À tire d’ailes
Étampes en 1922
On a pu écrire
ceci: «On dira bientôt Paris près Étampes...»
Humour? Ironie? À coup sûr, exagération... Étampes
se contenta tout bonnement d’être, en 1922, une brillante étoile
dans la constellation parisienne... Et ce fut au grand profit de tous,
l’art s’étant mis à la portée de toutes les intelligences,
de toutes les bourses, avec le double but de soulager les infortunes
de la guerre et d’aider à la vie économique de la cité.
On a dit bien des fois que le moyen d’éviter
l’exode des provinciaux était de rendre la vie attrayante en province.
Un groupe de dévoués concitoyens, ayant à leur tête
le représentant du gouvernement, notre aimable sous-préfet,
M. Moine, se donnèrent à cette tâche, très
délicate, de réveiller Étampes, d’en faire un petit
centre intellectuel, attrayant, vivant... Ceci en dehors de toute question
politique ou religieuse... Et le succès couronna les efforts du
Comité des Conférences, comme il couronna ceux de l’Union
des Commerçants et Industriels: l’Opéra, la Comédie-Française
nous envoyèrent leurs meilleurs artistes; le monde des lettres détacha
quelques-uns de ses plus illustres représentants; le monde musical
fut représenté, dans ce cycle artistique, par la Schola Cantorum
et son talentueux maître, M. Vincent d’Indy. Quant aux ressources
locales, elles se groupèrent pour nous donner cette fête
superbe que fut la Fête des Fleurs, avec ses reines — fête
qui, nous le rappelons pour qu’elle revive en 1923, rapporta 9.000 fr.
à la Caisse des Pupilles — et pour l’organisation de la brillante
Saint-Michel, avec le couronnement de Mlle Christen, comme rosière
d’Étampes.
L’exemple, venu d’en haut, suscita les initiatives des
groupements locaux et des groupements des communes voisines: patronages
d’Étampes, de Maisse, de Pussay, Cigale Fertoise, fanfares, sociétés
sportives de Milly, d’Angerville, de Méréville, donnèrent
des spectacles vraiment artistiques qui attirèrent la sympathie
de tous.
Un tel élan ne peut être brisé et
nous sommes bien certain que 1923 verra prospérer toutes les Associations
artistiques dont les mots d’ordre sont: «Art, Beauté, Charité.»
À côté des arts, les sports. La
jeunesse veut du mouvement et elle a raison; à une âme saine,
il faut un corps sain. Partout de grands amis des jeunes aidèrent
de leurs deniers les organisateurs de Sociétés locales;
et nous savons, par l’importance que prend la chronique sportive, que
nulle commune de notre arrondissement n’est restée à l’écart
du mouvement. À Étampes, se déroulèrent de
véritables fêtes du sport qui, dotées par notre sympathique
concitoyen, M. André Bloch, de challenges superbes, attirèrent
en nos murs une foule de visiteurs. N’oublions pas la grande épreuve
aérienne, la coupe Deutsch de la Meurthe qui revient chaque année,
arracher à sa torpeur le plateau de Villesauvage.
Fêtes d’art, fêtes de sport présentent,
en effet, le gros avantage de faire connaître et aimer notre petit
pays; nombre de Parisiens apprécient déjà ses sites
pittoresques et ses fraîches promenades. En joignant les efforts d’un
Syndicat d’initiative éventuel à ceux des dévoués
organisateurs de fêtes locales, on pourra créer un mouvement
touristique dans les vallées de la Juine, de l’Essonne, de l’École,
qui sera profitable à tous.
Avant de quitter le chapitre des sports, signalons la
naissance des Sociétés sportives féminines de Bouray
et d’Étampes (la section des Enfants de Guinette). La première
se couvrit de gloire dans des matches de baskett-ball; la seconde fit
triompher Étampes dans le concours fédéral de Vichy;
la sympathie qui fut témoignée, lors de leurs sorties, à
nos délicieuses concitoyennes, doit être, pour elles et pour
leurs directeurs, le meilleur des encouragements.
On se divertit en 1922; on se récréa d’une
façon agréable, saine, utile, mais on travailla aussi, en
ville et dans les champs; on travailla malgré les difficultés
occasionnées par la vie chère, les exigences du fisc, les
mauvaises plaisanteries de la fée électricité — trois
vrais fléaux pour le commerce et l’industrie... Après l’Union
des Commerçants qui se développa dans tout l’arrondissement,
voici le Syndicat des Abonnés du Sud-Lumière qui a obtenu déjà,
en guise d’étrennes, quelques améliorations appréciables.
Puisse 1923 voir se créer le Syndicat des contribuables, lequel aurait
pour mission de mettre un frein aux exigences de la «Princesse»!
Quelques importantes industries se sont créées
à Étampes: Vinaigrerie d’Étampes, laboratoires Dausse,
fabrique de perles, etc.; par contre Méréville perdit son
importante scierie Nauer, détruite au mois d’août par un
violent incendie.
Le travail agricole connut deux réels triomphes:
l’un au Concours agricole et horticole d’Angerville, organisé magnifiquement
par M. Brégé et son conseil municipal; l’autre à
La Ferté-Alais, au concours organisé sous les auspices du
Comice agricole de Seine-et-Oise, par M. Muret, conseiller général,
et la municipalité. L’arrondissement d’Étampes se trouva
bénéficier ainsi d’une visite ministérielle, celle
de la providence des agriculteurs, le populaire M. Chéron, ministre
de l’Agriculture. Ajoutons à ces grandes manifestations de l’activité
de nos paysans, celles plus modestes qu’organisèrent à Milly
et à Étampes les Sociétés locales d’agriculture
et d’horticulture, avec le concours de leurs amis et des municipalités.
Un grincheux qui sembla vouloir, par le geste, protester
contre toutes les fêtes, celle de la Beauté ou celle de la
Vertu, celle des Arts ou celle du Travail, ce fut le Temps! Que d’eau… que
d’eau! Manteau de Reines ou gibus de Ministre républicain furent
copieusement arrosés. Les inaugurations de monuments aux morts ne
furent pas plus favorisées que les autres cérémonies
et la plupart se déroulèrent sous des averses de pluie qui
paraissaient vouloir rivaliser, par la quantité, avec les torrents
d’éloquence: inaugurations à Champmotteux, Mondeville, Blandy,
La Forêt-Sainte-Croix, Marolles-en-Beauce, Villeconin, Boigneville,
Chalô-Saint-Mars, Chamarande, Orveau, Torfou, Brières-les-Scellés,
Congerville.
L’inauguration du monument d’Étampes bénéficiera-t-elle
d’un meilleur temps? Souhaitons que 1923 — puisque l’inauguration du
monument qui se dresse déjà dans le square du Souvenir,
est prévue pour ce printemps, — souhaitons que 1923 nous donne
un peu plus de soleil que l’année défunte; peut-être
aurons-nous moins de haricots verts, mais le beau soleil dorant les moissons
blondes, peut-être aurons-nous du pain moins cher...
Année de pain cher, année de misère,
dit-on; et année de misère, signifie année de vols,
de chapardages, de crimes... Non, pourtant... Le rayon judiciaire ne fournit
rien de sensationnel; nos gendarmes furent plus souvent appelés
à constater des accidents d’automobiles que des crimes et nos magistrats
eurent beaucoup plus souvent à débrouiller des conflits de
famille ou de chasseurs qu’à châtier des associations de voleurs.
Ah! Si... Il y eut l’histoire des canards de Saint-Pierre, sur laquelle
notre ami de Lautrec, prince de l’Humour, voudra bien écrire un jour
quelques pages délicieuses...
Art, travail, sport, justice!... Que reste-t-il
de sérieux à examiner?... Ah! oui, la politique — celle-ci
étant assez sérieuse puisqu’elle touche d’assez près
aux intérêts économiques de la région. Les
élections au Conseil général et aux Conseils d’arrondissement
furent palpitantes: sans difficulté, M. Muret, maire de Torfou, remplaça
comme conseiller général du canton de La Ferté-Alais,
M. Amodru qui, tenant à se consacrer tout entier à son mandat
de député, ne se représentait pas; mais, M. Gustave
Brinon dut mener une lutte ardente pour enlever, au deuxième tour
de scrutin, le siège de conseiller général du canton
de Méréville; l’énorme majorité accordée
au sympathique maire de Pussay par les ouvriers de cette ville montre
qu’il est possible de forger une solide entente entre le patron et le
salarié, quand l’un et l’autre sont gens d’honneur et de loyauté.
Au Conseil d’arrondissement, Milly conserva sa délégation,
MM. Aubry et Desmeaux, tandis qu’Étampes modifiait la sienne en
remplaçant M. Léauté par le docteur Solon qui prit
ainsi place aux côtés de MM. Riche et Lory. De ci de là,
quelques élections municipales; Méréville se donna
comme maire M. Jossand, en remplacement de M. Charpentier, démissionnaire.
*
* *
Tels furent les faits saillants
de la vie économique, politique, sociale, intellectuelle de l’arrondissement
d’Étampes en 1922.
Chacun, dans sa petite sphère, s’ingénia
à bien remplir son rôle; d’où une prospérité
à peu près générale. Quant aux humbles, aux
malades, ils trouvèrent toujours auprès de nos Sociétés
de Secours mutuels et de Croix-Rouge l’appui, le soutien matériel
ou moral dont ils avaient besoin. Que l’année 1923 se déroule
dans une quiétude aussi parfaite; qu’elle bénéficie
d’un soleil aussi radieux que celui qui brilla en son premier jour de vie;
que l’électricité imite le soleil et répande sa lumière
dans nos plus humbles villages; que les impôts, les biftecks, les
œufs et les choux diminuent; que les salaires et les bénéfices
augmentent; ainsi que le nombre des enfants, tels sont les vœux que formule,
d’une façon générale, votre chroniqueur dévoué,
tandis qu’il adresse à chacun de ses lecteurs en particulier, ses
souhaits bien sincères de bonheur et de prospérité.
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L’Abeille d’Étampes 112/1 (6 janvier 1923), p. 1
(article non signé).
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