Philibert de
Beaujeu évêque de Bethléem et vicaire général
de Sens
Institution à
Étampes d’une fête chômée de saint Basile
Étampes, 25 février
1543
A.
Introduction
Nous
rééditons ici une charte latine du XVIe siècle qui
ne nous est connue que par une édition imprimée de 1683. Elle
a été donnée à l’occasion du passage à
Étampes d’un personnage ecclésiastique important, Philibert
de Beaujeu, évêque de Bethléem, agissant en temps que
vicaire général de l’archevêque de Sens Louis de Bourbon.
A la demande du curé et des paroissiens
de Saint-Basile, on instaure une nouvelle fête chômée
que seront désormais tenus d’observer tous les Étampois, y compris
donc ceux des quatre autres paroisses, Notre-Dame, Saint-Pierre, Saint-Gilles
et Saint-Martin, à savoir le 14 juin, fête de saint Basile,
patron de l’église du même nom.
1) Contexte institutionnel de cette charte
Rappelons que, depuis des temps immémoriaux
et jusqu’à la Révolution française, la ville d’Étampes
a relevé du très vaste archidiocèse de Sens. L’archevêque
de Sens était tenu comme tout évêque de visiter régulièrement
toutes les chrétientés de son diocèse pour s’assurer
que la discipline catholique y était observée. Pour ce faire
il déléguait la plupart du temps divers personnages.
Il apparaît que la présente charte a
été promulguée à l’occasion de l’une de ces
visites, effectuée par Philibert de Beaujeu en temps que vicaire
général. Le vicaire général était le
second personnage d’un diocèse. En l’occurence Philibert de Beraujeu
était simultanément lui-même évêque, mais
d’un étrange diocèse, celui de Bethléem.
Après la chute du royaume de Jérusalem
puis la perte totale de la Terre sainte par les chrétiens, les diocèses
catholiques de cette région ne perdirent pas toute réalité
effective. Bethléem notamment avait été conquise par
Saladin en 1187. Cependant les papes continuèrent
à nommer des évêques de Bethléem. Ils résidaient
près de Clamecy dans l’Hôtel-Dieu de
Panthénor qui formait leur diocèse, enclavé dans celui
de Nevers, dans la province ecclésiastique de Sens. Ils n’étaient
pas pour autant suffragants de l’archidiocèse de Sens, et ils relevaient
directement du Saint-Siège (1). |
(1) Ce siège fut supprimé par le concordat
de 1801 en temps que siège résidentiel mais rétabli
en 1840 comme siège titulaire. Il est vacant depuis 1987.
|
Philippe
de Beaujeu appartenait à une noble famille
de Franche-Comté. Docteur en décret et
en théologie, il réussit à cumuler diverses charges ecclésiastiques,
dont le détail n’a pas ici d’intérêt. Retenons seulement
que Marie d’Albret, duchesse de Nevers, le choisit
en 1524 pour devenir le nouveau titulaire du diocèse de Bethléem,
nomination à laquelle donna effet le 12 septembre
1524 une bulle du pape Clément VII.
On savait déjà que Philibert de Beaujeu
avait cumulé cette charge d’évêque de Bethléem,
sans doute peu rémunératrice en elle-même, avec celle
de vicaire général d’Auxerre, au moins de 1530 à 1535.
Notre document permet d’établir qu’il était passé
ensuite vicaire général de l’archevêque de Sens.
C’est à ce titre en effet qu’il effectue une
visite de la chrétienté d’Étampes; pour autant, il
n’en est pas moins évêque lui-même, comme il le rappelle
même expressément en soulignant que certains des privilèges
spirituels qu’il accorde à l’église de Saint-Basile d’Étampes
le sont à ce titre et de sa propre initiative.
|
|
2) Sur la date de cette charte
a)
La date de 1508 donnée pour cette charte par Fleureau et par le
texte même qu’il édite sans donner sa source, est nécessairement
fausse. En effet Philibert de Beaujeau s’y déclare évêque
de Bethléem et vicaire général de l’archevêque
de Sens Louis de Bourbon. Or Philibert de Beaujeu n’a été
évêque
de Bethléem qu’à partir
de 1524 (1), et Louis de Bourbon n’est devenu
archevêque de Sens qu’en 1536 (2).
La charte est donc postérieure à 1536.
|
(1)
Bulle de Clément VII du 12
septembre éditée par la Gallia Christiana, tome 12, col. 241-242
(ici).
(2) Gallia Christiana, tome 12, col. 92..
|
b) On ne sait pas quand
précisément est mort Philibert de Beaujeu. Il est encore
signalé comme vivant par une pièce de procédure en
date du 1er juillet 1548 (3). Cependant
nous voyons le 10 février 1555 le duc de Nevers François de
Clèves lui désigner pour successeur un certain Dominique Flélin
(4). Par ailleurs les membres d’un chapitre
qu’il avait fondé sans en demander l’autorisation de son vivant la
demandèrent à son supérieur ecclésiastique le
13 juillet 1556, ce qui appuie l’idée que notre évêque
était mort à la fin de 1554 ou au début de 1555. Notre
charte est donc bien nécessairement antérieure à
1555.
|
(3) AD 21 E 1374, selon Jules Bertin, «La vérité
sur Philibert de Beaujeu», in Bulletin de la Société nivernaise
des lettres, sciences et arts 21 (1906), p. 396, note 3.
(4) Gallia Christiana,
tome 12, col. 695
|
c) Par ailleurs Philibert de Beaujeu se déclare encore
abbé de Saint-Sever lors de la rédaction de notre charte, alors
qu’en 1545 on lui trouve sur ce siège pour successeur un certain Jean
de la Rochefoucaut (5). La charte est donc plus précisément
antérieure à 1545.
d) A quelle date Philibert de Beaujeu a-t-il
été vicaire général de l’archevêque de
Sens? Il est cité comme vicaire
général de l’évêque d’Auxerre de 1530
à 1535 (6).
Par ailleurs le vicaire général de Sens
est encore le 18 mai 1538 un certain
Jean de Salazar, neveu de l’ancien
évêque de Sens Tristan de Salazar: il entérine à
cette date une transaction entre la municipalité d’Étampes
et le maître de l’Hôtel-Dieu et accorde à cette occasion
l’autorisation de quêter dans toutes les paroisses en faveur de cet
établissement, en l’assortissant de quarante jours d’indulgence à
ceux qui donneraient des aumônes (7).
Que savons-nous de ce Jean de Salazar? Il ne
faut surtout pas le confondre avec un Jean de Salazar son cousin et homonyme,
mort en 1529 abbé de Morigny (8). Cet
autre neveu de l’archevêque Tristan de Salazar était déjà
vicaire général de Sens en 1532. Il fut d’ailleurs élu
archevêque par le chapitre en 1535 (9).
Mais il ne fut pas pour autant investi de cette charge parce que François
Ier imposa au dit chapitre un autre évêque que celui qu’il
avait élu, à savoir Louis de Bourbon, qui fut accepté
par le pape le 13 août 1535, et qui entra en charge le 22 janvier 1536
(10). Jean de Salazar mourut selon la Gallia Christiana le 6 des calendes
de décembre 1539, c’est-à-dire le 26 novembre 1539 (11).
Il est
vrai qu’il n’y a pas d’impossibilité théorique à l’existence
de plusieurs vicaires gérénaux spécialement dans un
diocèse d’une aussi grande étendue que celui de Sens. Mais nous n’en avons pas trace par ailleurs, et il paraît
difficile que s’ils étaient deux, ils se soient tous deux occupés
simulanément de l’archidiaconé d’Étampes.
C’est pourquoi on est naturellement porté
à croire que notre charte est postérieure à la mort
de Jean de Salazar survenue à la fin de 1539. Le passage de Philibert
de Beaujeu à Étampes en temps que vicaire général
de l’archevêque de Sens Louis de Melun est donc à situer entre
1539 et 1545.
|
(5)
Pierre Daniel Du Buisson (v.1639-1684),
Historiae monasterii S. Severi libri X, auctore D. Petro
Daniele Du Buisson. Tomus secundus, Vicojulii ad Aturem, L. Dehez,
1876, p.92 (ici): Joannes de Rupe-Fulcata. Le deuxième
successeur de Philibert est nommé par une bulle du 5 décembre
1553 (p.93).
(6)
Gallia Christiana, tome 12,
col, et Bertin, op. cit., p. 395.
(7) Fleureau, Antiquitez, p.414
(8) Fleureau, Antiquitez,
p. 548-549.
(9) Gallia Christiana, tome 12, col. 154.
(10) Gallia Christiana, tome
12, col. 93.
(11) Gallia Christiana, tome 12, col. 154.
|
e) Comment faut-il donc corriger le texte que nous a
transmis Fleureau, selon lequel la charte daterait de MCCCCCVIII, 1508?
L’hypothèse la plus économique est sans
nul doute qu’on aura lu par erreur viii, 8 au lieu
de xlii, 42, et que le texte original portait MCCCCCXLII, 1542.
|
|
f) Il faut de plus observer que la date de notre charte
est donné en ancien style, où l’année commence à
Pâques, d’où il s’ensuit que notre charte daterait en réalité,
non pas du 25 février 1542, mais 1543.
|
|
3) Intérêt de cette charte pour l’histoire locale
a) Contexte archéologique
On remarquera pour finir que cette date de février
1543 s’accorde assez bien avec les résultats des recherches archéologiques
les plus récentes sur l’église de Saint-Basile. Cette charte
en effet manifeste le souci de trouver de nouveaux financements, au-delà
même de la paroisse de Saint-Basile, qui était pourtant la
plus aisée de la ville. Cela suppose de pressants besoins d’argent,
qui ne peuvent guère s’expliquer que par l’existence d’un chantier
en cours, ou en projet.
|
|
Julie Aycart, dans une étude récente (11), basée
essentiellement sur la recherche d’indices stylistiques, arrive à
la conclusion que la reconstruction et les agrandissements de l’église
Saint-Basile après la guerre de Cent Ans se sont opérés
en quatre campagnes successives, la première vers 1480, la seconde
vers 1510, la troisième vers 1540 (semblant se terminer avant 1541),
et la dernière, inachevée, vers 1550.
La visite de Philibert de Beaujeu que nous proposons
de dater de février 1543, semble avoir eu lieu après la troisième
de ces campagnes, à un moment où le clergé local est
à la recherche de nouvelles sources de financement pour un projet
ambitieux d’agrandissement qui peinera à débuter et sera d’ailleurs
abandonné en cours de route, comme l’indique une incription toujours
en place sur le mur extérieur du chevet inachevé, place Romanet:
Faxit Deus perficiar. 1559, «Fasse Dieu que je sois achevée, 1559». |
(12)
Julie AYCART, «Saint-Basile d’Etampes de la fin du Moyen Âge
à la Renaissance. 1450-1550», in Élise BAILLEUL [dir.],
Art et architecture à Etampes au Moyen Âge,
Chamarande, Société historique et archéologique de
l’Essone et du Hurepoix, 2010, pp. 179-198.
|
La redatation
de cette charte n’est pas sans intérêt ni conséquence
pour l’histoire locale d’Étampes, à une période encore
peu étudiée et mal connue, à savoir pendant la période
de reconstruction et de prospérité croissante qui sépare
la fin de la Guerre de Cent ans et la nouvelle catastrophe que constituèrent
les guerres de religion.
b) Un reflet du rayonnement de la paroisse Saint-Basile
On sait que la paroisse Saint-Basile constituait
alors très nettement le quartier le plus aisé de la ville,
où résidaient nombre de commercants et d’officiers. Depuis
la génération précédente l’église était
en reconstruction, et les chantiers semblent s’être succédés.
L’institution d’une nouvelle fête chômée pour toute la
ville le jour de la saint Basile reflète sans nul doute cette nouvelle
prééminence.
|
|
On ne connaît pas à cette heure avec certitude le
clergé de Saint-Basile pendant cette période (13).
Mais on remarquera au passage qu’aucun autre dignitaire
ecclésiastique extérieur à la paroisse ne semble s’être
associé à la demande du curé et des paroissiens de
Saint-Basile en faveur d’une nouvelle fête chômée obligeant
désormais tous les Étampois; on ne signale même pas
la vénération que porterait l’ensemble des Étampois
à ce saint évêque docteur de l’Église; ni encore
même la seule présence d’autres curés ou religieux Étampois
lors de la promulgation de cette ordonnance, qui pourtant eut lieu à
Étampes même. Que faut-il en penser? Il est toujours délicat
et imprudent de tirer argument du silence des sources, a silentio.
Pour autant il faut bien noter ce que nous rapporte ensuite Fleureau, à
savoir qu’au début du XVIIe siècle encore le curé de
Saint-Gilles refuse obstinément d’observer cette ordonnance et que
le clergé de Saint-Basile doit aller jusque devant le tribunal ecclésiastique
de l’officialité de Sens pour l’y contraindre (14): ce n’est pas l’indice d’un enthousiasme général...
Chacun prêche pour son saint... Il n’est pas
question ici de remettre en cause la sincérité du curé
et des paroissiens de Saint-Basile dans leur dévotion à leur
saint patron. Pour autant on est bien forcé de ne mettre en rapport
ce coup de force spirituel avec la situation de prééminence
sociale de ce quartier.
Cette affaire n’a pas qu’une dimension sociale, mais
aussi économique, non moins indubitable. Car on essaie aussi très
visiblement, par cette initiative, de solliciter et de stimuler la générosité
de tous les Étampois, afin de financer un chantier auquel celle des
seuls paroissiens de Saint-Basile, pourtant les plus fortunés de
la ville, ne semble plus suffire.
c) Un exemple du controversé commerce des indulgences
à Étampes
En effet, pour encourager les fidèles à
célébrer effectivement cette nouvelle fête chômée,
à visiter à cette occasion l’église Saint-Basile, voir
y faire des offrandes, on leur accorde des indulgences.
Selon la doctrine catholique, Jésus est venu
sauver tous les hommes des conséquences de leurs péchés
et les arracher à la damnation éternelle. La rémission
des péchés est gratuite et manifestée par la grâce
du sacrement de pénitence. Il n’en reste pas moins que les fautes
qui ont été commises doivent être réparées.
Cette réparation, si elle n’est pas effectuée dès ici-bas
le sera après la mort et avant l’accès à la béatitude
céleste sous la forme d’une période de souffrances purificatrices
appelée purgatoire.
Le successeur de saint-Pierre, ayant reçu le privièges
de lier et de délier, aurait le pouvoir d’abréger cette épreuve.
Il lui serait donc loisible de déterminer et même de décider
par quelle pratique dévote les croyants peuvent s’affranchir des peines
temporelles réclamées par la justice divine, sans en exclure
les offrandes qu’ils pourraient faire à l’église. Le pape Jules II, le premier, avait décrété
en 1507 une indulgence destinée à financer la reconstruction
de la basilique Saint-Pierre de Rome, institution confirmée en 1511
puis 1515 par son successeur Léon X.
C’est dans ce cadre que
Tristan de Salazar accorde, au nom de l’archevêque de Sens,
quarante jours d’indulgence «à tous
les chrétiens véritablement pénitents et confessés, ou ayant l’intention de se confesser, qui célébreront
la fête du dit saint Basile, qui s’abstiendront de tout travail,
visiteront avec dévotion l’église du dit lieu le dit jour,
et donneront par dévotion une partie des biens
dont Dieu leur a dotés».
Par ailleurs les évêques
ont pouvoir d’affranchir les fidèles des pénitences variées plus ou moins pénibles que leur auraient
infligées leurs confesseurs avant de leur accorder l’absolution de
leurs péchés, et de les remplacer par telle ou telle autre
pratique dévote de leur choix.
C’est dans cet autre cadre que Philibert de Beaujeu
ajoute de son propre chef, «de par [l’autorité] qui nous a été conférée
par le saint Siège apostolique du fait de notre dignité épiscopale,
quarante autres jours des pénitences qui leur
auront été infligées».
Cette remise est accordée en l’occurrence à «tous ceux
qui assisteront et participeront aux services généraux
qui se feront chaque année dans la dite église par décision
du curé et des proviseurs de la dite église de Saint-Basile
quatre fois ou davantage autant qu’il leur plaira, en intercédant
pour les âmes des fidèles défunts en disant le Requiescant
in pace». Il s’agit
cette fois d’assister à des services célébrés
dans l’église Saint-Basile en faveur des âmes du Purgatoire. |
(13)
Lors de la rédaction de la Coustume d’Estampes en 1556 est
cité expréssement: maistre Pierre Payan prêtre, Curé
de l’Eglise parrochial S. Basile dudit Estampes présent. Pour la
période antérieure, on dispose du nom de plusieurs prêtres
censitaires de Longchamp de de 1529 à 1541, mais sans certitude qu’il
s’agisse de curé ou de vicaires de Saint-Basile: messire Jehan
Desmazis dit aussi parfois de Souris (Souzy?) (1529-1540), messire
Michel Gouvet (1530-1537), messire Pierre Johannes (1534-1540),
messire Messire Pierre Loreau (1538-1540); sont aussi
cités, mais à part de ce groupe, messire Regnault Leroux
ou plutôt Le Coup (1529-1540), et messire
Jehan Cancien Boutet (1538-1539).
(14) Fleureau, Antiquitez,
p. 410: «Damien Doulcet, Curé de l’Eglise de saint Gilles ayant
contrevenu à cette Ordonnance de la celebration de la Fête
de saint Basile, il luy fut, par Sentence renduë en l’Officialité
de Sens, l’an 1611. le 29. jour d’Avril, enjoint de la garder, & de
la faire aussi garder par ses Paroissiens.»
|
Par ces
nouvelles incitations sipirituelles, il est clair qu’on a dégagé
en quelques années de nouveaux moyens financiers qui ont permis
de reprendre le chantier. Cependant, ainsi que le note justement Fleureau
(14), «les charités de ceux qui avoient fait cette entreprise
n’ayant pas continué, elle est demeurée imparfaite pour étre
parachevée quand il plaira à Dieu. Faxit
Deus ut perficiar (15). Ces parolles sont
écrites au bout de l’ouvrage avec l’année 1559. que l’on
a cessé d’y travailler».
|
(14) Antiquitez,
p. 400.
(15) On notera que le
texte réel ne porte pas la conjonction ut (ceci dit contre
Fleureau), et qu’il porte bien le subjonctif passif perficiar (ceci
dit contre Julie Eckart qui a transcrit perficiare).
|
2) Texte et traduction de cette charte
Texte latin
donné par Fleureau (1683)
|
Traduction proposée par B. G. (2012)
|
Philibertus de Beaujeu Dei, & sanctæ sedis gratie
Episcopus Bethlemitanus, Monasterii sancti Severi, Ordinis sancti Benedicti
Abbas commendatarius. Necnon Reverendißimi in Christo Patris Domini
Ludovici tituli sanctæ Sabinæ Romanæ Ecclesiæ Presbyteri
Cardinalis de Borbonio, Archiepiscopi Senonensis, Galliarum, & Germaniæ
Primatis in spiritualibus, & temporalibus Vicarius Generalis,
|
Philibert de Beaujeu, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège
évêque de Bethléem, abbé commendataire du
monastère de Saint-Sever de l’ordre de saint Benoît, ainsi
que vicaire général du révérendissime père
dans le Seigneur monseigneur Louis de Bourdon, cardinal-prêtre
du titre de l’église romaine de Sainte-Sabine, archevêque
de Sens et primat des Gaules et de la Germanie en matières spirituelles
comme temporelles |
dilectis nostris in Christo Curatis Ecclesiarum Parrochialium
Beatæ Mariæ, sanctorum Basilii, Ægidii, Petri, &
Martini de Stampis, Præfatæ Senonensis Diœcesis, salutem
in Domino sempiternam.
|
à nos chers fils dans le Christ les curés des
églises paroissiales de Notre-Dame, Saint-Basile, Saint-Gilles,
Saint-Pierre et Saint-Martin, du susdit diocèse d’Étampes,
salut éternel dans le Seigneur.
|
Libenter
ea concedimus quæ ad populi devotionem, & Christi fidelium
salutem fore conspicimus opportuna.
|
Nous
concédons volontiers ce dont nous voyons que cela sera utile à
la dévotion du peuple et au salut des chrétiens.
|
Cum igitur dilecti nostri Curatus & Parochiani Ecclesiæ
sancti Basilii de Stampis, devotione moti, nobis supplicaverint, ut festum
dicti S. Basilii, quod die decima quarta Iunii celebratur, & à
Christi fidelibus singulis annis tanquam die Dominico celebrari facere
vellemus & dignaremur. |
Or donc nos chers curé et paroissiens de l’église
de Saint-Basile d’Étampes, par dévotion, nous ont supplié
de bien vouloir et daigner faire en sorte que la fête du dit saint
Basile, qui est célébrée le quatorzième
jour du mois de juin, soit aussi célébrée par les
chrétiens chaque année comme un dimanche.
|
Nos igitur attendentes ejusdem S. Basilii virtutes, et merita,
ipsorumque Curati, & Parochianorum devotionem, eorum præcibus,
& supplicationibus favorabiliter annuentes, vobis, & vestrum
cuilibet in virtute sanctæ Obedientiæ districtè præcipientes,
mandamus, auctoritate dicti R. quatenus hujusmodi festum S. Basilii
populo vobis commisso, singulis annis tanquam die Dominico indicetis
celebrandum, vosque celebretis, & festivetis nonobstantibus quibuscumque
synodalibus statutis.
|
Nous donc, considérant les vertus et les mérites,
la dévotion des dits curé et paroissiens, accédant
favorablement à leur requête et prière, nous vous
ordonnons, en le prescrivant strictement à chacun d’entre vous
en vertu de la sainte obéissance, par l’autorité du dit
Révérendissime [archevêque], que vous indiquiez au
peuple qui vous est confié qu’il faut célébrer chaque
année cette fête de saint Basile comme un dimanche, et que
vous la célébriez et la fêtiez, nonobstant quelques
statuts synodaux que ce soient.
|
Quòd ut libentiùs faciatis, de omnipotenti
Dei misericordia, & Beatißimæ Virginis Mariæ ejus
Genitricis SS. Petri, & Pauli Apost. ejus, sancti Stephani Protomartyris
Patroni Senonensis meritis, interceßionibus confisi,
|
Et pour que vous le fassiez plus volontiers, par un effet de la miséricorde de Dieu tout-puissant,
confiants que nous sommes dans les mérites et les prières
de sa mère la très sainte Vierge Marie, des saint apôtres
Pierre et Paul et de notre saint patron le protomartyr Étienne,
|
omnibus Christi fidelibus verè pœnitentibus, &
confeßis, aut propositum confitendi habentibus, festum dicti sancti
Basilii celebrantibus, & ab omni opere cessantibus, Ecclesiamque dicti
loci, eadem die, devotè visitantibus, ac de bonis sibi Deo collatis
aliquid secundum devotionem suam erogantibus |
à tous les chrétiens véritablement
pénitents et confessés, ou ayant
l’intention de se confesser, qui célébreront la fête
du dit saint Basile, qui s’abstiendront de tout travail, visiteront avec
dévotion l’église du dit lieu le dit jour, et donneront par
dévotion une partie des biens dont Dieu leur
a dotés, |
quadraginta
dies indulgentiarum, auctoritate ejusdem R. Domini nostrâque, nobis
ratione nostri Episcopatus à sancta Sede Apostolica indulta,
alios quadraginta dies de injunctis sibi pænitentiis misericorditer
in Domino relaxamus.
|
nous leur
remettons miséricordieusement quarante jours d’indulgences, de par
l’autorité du dit révérendissime seigneur [archevêque];
et, de par celle qui nous a été conférée par
le saint Siège apostolique du fait de notre dignité épiscopale,
quarante autres jours des pénitences qui
leur auront été infligées. |
Item spirituali gratia omnibus qui servitiis generalibus,
qui in eadem Ecclesia annuatim secundùm deliberationem Curati,
& provisorum eiusdem Ecclesiæ sancti Basilii quater aut pluries
pro eodem beneplacito fient, astiterint, & interfuerint devotè,
intercedendo pro defunctorum fidelium animabus, dicendo Requiescant
in pace, alios quadraginta dies, auctoritate dicti Reverendißimi
concedimus, ut per hæc, & alia, quæ ipsi, Domino fecerint,
æternæ beatitudinis præmia valeant promeriri.
|
En outre, en récompense spirituelle pour tous ceux
qui assisteront et participeront aux services généraux qui
se feront chaque année dans la dite église par décision
du curé et des proviseurs de la dite église de Saint-Basile
quatre fois ou davantage autant qu’il leur plaira, en intercédant
pour les âmes des fidèles défunts en disant le Requiescant
in pace, nous leur accordons quarante autres jours par l’autorité
du dit révérendissime, pour qu’ils puissent, par ces actions,
et par d’autres qu’ils accompliront d’eux-mêmes pour le Seigneur, mériter
les récompenses de la béatitude éternelle.
|
Actum in cursu visitationis generalis præfatæ
[p.411] Senonensis
Diœcesis, in dicto loco de Stampis, sub sigillo Cameræ dicti
Reverendißimi Domini, die XXV. mensis Februarii, anno Domini
MCCCCCVIII [à corriger en: MCCCCCXXXVIII (B.G.)]
|
Fait au cours de la visite générale du dit diocèse
de Sens, au dit lieu d’Étampes, sous le sceau de la chambre du
dit révérendissime seigneur, le 25 du mois de février
[donc avant Pâques]
de l’an du Seigneur 1538 [c’est-à-dire,
en nouveau style, 1539].
|
signatum super plicam, Buchier de mandato præfati Domini
Episcopi Betlhemitani, Vicarii, sub appensione serica viridis coloris
in duabus capsulis ferreis.
|
Signé sur le pli: Buchier, mandaté par le susdit
monseigneur évêque de Bethléem, vicaire; avec un
fil de soie de couleur verte passant dans deux capsules de fer-blanc.
|
|
ANNEXE
3
Jules Bertin (1906)
La vérité
sur Philibert de Beaujeu évêque de Bethléem
Bulletin de la Société
nivernaise des lettres, sciences et arts 21 (1906), pp. 393-.
LA VÉRITÉ
SUR PHILIBERT DE BEAUJEU
ÉVÊQUE DE BETHLÉEM
Et les différentes familles
du nom de Beaujeu
Qui se rencontrèrent dans
le Nivernais et l’Auxerrois
AUX XVe ET XVIe SIÈCLES
|
|
Les
recherches auxquelles j’ai dû me livrer pour réunir les documents
de l’histoire généalogique de la Maison de Beau jeu-sur- Saône
(1), m’ont
permis de faire la lumière complète sur Philibert de Beaujeu,
évêque de Bethléem, dont s’étaient occupés
les historiens du Nivernais, mais sans vouloir se décider à
sortir de l’incertitude relativement à son origine.
Cette particularité reconnaissait deux
causes principales. La première était sans contredit l’idée
préconçue que l’évêque ne pouvait avoir que d’illustres
ancêtres. La seconde, en apparence plus sérieuse, était
l’existence dans la même région, par une coincidence singulière,
de plusieurs familles du nom de Beaujeu, qui, détail non moins extraordinaire,
possédaient des terres et des fiefs relevant des mêmes châtellenies,
situés [p.394] souvent dans les mêmes localités et, par conséquent,
pour ainsi dire communs.
|
(1)
Les deux premières parties ont paru dans le Bulletin de la
Société d’agriculture, sciences et arts de la Haute-Saone,
1901 et 1902. La troisième a été imprimée dans
les Mémoires de la Société bourguignonne
de géographie et d’histoire, 1903-1904.
|
Cela pouvait donc à la rigueur, et jusqu’à un certain
point, amener une confusion, mais elle ne pouvait être que passagère,
et il était facile de sortir de cette indécision, avec un examen
sérieux et dénué de tout parti pris.
Comme une de ces familles n’était autre
qu’une branche de la Maison de Beaujeu de Franche-Comté, il m’a
fallu naturellement les étudier toutes, et il m’a paru intéressant
et utile de réunir dans un même mémoire les documents
que j’ai recueillis sur elles. Cela fera mieux ressortir leur situation
respective, leur différence d’origine, et permettra ainsi d’éviter,
pour l’avenir, les hésitations pour ne pas dire les erreurs de nos
devanciers.
Dans le nombre des personnages remarquables fournis
par la Maison de Beaujeu-sur-Saône ( 1), un des plus importants
est certainement Philibert de Beaujeu, évoque de Bethléem
(2). Religieux
de Saint-Bénigne de Dijon, puis de Saint-Germain d’Auxerre, il était
grand prieur de ce monastère, en 1522. Il fut, à la même
époque, gouverneur d’Auxerre avec Edme Morlon, licencié en
droit, et Hugues de la Faye, marchand (3). Docteur en décret et en théologie,
il devint conseiller, aumônier ordinaire et maître des requêtes
de la reine Eléonore d’Autriche, sœur de l’empereur Charles-Quint et
deuxième femme du roi de France, François 1er. [p.395] Abbé de Saint-Séverin
d’Aire et de la Fère, au duché de Guyenne, il fut désigné
par Marie d’Albret, duchesse de Nevers, pour succéder à Martin
Dulcis, comme évêque de Bethléem. La bulle du pape Clément
VII est du 12 septembre 1524.
Il administra l’Eglise de Langres, en 1526, pour
Martin Boudet, puis ensuite pour Claude de Longwy, plus connu sous le nom
de cardinal de Givry, qu’il remplaça dans la consécration
de l’église Saint-Michel de Dijon, le 8 décembre 1529. Il
était suffragant et vicaire général de l’évêque
d’Auxerre, François de Dinteville, en 1530, 1531, 1534, 1535, et,
le 16 avril 1538, il promulgua la bulle du pape Paul III, pour la sécularisation
de l’abbaye de Vézelay.
|
(1)
Beaujeu-sur-Saône, canton de Fresne-Saint-Mamès, arrondissement
de Gray (Haute-Saône).
(2) On sait que l’hôpital
de Pantenor, à Clamecy, donné par le comte Guillaume, remplaça
l’évèché de Bethléem en Terre Sainte, supprimé
après la prise de Jérusalem.
(3) LEBEUF, Histoire
d’Auxerre, t. III, p. 386.
|
Il suppléa aussi l’évéque d’Autun, Jacques Hurault,
dans plusieurs circonstances. Le dimanche ler juillet 1548, il assistait
à l’entrée du roi Henri II à Dijon, et était
présent à Saint-Bénigne, lorsque ce prince, à
genoux devant le maître-autel, prêtait serment de respecter les
libertés de la ville (1).
On avait donc lieu de croire que cet illustre prélat
était bien connu et qu’il ne pouvait subsister aucune obscurité
sur son origine et sur sa famille. Il n’en était rien cependant.
La Gallia Christiana, et, après elle, les écrivains
du Nivernais qui se sont occupés de l’évêché
de Bethléem, ont fait descendre Philibert des sires de Beaujeu, qu’ils
ont même appelés «les princes» de Beaujeu, en Beaujolais
( 2). [p.396]
Or, Philibert de Beaujeu était fils de Jean
II de Beaujeu, seigneur de Chazeuil, et de N. de Montjeu. Il était
le neveu de François de Beaujen, chambrier de Saint-Bénigne
de Dijon et abbé de Saint-Germain d’Auxerre, et il est donné
comme tel lorsqu’il est novice à Saint-Bénigne, en 1532, et
que son oncle paie pour lui la tasse et la cuiller réglementaires
(1). C’est
son oncle qui l’emmena à Auxerre et le nomma grand prieur de son abbaye.
|
(1)
Registre des délibérations de la commune de Dijon, 1548, p.
330-331.
(2) Cette Maison
tirait son nom de la petite ville de Beaujeu, dans le département
du Rhône. Elle remonte à Béraud Ier, qui vivait en
950, et dont la postérité masculine finit avec Guihard V,
fils d’Humbert V, connétable de France. Guichard, décédé
le 9 mai 1265, était sans enfant de Blanche de Châlon, fille
de Jean l’Antique et de Mahaut de Bourgogne. Il laissa sa succession à
son neveu Louis, deuxième fils de sa sœur [p.396]
Isabelle et de Renaud, comte de Forez, son second mari. Louis releva le
nom et les armes de Beaujeu, et ses descendants formèrent la branche
des seigneurs de Beaujeu-Forez. (V. MORERI, ANSELME, Officiers de la
couronne.)
(1) Archives de la
Côte-d’Or, H, 8.
|
Le 9 juillet 1525, avec son oncle, il servait de caution pour le paiement
de la pension, lorsque son frère, Jean III, faisait entrer au couvent
de Saint-Julien Marie Lenormand, fille de Jeanne le Rotier, sa première
femme (2).
Philibert fut tuteur des enfants de son frère,
après la mort de ce dernier, en 1546, et dut, en cette qualité,
poursuivre le procès relatif à la justice de Chazeuil, que
son frère avait entamé contre ses coseigneurs pour résister
à leur empiètement. Il est alors désigné,
avec son titre d’évêque de Bethléem, dans les pièces
de la procédure qu’il dirigeait pour ses neveux, et notamment dans
les significations d’arrêt et d’appel des 19 février, ler et
3 mars 1547, et l1 juillet 1548 ( 3).
Par conséquent, il n’y a pas de doute possible
sur son identité. Mais si ces documents précis n’étaient
pas connus des auteurs en question, néanmoins il leur eut été
facile d’éviter l’erreur par le simple examen des armoiries de l’évêque.
Les sires de Beaujeu-Forez portaient «d’or
au lion [p.397] de sable armé et lampassé de gueules, au lambel
de même àcinq pendants».
|
(2) Archives de l’Yonne,
E, 488.
(3) Archives de la Côle-d’Or,
E, 1374.
|
Les armes de Philibert de Beaujeu, bien connues par plusieurs pièces
et sceaux (1), et qui se voient encore aujourd’hui, avec les émaux,
dans un tableau provenant de la chapelle du château de Verrey-sous-Drée
(2), et déposé
au musée de la Commission des antiquités de la Côte-d’Or,
étaient «écartelées, au premier et quatrième,
burelé d’argent et de gueules de dix pièces; au deuxième
et troisième, d’azur au sautoir d’or accompagné de quatre
étoiles de même».
C’étaient les armes de la famille de Beaujeu-sur-Saône
ou Beaujeu de Franche-Comté, écartelées, selon la coutume,
de celles de la mère de l’évéque de Bethléem.
On a donc le droit de s’étonner de l’erreur
commise et qui n’a pas d’autre cause, on doit le répéter,
que la présence, en même temps, dans la même contrée,
de plusieurs personnages du nom de Beaujeu, mais dont les familles ne pouvaient
pas être confondues, si on avait pris la peine de vérifier
leur blason.
Ces différents personnages possédaient,
il est vrai, des fiefs relevant des mêmes châtellenies, mais
c’est une coïncidence qui n’a rien d’extraordinaire puisqu’ils habitaient
la même région.
|
(1)
Voir Louis CHEVALIER, Histoire de l’Evêché de Bethléem.
(2) Archives de la
Côte-d Or, B1, 932, n°45. Verrey-sous-Drée, canton de Sombernon,
arrondissement de Dijon (Côte-d’Or). Philibert de Beaujeu avait consacré
la chapelle du château, le 3 juillet 1547, avec l’autorisation du
cardinal de Givry, évéque de Langres, et le tableau était
destiné a en conserver le souvenir.
|
En 1533-1534, Philibert de Beaujeu, seigneur de Lignières (3), dernier représentant
des Beaujeu-Forez, [p.398] et Claude de Beaujeu, seigneur de la Maisonfort (1), de la famille de Beaujeu-sur-Saône
et frère de l’évêque de Bethléem, possédaient
dans la châtellenie de Donzy (2), le premier, Ormeaux et Villiers le
second, la forêt de Lormes (3). Dans la châtellenie de Saint-Verain (4), Philibert avait la
dime de la Forest Claude, les terres de Villiers et d’Argenoul, et Louis
de Montaigne-Sallazart, au nom de Catherine de Beaujeu-Montcoquier, sa mère,
reprenait de fief pour la seigneurie d’Asnois (5).
Bien plus, les ancêtres de Catherine d’Amboise,
la femme de Philibert de Beaujeu-Lignières, tenaient la Maisonfort
en même temps que Jean des Ulmes, l’aïeul de Marie des Ulmes,
qui apporta cette terre à Claude de Beaujeu.
Il est certain qu’on a voulu voir là le
résultat de partages de famille d’où on a conclu à
une parenté, et on en a admis les conséquences sans preuve,
ni contrôle.
Philibert de Beaujeu-Lignières et l’évêque
de Bethléem portaient le même prénom. C’est encore une
coïncidence singulière, si l’on veut, mais rien de plus. Il
aurait même pu arriver que, par suite du voisinage et dans le désir
des parents d’avoir un protecteur puissant, Philibert de Beaujeu-Lignières
fut le parrain de [p.399] l’évêque, plus jeune que lui mais cela n’eût
pas pu être invoqué comme preuve de parenté.
|
(3)
Lignières, chef lieu de canton, arrondissement de Saint-Amand-Montrond
(Cher).
(1) Maisonfort, dépendance
de la commune de Bitry, canton de Saint-Amand-en-Puisjje, arrondissement
de Cosne (Nièvre). Le château, sur une motte entourée
de fossés, au nord de Bitry, était un hexagone régulier
datant du XIVe siècle et formé de courtines et de corps de
logis, avec des tours rondes aux angles. Il ne reste que le corps de logis
du nord avec ses deux tours, le tout remanié à la Renaissance,
et quelques vestiges des autres constructions. Les murs avaient deux mètres
d’épaisseur. (Répertoire archéologique de la Nièvre,
par le Cte de SOULTRAIT, t. II, p. 122. A la page 71, se trouve une vue du
château avant sa ruine).
(2) Donzy, chef-lieu
de canton, arrondissement de Cosne (Nièvre).
(3) Abbé DE
MAROLLES Inventaire des titres de Nevers, col. 565.
(4) Saint-Verain,
canton de Saint-Amand, arrondissement de Cosne (Nièvre).
(5) Asnois, canton
de Tannay, arrondissement de Clamecy (Nièvre).
|
En somme,
lorsque Philibert de Beaujeu était évêque de Bethléem,
il existait dans le Nivernais et la région voisine trois familles
portant le nom de Beaujeu les Beaujeu-Chazeuil, branche des Beaujeu de Franche-Comté
et auxquels appartenait le prélat les Beaujeu-Maisonfort, qui en
étaient un rameau, et les Beaujeu-Lignières.
Une quatrième, celle des Beaujeu du Colombier
ou de Montcoquier, s’était éteinte à la fin du XVe
siècle, mais son dernier représentant, Catherine de Beaujeu,
mariée le 6 juin 1496, à Louis de Sallazart, vivait encore
en 1549.
Ces quatre familles se rattachaient, deux par
deux, aux Beaujeu du Beaujolais et aux Beaujeu de Franche-Comté.
Les plus anciens dans le Nivernais étaient
les Beaujeu-Forez qui étaient représentés par les
seigneurs de Lignières et les seigneurs d’Asnois ou du Colombier.
Beaujeu-Forez
I
BEAUJEU-LIGNIÈRES
Guillaume de Beaujeu, seigneur d’Amplepuis (1), deuxième fils de Guichard et de Jeanne
de Château-villain, sa troisième femme, fut gouverneur du Berry,
en 1337. [p.400]
( 1) Amplepuis, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Villefranche
(Rhône).
Son fils, Edouard, avait épousé Jacqueline
de Lignières ( 1), dont Jacques de Beaujeu, seigneur d’Amplepuis et de Lignières,
marié à Jaquette des Ursins, fille de Guillaume Jouvenel des
Ursins, baron de Trainel, chancelier de France. Leur fils, Philibert de
Beaujeu. seigneur d’Amplepuis et de Lignières, chambellan du roi François
Ier, mourut-en 1542 et ne laissa pas de postérité (2). Le 10 novembre 1501,
il avait épousé Catherine d’Amboise (3), veuve de Christophe
de Tournon [p.401] et qui convola en troisièmes noces avec Louis de Clèves,
comte d’Auxerre.
II
BEAUJEU DU COLOMBIER OU BEAUJEU-MONTCOQUIER (1)
Guillaume de Beaujeu, seigneur d’Amplepuis, avait
un frère, Robert, qui épousa Agnès (alias Alix) de
Vienne, dame de Chaudenay (2). Outre leur fils
aîné, Guichard, seigneur de Joux-sur-Tarare (3) et de Saint-Bonnet-en-Bresse (4), ils eurent un fils, Jean. Le P. Anselme, qui
le signale, dit « qu’on n’en trouve que le nom» (5).
Mais, à ce moment, un Jean de Beaujeu était
chambellan du roi et échanson du duc de Berry, et son fils, Pierre,
fut marié à Marguerite de la Palice (6). [p.402]
Les seigneurs de Beaujeu-sur-Saône, vassaux
des sires de Vergy et de Ray, et arrière-vassaux du duc de Bourgogne,
ne pouvaient prétendre au titre de chambellan du roi et à une
alliance avec les la Palice (1).
Ce Jean ne peut donc être que le fils de
Robert de Beaujeu et d’Agnès de Vienne. Dans tous les cas, il était
de la Maison de Beaujeu-Forez, car il avait dans ses armes un lion que les
Sallazart ont reproduit dans leur écu (2).
|
(1)
Lignières, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Saint-Amand-Montrond
(Cher). La famille de ce nom portait «d’or, au chef de vair, au
lion de gueules couronné d’or brochant sur le tout».
(2) Sa succession
arriva aux Choiseul et en particulier à Antoine, baron de Lanques,
fils de Philibert de Choiseul, baron de Lanques, et d’Anne-Marguerite de
Sully, laquelle était fille de Guillaume de Sully et de Marguerite
de Beaujeu, fille d’Edouard et de Jacqueline de Lignières et par conséquent
sœur de Philibert de Beaujeu-Lignières.
Or, Antoine de Choiseul, baron de Lanques, marié
à Anne de Ray, était seigneur de Beaujeu-sur-Saône,
et son fils Christophe, seigneur de Chamarande, épousa Charlotte,
fille de Jean III de la branche de Beaujeu-Volon. (Histoire généalogique
de la Maison de Beaujeu-sur-Saône, 2e partie, p. 50. – Voir archives
de la Côte-d’Or, recueil de Peincedé, t. XXIX, p. 386. Voir
tableau I).
(3) L’Inventaire
des titres de Nevers de l’abbé de Marolles, col. 304, cite une
Catherine d’Amboise, dame de la Maisonfort, en 1435. Elle descendait de
Hugues d’Amboise, seigneur de Chaumont-sur-Loire, deuxième fils de
Jean II d’Amboise, et qui épousa, en 1304, Anne dite Jeanne de Saint-Verain,
fille unique de Hugues de Saint Verain et de Jeanne de Mello, dont il avait
eu:
1° Jean d’Amboise, seigneur de Saint-Verain,
tué à Crécy en 1316
2° Hugues, seigneur de la Maisonfort et de
Langeron, qui laissa, d’Isabeau de Bussj, une fille unique, Annette d Ainboùe,
dame de la Maisonfort, et femme de Guillaume Guenand, seigneur des Bordes.
Jean eut un fils du nom de Hugues, marié à Anne de Saint-Verain,
sa cousine, dont: 1° Isabeau d’Amboise, mariée à Guy d’Aigreville,
seigneur de Monceaux; 2° Catherine, femme de: 1° Charles de Villaines;
2° Pierre de Chandio, gouverneur d’Auxerre. (LEBEUF, t. III, p. 568).
— Voir tableau III.
Catherine avait eu la Maisonfort, mais elle l’avait
abandonnée à ses neveux, Jean et Philippe d’Aigreville, fils
de sa sœur Isabeau. Jean II [p.401] saisir
la Maisonfort «que prétendait avoir Jean des Ulmes et dans
laquelle il avait fait résistance, quoiqu’il ne pût prétendre
qu’à la troisième partie» (Inventaire de Nevers,
col. 304).
En 1435, Philippe d’Aigreville, au nom el comme
procureur d’Isabeau d’Amboise, sa mère, dame d’Aigreville, Asnois
et Saint-Verain en partie, avait repris de fief pour ces seigneuries. (Ib.,
col. 303).
(1) Montcoquier était
un fief près de Verneuil (canton de Decize, arrondissement de Nevers)
relevant des ducs de Bourbon. On y voit encore les ruines d’un château
du XIIIe siècle. Selon Paillol, les armes des Montcoquier étaient
«de sable à trois fleurs de lys d’or, au chef abaissé,
ondé de même» (Cf. Cte DE SORNAY, Épigraphie
héraldique de la Nièvre. – In. Revue historique nobiliaire,
etc., t. XVI, 1879, p. 103-104).
(2) Elle était
fille de Guillaume de Vienne, seigneur de Rouans, et de Claudine de Chaudenay
(canton de Chagny, arrondissement de Châlon (Saône-et-Loire).
Elle était, par conséquent, la sœur de l’amiral Jean de
Vienne, qui, ne craignant pas d’aller attaquer les Anglais dans leur île,
pratiquait une descente en Écosse, en 1385. ( V. Amiral J. de Vienne,
par le Ms DE LORAY).
(3) Joux, canton
de Tarare, arrondissement de Villefranche (Rhône).
(4) Saint-Bonnet-en-Bresse,
canton de Pierre, arrondissement de Louhans (Saône et-Loire).
(5) Grands officiers
de la couronne, t. VI.
(6) MAROLLES: Inventaire
de Nevers, col. 688.
(1) La Palisse, chef-lieu
d’arrondissement (Allier). Les Chabannes-La-Palice ont donné Jacques
II, maréchal de France, tué à Pavie en 1525. Antoine
de Chabannes, comte de Dammartin, était à la tête des
Écorcheurs, avec les deux bâtards de Bourbon. Il avait embrassé
le parti du dauphin, lors de la Praguerie condamné à mort,
il fut gracié et devint, sous Louis XI, grand-maître de France
et chevalier des ordres du roi.
(2) Inventaire
de Nevers, col. 32.
|
Née
de la Rochelle, dans ses Mémoires pour servir à l’histoire
du Nivernais et du Donziois (1747), le reconnaît comme fils de
Robert. Il en est de même de M. Sonnié-Moret (3), d’après les titres
du château d’Asnois. Quoi qu’il en soit, Jean de Beaujeu était
marié à Isabeau de Saint-Verain, dame d Asnois, en 1401, et
son beau-frère, Jean IV de Saint- Verain, échanson comme
lui du duc de Berry, lui vendait, le mercredi 3 août de cette année,
6 francs de rente pour 100 francs (4). Le
5 juin 1403, il lui cédait le château d’Asnois (5), et, le 21 novembre 1407, Regnaut Dubois, écuyer,
seigneur de Bretaine, avouait tenir en fief de noble et puissant [p.403] seigneur Jean du
Colombier, chevalier, seigneur de Montcoquier et d’Asnois, la terre de Beugnon
(1).
|
(3) Bulletin de
la Societé nivernaise, 1869, p. 425. Notice sur la suite chronologique
des anciens seigneurs d Asnois, depuis 1258 manuscrit du XVIIIe siècle,
dressé sur les titres du château d’Asnois, par M. Ant. Deffant
de la Roche, procureur fiscal desdites seigneurie et prévôté.
Vol. in-folio de 500 pages.
(4 et 5) Ibid. Inventaire de Marolles, col. 686,
687, 688.
(1) Inventaire de
Nevers, col. 677, 678. Beugnon, commune de Corbigny, arrondissement
de Clamecy (Nièvre).
|
Isabeau
de Saint-Verain fit son testament en 1419, et laissa un fils, Pierre de
Beaujeu, auquel le roi de France, Charles VII, faisait don, en 1430, de 60
livres pour les pertes subies à son service (2). |
(2)
Inventaire de Nevers, col. 687.
|
Pierre,
le 30 avril 1439, fait un traité, à propos du four, avec les
habitants d’Asnois. En 1453, Pierre de Beaujeu, dit du Colombier, écuyer
d’écurie du roi, seigneur de Montcoquier et d’Asnois, remplit son
devoir féodal pour son château de Sarys-sur-Yonne (3). Son testament est du 14 juillet 1462 (4), et, le 1er septembre, Marguerite de la Palice,
sa veuve, donne le dénombrement de sa terre d’Asnois au nom de ses
enfants Blain ou Blenet, Jean, Jean, Ponthus, Marie, Perronelle (5).
Le 29 mai 1467, Jean
de Beaujeu, dit du Colombier, l’aîné, et Jean le jeune, frères,
font hommage chacun pour un cinquième de la seigneurie d’Asnois.
Le 6 juin 1469, Blenet et Jean le jsune acquittent la dot de leur sœur Marie,
tant en leur nom qu’au nom de leur mère.
Blenet avait épousé Catherine de
Chamilly, dite de Tanlay, le 4 mars 1453 (6).
Sa fille, Jeanne, fut mariée à Jean des Vignes, en 1471.
|
(3)
Ibid., col. 113.
(4, 5, 6) Ibid., col.
688.
|
Loup
de Beaujeu, dit du Colombier et de Montcoquier, seigneur d’Asnois, fils
de Blain et de Marguerite de Chamilly, épousa Catherine Gast, au
château de Cremaulx en Forez, le 17 juin 1483 (7). [p.404]
|
(7)
Ibid. col, 691.
|
Le 6 juin 1496, mariage de Catherine de Beaujeu-Montcoquier, fille
de Loup, seigneur d’Asnois, et de Catherine Gast, avec Louis de Montaignes-Sallazart,
auquel elle porte un cinquième de la seigneurie d’Asnois.
C’est Catherine de Beaujeu-Montcoquier qui vendit
Tanlay (1), le 30 avril 1535, à Louise
de Montmorency, femme de Gaspard de Coligny, maréchal de France,
le père du célèbre amiral Gaspard de Coligny. Elle testa
le 25 octobre 1549. Un de ses fils, Claude, fut tonsuré par Philibert
de Beaujeu, évêque de Bethléem, le 22 mai 1534 (2). |
(1)
Inventaire de Nevers, col. 691. Louis II de Moritaignes-Sallazart,
fils de Louis Ier, ambassadeur en Suisse pour le roi, signait une quittante
de 1.800 livres pour ses frais d’ambassade, le 30 janvier 1556. Son sceau
portait au 1er et 4e de Sallazart, c’est-à-dire de gueules à
cinq étoiles d’or 2, 1 et 2; au 2e et 3e: d’or, semé de cinq
feuilles de chêne de sable, qui sont les armes de Montcoquier, et,
sur le tont, le lion de Beaujeu-Forez. Le comte de Sornay, dans son Épigraphie
héraldique de la Nièvre, donne aux Montcoquier, d’après
Paillot de sable à 3 fleurs de lys d’or, au chef abaissé ondé
de même. (Voir la note 1 de la page 13).
(2) Bibl. nat., col.
Gaignieres, n° 658, page 50. (Communiqué par M. Louis Chevalier).
|
Beaujeu de Franche-Comté.
I.
BRANCHE DE CHAZEUIL (3)
|
(3)
Chazeuil, canton de Selongey, arrondissement de Dijon (Cote-d’Or).
|
Après l’extinction de la branche ainée de la maison
de Beaujeu-sur-Saône, au milieu du XIVe siècle, il restait une
branche cadette ayant aussi son fief à Beaujeu. Son rôle avait
été un peu effacé par l’éclat de la branche aînée,
mais elle finit par s’élever à une illustration extraordinaire.
[p.405]
Outre Philibert de Beaujeu, évêque
de Bethléem, et François de Beaujeu, abbé de Saint-Germain
d’Auxerre, elle a donné un abbé de Corneux au diocèse
de Besançon, un abbé de Mureaux au diocèse de Toul,
plusieurs chevaliers de Malte, parmi lesquels un grand-prieur de Champagne,
qui représentait en France le grand-maître de l’ordre un ambassadeur
du duc de Mantoue en Hongrie, des lieutenants-généraux, brigadiers-généraux,
maréchaux de camp, mestres de camp et colonels de dragons, etc.,
un gouverneur des Invalides et jusqu’à des chambellans et des capitaines
des gardes de l’empereur d’Allemagne Charles VII et de son fils, l’Electeur
Maximilien de Bavière ( 1).
La tige principale restée à Beaujeu
est plus connue sous le nom de Beaujeu-Volon. Elle a fourni deux rameaux
secondaires, celui de Montot et celui de Chazeuil.
Ce dernier, qui nous intéresse plus particulièrement,
a pris naissance au xve siècle.
Jean II de Beaujeu, marié à Mathiote
de Queutrey, laissait deux fils Thibaut l’aîné, qui continua
la lignée à Beaujeu, et Jean.
|
(1)
Alexandre-Nicolas-Joseph, Louis-Nicolas-François et Charles Raymond,
tous les trois fils de Chartes-Louis de Beaujeu, lieutenant-colonel du
régiment de Flandres, firent partie du corps d’armée enrolé
par Louis XV, en 1741, apres la mort de l’empereur Charles VII, pour toutenir
la candidature de l’Électeur de Bavière. A la suite du couronnement
de ce prince â Francfort, le 24 janvier 1742, les trois frères
furent nommés chambellans, et Louis-Nicolas-François devint
capitaine des gardes du corps, par brevet donné a Munich le 28 avril
1743. Il épousa une Kinski, d’une famille princière qui existe
encore. Alexandre-Nicolas-Joseph s’etait marié à Marie-Jeanne
de Franken, baronne du Saint-Empire. (Cf. Les Beaujeu de Franche-Comté
dans le duché de Bourgogne, l’Auxerrois, et., p. 135 et suivantes).
|
A.
— Jean, marié, en 1428,
à Catherine de Charmes, sœur de Thierry de Charmes, capitaine de
Dijon, [p.406] épousa en secondes noces Marguerite de Vaite, dame en partie
de Chazeuil. Ayant, peu après, le 17 juillet 1446, acheté la
portion de son beau-frère, Gauthier de Vaite, moyennant 54 francs
et 9 gros (1), il devint ainsi le principal seigneur de ce village, que ses
descendants possédèrent pendant cent cinquante ans, pour devenir
ensuite possesseurs de fiefs dans l’Auxerrois, le Tonnerrois, le Nivernais,
la Champagne, etc.
|
(1) Chazeuil avait été
brûlé par les Ecorcheurs quelques années auparavant.
|
Jean de Beaujeu, seigneur de Chazeuil, n’avait de son premier mariage
qu’une fille, Guillemette, qui épousa Martin de Sacquenay (
2).
Marguerite de Vaite lui donna:
1° Jean II;
2° François, abbé de Saint-Germain
d’Auxerre et chambrier de Saint-Bénigne de Dijon;
3° Guillaume, aumônier de Saint-Bénigne;
4°, 5°, 6° Trois fils morts dans l’expédition
de Charles VIII en Italie, pendant les années 1494, 1495.
|
(2) Sacquenay, canton
de Fontaine-Française, arrondissement de Dijon. La famille de ce
nom eut plusieurs alliances avec celle de Beaujeu.
|
B. — Jean II de Beaujeu, seigneur de Chazeuil, etc., fut nommé
par son frère, François, capitaine de Moustier-en-Puisaye,
château dépendant de l’abbaye de Saint-Germain, et c’est ainsi
qu’il fut amené dans cette région.
Il mourut en 1522, laissant veuve sa seconde femme,
Catherine de Saint-Mauris ( 3), de la maison, encore existante, de Saint-Mauris-Châtenois,
en Comté. [p.407]
Il avait eu de sa première femme, N. de Montjeu:
1° Jean III;
2° Claude, seigneur de la Maisonfort;
3° PHILIBERT, évêque DE BETHLÉEM;
4° Antoine, religieux de Saint-Bénigne
et de Saint-Germain d’Auxerre. Il fut chambrier de Saint-Bénigne,
après son oncle François, et procéda à l’inventaire
des biens de l’abbaye de Saint-Germain, comme vicaire du nouvel abbé,
Louis de Lorraine, au décès de François de Beaujeu,
le 5 novembre 1539.
C. — Jean III de Beaujeu, seigneur de Chazeuil, Jauge (1), Vincelotte (2), etc.,
était appelé Jean de Beaujeu le jeune, avant le décès
de son père.
En 1522, il retenait des chanoines d’Auxerre une
maison située rue de la Parcheminerie. Il était alors [p.408] marié à
Jeanne le Rotier, veuve de Jacques Lenormand et fille d’Henri le Rotier,
valet de chambre du roi, gouverneur d’Auxerre, et de Pernette de Thiard (1).
|
(3)
Le marquis P. de Saint-Mauris, dans la généalogie de sa famille,
fait naître Philibert de Catherine de Saint-Mauris, tout en reconnaissant
qu’elle n’épousa Jean II de Beaujeu qu’en 1514. Or, Philibert était
déjà novice à Saint-Bénigne eu 1502.
D’Hozier lui donne pour mère Jeanne le
Rotier; mais c’est une erreur [p.407] démontrée
par les armoiries de Philibert, qui sont martelées d un sautoir d’or
cantonné de quatre étoiles de même sur champ d’azur,
tandis que les armoiries des Rolier sont un emmanché de quatre pièces,
comme il est facile de s’en assurer par un sceau conservé aux archives
de la Cote-d’Or (B, 350, cote 97), et qui se trouve au bas d’une quittance
d’Edme le Rotier, le frère de Jeanne.
D’un autre côté, pour pouvoir être
la mère de Philibert, déjà novice à Saint-Bénigne
en 1502, Jeanne eut dû se marier fort jeune, car elle est mineure
à la mort de son père, le 27 mai 1493 (compte de Jean Riboteau,
1493, f°88, arch. de la Côte-d’Or, recueil de Peincedé,
t. XXII, p. 901) et avant d’epouser un Jean de Beaujeu, elle fut conjointe
à Jacques Lenormand, dont elle eut une fille, Marie.
D’après la généalogie de
la maison de Saint- Mauris, qui, sur ce point, paraît très bien
renseignée, Jean II, le père de Philibert, est mort en 1521,
laissant veuve Catherine de Saint-Mauris, sa seconde femme, alors
que Jeanne le Rotier, qui aurait été sa première femme,
était encore vivante. En effet, elle mourut seulement en 1525, comme
il est dit dans le traité qui fut fait pour l’entrée de Marie
Lenormand, sa fille, au couvent de Saint-Julien d’Auxerre, le 8 juillet de
cette année (Arch. de l’Yonne, E, 488).
(1) Jauge, canton de
Saint-Florentin, arrondissement de Tonnerre (Yonne).
(2) Vincelotte, canton
de Coulanges-la-Vineuse, arrondissement d’Amerre.
(1) Pernette de Thiard
était fille de Jean Thiard, seigneur de Mont-Saint-Sulpice et gouverneur
d’Auxerre, en 1476, après Tristan de Touloujon. (LEBEUF, Histoire
d’Auxerre, t. III, p. 351).
|
Elle
lui avait apporté en dot le tiers de la seigneurie de Jauge. II
acheta les deux autres tiers, en 1524, après le décès
de François du Brouillard (2), et cette terre devint l’apanage de
l’aîné de ses enfants.
Jeanne le Rotier trépassa en 1525, laissant
une fille, Marie Lenormand, qui entra, le 8 juillet de cette année,
au couvent de Saint-Julien. Jean de Beaujeu, son beau-père, avec
la caution de François de Beaujeu, abbé de Saint-Germain,
et de Philibert de Beaujeu, évêque de Bethléem, s’engageait
vis-à-vis du monastère à payer chaque année
la somme de seize livres tournois assignées sur la justice de Chevroches
(3), sans
préjudice du trousseau, dont le détail est donné dans
le même acte (4).
En 1527, Jean de Beaujeu était lieutenant
du gouverneur et bailli d’Auxerre, nommé de Boissy (5), et il venait d’épouser,
le 19 décembre 1526, Gilberte de Beaurepaire, fille de Jean, seigneur
du Chesne, avec laquelle il fut parrain, en 1529, d’une cloche qui existe
encore dans l’église de Chazeuil.
Jean III de Beaujeu mourut en 1546, laissant ses
enfants sous la tutelle de son frère Philibert, évêque
de Bethléem, ainsi qualifié dans les pièces de la
procédure qu’il dirigeait pour ses neveux relativement à
la justice de Chazeuil (6). [p.409]
|
(2)
Archives de l’Yonne, H, 1477.
(3) Chevroches, canton
de Clamecy (Nièvre).
(4) Archives de l’Yonne,
E, 488.
(5) Abbé LEBEUF,
Histoire d’Auxerre, t. III, p. 397.
(6) Archives de la
Côte-d’Or, E, 1374.
|
Gilberte
de Beaurepaire lui survécut jusqu’en 1585. Elle lui avait donné
1° François l’aîné, seigneur
de Jauge, dont les descendants continuèrent le rameau de ce nom;
2° Jean IV, le puîné, qui continua
les seigneurs de Chazeuil;
3° Philibert, novice à l’abbaye de
Bèze, en 1536;
4° Paul, seigneur de Villiers-Vineux (1), qui forma la branche
de Villiers;
5° Jeanne, morte jeune;
6° Elyon, décédé sans
postérité;
7° Claude, auteur de la branche d’Augeville,
Montréal et Mézilles-en-Puisaye (2), qui fournit les derniers
représentants de la maison de Beaujeu-sur-Saône;
8° Hardy, sans alliance;
9° François, reçu chevalier
de Malte en 1566 (3).
|
(1)
Villiers Vineux, canton de Flogny, arrondissement de Tonnerre (Yonne).
(2) Canton de Saint-Fargeau,
arrondissement de Joigny (Yonne).
(3) Abbé VERTOT,
Histoire de l’ordre de Malte.
|
II
SEIGNEURS DE BEAUJEU DE LA MAISONFORT (4)
Claude de Beaujeu, fils, comme l’évêque
de Bethléem, de Jean II, seigneur de Chazeuil, devint seigneur de
la Maisonfort par son mariage avec Marie des Ulmes, fille de Jean des Ulmes,
seigneur de la [p.410] Maisonfort (1), et de Christine de Blosset. Marie était veuve de Jacques
de Giverlay (2), avec lequel et Christine de Blosset, sa mère, elle vendait,
le 19 avril 1518, avant Pâques, à Jacques de Veilhan, la
seigneurie de Michaugues, dépendant de Nevers, à cause de
la châtellenie de Montenoison (3).
Claude de Beaujeu, le 14 octobre 1523, avait donné
son consentement pour l’établissement du bailliage d’Auxerre ( 4). Il est dit seigneur
de la Maisonfort, Bitry, Argenou et Chacenay (5), et paraît pour
Marie des Ulmes, sa femme.
En 1533, il faisait son hommage pour la forêt
de Lormes, dépendant de la châtellenie de Donzy, et pour Villiers
et Argenou relevant de Saint-Verain (6).
Le 28 mars 1537 (v. s.), par un traité auquel
se trouve encore attaché le sceau de son oncle François,
[p.411] abbé de Saint-Germain, Claude prenait à bail perpétuel
deux arpens de vignes à Irancy (1), moyennant le cens annuel de 20 sols
tournois (2).
Claude habitait, à Auxerre, une maison située
dans un passage appelé, depuis ce temps, le passage de la Maisonfort.
Il y mourut en 1541, et fut inhumé dans
l’église de Saint-Germain. Le 24 février 1542, Marie des
Ulmes, sa veuve, fondait un service pour son anniversaire et celui de Catherine
de Blosset, sa mère (3).
De Marie des Ulmes, Claude laissait les enfants
suivants
1° René;
2° Edmée, mariée à Adrien
du Chesnais, seigneur de Longueron (4). Après sa mort, en 1585, ses
biens furent saisis pour défaut d’hommage de la part de ses héritiers
(5);
3° Jacqueline, mariée à Philippe
de Prévost.
Elles étaient veuves toutes les deux, le
25 octobre 1576, lorsqu’elles assistaient au mariage de Mary du Puys, fils
de feu René du Puys et de Claudine de Prévost, avec Esmée
d’Assue, fille de Louis d’Assue, écuyer, seigneur de Chastenay-le-Vieil,
et de Louise de Canson (6).
|
(4)
Maisonfort. (Voir la note 1 de la page 398).
(1) Les des Ulmes possédaient
une partie de la Maisonfort depuis le commencement du xve siècle.
Jean des Ulmes, en 1435, «avait fait résistance dans la place
de la Maisonfoit, ou il ne pouvait prétendre qu’à la troisième
partie».
Jean des Ulmes, le 24 mars 1464, assistait avec
plusieurs chevaliers à un hommage du comte d’Auxerre envers l’évéque.
(Abbé LEBEUF, Histoire d’Auxerre, t. I, p. 531), En septembre
1493, un Jean des Ulmes, seigneur de la Maisonfort, recevait de Jean Riboteau,
trésorier général en Bourgogne, ses gages pour le service
du roi. (Arch. de la Côte-d’Or, Peincedé, t. XXII, p. 903).
Le 15 octobre 1511, Perrot des Ulmes, ayant procuration
de son fière Jean, seigneur de la Maisonfort, avait rempli les devoirs
féodaux. (Inv. de Nevers, col. 683). Jean était encore
vivant en 1517. (Ibid., col. 179). Les des Ulmes portaient de sinople,
au lion morné d’argent. Mais, selon M. de Soullrait, une quittance
donnée par Jean des Ulmes, en 1438, et conservée à
la Bibliothèque nationale, aurait un sceau pendant ou se verrait un
fascé avec un lion brochant sur le tout. (Armorial de la Nièvre,
t. Il, p. 220).
(2) Giverlais, canton
de Hérisson, arrondissement de Montluçon (Allier).
(3) Montenoison,
canton de Prémery, arrondissement de Cosne (Nièvre).
(4) Abbé
LEBEUF, t. III, p. 392.
(5) Chacenay, canton
d’Essoje, arrondissement de Bar-sur-Seine (Aube).
(6) Inventaire
de Nevers, col. 565, 566.
(1) Irancy, canton
de Coulange-la-Vineuse, arrondissement d’Auxerre (Yonne).
(2) Archives de l’Yonne,
H, 1134.
(3) Gallia Christiana,
t. XII.
(4) Longueron, commune
de Champlay, arrondissement et canton de Joigny (Yonne).
(5) Inventaire
de Nevers, col. 442.
(6) Ibid.,
col 723.
|
René
de Beaujeu, seigneur de la Maisonfort, Coternoul, Saint-Belin, etc., plaidait
à Gray, le vendredi [p.412] 6 mars 1555 (1) (v. s.), contre Guillaume de Beaujeu, seigneur de Volon, qui
était possesseur du fief de la famille à Beaujeu. René
avait dû conserver la part que son grand-père, Jean Ier de
Beaujeu, avait reçue au territoire de Beaujeu, et pour lequel Jean
II, son père, se disait seigneur dudit Beaujeu et de Chazeuil. René
était marié à Catherine de Florette, qui épousa
ensuite Antoine de Thibotot, seigneur de Ligny. Il était mort en 1575,
car, cette année-là, Catherine de Florette, se disant veuve,
reprenait de fief pour la Maisonfort et Bitry (2), en môme temps
qu’Edmée de Beaujeu, sa belle-sœur, pour les terres et seigneurie
d’Ouanne (3),
Argenoul (4)
et Cyez (5),
dont elle avait les deux tiers.
|
(1)
Archives de la Haute-Saône, B, 550.
(2) Archives de la
Côte-d’Or, recueil de Peincedé, t. XXVIII, p. 801.
(3) Ouanne, canton
de Courson, arrondissement d’Auxerre (Yonne).
(4) Argenou, commune
de Saint-Amand-en-Puisaye.
(5) Ciez, canton de
Donzy, arrondissement de Cosne (Nièvre).
|
De
Catherine de Florette, René avait eu:
1° Claude II;
2° Gilbert, qui reprend de fief, en 1588, avec
son frère Claude, pour la Maisonfort;
3° Esther, épouse de Gilles du Castel,
seigneur de Sichamps (6), auquel elle porte Ouanne et Chastenay-le-Bas (7). Le 9 juillet 1619, Gilles
du Castel, écuyer, se disant seigneur de Sichamps, Ouanne et Chastenay-le-Bas,
était parrain, à Ouanne, de Gilles Ducret, fils d’Antoine,
avocat au Parlement (8). Esther avait été marraine à Cravant (9), le 16 avril 1594 (10), avec Mte d’Amboise,
femme d’Olivier de Chastelux. Elle [p.413] et son mari étaient encore
vivants en 1624 et obtenaient le remboursement du droit d’éminage dans
la ville de Mâcon, qui avait été vendu, le 31 mai 1522,
à Philiberte Boulaise, dame de la Tour d’Orgelain, près Mâcon,
son arrière-grand’mère (1).
|
(6)
Sichamps, arrondissement de Cosne (Nièvre).
(7) Chastenay, canton
de Couison, arrondissement d’Auxerre (Yonne).
(8) Archives de l’Yonne,
GG, Inv. p.80, v. Ouanne.
(9) Cravant, canton
de Vermenton, arrondissement d’Auxerre.
(10) Archives de l’Yonne,
GG, Inventaire, p. 141, col. 2.
(1) Archives dela Cote-d’Or,
B, 1257 Peincedé, t. XVI, p. 405.
|
Claude
II de Beaujeu, seigneur de la Maisonfort, reprenait de fief pour cette
terre, en 1588, après la mort de sa mère (2).
Pendant la Ligue, en 1593, le château de
la Maisonfort fut investi par le duc de Nevers, qui vint avec cinq canons
et deux couleuvrines, et força la garnison à capituler le
25 avril (3).
En 1607, Claude faisait son hommage pour la Maisonfort,
Argenoul, la Sablonnière (4).
Il avait épousé Marthe de Rcgnault,
qui lui donna:
1° Elysée de Beaujeu, chevalier, seigneur
de la Maisonfort, marié, en 1620, à Rachel de Massy, et mort
peu après, laissant une fille posthume, Madeleine de Beaujeu, qui
ne vécut que peu d’années, et dont la succession échut,
en 1625, à sa tante Eléonore (5);
2° Eléonore de Beaujeu, mariée,
en 1624, à Gédéon du Bois des Cours, seigneur de Favières,
lieutenant de la compagnie de cent hommes d’armes de M. de Rosny. Il était
au siège de Mouzon, en 1653, en même temps que Claude-Paul
de Beaujeu, seigneur de Villiers (6), avec lequel Bussy cherchait à
lui faire avoir une querelle (7). [p.414]
C’est en faveur des descendants de Gédéon
que la Maisonfort fut érigée en marquisat par lettres patentes
du 7 novembre 1748 ( 1).
|
(2)
Inventaire de Nevers, col 566.
(3) Societé
des sciences de l’Yonne, t. XVIII, p. 235.
(4) Inventaire
de Nevers, col. 442.
(5) Comte DE SORNAY,
Épigraphie héraldique de la Nièvre,
dans la Revue historique, nobiliaire et biographique, t. XIII, 1876,
p. 197-199.
(6) Claude-Paul, mort
lieutenant-général au siège d’Arras, en 1654, était
petit-fils de Paul, qui fut l’auteur de la blanche de Villieis (Voir p.
21).
(7) Mémoires
de Bitssy-Rabutin, t. I, p. 483. Bussy était jaloux de Claude-Paul,
qui venait d’obtenir le grade de lieutenant-général.
(1) Armorial de
la Nièvre, par le comte DE SOULTRAIT, p. 154. Une généalogie
de la fdmille du Bois des Cours est imprimée dans le tome VII des
Archives généalogiques de la noblesse de
France.
|
En
résumé, par suite de circonstances particulières,
mais toutes naturelles, lorsque Philibert de Beaujeu était évêque
de Bethléem, les Beaujeu de Franche-Comté se trouvaient représentés
dans le Nivernais et l’Auxerrois, en même temps que les
Beaujeu-Forez, et cette singularité n’a pas été
sans embarrasser beaucoup ceux qui se sont occupés de l’histoire
de la région.
Les Beaujeu de Franche-Comté n’étaient
autres que Jean III de Beaujeu, seigneur de Chazeuil et de Jauge, et Claude
de Beaujeu, seigneur de la Maisonfort, tous les deux frères du prélat.
Du côté des Beaujeu-Forez, on trouvait
Philibert de Beaujeu, seigneur de Lignières et d’Amplepuis, et la
famille de Montaigne-Sallazart, héritière des Beaujeu-Montcoquier
ou du Colombier.
Portant le même nom, habitant la même
province, ces deux familles avaient des terres voisines et relevant de la
même châtellenie elles avaient même des fiefs ayant appartenu
aux unes avant d’arriver aux autres. La Maisonfort avait été
l’apanage des ancêtres de Catherine d’Amboise, la femme de Philibert
de Beaujeu-Lignières, avant de venir à Claude de Beaujeu,
par son mariage avec Marie des Ulmes.
Pouvait-on ne pas les confondre? [p.415]
Évidemment mais, pour cela, il ne fallait
pas perdre de vue leurs armoiries.
Surtout, il ne fallait pas attribuer indifféremment
au même personnage le lion des sires de Beaujeu-Forez et les burelles
des Beaujeu de Franche-Comté.
C’est cependant ce qui a été fait.
Dans l’Inventaire des titres de Nevers de l’abbé de Marolles,
par M. le comte de Soultrait, à la table des armoiries et au nom
de Beaujeu-Montcoquier, on renvoie aux colonnes 33, 679, 693, 695, 728.
Aux colonnes 33 et 693 sont bien décrites
les armes de Beaujeu-Forez avec un lion mais aux trois autres se trouvent
indiquées les armes de l’évêque de Bethléem.
Ce ne pouvait être cependant que les unes
ou les autres, mais pas indistinctement les unes et les autres. Naturellement,
l’erreur a été reproduite dans l’Armorial de la Nièvre
du même M. de Soultrait. Une confusion non moins singulière
se trouve dans l’Épigraphie héraldique de la Nièvre,
par M. le comte de Sornay (1). A la seigneurie d’Asnois, on lit: «La porte d’une tourelle
est décorée d’un écusson très fruste, sur lequel
nous avons pu distinguer un parti. et une fleur de lys surmontée
d’une fasce ondée. Cet écusson est celui des Beaujeu de Franche-Comté,
parti de Montcoquier, dont les armes, suivant Paillot, étaient de
sable à trois fleurs de lys d’or, au chef abaissé, ondé
de même (2) ». |
(1)
Revue historique, nobiliaire et biographique, t. XVI,
1877, p. 103, 1C4.
(2) Voir la note 1
de la page 401.
|
Un
écusson certainement très fruste, puisqu’on ne peut définir
le parti, lequel se trouve alors représenter les armes des Beaujeu
de Franche-Comté, uniquement [p.416] parce qu’il est accolé aux
armes des Montcoquier Mais il faudrait d’abord démontrer (ce qui n’est
pas possible) que les armes des Beaujeu-sur-Saône, c’est-à-dire
un burelé d’argent et de gueules de dix pièces, ont jamais
figuré sur le même écu avec les armes des Montcoquier!...
Dans la Semaine religieuse de Nevers du
11 octobre 1869, M. le Maistre, correspondant du Ministère de l’instruction
publique, donne de «nouveaux détails sur Philibert de Beaujeu,
évoque de Bethléem», où il est dit:
«Philibert de Beaujeu avait pris et portait
les armes des anciens seigneurs du Forez mais François de Beaujeu,
son oncle, abbé de Saint-Germain, était originaire de Franche-Comté
et portait des armes différentes.
«Il y avait une dame de Tanlay, Catherine
de Beaujeu-Montcoquier, dame d’Asnois, ceci est à noter, qui portait
comme François de Beaujeu et écartelait de Montcoquier.
«Nous avons eu pendant quatre siècles,
dans les environs de Tonnerre, des Beaujeu, seigneurs d’une foule de fiefs
qui portaient à peu près comme les seigneurs de Franche-Comté
ils écartelaient de Beaujeu-Forez, comme l’évêque de
Bethléem. Philibert de Beaujeu n’aurait-il pas pu être de cette
dernière maison?
«Cette discussion ne jette-t-elle pas une
grande incertitude sur l’origine de l’évêque de Bethléem,
doyen de Tonnerre?»
Après avoir écrit ce qui précède,
on ne saurait mieux conclure, et il est évident que plus on discuterait
de cette façon, plus on aurait chance de s’éloigner de la
vérité. [p.417]
Je le répète, il ne peut exister d’incertitude
sur la famille du prélat.
D’un autre côté, il n’avait pas pris
les armes des anciens seigneurs de Forez, et son oncle portait, comme
lui, burelé d’argent et de gueules de dix pièces, ainsi
qu’on peut le voir sur un sceau encore pendant à un titre conservé
aux archives de l’Yonne, dans la liasse H, 1134.
Pour les armes de Catherine de Beaujeu, dame de
Montcoquier, et descendant par conséquent des Beaujeu-Forez, elles
n’avaient et ne pouvaient avoir aucune ressemblance avec celles de François
de Beaujeu.
Quant aux Beaujeu des environs de Tonnerre, qui
résidèrent à Jauge et à Villiers-Vineux, ils
y restèrent deux et non quatre siècles. Ils
y arrivèrent après l’achat de Jauge, en 1524, par Jean III,
frère de l’évêque et neveu, comme lui, de François
de Beaujeu, abbé de Saint-Germain, et ils avaient définitivement
quitté le pays après la mort de Charles-Louis, en 1727. Primitivement,
ils ne portaient pas «à peu près (1)», mais absolument
comme les seigneurs de Franche-Comté, [p.418] dont ils tiraient
leur origine. C’est seulement dans le courant du xvne siècle qu’ils
eurent l’idée de modifier leur blason. Ils se contentèrent
alors d’un parti, c’est-à-dire qu’ils divisèrent l’écu
verticalement en deux, pour mettre à droite un lion debout (1), sans réfléchir
que s’ils fussent sortis du Beaujolais ils auraient pu porter les armes des
Beaujeu de cette province. Et même, comme la lignée était
éteinte, ils auraient eu le droit de relever les armes pleines, sans
la moindre brisure ou modification indiquant une branche cadette
ou collatérale.
|
(1)
Relativement à cet «à peu près», je ne
saurais trop dire et répéter que les pièces authentiques,
les sceaux que j’ai eus entre les mains portent tous, sans exception, burelé
de dix pièces.
Les tombes, que j’ai vues en grand nombre, portent
de même 10 burelles. En dehors de la Franche-Comté, quelques
tailleurs de pierre ou copistes ont pu ne pas comprendre l’importance des
10 burelles et diviser l’écu en un nombre variable. Dans le dixième
volume des Mémoires de la commission des antiquités de la
Côte-d’Or, le dessin de la tombe de Guillaume de Beaujeu, frère
de François, abbé de Saint-Germain d’Auverre, ne donne que
7 à 8 burelles.
De même, l’écusson sculpté
sur le fronton du caveau qui renfermait la sépulture de Philibert
de Beaujeu, à Clamecy, n’aurait que 8 burelles. Ce serait
à vérifier; mais s’il en est réellement ainsi, c’est
une faute ou une négligence de l’ouvrier, puisque les sceaux de
l’évêque qui devaient servir de ntndèle présentent
10 burelles.
A Beaujeu, Chazeuil, Mont-Saint-Léger,
Aroz, Vénère, Lavoncouit, Raucourt, les tombes ont toutes
10 burelles. Les reproductions des monuments [p.418]
funèbres de l’église de Monlot à la Bibliothèque
nationale montrent aussi 10 burelles.
A Chazeuil, sur la cloche fondue en 1529, avec
les armes de Jean III de Beaujeu, on peut compter 10 burelles, comme sur
les écussons que l’on voit encore sur les murs du château.
Il en est de même pour l’église de Jauge et la croix qui se
trouve toujours dans le milieu du village. J’ai donc lieu de croire qu’on
s’est trompé lorsqu’on a annoncé un nombie inférieur,
et ce qui me confirmerait encore davantage dans mon opinion, c’est que Peincedé
lui-même, l’auteur du remarquable recueil conservé aux archives
de la Côte-d’Or, n’a évidemment pas attaché d importance
aux divisions de l’écu. Pour les sceaux de Jean-Gauthier de Beaujeu,
de la branche de Mont-Saint-Léger, et ils sont nombreux, il dit que
l’écu est fascé de 8 pièces (t. XXIII, p. 289), et il
renvoie aux liasses B, 1058 et 407, dont les sceaux, au nombre de 6, présentent
tous un écu à 10 compartiments bien faciles à compter.
(1) J’en ai trouvé
la reproduction sur deux petits sceaux plaqués unis au bas d’une
lettre écrite, le 28 décembre 1628, aux maire et échevins
de la ville de Langres, par Paul-François de Beaujeu, de la branche
de Villieis-Vineux, capitaine-lieutenant de la compagnie de gendarmes du
duc de Mayenne. Il était à Baissey (canton de Longeau, arrondissement
de Langres), avec sa troupe, et il demandait qu’on lui fournit les vivres
nécessaires. (Archives de la ville de Langres, 1092).
Paul-François de Beaujeu était aussi
gentilhomme ordinaire de la chambre du duc d’Orléans, capitaine
des gardes du corps de Charles II de Gonzague, duc de Nevers et de Mantoue,
et son ambassadeut en Hongrie. Cela peut expliquer son désir de faire
meilleure figure.
|
Plus
tard, leurs cousins de Franche-Comté, de la branche de Montot, suivirent
l’exemple; mais ils adoptèrent quatre cantons, pour placer au 2e
et 3e le lion du Beaujolais avec son lambel à 5 pendants. [p.419]
Cela paraît d’autant plus singulier que dans
les églises de Beaujeu, d’Aroz (1), de Venère (2), Raucourt (3), et surtout de Montot
(4), les tombes
de leurs ancêtres, comme aussi celles plus récentes de Marc
de Beaujeu et de sa fille Françoise, morts tous les deux en 1614,
ne montraient que les 10 burelles primitives.
Quel fut le motif de cette détermination
quelque peu tardive ?
Il est facile à deviner, et tous ceux qui
ont dirigé leurs études de ce côté savent combien
de généalogies ont été faussées de cette
façon (5). C’est que si les grands n’ont jamais manqué de courtisans,
le simple gentilhomme lui-même a trouvé des complaisances pour
élever sa lignée au niveau des races les plus célèbres.
Ce fut du reste à cette époque que, sacrifiant à la
mode, les Beaujeu de l’Auxerrois se disaient d’abord barons, puis vicomtes,
comtes et enfin marquis [p.420] de Beaujeu (1). Ceux de Franche-Comté se qualifiaient barons avant de
prendre le titre de comte, dont ils se contentèrent.
Il est donc probable qu’ayant à produire
ses titres de noblesse pour obtenir un titre ou une fonction quelconque,
un de ces gentilshommes s’adressa à un généalogiste
qui, à bout de preuves, crut, sur la similitude de nom, pouvoir rattacher
ses clients à la maison du Beaujolais, éteinte depuis longtemps.
Le fait est hors de
doute pour ceux de Franche-Comté, dont la généalogie
imprimée (2) pour être présentée à M. de Caumartin,
intendant de la province en 1670, fut dressée par d’Hozier, qui
les fit descendre d’Humbert III et d’Auxilie de Savoie. C’est une erreur
que rien ne justifie et qui est démontrée par les documents
que j’ai recueillis et qui établissent la filiation de la maison de
Beau jeu-sur-Saône jusqu’à Ponce de Beaujeu, vivant en 1083.
|
(1)
Aroz, canton de Scey-sur-Saône, arrondissement de Vesoul (Haute-Saône).
Dans le chœur de la vieille église se trouvent la tombe de Louise
d Achez, femme de Claude de Beaujeu, seigneur de Montot, et celle de Catherine
de Gevigney, femme de Pierre II de Beaujeu, seigneur aussi de Montot.
(2) Vénère,
canton de Pesrnes, arrondissement de Gray, possède dans l’église
la tombe de Guillaume de Beaujeu et de Louise de Scey.
(3) Raucourt, commune
de Roche, canton de Dampieire-sur-Salon, arrondissement de Gray. Dans la
chapelle du ehàleau se voient plusieurs tombes, dont deux très
belles en demi-bosse, quoique couchées sur le sol. L’une d’elle est
celle de Françoise de Beaujeu, fille de Marc, seigneur de Montot,
et femme de François de Grachaut Elle mourut en 1614. Cette tombe
est reproduite à la planche IX de l’Histoire généalogique
de la maison de Beaujeu, 2e partie.
(4) Montot, canton
de Dampierre-sur-Salon, arrondissement de Gray.
(5) M. Jules Gauthier,
le savant archiviste du Doubs, qui vient de prendre, a Dijon, la succession
du regretté Joseph Garnier, a donné un exemple remarquable
dans le Bulletin de la Société d’émulation du Doubs,
1903, p. 186 et suivantes.
(1) Le premier que
l’on trouve qualifié de cette façon est Claude-Paul, le fils
de Paul-François, dont il est question a l note 1 de la page 30. Il
était alors mestre de camp d’un régiment de son nom qui faisait
campagne en Catalogne, en 1652, sous les ordres de Pierre Duban de la Feuillée,
son parent. Dans la procuration envoyée pour le mauage de sa sœur
Blaisine avec J.-B. Pitoizet d’Obtiée, Pierre Duban se dit «capitaine
major, commandant le régiment de M le marquis de Beaujeu»
(Archives de la Côte-d’Or, E, 43).
(2) Un exemplaire se
trouve aux archives de la Cote-d’Or, E, 73. Un autre existe aux archives
du Doubs.
|
Mais
si les Beaujeu de Franche-Comté ne descendaient pas des Beaujeu
du Beaujolais, il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’il
y avait eu, au XIVe siècle, entre les deux familles, une alliance
que d’Hozier a mentionnée dans sa généalogie. Cela
n’avait pas été sans lui donner une haute idée de
l’importance de la maison de Beaujeu-sur-Saône. Et comme il n’ignorait
sans doute pas qu’une alliance en amène souvent une [p.421] autre dans les
familles, comme le dit du Chesne (1), il a pu être de bonne foi dans son travail.
|
(1)
Histoire de la maison de Vergy, p. 112.
|
Quoi
qu’il en soit, Jeanne de Beaujeu-sur-Saône, fille unique de Joffroy,
le dernier représentant de la branche aînée, avait
épousé, en secondes noces, Louis de Beaujeu, seigneur d’Aloignet,
le frère de Guillaume, seigneur d’Amplepuis, auteur des Beaujeu-Lignières,
et de Robert, père de Jean, qui donna naissance aux seigneurs du Colombier
et de Montcoquier. C’est là encore, il faut le reconnaître,
une coïncidence assez curieuse et à rapprocher de celles dont
il a déjà été question.
On pourrait facilement admettre que ce mariage
avait été conclu avec l’intention de continuer ainsi le nom
de Beaujeu de Franche-Comté. On sait, en effet, qu’au moyen âge,
à l’extinction d’une race, le relèvement du nom et des armes
était le plus souvent imposé aux héritiers, quels qu’ils
fussent.
Malheureusement, Louis de Beaujeu ne laissa qu’une
fille, Antoinette, décédée sans enfant de son mariage
avec Jacques d’Arguel. Mais, en cas de descendance masculine, une confusion
inévitable se fût établie par la suite, et la similitude
du nom aurait fait croire que les ancêtres de Jeanne, eux aussi, étaient
d’une branche de la première famille de Beaujeu du Beaujolais. Cette
alliance des deux maisons de Beaujeu était à noter, surtout
après les curieuses coïncidences sur lesquelles j’ai appelé
plus haut l’attention, et dont on pourrait facilement multiplier les exemples.
Dans le nombre, il en est une qui mérite d’être signalée.
On a vu que Philibert de Beaujeu, seigneur d’Amplepuis
et de Lignières, était marié à Catherine d’Amboise,
fille de Charles d’Amboise, seigneur de Chaumont et grand-maître de
France, et sœur du [p.422] cardinal-évêque d’Albi. Or, la petite cousine de
cette dame, Françoise, fille d’Antoine de Clermont d’Amboise le jeune,
épousa Alexandre de Beaujeu, fils de Jean V, seigneur de Chazeuil,
et petit-neveu de Claude de Beaujeu, seigneur de la Maisonfort, et de l’évêque
de Bethléem.
|
|
Par
ce mariage, Alexandre de Beaujeu se trouvait allié aux plus nobles
maisons de France Chalon, Bourgogne, Choiseul, Baufïremont, Vergy, Pontailler,
Larochefoucaud, Lévis, Chiverny, Chevreuse, Albret, etc. Le frère
utérin du père de Françoise, Antoine de Croy, prince
de Porcien, étant mort sans enfant de Catherine de Clèves
(1), sa succession
fut réclamée en partie par Alexandre de Beaujeu, ses enfants
et petits-enfants mais elle devait retourner définitivement aux Clermont
d’Amboise, car une nouvelle alliance avait eu lieu entre les deux familles.
|
(1) Catherine de Clèves
épousa ensuite Henri de Guise, le balafré, et lui donna
quinze enfants.
|
Anne
de la Rochette, petite-fille d’Alexandre de Beaujeu, par sa mère,
Marguerite de Beaujeu, avait été mariée à François
de Clermont d’Amboise, sixième enfant de Louis II, marquis de Reynel,
et de Diane de Pontailler (2). Le 15 avril 1710, Nicolas de Beaujeu, capitaine de la compagnie
de gendarmes du duc d’Anjou (3), brigadier des armées du roi, gouverneur de Saint-Dizier,
et qui était aussi petit-fils d’Alexandre de Beaujeu, avait fait
un traité avec Louis d’Alsace, comte de Bossut, son cohéritier
de la ligne maternelle, [p.423] tant en son nom qu’en celui de sa cousine, Marie-Françoise-Justine
de Clermont d’Amboise, fille d’Anne de la Rochette. |
(2) Diane de Pontailler
était fille de Jean-Louis de Pontiiller, baron de Talmay, et d’Anne
de Vergy, sœur de Clériadus, dernier représentant de la famille
de Vergy et gouverneur de la Franche-Comté.
(3) Le duc d’Anjou,
fils du dauphin et petit-fils de Louis XIV, devint roi d’Espagne sous le
nom de Philippe V, par suite du testament de don Carlos, en 1700. Ce fut
lui qui commença la branche des Bourbon d Espagne.
|
Mais
l’affaire n’était pas réglée à la mort de Nicolas,
le 3 mai 1717, et, par son testament du 5 mai précédent, il
avait légué à Jean-Baptiste-Louis de Clermont d’Amboise,
marquis de Reynel, tous ses droits dans la succession d’Antoine de Croy,
prince de Porcien, «pour laquelle ils avaient un procès en
commun, contre Son Altesse Royale le duc d’Orléans et MM. les princes
de Chimay et d’Arenberg (1)».
|
(1)
Archives de la Haute Saône, E, 650.
|
CONCLUSION
Philibert de Beaujeu, évêque de
Bethléem, appartenait à la maison de Beaujeu de Franche-Comté,
branche de Chazeuil. S’il ne descendait pas des «princes»,
sa famille n’avait cependant pour ainsi dire rien à envier aux plus
illustres maisons, et comme ancienneté et comme alliances.
|
|
|