Corpus Littéraire Étampois
 
Daniel Pennac
Champrond
[Extraits de La Petite Marchande de Prose]
1989 
       
Daniel Pennac: La petite Marchande de Prose (Roman, 1989)
Daniel Pennac
Daniel Pennac
Daniel Pennac: La petite Marchande de Prose (Roman, 1989)
 
     Il serait ridicule de présenter ici Daniel Pennac, dont les romans se vendent comme des petits pains. Mais peut-être les Étampois n’ont-ils pas tous lu le troisième roman du cycle des Malaussène, La Petite Marchande de Prose. L’action se déroule en partie dans une prison modèle imaginaire, que l’auteur situe dans la gentilhommière bien réelle de Champrond, dans la commune de Saint-Hilaire, limitrophe d’Étampes.
     Nous en donnons ici quelques extraits relatifs au pays d’Étampes transfiguré par la fantaisie du romancier, sans penser faire de tort à l’auteur ni à son éditeur, car cette page ne pourra que pousser ses lecteurs, pensons-nous, à se précipiter chez leur libraire.

Nous ne mettons en ligne pour l’instant que la dernière des trois parties de ce recueil.
 
 
LA PETITE MARCHANDE DE PROSE
[Extraits d’intérêt local]

Chapitre 3

Le Champrond réel (2004) […]

     Chapitre six: Seulement, plus de Stojilkovicz, plus d’oncle serbo-croate à la voix de bronze, plus de partenaire pour mes parties d’échecs. Comme nous ne sommes pas du genre à laisser tomber un vieux pote, Clara et moi décidions de lui rendre visite dans sa geôle.On l’a entaulé à la maison d’arrêt de Champron dans l’Essonne. Métro jusqu’à la gare d’Austerlitz, train jusqu’à Étampes, taxi jusqu’à la prison, et là, stupeur: au lieu de trouver une centrale aveuglée par des murs falaises, c’est une gentilhommière dix-huitième qui nous accueille, aménagée en taule, certes, avec cellules, casquettes, heures de visite, mais jardins à la française, aubussons aux murs, beauté disponible partout où se pose l’œil, et silence feutré de bibliothèque. Pas le moindre cliquetis, des couloirs sans échos, le havre. Autre sujet de surprise: après qu’un vieux maton, discret comme un chat de musée, nous a conduits à la cellule de Stojilkovicz, celui-ci refuse de nous recevoir. Brève vision par l’entrebâillement de sa porte: une petite piaule carrée, au sol jonché de papiers froissés, d’où émerge une table de travail croulant sous les dictionnaires. Stojilkovicz a entrepris de traduite Virgile en serbo-croate, pendant sa détention, et les quelques mois qu’on lui a collés n’y suffiront pas. Alors, du balai, les enfants, s’il vous plaît, et faites passer la consigne: pas de visite à l’oncle Stojil.

[…]
© Éditions Gallimard, 1989.
Chapitre 4

Le Champrond réel (2004) […]

     Et là, Saint-Hiver, le très sérieux, s’était accordé un sourire malicieux.
     — Et parmi ces artistes, nous comptons même des architectes qui conçoivent en ce moment  les plans d’élargissement de notre prison.
     L’effet de stupeur fonctionna au quart de poil:
     — Vous voulez dire que vos prisonniers sont en train de construire leurs propres cellules? s’est exclamée Julie.
     
N’est-ce pas ce que nous faisons tous?

[…]

     Parce qu’il me l’a fait visiter, sa sacrée taule! Et c’est vrai que j’en suis resté tout debout! Incroyable, quand j’y repense: on croit ouvrir des cellules, et on tombe sur des auditoriums dernier cri, des ateliers de peinture éclairés comme le ciel, des bibliothèques monacales où le type, penché sur son boulot, sa corbeille débordant de brouillons, se retourne à peine pour saluer les visiteurs. Rares, d’ailleurs, les visiteurs. Très tôt après leur incarcération, les prisonniers de Saint-Hiver renoncent aux visites. Saint-Hiver affirme n’y être pour rien.
     (Mouvement de mèche.) Très vite, ces hommes sentent qu’ils ont acquis entre ces murs une liberté qu’il leur faut préserver des atteintes de l’extérieur. S’ils ont tué, dehors, c’est, selon eux, parce qu’on leur a refusé le droit d’affirmer cette liberté-là.
     — Et leur refus des visites s’est étendu au rejet des médias sous toutes leurs formes, mademoiselle Corrençon, a précisé Saint-Hiver d’une voix appuyée. Ni journaux, ni radio, ni aucun autre vecteur de l’air du temps. Nous faisons nous-mêmes notre propre télévision.

[…]
© Éditions Gallimard, 1989.
Chapitre 6
 
Le Champrond réel (2004)
[…]

     La prison de Champrond étant à soixante bornes de Paris, il a fallu se fader soixante kilomètres de klaxonneries. Un automobiliste qui nous aurait croisés avec un peu d’attention aurait peut-être trouvé amusant qu’une noce aussi tonitruante trimballât dans ses bagnoles enrubannées un telle collection de gueules d’enterrement.

[…]

© Éditions Gallimard, 1989.
Chapitre 7

     Il y a tant de voitures de police agglutinées autour de la prison de Champrond… La bâtisse semble surgir dune carapace de tôle où ses vieux murs se reflètent comme dans des eaux mortes.
Le Champrond réel (2004)
     Je me demande s’il y aura assez de mouton pour tout le monde, en fin de compte, dis-je.

     Silence de Julie.

     
Regarde, il sont déjà allumé le feu pour le méchoui dans la cour centrale.

    C’est vrai, montant du cœur de la prison, un mince ruban de fumée s’effiloche dans un ciel parfaitement bleu.

     
Je crains qu’il n’y ait pas de mariage, dit enfin Julie.

     
Qu’est-ce que tu dis?

     Le flop-flop d’un hélicoptère brouille le ciel sur nos têtes. Un hélico rouge de la prévention civile dont les pales tranchent le cordon de fumée au-dessus de la prison. Il disparaît, quelque part derrière les murs.

     
Il a dû se passer quelque chose.
© Éditions Gallimard, 1989.
CHAPITRE 9

[…]

     Quoi qu’il en soit, les choses ne s’étaient gâtées qu’à l’arrivée de l’inspecteur Bertholet, cet abruti qui avait commencé les interrogatoires, là, dans la cour, à ciel ouvert, maintenant les détenus debout comme de vulgaires pensionnaires après un chahut. Bertholet a failli y laisser sa peau et la gendarmerie débordée a dû faire appel à une compagnie de C.R.S., basée à Étampes. Les C.R.S. sont évidemment rentrés dans le tas sans ménagement à coups de lacrymogène, une grenade est tombée dans le piano à queue, les prisonniers se sont réfugiés à l’intérieur des murs où ils ont été poursuivis, des œuvres ont été détruites, des photos célébrant la vie créative de la prison arrachées des murs, comme s’il se fût agi, au fond, d’assassiner Saint-Hiver une seconde fois…

[…]
© Éditions Gallimard, 1989.
Source: édition Folio saisie par Bernard Gineste, 2004. © Éditions Gallimard, 1989.
 
                      
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

Éditions en français, italien et anglais (entre autres)

Edition originale
Edition italienne      Daniel PENNAC [né en 1944], La petite marchande de prose. Roman [21 cm; 367 p.; broché], Paris, Gallimard, 1989 [ISBN 2-07-071822-0; 95 FF en 1989].

Edition anglo-saxonne Edition anglo-saxonne      Daniel PENNAC, La petite marchande de prose. Roman [18 cm; 402 p.; broché], Paris, Gallimard [«Folio» 2342], 1992 [ISBN 2-07-038465-9; 31,50 FF en 1992].

       Daniel PENNAC [né en 1944], La petite marchande de prose. Roman [21 cm; 367 p.; broché], Paris, Gallimard, 1995 [ISBN 2-07-071822-0].

     Daniel PENNAC, La Prosivendola [304 p.], Paris, Giangiacomo  Feltrinelli, 1995 [ISBN: 2-07-071822-0].

     Daniel PENNAC, Write to Kill [288 p.], ??, Harvill Press, 2000 [ISBN: 1860465366].

Sur la Petite Marchande de Prose

     J.M. & Randy LOFFICIER, «Monsieur Malaussène» [présentation en anglais de la saga Malaussène en anglais], in ID., Cool French Comics, http://www.coolfrenchcomics.com/malaussene.htm, en ligne en 2004.

     Daniela ???, «La Prosivendola» [recension avec résumé en italien]
http://gizmo2.dyndns.org/neosite/libri/dany/prosiven.htm, en ligne en 2004 [7€ en 2004].

     Barry FORSHAW, «Write to Kill by Daniel Pennac» [Recension en anglais], http://www.crimetime.co.uk/bookreviews/writetokill.html, en ligne en 2004.

Sur le Champrond réel (commune de Chalo-Saint-Mard)

     François JOUSSET, «Sortir: promenades autour d’Étampes: Étampes - Boutervilliers», in ID., Stampae, http://www.stampae.org/Pages/Circuits.php, 2002, en ligne en 2004.

Sur Pennac (entre autres)

Daniel Pennac      Anne RAPIN, «Le pouvoir des livres. Entretien avec Daniel Pennac», in Label France [magazine d’information du Ministère des Affaires étrangères] 39 (avril 2000), pp. ?-?, dont une édition en ligne, http://www.france.diplomatie.fr/label_france/FRANCE/DOSSIER/2000bis/11pouvoir.html, en ligne en 2004 [version allemande: «Die Macht der Bücher, Gesprächt mit Daniel Pennac», http://www.france.diplomatie.fr/label_france/DEUTSCH/DOSSIER/2000bis/11pouvoir.html; version anglaise: «The Power of Books, Interview with Daniel Pennac» http://www.france.diplomatie.fr/label_france/ENGLISH/DOSSIER/2000bis/11pouvoir.html, version espagnole: «El poder de los libros, Entrevista a Daniel Pennac», http://www.france.diplomatie.fr/label_france/ESPANOL/DOSSIER/2000bis/11pouvoir.html.].

     Régine FOUCAULT, «Daniel Pennac. Biographie. Bibliographie», ID., Un monde à lire, http://perso.wanadoo.fr/mondalire/pennac, en ligne en 2004.

Au bonheur des ogres
La fée Carabine
La petite Marchande de prose
Les fruits de la passion
Monsieur Malaussène
 
Merci de communiquer au Corpus Étampois tout autre donnée disponible.
    
Explicit
 
 
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