Corpus Historique Étampois
 
Terrier
À tire d’ailes, Étampes en 1922
Abeille d’Étampes du 6 janvier 1923
     
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     Au seuil de l’année 1923, l’un des frères Terrier que nous navons pu identifier avec certitude, soit Léon (1869-1937) ou Auguste (1873-1932), propose aux lecteurs de L’Abeille d’Étampes un bilan de l’année 1922 qui vient de s’écouler, pour ce qui concerne du moins Étampes et sa région. Cette synthèse de l’actualité locale, si subjective soit-elle, a naturellement une valeur irremplaçable pour l’histoire locale du XXe siècle étampois, et c’est pourquoi nous la mettons à la disposition de tous les historiens comme de tous les curieux de l’histoire du Sud-Essonne.
Bernard Gineste, 2018
  
Terrier
À tire d’ailes, Étampes en 1922
Abeille d’Étampes du 6 janvier 1923
 

À tire d’ailes
Étampes en 1922


   On a pu écrire ceci: «On dira bientôt Paris près Étampes...» Humour? Ironie? À coup sûr, exagération... Étampes se contenta tout bonnement d’être, en 1922, une brillante étoile dans la constellation parisienne... Et ce fut au grand profit de tous, l’art s’étant mis à la portée de toutes les intelligences, de toutes les bourses, avec le double but de soulager les infortunes de la guerre et d’aider à la vie économique de la cité.

   On a dit bien des fois que le moyen d’éviter l’exode des provinciaux était de rendre la vie attrayante en province. Un groupe de dévoués concitoyens, ayant à leur tête le représentant du gouvernement, notre aimable sous-préfet, M. Moine, se donnèrent à cette tâche, très délicate, de réveiller Étampes, d’en faire un petit centre intellectuel, attrayant, vivant... Ceci en dehors de toute question politique ou religieuse... Et le succès couronna les efforts du Comité des Conférences, comme il couronna ceux de l’Union des Commerçants et Industriels: l’Opéra, la Comédie-Française nous envoyèrent leurs meilleurs artistes; le monde des lettres détacha quelques-uns de ses plus illustres représentants; le monde musical fut représenté, dans ce cycle artistique, par la Schola Cantorum et son talentueux maître, M. Vincent d’Indy. Quant aux ressources locales, elles se groupèrent pour nous donner cette fête superbe que fut la Fête des Fleurs, avec ses reines — fête qui, nous le rappelons pour qu’elle revive en 1923, rapporta 9.000 fr. à la Caisse des Pupilles — et pour l’organisation de la brillante Saint-Michel, avec le couronnement de Mlle Christen, comme rosière d’Étampes.

   L’exemple, venu d’en haut, suscita les initiatives des groupements locaux et des groupements des communes voisines: patronages d’Étampes, de Maisse, de Pussay, Cigale Fertoise, fanfares, sociétés sportives de Milly, d’Angerville, de Méréville, donnèrent des spectacles vraiment artistiques qui attirèrent la sympathie de tous.

   Un tel élan ne peut être brisé et nous sommes bien certain que 1923 verra prospérer toutes les Associations artistiques dont les mots d’ordre sont: «Art, Beauté, Charité.»

   À côté des arts, les sports. La jeunesse veut du mouvement et elle a raison; à une âme saine, il faut un corps sain. Partout de grands amis des jeunes aidèrent de leurs deniers les organisateurs de Sociétés locales; et nous savons, par l’importance que prend la chronique sportive, que nulle commune de notre arrondissement n’est restée à l’écart du mouvement. À Étampes, se déroulèrent de véritables fêtes du sport qui, dotées par notre sympathique concitoyen, M. André Bloch, de challenges superbes, attirèrent en nos murs une foule de visiteurs. N’oublions pas la grande épreuve aérienne, la coupe Deutsch de la Meurthe qui revient chaque année, arracher à sa torpeur le plateau de Villesauvage.

   Fêtes d’art, fêtes de sport présentent, en effet, le gros avantage de faire connaître et aimer notre petit pays; nombre de Parisiens apprécient déjà ses sites pittoresques et ses fraîches promenades. En joignant les efforts d’un Syndicat d’initiative éventuel à ceux des dévoués organisateurs de fêtes locales, on pourra créer un mouvement touristique dans les vallées de la Juine, de l’Essonne, de l’École, qui sera profitable à tous.

   Avant de quitter le chapitre des sports, signalons la naissance des Sociétés sportives féminines de Bouray et d’Étampes (la section des Enfants de Guinette). La première se couvrit de gloire dans des matches de baskett-ball; la seconde fit triompher Étampes dans le concours fédéral de Vichy; la sympathie qui fut témoignée, lors de leurs sorties, à nos délicieuses concitoyennes, doit être, pour elles et pour leurs directeurs, le meilleur des encouragements.

   On se divertit en 1922; on se récréa d’une façon agréable, saine, utile, mais on travailla aussi, en ville et dans les champs; on travailla malgré les difficultés occasionnées par la vie chère, les exigences du fisc, les mauvaises plaisanteries de la fée électricité — trois vrais fléaux pour le commerce et l’industrie... Après l’Union des Commerçants qui se développa dans tout l’arrondissement, voici le Syndicat des Abonnés du Sud-Lumière qui a obtenu déjà, en guise d’étrennes, quelques améliorations appréciables. Puisse 1923 voir se créer le Syndicat des contribuables, lequel aurait pour mission de mettre un frein aux exigences de la «Princesse»!

   Quelques importantes industries se sont créées à Étampes: Vinaigrerie d’Étampes, laboratoires Dausse, fabrique de perles, etc.; par contre Méréville perdit son importante scierie Nauer, détruite au mois d’août par un violent incendie.

   Le travail agricole connut deux réels triomphes: l’un au Concours agricole et horticole d’Angerville, organisé magnifiquement par M. Brégé et son conseil municipal; l’autre à La Ferté-Alais, au concours organisé sous les auspices du Comice agricole de Seine-et-Oise, par M. Muret, conseiller général, et la municipalité. L’arrondissement d’Étampes se trouva bénéficier ainsi d’une visite ministérielle, celle de la providence des agriculteurs, le populaire M. Chéron, ministre de l’Agriculture. Ajoutons à ces grandes manifestations de l’activité de nos paysans, celles plus modestes qu’organisèrent à Milly et à Étampes les Sociétés locales d’agriculture et d’horticulture, avec le concours de leurs amis et des municipalités.

   Un grincheux qui sembla vouloir, par le geste, protester contre toutes les fêtes, celle de la Beauté ou celle de la Vertu, celle des Arts ou celle du Travail, ce fut le Temps! Que d’eau… que d’eau! Manteau de Reines ou gibus de Ministre républicain furent copieusement arrosés. Les inaugurations de monuments aux morts ne furent pas plus favorisées que les autres cérémonies et la plupart se déroulèrent sous des averses de pluie qui paraissaient vouloir rivaliser, par la quantité, avec les torrents d’éloquence: inaugurations à Champmotteux, Mondeville, Blandy, La Forêt-Sainte-Croix, Marolles-en-Beauce, Villeconin, Boigneville, Chalô-Saint-Mars, Chamarande, Orveau, Torfou, Brières-les-Scellés, Congerville.

   L’inauguration du monument d’Étampes bénéficiera-t-elle d’un meilleur temps? Souhaitons que 1923 — puisque l’inauguration du monument qui se dresse déjà dans le square du Souvenir, est prévue pour ce printemps, — souhaitons que 1923 nous donne un peu plus de soleil que l’année défunte; peut-être aurons-nous moins de haricots verts, mais le beau soleil dorant les moissons blondes, peut-être aurons-nous du pain moins cher...

   Année de pain cher, année de misère, dit-on; et année de misère, signifie année de vols, de chapardages, de crimes... Non, pourtant... Le rayon judiciaire ne fournit rien de sensationnel; nos gendarmes furent plus souvent appelés à constater des accidents d’automobiles que des crimes et nos magistrats eurent beaucoup plus souvent à débrouiller des conflits de famille ou de chasseurs qu’à châtier des associations de voleurs. Ah! Si... Il y eut l’histoire des canards de Saint-Pierre, sur laquelle notre ami de Lautrec, prince de l’Humour, voudra bien écrire un jour quelques pages délicieuses...

    Art, travail, sport, justice!... Que reste-t-il de sérieux à examiner?... Ah! oui, la politique — celle-ci étant assez sérieuse puisqu’elle touche d’assez près aux intérêts économiques de la région. Les élections au Conseil général et aux Conseils d’arrondissement furent palpitantes: sans difficulté, M. Muret, maire de Torfou, remplaça comme conseiller général du canton de La Ferté-Alais, M. Amodru qui, tenant à se consacrer tout entier à son mandat de député, ne se représentait pas; mais, M. Gustave Brinon dut mener une lutte ardente pour enlever, au deuxième tour de scrutin, le siège de conseiller général du canton de Méréville; l’énorme majorité accordée au sympathique maire de Pussay par les ouvriers de cette ville montre qu’il est possible de forger une solide entente entre le patron et le salarié, quand l’un et l’autre sont gens d’honneur et de loyauté. Au Conseil d’arrondissement, Milly conserva sa délégation, MM. Aubry et Desmeaux, tandis qu’Étampes modifiait la sienne en remplaçant M. Léauté par le docteur Solon qui prit ainsi place aux côtés de MM. Riche et Lory. De ci de là, quelques élections municipales; Méréville se donna comme maire M. Jossand, en remplacement de M. Charpentier, démissionnaire.

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  Tels furent les faits saillants de la vie économique, politique, sociale, intellectuelle de l’arrondissement d’Étampes en 1922.

   Chacun, dans sa petite sphère, s’ingénia à bien remplir son rôle; d’où une prospérité à peu près générale. Quant aux humbles, aux malades, ils trouvèrent toujours auprès de nos Sociétés de Secours mutuels et de Croix-Rouge l’appui, le soutien matériel ou moral dont ils avaient besoin. Que l’année 1923 se déroule dans une quiétude aussi parfaite; qu’elle bénéficie d’un soleil aussi radieux que celui qui brilla en son premier jour de vie; que l’électricité imite le soleil et répande sa lumière dans nos plus humbles villages; que les impôts, les biftecks, les œufs et les choux diminuent; que les salaires et les bénéfices augmentent; ainsi que le nombre des enfants, tels sont les vœux que formule, d’une façon générale, votre chroniqueur dévoué, tandis qu’il adresse à chacun de ses lecteurs en particulier, ses souhaits bien sincères de bonheur et de prospérité.
L’Abeille d’Étampes 112/1 (6 janvier 1923), p. 1 (article non signé).


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SourceL’Abeille d’Étampes 112/1 (6 janvier 1923), p. 1 (saisie de Bernard Gineste, 2018).
BIBLIOGRAPHIE

Éditions

     Léon ou Auguste TERRIER, «À tire d’ailes, Étampes en 1922», in L’Abeille d’Étampes 112/1 (6 janvier 1923), p. 1.

     Bernard GINESTE [éd.], «Terrier: À tire d’ailes, Étampes en 1922
», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-20-terrier1923etampesen1922.html, 2018.


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