Corpus Littéraire Étampois
 
Pierre de Ronsard 
Ode à Diane de Poitiers
vers 1557
 
   
Pierre de Ronsard
Diane de Poitiers en Diane chasseresse
 
LES
ODES DE P.  DE
RONSARD GENTIL-
HOMME VANDOMOIS.
 
AV ROY HENRY II. DE CE NOM.
TOME DEVXIESME.
A PARIS
Chez Gabriel Buon au cloz Bruneau, à
l’enseigne S. Claude

1571
AVEC PRIVILEGE DV ROY.
[pp. 265-267]
 
A DIANE DE POITIERS
Duchesse de Valentinois.
ODE VIII
      Qvand ie voudrois celebrer ton renom  
      Ie ne diroy que Diane est ton nom,  
      Car on feroit sans se trauailler guiere  
      De ton seul nom une Iliade entiere.  
      Mais recherchant tes honneurs de plus loin,  
      Ie chanteroy animé d’un beau soin,  
      Tes vieux ayeux valleureux en la guerre  
      Qui ont porté le sceptre en mainte terre  
      Enfans de Rois, ou de Rois heritiers.  
           Ie chanteroy le beau sang de Poitiers  
      Venu du ciel, & la race diuine  
      Que Remondin conceut en Meluzine:  
      Ie chanteroy comme l’vn de leurs fils  
      Aux bords du Clain dormant, luy fut auis  
      Que hors de l’eau, le petit dieu de l’onde  
      Iusques au col tiroit sa tête blonde,  
      L’ammonnestant d’aller en Dauphiné:  
           Et luy disoit, Enfant predestine  
      Pour commander à plus haute riviere  
      Laisse mes bords, cherche la rive fiere  
      Du large Rosne, & poursuy ton destin  
      Qui conduira ta voye à bonne fin:  
      Car ia le ciel pour iamais à ta trace [lisez: race]  
      Aux bords du Rosne a destiné la place.  
      Il luy conta quels Seigneurs & quels Rois  
      Naistroient de luy, & en combien d’endrois  
      Soit d’Italie, ou d’Espagne, ou de France  
      Tiendroient le sceptre en longue obeissance.  
      Il luy chanta ses hoirs de point en point  
      Ceux qui mourroient, ceux qui ne mourroient point  
      Ains que regner, & combien de Princesses  
      Viendroient de luy, de Ducs & de Duchesses.  
      Mais par sur tous, ce fleuue luy chantoit  
      D’vne Diane, & iurant, promettoit  
      Qu’el’ passeroit en chasteté Lucresse,  
      Et en beauté cette Helene de Grece,  
      Quelle prendroit d’vn seul trait de ses yeux  
      Les cœurs rauis des hommes & des Dieux  
      Et qu’à iamais ses fameuses louanges  
      Iroient vollant par les terres estranges.  
           Disant ainsi le fleuue deuala  
      Son chef dans l’eau, & l’enfant s’en alla  
      Tout bouillonnant d’affection nouuelle  
      D’estre l’ayeul d’vne race si belle.  
           Ie chanterois encores ta bonté,  
      Ton port diuin, ta grace, & ta beauté:  
      Comme tousiours ta bien heureuse vie  
      A repoußé par sa vertu l’enuie:  
           Ie chanteroy vers l’Eglise ta foy,  
      Comme tu es la parente du Roy  
      Qui te cherist comme vne dame sage,  
      De bon conseil, & de gentil courage,  
      Graue, benine, aimant les bons espris,  
      Et ne mettant les Muses à mespris.  
      Ie chanteroy d’Annet les edifices,  
      Termes, Piliers, Chapiteaux, Frontispices,  
      Voutes, lambris, canelures: & non,  
      Comme plusieurs, les fables de ton nom.  
      Et te louant, ie chanterois peut estre  
      Si hautement, que ce grand Roy mon maistre  
      En ta faveur, auroit l’ouvrage à gré  
      Que ie t’aurois humblement consacré.
     Source: Edition de 1571, d’après sa réédition numérique en mode image par la BNF, saisie en mode texte par Bernard Gineste, février 2003..
[Version modernisée et annotée]
A DIANE DE POITIERS
Duchesse de Valentinois.
ODE VIII
  
  
Quand je voudrais célébrer ton renom
Je ne dirais que: Diane est ton nom,
 
Car on ferait sans se travailler guère
sans grand effort
De ton seul nom une Iliade entière.
un poème aussi long que l’Iliade
Mais recherchant tes honneurs de plus loin,
de plus loin dans le temps
Je chanterais, animé d’un beau soin,
 
Tes vieux aïeux valeureux en la guerre
Qui ont porté le sceptre en mainte terre,
en de nombreux pays
Enfants de Rois, ou de Rois héritiers.
 
Je chanterais le beau sang de Poitiers
la dynastie des Lusignans 
Venu du ciel, et la race divine
Que Raymondin conçut en Mélusine:
la fée Mélusine (roman du XIV s.)
Je chanterais comme l’un de leurs fils
comme = comment
Aux bords du Clain dormant, lui fut avis
il eut l’impression (en rêve)
Que hors de l’eau, le petit dieu de l’onde
Jusques au col tirait sa tête blonde,
L’admonestant d’aller en Dauphiné:
 
Et lui disait: Enfant prédestiné
Pour commander à plus haute rivière,
haute = profonde (latinisme)
Laisse mes bords, cherche la rive fière
délaisse, quitte
Du large Rhône, et poursuis ton destin
Qui conduira ta voie à bonne fin:
Car jà le ciel pour jamais à ta race
jà = déjà, pour jamais = pour toujours
Aux bords du Rhône a destiné la place.
Il lui conta quels seigneurs et quels rois
Naîtraient de lui, et en combien d’endroits
Soit d’Italie, ou d’Espagne, ou de France
Tiendraient le sceptre en longue obéissance.
Il lui chanta ses hoirs de point en point
ses héritiers
Ceux qui mourraient, ceux qui ne mourraient point
Ains que régner, et combien de princesses
sans régner
Viendraient de lui, de ducs et de duchesses.
Mais par-sur tout, ce fleuve lui chantait
par-dessus tout
D’une Diane, et jurant promettait
au sujet d'une Diane
Qu’ell’ passerait en chasteté Lucrèce,
surpasserait
Et en beauté cette Hélène de Grèce,
Hélène de Troie
Qu’elle prendrait d’un seul trait de ses yeux
trait = tir
Les cœurs ravis des hommes et des dieux
ravis = captivés
Et qu’à jamais ses fameuses louanges
 
Iraient volant par les terres étranges.
à travers les pays étrangers
 
Disant ainsi le fleuve dévala
enfonça
Son chef dans l’eau, et l’enfant s’en alla
sa tête
Tout bouillonnant d’affection nouvelle
lisez: affecti-on
D’être l’aïeul d’une race si belle.
 
Je chanterais encore ta bonté,
Ton port divin, ta grâce et ta beauté;
Comme toujours ta bien heureuse vie
comme = comment, heureuse = chanceuse
A repoussé par sa vertu l’envie;
l’envie = la jalousie
 
Je chanterais vers l’Église ta foi,
envers
Comme tu es la parente du Roi
comme = comment
Qui te chérit comme une dame sage,
De bon conseil, et de gentil courage,
gentil = noble
Grave, bénigne, aimant les bons esprits,
grave = digne, bénigne = bienveillante
Et ne mettant les Muses à mépris.
les Muses = la culture
 
Je chanterais d’Anet les édifices,
le château d’Anet (bâti en 1548)
Thermes, Piliers, Chapiteaux, Frontispices,
thermes = bains
Voûtes, lambris, cannelures; et non,
Comme plusieurs, les fables de ton nom.
ce que de Diane la Mythologie
Et te louant, je chanterais peut-être
Si hautement, que ce grand Roi mon maître
avec une telle emphase
En ta faveur, aurait l’ouvrage à gré
apprécierait l’ouvrage
Que je t’aurais humblement consacré.
 
 
 
Bibliographie provisoire

     Pierre de RONSARD, Les Odes de P. de Ronsard, gentil-homme vandomois, au roy Henry II. de ce nom. Tome deuxiesme [496 p.], Paris, Gabriel Buon, 1571, pp.  [dont une edition numérique non paginée en mode texte par la BNF, gallica.bnf.fr, N070085, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=N070085 (en ligne en 2003)], pp.  
 265-267.
  
     ANONYME, «L’histoire d’une Fée: Mélusine», in Vendée [site web], http://www.vendee.com/french/savoir/histoire.htm (en ligne en 2003) (Histoire de la fée Mélusine et de Raymondin). 
 

 
 
 
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