À tire d’ailes
Étampes en 1923
Année d’activité, et, malgré les difficultés
économiques, année prospère, heureuse... Dans chacune
de nos petites cités, se sont constitués des groupements d’intellectuels,
de commerçants, jeunes gens, qui ont, en dehors de toute idée
politique ou confessionnelle, organisé des réunions artistiques,
des fêtes sportives, des conférences, des expositions, des
foires... Et il en est résulté un intéressant mouvement
économique, intellectuel, touristique dont notre arrondissement et
ses habitants ont largement bénéficié et bénéficieront
encore.
L’âme de ce mouvement est notre aimable sous-préfet,
M. Moine. Qu’il nous pardonne de porter atteinte à sa modestie; mais
comment ne pas dire qu’après avoir lancé l’an dernier ce mouvement,
il a continué d’en être le grand animateur, se rendant à
toutes les manifestations, à toutes les cérémonies,
aplanissant toutes les difficultés par ses démarches en haut
lieu, apportant ses encouragements, ses conseils et ses relations artistiques
aux organisateurs... Nous sommes certain d’être l’interprète
de tous en souhaitant garder longtemps M. Moine à la tête des
services administratifs de l’arrondissement.
Procédons par série: dans le domaine artistique,
nous citerons les Ballets Suédois, les Chœurs Ukrainiens, le Gala
musical des Mutilés, la Matinée-Concert des Dames françaises;
et, plus modestes, mais souvent délicieuses, les soirées d’amateurs
données par les Sociétés locales de Milly, de Maisse,
et surtout de La Ferté-Alais, où chante, hiver comme été,
la vaillante Cigale...
Dans le domaine intellectuel, Étampes bénéficia
de conférences ravissantes: Léo Claretie, Louis Madelin, Vincent
d’Indy, Jean Périnard, Mme Jehan d’Ivray, Pierre de Nolhac, Jean
Aubry, Tristan Bernard, charmèrent, chacun dans son genre bien personnel,
des centaines d’auditeurs enthousiasmés.
Dans le domaine sportif, il faut signaler le succès
des coupes et challenge André Bloch et Bouilloux-Lafont, du Rallye-Aérien
de Villesauvage, de la course à l’américaine d’Angerville,
et de tous ces matches locaux, courses, lâchers de pigeons, qui amènent
dans notre pittoresque arrondissement des milliers de Parisiens, amoureux
de la nature, amis fidèles qui reviennent aux beaux jours et villégiaturent
chez nous. L’été particulièrement beau de 1923, a valu
à Étampes, à Méréville, à La Ferté-Alais,
à Milly, de nombreux hôtes; une fois de plus, nous réclamons
ce Syndicat d'initiative qui, par une heureuse et intelligente réclame,
fera valoir le charme, sinon grandiose du moins fort reposant, de nos verdoyantes
campagnes.
Dans le domaine patriotique, — le moins favorisé des
dieux, sans doute, car il connut, cette année encore, des averses
torrentielles, — il faut citer l’inauguration des monuments aux morts de
Morigny-Champigny et de d’Huison-Longueville, les fêtes du drapeau
de Bouville, Boutigny, Morigny-Champigny. Le monument d’Étampes, retouché
et complété, sera sans doute inauguré en 1924... Mieux
vaut tard que Jamais... Ce qui n’empêche pas d’ailleurs nos Sociétés
locales et notre Municipalité de le fleurir magnifiquement aux grands
anniversaires.
La plus importante des manifestations agricoles de l'année
fut la foire des plantes médicinales de Milly; deux ministres et
de nombreux savants l’honorèrent de leur présence; elle aura
créé un important débouché aux cultivateurs-
herboristes de la région qui ont compris tout l’intérêt
que présente ce genre de culture.
Dans le domaine public, si La Ferté-Alais baptisa ses
cloches, Boutervilliers fêta ses eaux. Maisse déroula sa cavalcade,
Étampes fit quelque chose de grandiose: elle reçut Paris,
en la personne de sa Reine des Abeilles et de ses demoiselles d’honneur;
et ce fut une princesse d’Étampes qui reçut la gracieuse Majesté
et sa suite: la Fête des Fleurs 1923, donnée au bénéfice
des Mutilés de l'arrondissement, fut un triomphe pour notre ville,
pour son Union des Commerçants, pour son Comité des Fêtes
et pour son premier magistrat, M. Marcel Bouilloux-Lafont, qui, à
peine rentré du Brésil, accepta la présidence de cette
fête et s’y donna avec un tel enthousiasme, une telle délicatesse,
une telle générosité qu’on peut dire qu’il fut le principal
artisan de son succès...
Ne quittons pas le domaine des réjouissances sans parler
de l’habituelle réussite de la Saint-Michel; des joyeuses fêtes
de quartier et des beaux succès qu’obtinrent notre Musique municipale
à Dives-sur-Mer, nos sapeurs-pompiers à Avranches, nos gymnastes
à Rouen et à Laon, nos jeunes concitoyennes des Enfants de
Guinette à Monte-Carlo.
La vie industrielle, commerciale, agricole se ressentit fort
heureusement de cette activité; s’il ne se créa pas de nouvelles
industries, celles existant déjà l’an dernier triomphèrent
des difficultés créées quotidiennement par l’Ad-mi-nis-tra-tion
et l’Électricité, — l’une et l’autre multipliant leurs mauvais
tours pour faire damner les pacifiques citoyens. La prospérité
de nos régions agricoles n’en alla pas moins croissant et elle croîtra
sans cesse, surtout si l'électrification du réseau du P. O.
est chose rapidement faite, comme on peut l’espérer en voyant la
rapidité des travaux entrepris à proximité d’Étréchy.
Nul ne chôma dans la région, pas même les
cambrioleurs; l’année 1923 fut en effet illustrée par quelques
audacieux cambriolages, accomplis en pleine ville; nos gendarmes se multiplièrent,
ainsi que nos agents dont le chef, le regretté M. Alfred Cayen, commissaire
de police, usa ses forces dans l’accomplissement de sa tâche. Il fut
remplacé par M. Brossier, l’actif commissaire d’Ablis.
Nos gendarmes ruraux eurent à enquêter sur les
coutumiers délits de chasse, querelles de voisins, vols de poules,
etc. Ils le firent avec un dévouement qui, pour être obscur,
n’en est pas moins utile, puisqu’il assure la tranquillité et la
sécurité dans nos campagnes. À signaler, dans le domaine
judiciaire, la tragédie de Valpuiseaux qui fit deux victimes, l’assassin
s’étant fait justice.
Quand nous aurons fait mention du récent déraillement,
il ne nous restera plus à pénétrer que dans un seul
domaine: celui de la politique: les électeurs de l’arrondissement
ont eu à voter pour remplacer deux députés décédés:
MM. Messier et Georges Aimond; la grande majorité a porté
ses suffrages sur MM. Franklin-Bouillon et Goust, candidats de l’Union des
gauches, qui battirent les deux candidats du Bloc national, MM. André
et Fillios. Les électeurs du canton d’Étampes, ayant à
remplacer M. Lory, conseiller d’arrondissement, décédé
presque subitement, donnèrent leur confiance à l’un des plus
sympathiques enfants d’Étampes, M. Marcel Duclos. Enfin, les conseillers
municipaux désignèrent les délégués qui
auront à choisir, demain, un remplaçant à M. Poirson,
sénateur, décédé.
*
* *
Année de beau soleil, de belle récolte et pourtant
de pain cher... Il n’y eut cependant pas de miséreux; les quelques
petites infortunes furent toujours soulagées par les admirables Sociétés
de Secours mutuels et de Croix-Rouge de notre ville.
Comment, dès lors, ne pas souhaiter que 1924 ne soit
tout bonnement que le prolongement de 1923? Avec quelques améliorations,
bien entendu, sur le prix des œufs et du pot-au-feu, l’odeur du gaz et la
puissance de l’électricité, la perception des impôts
et la création des bains- douches, etc., etc.
Souhaits plus difficilement réalisables, sans doute,
que ceux de bonheur et de prospérité que forme, pour chacun
de ses ami lecteurs, au seuil de cette année nouvelle, leur chroniqueur
dévoué.
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L’Abeille d’Étampes
113/1 (5 janvier 1924), p. 1 (article non signé).
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