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à Saint-Maurice Montcouronne |
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Gérard Niquet a été contacté en 1997
par les Archives départementales de l’Essonne pour expertiser une
monnaie étampoise que Vincent Goustard, archéologue, venait de découvrir
à Saint-Maurice Montcouronne (Essonne). Il s’agissait en
fait d’un denier étampois du deuxième des quatre types qui
ont été émis sous Philippe Premier (1060-1108). Merci à l’auteur de nous avoir aimablement communiqué le texte de sa communication pour que nous le mettions en ligne au bénéfice de tous, ainsi que la photo qu’il avait prise cette pièce de monnaie, depuis malheureusement victime d’un accident dû à sa fragilité. |
Gérard Niquet
UNE TROUVAILLE DE MONNAIE A SAINT-MAURICE-MONTCOURONNE Mars 1998 |
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Saint-Maurice Montcouronne est un village de l’Essonne situé à 23 km au nord-ouest d’Étampes sur les bords de la Rémarde, affluent de l’Orge, dans l’ancienne province du Hurepoix. Cette monnaie isolée a été découverte lors des fouilles d’un centre de potiers (fouilles dirigées par Vincent GOUSTARD, archéologue). La monnaie provient des remblais de comblement d’une fosse d’extraction de limon liée à l’artisanat céramique datant de la fin du XIème ou début du XIIème siècle. Identifiée dans un premier temps comme étant de Philippe Premier, j’ai pu en l’examinant, vérifier qu’il s’agissait plus précisément d’un denier du deuxième type de l’atelier d’Étampes. J. DUPLESSY (1) en donne la description suivante, sous la référence Dy 42:
L’exemplaire est beau et bien lisible, malgré quelques lacunes à la périphérie et un dépôt d’oxyde sur le champ au droit et sur la légende au revers. L’argent qui le compose est très cristallisé, ce qui le rend extrêmement cassant. Son poids est d’environ 0,8 g. Le monogramme est qualifié d’odonique carré par DUPLESSY avec les O de ODO. Il est très lisible sur la monnaie de Saint Maurice. La légende reste lisible:
La titulature de Philippe 1er est très caractéristique des ateliers d’Étampes et Orléans avec le deuxième I calé dans le giron du L. Maxime LEGRAND (2) décrit cette pièce en remarquant que le X «adventice» faisant face à la croisette initiale est également signe de l’influence de d’Orléans. Le denier du deuxième type qui nous intéresse est décrit par LE BLANC (3), mais le caractère curieux de son monogramme laissait, nous dit LEGRAND, les numismates forts sceptiques, jusqu’à ce que Dieudonné en trouve la réplique au Cabinet des Médailles, et que LELEWEL (4) y voie «le monogramme d’Eudes ODO REX que les vicomtes d’Étampes, chargés de percevoir les droits du roi et d’exercer leur juridiction employèrent sur les monnaies qu’ils étaient chargés de fabriquer en raison sans doute de la faveur dont ils avaient joui. La monnaie d’Étampes aurait donc été une semi-royale». Qui sont donc les vicomtes d’Étampes, se demande LEGRAND? Sont-ils connus au XIème siècle? Quelles étaient leurs attributions? Pour lui J. DEPOINT (5) nous apporte une réponse sans équivoque sur l’existence de «ces subalternes qui dans les chartes même sont désignées sous la dénomination collective de servientes regis, servientes nostri», «parmi les chevaliers étampois... un personnage porte le nom suggestif de Geoffroy le monnayeur». L’atelier d’Étampes est un des plus prolifiques sous Philippe 1er avec 4 types connus, derrière Paris (6 types) et Orléans (5 types). Deux des deniers d’Étampes 3ème et 4ème types sont «à la porte de ville» comme Orléans et Pithiviers. Les 1er et 2ème types vraissemblablement antérieurs semblent hérités des monnayages précédents, encore que DUPLESSY émette les plus grandes réserves sur la chronologie des émissions d’Étampes. En effet aucun texte de cri ou de décri ne peut attester de la naissance ou de la disparition de tel ou tel type. Quand à la persistance de leur utilisation, elle n’est connue que par leur présence dans des enfouissements avec des espèces plus récentes. Toutefois Philippe Premier, né vers 1053, accède au trône en 1060 et gouverne sous la régence de Baudoin V jusqu’en 1068. Il prend possession du Gâtinais que lui cède Foulques Réchin en 1068, et rouvre l’atelier de Château Landon, improductif depuis les derniers carolingiens. Étampes était resté dans le domaine royal, mais l’atelier monétaire était également improductif depuis Lothaire. Dans le cadre d’une consolidation de l’autorité royale, encore fragile entre Seine et Loire, peut-on faire un parallèle entre ces deux ateliers? Cela situerait la frappe de ce denier vers 1070 avec bien sûr un enfouissement postérieur à cette date. Nous touchons ici plus au domaine du probable qu’aux faits avérés. Cette approche confirme toutefois la datation du site à la fin du XIème siècle. Cette proposition est également conforme à l’étude menée par Georges DUBY qui nous dit: «On sait maintenant que l’habitude se répandit entre 1050 et 1100, dans l’ensemble des provinces françaises, de distinguer dans les actes écrits les espèces émises par tel ou tel atelier, de spécifier la nature des pièces exigées pour tel règlement, de parler d’une monnaie ‘courante’. A la même époque s’accrut la part des deniers dans les pensions viagères, dans les prébendes, dans les gages, etc.» (6) Le travail salarié remplace de plus en plus la corvée et le besoin d’espèce se fait ressentir. «Les corvées de mains semblent bien au milieu du XIIème siècle en voie d’amenuisement. Le fait apparaît nettement sur les terres de Cluny. Dans l’un des doyennés, cent cinquante faucheurs venaient effectivement travailler sur les prés seigneuriaux; mais cent autres se trouvaient dispensés de leur tâche, et payaient en échange une redevance de deux deniers par tête... L’argent ainsi perçu servait à rétribuer les salariés... Le recours à la monnaie et à l’embauche avait fait très sensiblement reculer le travail forcé dès le milieu du XIIème siècle.» (7). Le développement des foires régionales et l’essor des communautés urbaines ont sans doute développé l’interposition de la monnaie dans les échanges. Deux autres événements majeurs ont pu également favoriser l’essor économique de la région d’Étampes, ce sont les conciles de 1092 et 1099, organisés par l’archevêque de Sens Richier. (8). La dispersion géographique des trouvailles devrait nous éclairer sur le rayonnement de la monnaie étudiée. Malheureusement le relevé systématique qu’en a fait Jean DUPLESSY (9), même s’il ne porte que sur les dépôts comprenant plus de deux monnaies, ne révèle aucun denier du deuxième type. Sur sept sites où ont été trouvés des deniers d’Étampes de Philippe 1er seuls des deniers du 4ème type ont été découverts.
La rareté des deniers des trois premiers types de Philippe Ier est mise en évidence, et leurs découvertes occasionnelles restent très difficiles à recenser. Un travail important reste à faire sur les rapports de fouilles ou les communications dispersées dans les revues numismatiques, si tant est que leurs trouvailles en aient fait l’objet. C’était la principale raison de cette recherche qui j’espère permettra aussi de compléter l’étude du site. Gérard NIQUET, Brières
le 9 mars 1998
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Étude transmise
en son temps à Madame Paulette CAVAILLER (Archives Départementales),
M. GOUSTARD (Archéologue à la D.I.C.A.S.), M. DHENIN (Conservateur
en chef, au cabinet des Monnaies, Médailles et Antiques de
la Bibliothèque Nationale de France), M. WINGLER (Directeur du Patrimoine,
et Conservateur des Archives Municipales d’Étampes), M. GELIS (Président
de l’association Étampes Histoire), M. HOUYVET (Président
du Cercle Numismatique de la Juine), M. PROT (Numismate, spécialiste
du monnayage médiéval, royal et féodal), et à
divers particuliers. |
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NOTES DE L’AUTEUR
(1) DUPLESSY (J), Les monnaies françaises royales de Hugues Capet à louis XVI, t. 1, Paris, 1988. (2) LEGRAND (M), «Essais sur les monnaies d’Étampes», extrait de la Revue Numismatique, Paris, 1912, p. 236. (3) LE BLANC, Traité historique des monnaies de France, Paris, 1669. (4) LELEWEL (J), Numismatique du moyen âge, Paris 1835, t. II, p.156. (5) DEPOINT (J), «La chevalerie Étampoise. Les chevaliers et les vicomtes d’Étampes sous Philippe I et Louis VI» dans le Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix, II (1909), pp. 73 et suivantes. (6) DUBY (G), L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, Manchecourt, 1977, t. 1. (7) DUBY (G), op. cit., t. 2, p. 58. (8) FLEUREAU (Dom Basile), Les antiquitez d’Estampes, Paris, 1683, pp. 367 & 370. (9) DUPLESSY (J), Les trésors monétaires médiévaux et modernes découverts en France, t. 1, Paris, BNF, 1985. |
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Source: pièces-jointes à un courriel de Gérard Niquet en date du dimanche 19 octobre 2003 12:20. Mise en page de Bernard Gineste, octobre 2003. |
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