À tire d’ailes
Étampes en 1926
L’année
1926 comptera parmi les années noires de l’histoire locale étampoise:
de chef-lieu d’arrondissement, notre cité est tombée au rang
de chef-lieu de canton, perdant, avec son titre, son tribunal, sa sous-préfecture,
sa recette des finances, son bureau d’enregistrement, et jusqu’à
sa prison.
Annoncée par un ministre et appliquée par
son successeur, la «Grande pénitence» nous a été
sérieusement infligée; plus sérieusement même
qu’à nos voisines, puisque l’on nous a infligé la double pénitence
d’aller nous faire juger administrativement à Rambouillet, judiciairement
à Corbeil.
Que fera-t-on de nous au point de vue politique? 1927 qui
verra certainement se dérouler au Parlement la lutte entre arrondissementiers
et proportionnalistes, nous le dira.
Les Étampois et leurs compatriotes beaucerons des
autres cantons s’étaient volontairement d’ailleurs imposé économies
et restrictions. Pas de cérémonies tapageuses, pas de fêtes,
peu de concours. Seules, les traditionnelles fêtes locales, égayées
par les refrains joyeux de «Chantecler» ou des fanfares communales,
furent les points de repère indiquant la marche des saisons au cours
de cette morose et décevante année.
Une seule grande manifestation émerge des banalités
locales: le Congrès de la Paix à Bierville. Il groupa dans
le parc ombreux cinq mille manifestants de toutes nationalités.
Dans le domaine politique, rien. Arrondissement disparu,
celui d’Étampes ne cherche pas une place que le nombre de ses électeurs
ou de ses délégués l’empêche de disputer aux
autres arrondissements; et l’élection sénatoriale de demain
ne remue vraiment pas «les couches profondes».
Dans le domaine judiciaire, peu de choses. Le contingent
habituel des poivrots, chapardeurs, cambrioleurs fut hospitalisé dans
les violons municipaux par les soins de nos actifs gendarmes, agents et
gardes champêtres. Ici et là, quelques suicides dus à
la grande misère des temps, quelques crépages de chignons, quelques
déconfitures et quelques fugues mirent en branle l’appareil judiciaire.
La sécheresse, due à
un très bel été, provoqua quelques gros incendies, notamment
dans la région étampoise où la motopompe, mise en batterie
par nos dévoués sapeurs-pompiers, qui cessèrent de
la bouder, put prouver son utilité.
Dans le domaine agricole, les Sociétés d’Horticulture
et d’Agriculture organisèrent les expositions traditionnelles et
connurent les succès coutumiers. La Ferté-Alais reçut
la visite des parlementaires les plus côtés de Seine-et-Oise
pour son concours agricole. Quant à la région Milliacoise,
elle semble s’orienter vers une culture très intéressante:
celle du tabac. Le blé, principale richesse de nos contrées
beauceronnes, suivit les fantaisies de la livre: il cota jusqu’à 245
francs les 100 kilogs, descendit jusqu’à 150, pour finir en fin d’année
à 185 francs.
Ceci nous valut le pain cher, et, comme conséquence,
la vie ultra-chère et l’inévitable chômage dans de
nombreuses usines. Comme étrennes de fin d’année nous enregistrons
à Étampes un budget de 2 millions, l’élévation
du prix du gaz et de l’électricité (avec multiplication de
pannes).
Quelques citoyens de notre bonne ville ont essayé
d’échapper aux soucis de l’existence en se groupant en Sociétés
amicales, l’une «Le Cercle Philatélique», réunissant
les collectionneurs de timbres-poste, l’autre «Les Amis du Théâtre»,
réunissant les fidèles abonnés des spectacles donnés
sur notre scène municipale.
Le but des premiers est de collectionner les innombrables
vignettes passées, présentes et futures que les gouvernements
impriment avec majoration constante pour se procurer des fonds; le but des
seconds est de doter notre théâtre d’un matériel propre
et de décors appropriés aux scènes qui s’y jouent.
Ces sociétés sont prospères car l’Art semble résister
aux attaques des mœurs charlestonesques et des difficultés de la
vie; la 3e Exposition artistique nous en a donné la preuve; et l’on
voit, dans de nombreuses petites communes, se former des groupements artistiques
qui vivent et prospèrent... On a bien parlé, à La
Ferté- Alais, de la mort de la «Cigale Fertoise», mais
nous ne la croyons qu’engourdie et toute prête, dès que reviendra
le printemps, à reprendre son chant...
La hausse des tarifs de chemins de fer, rendant très
onéreux les déplacements, exige qu’on fasse appel à
toutes les ressources locales pour agrémenter et faciliter la vie.
D’où la prospérité des patronages, amicales, sociétés
sportives, de tir, etc...
Dans le but d’attirer les touristes, on a pu voir les hôteliers
et les municipalités faire de grands efforts pour rendre plus attrayantes
leurs cités. À Étampes, des ponts en ciment armé
rendent plus facile l’accès
des promenades des Prés. Et l’on nous promet, pour 1927, des squares
fleuris... Pourquoi pas? Quand on veut, on peut... Les habitants de Guinette
et de Saint-Martin ont bien eu leur réservoir à eau. Pourquoi
les habitants de la rue Saint-Jacques (Théâtre et Saint-Gilles)
n’auraient-ils pas des oasis fleuries?
*
* *
Ce sont toutes sortes de fleurs et de bonnes et agréables
choses que le chroniqueur de fin d’année souhaite à ses amis
et lecteurs en leur disant d’oublier l’année défunte comme
on oublie un mauvais rêve et de sourire à l’année nouvelle
qui ne doit être qu’une bonne et heureuse année.
X...
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L’Abeille d’Étampes
116/2 (8 janvier 1927), p. 1.
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