|
|
Le Martyr Calviniste est
un roman de 1841 dont l’action se passe au XVIe siècle. Balzac l’a
fait précéder en 1843 d’une longue Introduction de 1843.
Il met en scène les deux favorites royales qui furent tour à
tour duchesses d’Étampes, Anne de Pisseleu, maîtresse de François Ier, dite Madame d’Étampes, et Diane de Poitiers, maîtresse de son fils et successeur Henri II, dite
Madame de Valentinois. Le premier public de Balzac était féminin, et bourgeois. C’est pourquoi deux points de vue dominent, dans ce roman: d’une part celui la reine Catherine de Médicis, épouse bafouée, mais habile; d’autre part, la famille des Lecamus, bourgeois parisiens. Le père Lecamus est élu du Tiers-État aux États Généraux d’Orléans; son fils Christophe, devenu protestant, est utilisée par la Reine à l’occasion d’une alliance de circonstance avec les Réformés. La ville d’Étampes elle-même se trouve mentionnée à trois moments de l’action, ce qui reflète bien son importance, à une époque où la vie politique française se partage entre Paris et la vallée de la Loire. C’est là que Lecamus, en route pour Orléans, apprend l’arrestation du prince de Condé; c’est près d’Étampes que le chancelier Michel de Lhospital est assigné à résidence; c’est là enfin que le corbillard de François II, oublié de tous, se voit affublé d’une inscription anonyme. |
[...] Les plus étranges conjectures ont été faites sur la stérilité de Catherine, qui dura dix ans. Peu de personnes savent aujourd’hui que plusieurs traités de médecine contiennent, relativement à cette particularité des suppositions tellement indécentes qu’elles ne peuvent plus être racontées. On peut d’ailleurs lire Bayle, à l’article Fernel. Ceci donne la mesure des étranges calomnies qui pèsent encore sur cette reine dont toutes les actions ont été travesties. La faute de sa stérilité venait uniquement de Henri II. Il eût suffi de remarquer que par un temps où nul prince ne se gênait pour avoir des bâtards, Diane de Poitiers, beaucoup plus favorisée que la femme légitime, n’eut pas d’enfants. Il n’y a rien de plus connu, en médecine chirurgicale, que le défaut de conformation de Henri II, expliqué d’ailleurs par la plaisanterie des dames de la cour qui pouvaient le faire abbé de Saint-Victor, dans un temps où la langue française avait les mêmes priviléges que la langue latine. Dès que le prince se fut soumis à l’opération, Catherine eut onze grossesses et dix enfants. Il est heureux pour la France que Henri II ait tardé. S’il avait eu des enfants de Diane, la politique se serait étrangement compliquée. Quand cette opération se fit, la duchesse de Valentinois était arrivée à la seconde jeunesse des femmes. Cette seule remarque prouve que l’histoire de Catherine de Médicis est à faire en entier; et que, selon un mot très-profond de Napoléon, l’histoire de France doit n’avoir qu’un volume ou en avoir mille.
[...] La duchesse d’Orléans se
vit entièrement perdue à la cour de François Ier.
Son jeune mari s’était épris de Diane de Poitiers, qui certes,
comme naissance, pouvait rivaliser Catherine, et se trouvait plus grande
dame qu’elle. La fille des Médicis était primée par
la reine Eléonor, sœur de Charles-Quint, et par la duchesse d’Étampes,
que son mariage avec le chef de la maison de Brosse rendait une des femmes
les plus puissantes et les mieux titrées de France. Sa tante la duchesse
d’Albany, la reine de Navarre, la duchesse de Guise, la duchesse de Vendôme,
la Connétable, plusieurs autres femmes tout aussi considérables,
éclipsaient par leur naissance et par leurs droits autant que par leur
pouvoir dans la cour la plus somptueuse qu’ait eue un roi de France, sans
excepter Louis XIV, la fille des épiciers de Florence, plus illustre,
plus riche par la maison de la Tour-de-Boulogne, que par sa propre maison
de Médicis. [...] Malgré son brillant avenir, la situation de Catherine à la cour ne changea point à la mort du Dauphin; sa stérilité faisait prévoir un divorce, au cas où son mari monterait sur le trône. Le Dauphin était sous le charme de Diane de Poitiers. Diane osait rivaliser madame d’Étampes. Aussi Catherine redoubla-t-elle de soins et de cajoleries envers son beau-père, en comprenant que son appui n’était que là. Les dix premières années de Catherine furent alors prises par les renaissants chagrins que lui donnaient ses espérances de grossesse incessamment détruites, et les ennuis de sa rivalité avec Diane. Jugez de ce que devait être la vie d’une princesse surveillée par une maîtresse jalouse, appuyée par un énorme parti, le parti catholique, et par les deux alliances énormes que la sénéchale fit en mariant ses deux filles, l’une à Robert de La Mark, duc de Bouillon, prince de Sedan, l’autre à Claude de Lorraine, duc d’Aumale.
Catherine, perdue au milieu du parti de madame d’Étampes et du parti
de la sénéchale (tel fut pendant le règne de François
Ier
le titre de Diane) qui divisaient la cour et la politique entre ces deux ennemies
mortelles, essaya d’être à la fois l’amie de la duchesse d’Étampes
et l’amie de Diane de Poitiers. Celle qui devait être une si grande
reine joua le rôle de servante. Elle fit ainsi l’apprentissage de cette
politique à deux visages qui fut le secret de sa vie. La reine
se trouva plus tard entre les Catholiques et les Calvinistes, comme la femme
avait été pendant dix ans entre madame d’Étampes et
madame de Poitiers. Elle étudia les contradictions de la politique
française: François Ier
soutenait Calvin et les Luthériens pour embarrasser Charles-Quint.
Puis, après avoir sourdement et patiemment protégé
la Réformation en Allemagne, après avoir toléré
le séjour de Calvin à la cour de Navarre, il sévit contre
elle avec une rigueur démesurée. Catherine vit donc cette cour
et les femmes de cette cour jouant avec le feu de l’hérésie,
Diane à la tête du parti catholique avec les Guise, uniquement
parce que la duchesse d’Étampes soutenait Calvin et les Protestants.
Telle fut l’éducation politique de cette reine qui remarqua dans
le cabinet du roi de France les errements de la maison de Médicis.
Le Dauphin contrecarrait son père en toutes choses, il fut mauvais
fils. Il oublia la plus cruelle, mais la plus vraie maxime de la Royauté,
à savoir que les trônes sont solidaires, et que le fils, qui
peut faire de l’opposition pendant la vie de son père, doit en suivre
la politique en montant sur le trône.
Le premier acte de Henri II fut de donner sa confiance au connétable de Montmorency, que son père lui avait enjoint de laisser dans la disgrâce. Le connétable de Montmorency fut, avec Diane de Poitiers, à qui il s’était étroitement lié, le maître de l’Etat. Catherine fut donc encore moins heureuse et moins puissante, quand elle se vit reine de France, que quand elle était Dauphine. D’abord, à partir de 1543, elle eut tous les ans un enfant pendant dix ans, et fut occupée de ses devoirs de maternité durant toute cette période qui embrasse les dernières années du règne de François Ier et presque tout le règne de Henri II. Il est impossible de ne pas voir, dans cette fécondité continuelle, l’influence d’une rivale qui voulait ainsi se débarrasser de la femme légitime. Cette barbarie d’une politique femelle dut être un des griefs de Catherine contre Diane. Mise ainsi en dehors des affaires, cette femme supérieure passa le temps à observer les intérêts de tous les gens de la cour et de tous les partis qui s’y formèrent. Tous les Italiens qui l’avaient suivie excitaient de violentes suspicions. Après l’exécution de Montécuculli, le connétable de Montmorency, Diane et la plupart des fins politiques de la cour furent travaillés de soupçons contre les Médicis; mais François Ier les repoussa toujours. Aussi les Gondi, les Birague, les Strozzi, les Ruggieri, les Sardini, enfin ceux qu’on appelait les Italiens, venus à la suite de Catherine, furent-ils dans la nécessité de déployer d’immenses ressources d’esprit, de fine politique et de courage, pour demeurer à la cour sous le poids de la défaveur qui pesait sur eux. Pendant le règne de Diane de Poitiers, la complaisance de Catherine pour Diane alla si loin que des gens habiles y auraient eu la preuve de cette profonde dissimulation que les hommes, les événements et la conduite de Henri II ordonnaient à Catherine de déployer. On est allé trop loin en prétendant qu’elle ne réclama jamais ses droits ni comme épouse ni comme reine. D’abord, le sentiment de sa dignité, que Catherine eut au plus haut degré, lui interdisait de réclamer ce que les historiens appellent les droits d’épouse. Les onze grossesses et les dix enfants de Catherine expliquent assez la conduite de Henri II, que les grossesses de sa femme laissaient libre de passer son temps avec Diane de Poitiers. Mais le roi ne manqua certes à rien de ce qu’il se devait à lui-même, il fit à la reine une entrée digne de toutes celles qui avaient eu lieu jusqu’alors pour son couronnement comme reine. Les registres du Parlement et ceux de la Cour des Comptes indiquent que ces deux grands corps allèrent au-devant de Catherine hors Paris, jusqu’à Saint-Lazare. Voici d’ailleurs l’extrait du récit de Du Tillet. «On avait dressé à Saint-Lazare un échafaud sur lequel était un trône, que du Tillet appelle une chaire de parement. Catherine y prit séance, vêtue d’un surcot, ou espèce de mantelet d’hermine, couvert de pierreries, d’un corset de dessous avec le manteau royal et ayant sur la tête une couronne enrichie de perles et de diamants, et soutenue par la maréchale de la Mark, sa dame d’honneur. Autour d’elle étaient debout les princes du sang, et autres princes et seigneurs richement habillés avec le chancelier de France vêtu d’une robe de toile d’or, figurée sur un fond cramoisi rouge (1). Devant la reine et sur le même échafaud, étaient assises sur deux rangs, douze duchesses ou comtesses, vêtues de surcots d’hermine, corsets, manteaux, et cercles, c’est-à-dire couronnes de duchesse ou comtesse. C’étaient les duchesses d’Estouteville, Montpensier, l’aînée et la jeune, la princesse de la Roche-sur-Yon; les duchesses de Guise, de Nivernois, D’Aumale, de Valentinois (Diane de Poitiers); mademoiselle la bâtarde légitimée de France (titre de la fille du roi, Diane, qui fut duchesse de Castro-Farnèse, puis duchesse de Montmorency-Damville), madame la connétable et mademoiselle de Nemours, sans les autres demoiselles qui ne trouvèrent rang. Les quatre présidents à mortier, quelques autres membres de la cour, le greffier Du Tillet montèrent sur l’échafaud, firent leurs révérences, et ayant mis un genou en terre, le premier président Lizet harangua la reine. Le chancelier mit un genou en terre et répondit. Elle fit son entrée sur les trois heures après-midi, en litière découverte, ayant madame Marguerite de France vis-à-vis d’elle, et aux côtés de sa litière les cardinaux d’Amboise, de Châtillon, de Boulogne et de Lenoncourt en rochet. Elle alla descendre à l’église Notre-Dame, et y fut reçue par le clergé. Après son oraison, on la conduisit par la rue de la Calandre au Palais, où le souper royal était préparé dans la grand’salle. Elle y parut assise au milieu de la table de marbre, et sous un dais de velours parsemé de fleurs de lis d’or.»
C’est ici le lieu de détruire une de ces opinions populaires erronées
que répètent quelques personnes, d’après Sauval d’ailleurs.
On a prétendu que Henri II poussa l’oubli des convenances jusqu’à
mettre le chiffre de sa maîtresse sur les monuments que Catherine
lui conseilla de continuer ou de commencer avec tant de magnificence. Mais
le double chiffre qui se voit au Louvre dément tous les jours ceux
qui sont assez peu clairvoyants pour donner de la consistance à ces
niaiseries qui déshonorent gratuitement nos rois et nos reines. L’H
de Henri II et les deux C adossés de Catherine, paraissent aussi former
deux D pour Diane. Cette coïncidence a dû plaire à Henri
II, mais il n’en est pas moins vrai que le chiffre royal contenait officiellement
la lettre du roi et celle de la reine. Et cela est si vrai, que ce chiffre
existe encore sur la colonne de la Halle au Blé, bâtie par Catherine
seule. On peut d’ailleurs voir ce même chiffre dans les caveaux de Saint-Denis
sur le tombeau que Catherine se fit élever à elle-même
de son vivant à côté de celui de Henri II, et où
elle est représentée d’après nature par le sculpteur
pour qui elle a posé. [...] En politique, Catherine fit des efforts inouïs pour obtenir un peu d’influence. Elle eut assez d’habileté pour mettre le connétable, tout-puissant sous Henri II, dans ses intérêts. On sait la terrible réponse que fit le roi tourmenté par Montmorency. Cette réponse était le résultat des bons conseils que Catherine donna, dans le peu de moments où elle se trouva seule avec le roi, et où elle lui exposa la politique florentine, qui était d’opposer les grands du royaume les uns aux autres, et d’établir l’autorité royale sur leurs ruines, le système de Louis XI, continué plus tard par elle et par Richelieu. Henri II, qui ne voyait que par les yeux de Diane et du connétable, fut un roi tout féodal et ami des grandes maisons de son royaume. Après la tentative inutilement faite par le connétable en sa faveur, et qu’il faut reporter à l’année 1556, Catherine caressa beaucoup les Guise, et forma le projet de les détacher du parti de Diane afin de les opposer au connétable. Mais, malheureusement, Diane et le connétable étaient tout aussi animés que les Guise contre les Protestants. Il n’y eut donc pas dans leur lutte cette animosité qu’y aurait mise la question religieuse. D’ailleurs, Diane rompit en visière aux projets de la reine, en coquetant avec les Guise et donnant sa fille au duc d’Aumale. Elle alla si loin, que certains auteurs prétendent qu’elle accorda plus que ses bonnes grâces au galant cardinal de Lorraine. Les satiriques du temps ont fait à ce sujet le quatrain suivant sur Henri II : Il est impossible de regarder comme sincères les marques de douleur et l’ostentation des regrets de Catherine à la mort de Henri II. Par cela même que le roi était attaché par une inaltérable passion à Diane de Poitiers, Catherine devait jouer le rôle d’une femme délaissée qui adore son mari; mais comme toutes les femmes de tête, elle persista dans sa dissimulation, et ne cessa de parler avec tendresse de Henri II. Diane, comme on sait, porta toute sa vie le deuil de M. de Brézé, son mari. Ses couleurs étaient blanc et noir, le roi les avait au tournoi où il mourut. Catherine, sans doute en imitation de sa rivale, garda le deuil de Henri II pendant toute sa vie. Elle eut envers Diane de Poitiers une perfection de perfidie à laquelle les historiens n’ont pas fait attention. A la mort du roi, la duchesse de Valentinois fut complètement disgraciée et malhonnêtement abandonnée par le connétable, homme tout à fait au-dessous de sa réputation. Diane fit offrir à la reine sa terre et son château de Chenonceaux à Catherine. Catherine dit alors en présence de témoins: — Je ne puis oublier qu’elle faisait les délices de mon cher Henri, j’ai honte d’accepter, je veux lui donner en échange un domaine, et lui propose celui de Chaumont-sur-Loire. En effet, l’acte d’échange fut passé à Blois en 1559. Diane, qui avait pour gendres les ducs d’Aumale et de Bouillon, alors prince souverain, conserva toute sa fortune et mourut en paix en 1566, âgée de soixante-six ans. Elle avait donc dix-neuf ans de plus que Henri II. Ces dates, tirées de son épitaphe copiée sur son tombeau par l’historien qui s’est occupé d’elle vers la fin du dernier siècle, éclaircissent bien des difficultés historiques; car beaucoup d’historiens lui donnaient les uns quarante ans, les autres seize ans lors de la condamnation de son père en 1523. Elle avait alors vingt-quatre ans. Après avoir lu tout, pour et contre sa conduite avec François Ier, au moment où la maison de Poitiers courut un si grand danger, nous ne voudrions rien affirmer, ni rien contredire. Ceci est un de ces passages qui restent obscurs dans l’histoire. Nous pouvons voir, par ce qui se passe de nos jours, que l’histoire se fausse au moment même où elle se fait. Catherine, qui fonda de grandes espérances sur l’âge de sa rivale, avait essayé plusieurs fois de la renverser. Ce fut une lutte sourde et horrible. Un jour Catherine fut sur le point de faire réussir ses espérances. En 1554, madame Diane, étant malade, pria le roi d’aller à Saint-Germain pendant qu’elle se remettrait. Cette haute coquette ne voulait pas être vue au milieu de l’appareil nécessaire à la faculté, ni sans l’éclat de la toilette. Catherine fit composer, pour recevoir le roi à son retour, un magnifique ballet où six jeunes filles devaient lui réciter une pièce de vers. Parmi ces six filles, elle avait choisi miss Fleming, parente de son oncle le duc d’Albany, la plus belle personne qu’il fût possible de voir, blonde et blanche; puis une de ses parentes, Clarisse Strozzi, magnifique Italienne dont la chevelure noire était superbe et les mains d’une beauté rare; mademoiselle Lewiston, demoiselle d’honneur de Marie Stuart, Marie Stuart elle-même, madame Elisabeth de France, qui fut cette si malheureuse reine d’Espagne, et madame Claude. Elisabeth avait neuf ans, Claude huit ans, Marie Stuart douze. Evidemment, la reine avait voulu faire ressortir Clarisse Strozzi, miss Fleming, et les présenter sans rivales au choix du roi. Le roi ne résista point; il aima miss Fleming, il eut d’elle un enfant naturel, Henri de Valois, comte d’Angoulême, grand-prieur de France. Mais le crédit et l’influence de Diane n’en furent point ébranlés. Comme plus tard, madame de Pompadour avec Louis XV, la duchesse de Valentinois pardonna. Mais, quel amour cette tentative annonce-t-elle chez Catherine? est-ce l’amour du pouvoir, ou l’amour du mari? Les femmes décideront. [...] On parle beaucoup aujourd’hui de la licence de la presse; mais il est difficile d’imaginer à quel point elle fut portée à l’origine de l’imprimerie. D’abord on sait que l’Arétin, le Voltaire de son temps, faisait trembler les rois, et Charles-Quint tout le premier. Mais on ne sait peut-être pas jusqu’où allait l’audace des pamphlets. Ce château de Chenonceaux fut donné à Diane, non pas donné, elle fut suppliée de l’accepter, pour oublier une des plus horribles publications qui aient été faites contre une femme et qui montre quelle fut la violence de la guerre entre elle et madame d’Étampes. En 1537, quand elle avait trente-huit ans, un poète champenois, nommé Jean Voûté, publia un recueil de poésies latines où se trouvent trois épigrammes contre elle. Il faut croire que le poète était assuré de quelque haute protection, car son recueil est précédé de son éloge fait par Salmon Macrin, premier valet de chambre du roi. Voici le seul passage, citable aujourd’hui, de ces épigrammes intitulées: IN PICTAVIAM, ANUM AULICAM. (CONTRE LA POITIERS, VIEILLE FEMME DE COUR).
Ce recueil, imprimé chez Simon de Colines, était dédié
À UN ÉVÊQUE!... à François Bohier, le
frère de celui qui, pour sauver son crédit à la cour
et racheter son crime, offrit à l’avènement de Henri II, le
château de Chenonceaux, bâti par son père Thomas Bohier,
conseiller d’Etat sous quatre rois: Louis XI, Charles VIII, Louis XII et
François Ier.
Qu’étaient les pamphlets publiés contre madame de Pompadour
et contre Marie-Antoinette, comparés à des vers qu’on dirait
écrits par Martial? Ce Voûté dut mal finir. Ainsi la
terre et le château de Chenonceaux ne coûtaient à Diane
que le pardon d’une injure ordonné par l’Evangile! Pour ne pas être
décrétées par un jury, les amendes infligées
à la Presse étaient un peu plus dures que celles d’aujourd’hui.
[...] L’avénement de François
II, époque à laquelle Catherine crut saisir le pouvoir, fut
un moment de déception qui couronna cruellement les vingt-six ans de
douleurs qu’elle avait déjà passés à la cour de
France. Les Guise s’emparèrent alors du pouvoir avec une audace incroyable:
le duc de Guise fut mis à la tête de l’armée, et le Connétable
fut disgracié, le cardinal eut les finances et le clergé. Catherine
commença sa carrière politique, par un de ces drames qui, pour
ne pas avoir eu l’éclat des autres, n’en fut pas moins le plus atroce,
et qui l’accoutuma sans doute aux terribles émotions de sa vie. Tout
en paraissant d’accord avec les Guise, elle essaya d’assurer son triomphe
en s’appuyant sur la maison de Bourbon. Soit que Catherine, après
avoir inutilement tenté les moyens les plus violents, eût voulu
employer la jalousie pour ramener le roi; soit qu’en arrivant à sa
seconde jeunesse, il lui parût cruel de ne pas connaître l’amour,
elle avait témoigné le plus vif intérêt à
un seigneur du sang royal, François de Vendôme, fils de Louis
de Vendôme (maison d’où est issue la maison de Bourbon), et
Vidame de Chartres, nom sous lequel il est connu dans l’histoire. La haine
secrète que Catherine portait à Diane se révélait
en beaucoup de circonstances auxquelles les historiens préoccupés
des intérêts politiques n’ont fait aucune attention. L’attachement
de Catherine pour le Vidame vint d’une insulte que ce jeune homme fit à
la favorite. Diane voulait les plus belles alliances pour ses filles qui,
d’ailleurs, tenaient à la plus haute noblesse du royaume. Elle ambitionnait
surtout l’honneur d’un mariage avec la maison de France: on proposa de sa
part la main de sa seconde fille, qui fut depuis duchesse d’Aumale, au Vidame,
que la politique fort sage de François Ier
maintenait dans la pauvreté. En effet, quand le Vidame de Chartres
et le prince de Condé vinrent à la cour, François Ier
leur donna, quoi? la charge de chambellans ordinaires avec douze cents écus
de pension, ce qu’il baillait à de simples gentilshommes. Quoique Diane
de Poitiers offrît d’immenses biens, quelque belle charge de la couronne
et la faveur du Roi, le Vidame refusa. Puis ce Bourbon, déjà
factieux, épousa Jeanne, fille du baron d’Estissac, de laquelle il
n’eut point d’enfants. Ce trait de fierté recommanda naturellement
le Vidame à Catherine, qui l’accueillit avec une faveur marquée
et s’en fit un ami dévoué. Les historiens ont comparé
le dernier duc de Montmorency, décapité à Toulouse,
au Vidame de Chartres, pour l’art de plaire, pour le mérite et le
talent. Henri II ne se montra pas jaloux, il ne parut pas supposer qu’une
reine de France manquât à ce qu’elle se devait, ni qu’une Médicis
oubliât l’honneur qu’un Valois lui avait fait. Au moment où la
reine coqueta, dit-on, avec le Vidame de Chartres, elle était à
peu près abandonnée par le roi depuis la naissance de son dernier
enfant. Cette tentative ne servit donc à rien, puisque ce prince mourut
portant les couleurs de Diane de Poitiers. |
[...] Au moment où commence ce
récit, l’audace des nouvelles doctrines religieuses mettait Paris en
rumeur. Un Ecossais nommé Stuart venait d’assassiner le président
Minard, celui des membres du Parlement à qui l’opinion publique attribuait
la plus grande part dans le supplice du conseiller Anne du Bourg, brûlé
en place de Grève, après le couturier (le tailleur) du
feu roi à qui Henri II et Diane de Poitiers avaient fait donner la
question en leur présence.
[...] Le syndic du corps des pelletiers
était un beau vieillard de soixante ans, à cheveux blancs, à
front large et découvert. Fourreur de la cour depuis quarante ans,
il avait vu toutes les révolutions du règne de François
Ier,
et s’était tenu dans sa patente royale malgré les rivalités
de femmes. Il avait été témoin de l’arrivée
à la cour de la jeune Catherine de Médicis à peine âgée
de quinze ans; il l’avait observée pliant sous la duchesse d’Étampes,
la maîtresse de son beau-père, pliant sous la duchesse de Valentinois,
maîtresse de son mari, le feu roi. Mais le pelletier s’était
bien tiré de ces phases étranges, où les marchands de
la cour avaient été si souvent enveloppés dans la disgrâce
des maîtresses. Sa prudence égalait sa fortune. Il demeurait
dans une excessive humilité. Jamais l’orgueil ne l’avait pris en ses
pièges. Ce marchand se faisait si petit, si doux, si complaisant, si
pauvre à la cour, devant les princesses, les reines et les favorites,
que cette modestie et sa bonhomie avaient conservé l’enseigne de sa
maison. Une semblable politique annonçait nécessairement un
homme fin et perspicace.
[...] — Hum! hum! fit le vieillard en
regardant son fils, le drôle veut trupher son père, il ira loin.
— Or çà, reprit-il à voix basse, tu ne vas pas à
la cour pour porter des avances à messieurs de Guise ni au petit roi
notre maître, ni à la petite reine Marie. Tous ces cœurs-là
sont catholiques; mais je jurerais bien que l’Italienne a quelque chose contre
l’Ecossaise et contre les Lorrains, je la connais: elle avait une furieuse
envie de mettre la main à la pâte! le feu roi la craignait si
bien qu’il a fait comme les orfèvres, il a usé le diamant par
le diamant, une femme par une autre. De là, cette haine de la reine
Catherine contre la pauvre duchesse de Valentinois, à qui elle a pris
le beau château de Chenonceaux. Sans monsieur le connétable,
la duchesse était pour le moins étranglée... Arrière,
mon fils, ne te mets pas entre les mains de cette Italienne qui n’a de passion
que dans la cervelle: mauvaise espèce de femme!
[...] — Dites-nous ça, compère,
s’écria l’orfèvre. Je connaissais le couturier du feu roi et
le tenais pour un homme de mœurs simples, sans grand génie ; il était
quasi comme vous, on lui eût baillé Dieu sans confession, et
cependant il trempait au fond de cette religion nouvelle, lui! un homme dont
les deux oreilles valaient quelque cent mille écus. Il devait donc
avoir des secrets à révéler pour que le roi et la duchesse
de Valentinois aient assisté à sa torture.
[...] Ce beau château de Blois
était pour Catherine la prison la plus étroite. A la mort de
son mari, par lequel elle avait toujours été tenue en lisière,
elle avait espéré régner; mais elle se voyait au contraire
mise en esclavage par des étrangers dont les manières polies
avaient mille fois plus de brutalité que celle des geôliers.
Aucune de ses démarches ne pouvait être secrète. Celles
de ses femmes qui lui étaient dévouées avaient ou des
amants dévoués aux Guise ou des Argus autour d’elles. En effet,
dans ce temps, les passions offraient la bizarrerie que leur communiquera
toujours l’antagonisme puissant de deux intérêts contraires dans
l’Etat. La galanterie, qui servit tant à Catherine, était aussi
l’un des moyens des Guise. Ainsi le prince de Condé, premier chef
de la Réformation, avait pour amie la maréchale de Saint-André
dont le mari était l’âme damnée du grand-maître.
Le cardinal, à qui l’affaire du Vidame de Chartres avait prouvé
que Catherine était plus invaincue qu’invincible, lui faisait la cour.
Le jeu de toutes les passions compliquait donc étrangement celui de
la politique, en en faisant une partie d’échecs double, où il
fallait observer et le cœur et la tête d’un homme, pour savoir si,
à l’occasion, l’un ne démentirait pas l’autre. Quoique sans
cesse en présence du cardinal de Lorraine ou du duc François
de Guise, qui se défiaient d’elle, l’ennemie la plus intime et la
plus habile de Catherine de Médicis était sa belle-fille, la
reine Marie, petite blonde malicieuse comme une soubrette, fière comme
une Stuart qui portait trois couronnes, instruite comme un vieux savant,
espiègle comme une pensionnaire de couvent, amoureuse de son mari
comme une courtisane l’est de son amant, dévouée à ses
oncles qu’elle admirait, et heureuse de voir le roi François partager,
elle y aidant, la bonne opinion qu’elle avait d’eux. Une belle-mère
est toujours un personnage qu’une belle-fille n’aime point, surtout alors
qu’elle a porté la couronne et qu’elle veut la conserver, ce que l’imprudente
Catherine avait trop laissé voir. Sa situation précédente,
quand Diane de Poitiers régnait sur le roi Henri II, était
plus supportable: elle obtenait au moins les honneurs dus à une reine
et les respects de la cour; tandis qu’en ce moment le duc et le cardinal,
qui n’avaient autour d’eux que leurs créatures, semblaient prendre
plaisir à son abaissement; Catherine, embastillée par des courtisans,
recevait, non pas de jour en jour, mais d’heure en heure, des coups qui blessaient
son amour-propre; car les Guise tenaient à continuer avec elle le système
qu’avait adopté contre elle le feu roi.
[...] — Déjà! dit Catherine
épouvantée. Eh! bien, monsieur de Lhospital vous a-t-il donné
pour moi quelque autre avis?
[...] Debout dans la vaste embrasure
de l’immense croisée, la reine Catherine regardait les jardins, en
proie aux plus tristes pensées. Elle voyait l’un des plus grands capitaines
de ce siècle substitué dans la matinée, à l’instant,
à son fils, au roi de France, sous le terrible titre de lieutenant-général
du royaume. Devant ce péril, elle était seule, sans action,
sans défense. Aussi pouvait-on la comparer, dans son vêtement
de deuil, qu’elle ne quitta jamais depuis la mort de Henri II, à un
fantôme, tant sa figure pâle était immobile à force
de réflexion. Son œil noir nageait dans cette indécision tant
reprochée aux grands politiques, et qui chez eux vient de l’étendue
même du coup d’œil par lequel ils embrassent toutes les difficultés,
les compensant l’une par l’autre, et additionnant, pour ainsi dire, toutes
les chances avant de prendre un parti. Ses oreilles tintaient, son sang
s’agitait, et néanmoins elle demeurait calme, digne, tout en mesurant
la profondeur de l’abîme politique au-dessus de l’abîme réel
qui s’étendait sous ses pieds. Après celle de l’arrestation
du Vidame de Chartres, cette journée était la seconde de ces
terribles journées qui se trouvèrent en si grand nombre dans
le reste de sa vie royale; mais ce fut aussi sa dernière faute à
l’école du pouvoir. Quoique le sceptre parût fuir ses mains,
elle voulait le saisir et le saisit par un effet de cette puissance de volonté
qui ne s’était lassée ni des dédains de son beau-père
François Ier
et de sa cour, où elle avait été peu de chose, quoique
dauphine, ni des constants refus de Henri II, ni de la terrible opposition
de Diane de Poitiers, sa rivale.
[...] Christophe répondit qu’il
ne pouvait affirmer ce dont il n’avait jamais eu connaissance, ni se donner
des complices quand il n’en avait point. En entendant ces paroles, le grand-prévôt
fit un signe au bourreau et rentra dans la salle voisine. A ce signe, le front
de Christophe se rida, il fronça les sourcils par une contraction nerveuse
en se préparant à souffrir. Ses poignets se fermèrent
par une contraction si violente, que ses ongles pénétrèrent
dans sa chair sans qu’il le sentît. Les trois hommes s’emparèrent
de lui, le placèrent sur le lit de camp, et l’y couchèrent
en laissant pendre ses jambes. Pendant que le bourreau attachait son corps
sur cette table par de grosses cordes, chacun de ses aides lui mettait une
jambe dans les brodequins. Bientôt les cordes furent serrées
au moyen d’une manivelle, sans que cette pression fît grand mal au
Réformé. Quand chaque jambe fut ainsi prise comme dans un étau,
le bourreau saisit son maillet, ses coins, et regarda tour à tour
le patient et le greffier.
Les cordes furent serrées avec une vigueur extrême. Ce moment
était peut-être le plus douloureux de la torture: les chairs
étaient alors brusquement comprimées, le sang refluait violemment
vers le buste. Aussi le pauvre enfant ne put-il retenir des cris effroyables,
il parut près de s’évanouir. On appela le médecin.
Ce personnage tâta le pouls de Christophe et dit au bourreau d’attendre
un quart d’heure avant d’enfoncer les coins, pour laisser le temps au sang
de se calmer, et à la sensibilité celui de revenir entièrement.
Le greffier représenta charitablement à Christophe que s’il
ne supportait pas mieux le commencement des douleurs auxquelles il ne pouvait
se soustraire, il valait mieux révéler; mais Christophe ne
répondit que par ces mots:
[...] Cette affaire produisit une grande
sensation en France et dans toutes les cours étrangères; mais
les torrents de sang noble qui furent alors versés causèrent
une si grande douleur au chancelier Olivier, que ce digne magistrat, en apercevant
enfin le but où tendaient les Guise, sous prétexte de défendre
le trône et la religion, ne se sentit pas assez fort pour leur tenir
tête. Quoiqu’il fût leur créature, il ne voulut pas leur
sacrifier et son devoir et la monarchie, il se retira des affaires publiques,
en leur désignant l’Hospital pour son successeur. Catherine, en apprenant
le choix d’Olivier, proposa Birague pour chancelier et mit une excessive ardeur
à sa sollicitation. Le cardinal, à qui la circonstance du billet
écrit par l’Hospital à Catherine était inconnue, et
qui le croyait toujours fidèle à la maison de Lorraine, en
fit le concurrent de Birague, et la reine-mère eut l’air de se le
laisser imposer. Dès son entrée en charge, l’Hospital prit des
mesures contre l’inquisition, que le cardinal de Lorraine voulait importer
en France, et contrecarra si bien toutes les mesures antigallicanes et politiques
des Guise, il se montra si bon Français, que, pour le réduire,
il fut, trois mois après sa nomination, exilé à sa
terre du Vignay, près d’Étampes.
[... ] Lecamus, qui n’avait pas manqué
de se faire nommer député du Tiers-Etat par la bourgeoisie de
Paris, arriva quelques jours après l’arrestation du prince à
Orléans. Cette nouvelle, qui lui fut apprise à Étampes,
redoubla ses inquiétudes, car il comprit, lui qui savait seul l’entrevue
du prince et de son fils sous le Pont-au-Change, que le sort de Christophe
était lié à celui de l’audacieux chef du parti de la
Réformation. Aussi résolut-il d’étudier les ténébreux
intérêts qui se croisaient à la cour depuis l’ouverture
des Etats, afin de trouver un moyen de sauver son fils. Il ne devait pas songer
à la reine Catherine, qui refusa de voir son pelletier. Aucune des
personnes de la cour qu’il put voir ne lui donna de nouvelles satisfaisantes
sur son fils, et il en était arrivé à un tel degré
de désespoir, qu’il allait s’adresser au cardinal lui-même, quand
il sut que M. de Thou avait accepté, ce qui fait une tache à
sa vie, d’être un des juges du prince de Condé. Le syndic alla
voir le protecteur de son fils, et apprit que Christophe était encore
vivant, mais prisonnier.
[...] L’Hospital fit parvenir à
la Reine un billet ainsi conçu: «Ne laissez pas mettre à
mort un prince du sang par une commission, vous seriez bientôt enlevée
aussi!» Catherine envoya Birague au Vignay, pour faire dire au chancelier
de venir aux Etats, malgré sa disgrâce. Birague arriva, cette
nuit même, à trois lieues d’Orléans, avec L’Hospital,
qui se déclarait ainsi pour la reine-mère. Chiverny, dont la
fidélité fut alors à bon droit soupçonnée
par messieurs de Guise, s’était sauvé d’Orléans; et,
par une marche qui faillit lui coûter la vie, il avait atteint Ecouen
en dix heures. Il apprit au connétable de Montmorency le péril
de son neveu, le prince de Condé, et l’audace des Lorrains. Anne de
Montmorency, furieux de savoir que le prince n’avait dû la vie qu’à
la subite invasion du mal dont mourut François II, arrivait avec quinze
cents chevaux et cent gentilshommes. Afin de mieux surprendre messieurs de
Guise, il avait évité Paris en venant d’Ecouen à Corbeil,
et de Corbeil à Pithiviers par la vallée de l’Essonne. [...] Les intérêts de la maison de Bourbon, ceux de Catherine, ceux des Guise, ceux du parti des Réformés produisirent une telle confusion dans Orléans, que trois jours après, le corps du roi, complétement oublié dans le Bailliage et mis dans une bière par d’obscurs serviteurs, partit pour Saint-Denis dans un chariot couvert, accompagné seulement de l’évêque de Senlis et de deux gentilshommes. Quand ce triste convoi arriva dans la petite ville d’Étampes, un serviteur du chancelier de L’Hospital attacha sur le chariot cette terrible inscription, que l’histoire a recueillie: Tanneguy du Chastel, où es-tu? Mais tu étais Français! Sanglant reproche qui tombait sur Catherine, sur Marie Stuart et sur les Lorrains. Quel est le Français qui puisse ignorer que Tanneguy du Chastel dépensa trente mille écus du temps (un million d’aujourd’hui) aux funérailles de Charles VII, le bienfaiteur de sa maison?
[...] Quand Charles IX avoua sa passion
pour Marie Touchet, Catherine se montra favorable à cette jeune fille,
par des motifs puisés dans l’intérêt de sa domination.
Marie Touchet, jetée très-jeune à la cour, y arriva dans
cette période de la vie où les beaux sentiments sont en fleur:
elle adorait le roi pour lui-même. Effrayée de l’abîme
où l’ambition avait précipité la duchesse de Valentinois,
plus connue sous le nom de Diane de Poitiers, elle eut sans doute peur de
la reine Catherine, et préféra le bonheur à l’éclat.
Peut-être jugea-t-elle que deux amants aussi jeunes qu’elle et le roi
ne pourraient lutter contre la reine-mère. D’ailleurs, Marie, fille
unique de Jean Touchet, sieur de Beauvais et du Quillard, conseiller du roi
et lieutenant au bailliage d’Orléans, placée entre la bourgeoisie
et l’infime noblesse, n’était ni tout à fait noble, ni tout
à fait bourgeoise, et devait ignorer les fins de l’ambition innée
des Pisseleu, des Saint-Vallier, illustres filles qui combattaient pour
leurs maisons avec les armes secrètes de l’amour. Marie Touchet, seule
et sans famille, évitait à Catherine de Médicis de rencontrer
dans la maîtresse de son fils, une fille de grande maison qui se serait
posée comme sa rivale. Jean Touchet, un des beaux esprits du temps
et à qui quelques poètes firent des dédicaces, ne voulut
rien être à la cour. Marie, jeune fille sans entourage, aussi
spirituelle et instruite qu’elle était simple et naïve, de qui
les désirs devaient être inoffensifs au pouvoir royal, convint
beaucoup à la reine-mère, qui lui prouva la plus grande affection.
[...] — Vous possédez le secret de plusieurs poisons. |
(1) Le mot cramoisi ne signifiait pas
exclusivement la couleur rouge, il voulait dire aussi la perfection de la
teinture. (Voy. Rabelais.) |
Source: édition numérique en mode texte de la la BNF. Sélection et remaniements typographiques de Bernard Gineste, 2002. Dessins de Christophe et Laurent Ruggieri dus à Bertall, dans l’édition Furne de 1845 (t. 15, p. 514 & t. 16, p. 1). |
Texte intégral: Honoré de BALZAC, Études philosophiques. Sur Catherine de Médicis. 1, Le martyr calviniste, Paris, Furne [«Œuvres complètes de M. de Balzac (26 vol. in-8°, 1842-1848), La comédie humaine» 15, 2, 1-3], 1845 [d’où une édition numérique non paginée (661 ko): Paris, Acamédia, 1998 — mise en ligne par la BNF: gallica.bnf.fr (2001), N101337, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=N101337]. BERTALL (pseudonyme d’Albert d’ARNOUX, 1820-1883, dessinateur) & Alexandre BAULANT (graveur, †1896), Laurent Ruggieri: ‘Sa figure sévère, où deux yeux noirs jetaient une flamme aiguë, communiquait le frémissement d'un génie sorti de sa profonde solitude’ [gravure], dans l’édition Furne des Œuvres de Balzac, tome 16 (1845), p. 1 [dont une version en ligne en 2003: http://www.paris.fr/musees/Balzac/collections/dessins_furne/dessins/bertall/46.htm (en ligne en 2003)].
BERTALL (pseudonyme d’Albert d’ARNOUX, 1820-1883, dessinateur) & Louis
Henri BREVIERE (graveur, 1797- 1869), Christophe: ‘Etait bien le peuple
qui se dévoue, qui se bat, et qui se laisse tromper’ [gravure],
dans l’édition Furne des Œuvres de Balzac, tome 15 (1845), p. 514 [dont une version en ligne en 2003:
http://www.paris.fr/musees/Balzac/collections/dessins_furne/dessins/bertall/44.htm (en ligne en 2003)]. |
|