, dit le foudre de l’Italie, comprime sa douleur pour consoler le
jeune héros expirant au milieu de son triomphe, tandis que, devant
Ravenne, combattent encore quelques-uns de ses soldats (en 1512).
Quatrième et cinquième
tableau. — En face de la porte sont peintes: les armes des derniers Blacons
et des d’Andigné, et la reddition de Chomérac par le seigneur
de Pampelonne, à Alexandre de Forez-Mirabel, le 14 octobre 1621.
Sixième tableau. —
Le marquis de Blaedns aux États généraux de 1789.
— Cette composition est l’oeuvre capitale de M. le chevalier Ruspi, et
mérite l’attention des connaisseurs, autant par la ressemblance
des personnages que par l’heureuse entente du sujet. Elle est complétée
par le portrait de Madame la comtesse d’Andigné et de ses trois
fils, sous la figure de jeunes enfants, dont l’un, par allusion au comte
Paul-Eugène, mort très-jeune, et dont nous parlerons à
l’occasion des éditions du poème de Pontaymerie, est profondément
endormi. Des encadrements d’un goût exquis entourent ces diverses
peintures.
Nous devons donc féliciter
Madame la comtesse d’Andigné au sujet de sa fidélité
aux traditions Dauphinoises, et du goût dont elle a fait preuve,
en dirigeant la restauration artistique de son antique manoir de Condillac.
Champollion-Figeac.
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