Corpus Latinum Stampense
 
Philippe VI le Bel
Don de Saint-Vrain à Régnault de B**
15 août 1304
     
Mention de Régnault de Bouray en 1304
Bouray, Saint-Vrain et Billy en 1756 (Carte de Cassini)
 
     Le 15 août 1304, dans un camp, lors de la campagne de Flandre, trois jours avant la grande victoire de Mons-en-Pélève, Philippe le Bel récompense de sa fidélité, et de celle de ces ancêtres, l’un de ses chevaliers, Régnault de Balvreto. Il lui cède à cet effet une demi-douzaine de fiefs tous situés à Saint-Vrain, et dont les tenanciers sont tous nommés: Raoul, Simon et Thomas de Saint-Vrain, Jean de Brie, Pierre de Courtebraie, Régnault d’Éscorchy et Jeanne de Saudreville.
     Tous nos remerciements à Dominique Bassière et Claudine Michaud, des Archives Départementales de l’Essonne, qui nous ont signalé et photocopié ce document à fin de déchiffrement et de traduction, dans le chartrier de Mesnil-Voisin, en cours d’inventaire.
Bernard Gineste, 29 octobre 2005

     Saisir des textes anciens est une tâche fastidieuse et il ne faut pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.

 
Philippe le Bel
Don de Saint-Vrain à Régnault de B**
15 août 1304, Flandre

     Philippus Dei gratia Francorum rex.
     Philippe*, par la grâce de Dieu roi des Francs.
     Notum facimus universis tam presentibus quam futuris quod nos feodum seu hommagium feodi quod Radulphus de Sancto Verano tenet a nobis apud Sanctum Veranum de Escorciaco in estimacione tringinta unius librarum et quinque solidorum parisiensium annui redditus in domanio; item feodum seu hommagium feodi quod Johannes de Bria armiger in estimacione novem librarum et quatuor solidorum; aliud feodum seu hommagium feodi quod Petrus de Curta Braya armiger in estimacione sex librarum et quindecim solidorum; aliud feodum quod Reginaldus de Escorciaco armiger in estimacione sexdecim librarum et sexdecim solidorum; aliud feodum quod Symon de Sancto Verano presbiter et Thomas eius frater in estimacione tringinta septem librarum; item et aliud feodum seu hommagium feodi quod domicella Johanna de Saudrevilla in estimacione valoris vinginti unius librarum et decem solidorum parisiensium annui redditus in domanio a nobis tenent ibidem; que omnia feoda de feodis nostris de Billiaco movencia estimantur valere in domanio circiter sexcies vinginti duas libras et decem solidos annui redditus et ad precium terre sex libras  duos solidos et sex denarios parisienses annui redditus vel circiter; dicto Reginaldo de Bolvreto militi nostro et eius heredibus ex suo proprio corpore procreatis legitime seu etiam procreandis, obtentu grati servicii quod idem Reginaldus et eius predecessores nobis et nostris predecessoribus, diu est, exhibuerunt fideliter, liberaliter et libenter, quodque idem miles adhuc nobis exhibet incessanter, in augmentacionem feodi quod sepedictus Reginaldus in dicta villa antea tenebat a nobis, tenore presencium concedimus et donamus.
     Nous faisons savoir à tous, tant présents qu’à venir que:
     (1) le fief ou hommage féodal que Raoul de Saint-Vrain tient de nous à Saint-Vrain d’Escorchy*, estimé à 31 livres et 5 sous parisis de revenu annuel en réserve seigneuriale (in domanio
*); (2) de même, le fief ou hommage féodal de Jean de Brie, écuyer, estimé à 9 livres et 4 sous; (3) un autre fief ou hommage féodal de Pierre de Courtebraie, écuyer, estimé à 6 livres et 15 sous; (4) un autre fief de Régnault d’Escorchy, écuyer, estimé à 16 livres et 16 sous; (5) un autre fief de Simon de Saint-Vrain, prêtre, et son frère Thomas, estimé 37 livres; (6) de même un autre fief ou hommage féodal de Mademoiselle Jeanne de Saudreville* estimé à une valeur de 21 livres et 10 sous parisis de revenu annuel en réserve seigneuriale — fiefs qu’ils tiennent de nous au même endroit, — tous ces fiefs, mouvant de nos fiefs de Billy*, étant estimés valoir, en réserve seigneuriale et quant au prix de la terre, cent vingt livres, deux sous et six deniers parisis* de revenu annuel ou à peu près —,
     audit
* Régnault de B***, notre chevalier, et aux héritiers que corporellement et légitimement* il a engendrés, ou bien même qu’il engendrera, en récompense du service gracieux que ledit Régnault et ses prédécesseurs (et cela fait longtemps) ont rendu fidèlement, généreusement et de bon cœur tant à nous qu’à nos prédécesseurs, et parce que le dit chevalier nous le rend encore sans cesse,
     en augmentation du fief que le susdit et redit Régnault possédait dans ledit village, par les dispositions de cette charte, nous les lui concédons et donnons.
     Ipsaque feoda in eumdem Reginaldum et eius heredes ut dictum est duximus transferenda, consencientes insuper et volentes quod prenominate persone feoda predicta a dicto milite et eius heredibus ut predicitur teneant eo modo quo ipsa a nobis actenus tenuerunt, personas ipsas ab eisdem hommagiis absolventes, salvo in aliis jure nostro et in omnibus alieno.
     Et lesdits fiefs, nous avons décidé de les transférer audit Régnault et à ses héritiers, comme on l’a dit, acceptant de plus et voulant que les personnes susmentionnées  tiennent les susdits fiefs dudit chevalier (et de ses héritiers comme on l’a dit) de la même manière qu’ils les avaient tenus de nous jusqu’à présent, affranchissant les mêmes personnes desdits hommages, sans préjudice de nos droits sur les autres points* ni du droit d’autrui en toutes autres matières.
     Quod ut  firmum et stabile perseveret presentibus nostrum fecimus apponi sigillum.
     Pour que cela se perpétue d’une manière ferme et stable, nous avons fait apposer notre sceau à la présente charte. 
     Actum in Castris prope pontem de Rassa, Sabbato in festo assumpcionis beate Virginis, anno Domini millesimo CCC° quarto.
     Fait dans un camp, près du pont de Rassa*, le samedi fête de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie*, l’an du Seigneur 1304.
       
Mention de Régnault de Bouray en 1304
NOTES

     Philippe. Philippe VI dit le Bel.

     Roi des Francs. Je sais bien que l’usage est de porter en français Roi de France. Il n’empêche que ce n’est pas ce que porte le latin. Nous conservons donc l’archaïsme du texte.

     Saint-Vrain d’Escorchy. Escorchy (Escorciacum) est le nom originel de ce secteur, qui peu à peu a été supplanté par celui de l’église paroissiale Saint-Vrain (Sanctus Veranus, qui a donné ailleurs Saint-Véran et Saint-Vran).

     
In domanio, altération rare du latin dominium, plus fréquemment déformé en demanium. Nous prenons ici ce terme, sans certitude, au sens bien attesté de réserve seigneuriale (il s’agit de la partie de la seigneurie qui n’est pas donnée en tenure, mais exploitée directement). Si quelqu’un a une meilleure idée, merci de nous la faire connaître.

     Saudreville. C’est un des fiefs de la seigneurie de Villeconin.

     Billy. Il s’y dresse encore un château, jadis possession du duc de Saint-Simon, sur le territoire de la commune de Saint-Vrain. Voyez la carte de Cassini ci-dessus.

     
Audit Régnault. Il semble qu’on a là une étourderie du rédacteur, car ledit Régnault n’a pas encore été mentionné dans la charte, mais seulement un certain Régnault d’Escorchy, écuyer (scutifer), tandis notre Régnault est chevalier (miles).

     de Balureto ou de Balvreto. Il est difficile de déterminer quel toponyme peut rendre le latin Baluretum, voire Balvretum (car on ne distingue par encore graphiquement le U du V). Ce toponyme peut se lire Baluret, Balvret ou Bauvret, ou plutôt Baluray, Balvray ou Bauvray. Il paraît difficile d’y reconnaître Bouray (écrit parfois en latin Borretum, ce qui suppose une prononciation Borray), à moins de supposer une prononciation antérieure (non documentée) Bovray, écrite Bauvray et latinisée en Balvretum. Sans être rigoureusement impossible, ce serait un peu tiré par les cheveux, même si c’est séduisant en raison de la proximité du lieu et du fait qu’il s’agit d’une augmentation de fief. Qui a une idée?

     
Corporellement (littéralement: de son propre corps) et légitimement. La donation exclut donc implicitement toute transmission du fief à un enfant adoptif ou bâtard.

     Sans préjudice de nos droits sur les autres points. Il faut apparemment y comprendre les justices, surtout la haute justice, dont il n’est pas mentionnée qu’elle soit donnée avec le fief.

     Pont de Rassa. Nous n’avons pas pu identifier ce lieu-dit qui devait se trouver aux environs de Mons-en-Pélève.

     L’Assomption. Le quinze août tombait bien un samedi en 1304.  


B.G.,  29 octobre 2005
Source du texte: saisie du texte sur l’original et traduction par Bernard Gineste, octobre 2005.
 
   
     
BIBLIOGRAPHIE
 
Édition
 
     Bernard GINESTE, «Philippe VI le Bel: Don de Saint-Vrain à Régnault de Bouray (charte du 15 août 1304)», in Le Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-14-13040815philippe6saintvrain.html, octobre 2005. 
    
Sur le contexte historique de la campagne de Flandre

     ANONYME, «Bataille de Mons-en-Pévèle», in Wikipédia. L’Encyclopédie libre, http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Mons-en-P%C3%A9v%C3%A8le, en ligne en 2005.

     Extrait: Non loin d’Orchies, les deux armées se rencontrent, aux alentours du village de Mons-en-Pévèle, dominée par une colline. Les historiens estiment qu’environ 150 000 hommes se trouvent là, dont un peu plus de Flamands que de Français. Des négociations ont lieu les 14, 15 et 16 août, mais elles échouent; le 17, chacun se prépare; toutefois, la bataille ne sera livrée que le lendemain. Elle durera toute la journée, par une chaleur caniculaire.

    

     Merci de nous communiquer tout autre donnée disponible. 
    
Explicit
 
 
Sommaire généralCatalogue généralNouveautésBeaux-ArtsCartes postalesBibliographieHistoireLittératureTextes latinsMoyen Age NumismatiqueProsopographieDom FleureauLéon MarquisLiensRemerciementsÉcrire au RédacteurMail to the Webmaster