À
vol d’oiseau
Étampes en 1912
Elle n’a pas été précisément tranquille,
la vie de notre cité et de notre région pendant l’année
qui finit. Où êtes-vous, temps heureux où notre arrondissement
modèle se distinguait par son calme et par l’union des habitants?
La politique et les querelles de partis et de personnes sévissent
en tempête: est-il bien sûr que nous en soyons ou que nous en
serons plus heureux?
On a scrutiné dans tout l’arrondissement le 5 mai pour
le renouvellement des Conseils municipaux.
La bataille a été passionnée
dans notre ville qui a rénové presque entièrement son
assemblée communale et qui s’est offert une municipalité nouvelle,
composée de MM. Bouilloux-Lafont, maire, Lescuyer et Léauté
adjoints. La poussière du combat n’est pas encore tombée,
à en juger par les dernières séances où une
sourde bataille entre nos édiles d’hier et ceux d’aujourd’hui se
continue sur plusieurs terrains, notamment celui du chemin de fer départemental
qui roule pourtant et celui des relations entre l’Hôtel de Ville,
le Bureau de bienfaisance et la Caisse d’Epargne. La nouvelle municipalité
a formulé divers projets de réformes, unification des emprunts,
adoption du compteur à eau Continental, création d’une ville
haute à Guinette, installation à Étampes de l’hospice
des Quinze-Vingts. La réforme du service des eaux se rappelle aussi
à l’attention du Conseil, qui a donc du pain sur la planche. Rappelons
encore l’élection de M. Chambellan au Conseil d’arrondissement, le
30 juin pour le canton d’Étampes.
Fait sensationnel: le chemin de fer départemental a
été ouvert entre Étampes et Milly-Corbeil. Il a fallu
que les wagons roulent et que les locomotives sifflent pour que les incrédules
se rendent à l’évidence. Et les oppositions et les critiques
se sont fait entendre jusqu’au dernier moment.
Succès oblige! Le 20 octobre
M. Pams, ministre de l’agriculture, est venu à Étampes inaugurer
la nouvelle section et, si la fête n’a pas eu l’éclat qu’elle
aurait dû avoir dans notre ville d’où est parti le mouvement
qui a doté de la voie nouvelle la région sud-est de Seine-et-Oise,
elle a du moins acquis au tramway l’adhésion de tous devant l’évidence
des services qu’elle rend à l’agriculture et aux petites communes.
On ne se préoccupe plus que d’en améliorer le rendement.
Signalons encore ces faits intéressants de l’année:
formation d’une société pour la création d’une distillerie
agricole à Guillerval; offre par M. de Saint-Périer à
la Ville d’Étampes d’une mosaïque relevée sur l’emplacement
d’une villa romaine à Souzy-la-Briche; formation d’une Société
des Amis du Musée.
Parmi les décès il faut citer ceux de MM. Breuil,
ancien président du Conseil d’arrondissement, Blot, vice-président,
et Bédu, maire de Milly, membre de ce Conseil; Thiéblemont,
juge de paix de La Ferté-Alais; Forteau, le distingué et savant
conservateur du Musée et caissier de la Caisse d’Epargne; Béliard,
conseiller municipal, ancien maire, qui a eu les honneurs d’obsèques
municipales, d’une levée de dix minutes de séance par le Conseil
et de l’attribution de son nom à une de nos futures rues.
La vie de nos sociétés de musique, de tir et
de préparation militaire a continué d’être très
active. Grand succès pour les Enfants de Gui- nette au concours d’Enghien,
pour le concours de musique de Maisse (9 juin) où la Fanfare de La
Ferté-Alais s’est couverte de lauriers, pour le Concours de la Société
d’Agriculture à Milly le 30 juin, etc. La remise de la médaille
de 1870-71 aux Anciens Combattants a eu lieu à Étampes et
dans nos diverses communes en grande solennité.
La rubrique criminelle
n’a pas chômé. Le 31 janvier nous avons eu le drame Orléans-Angerville-Étampes.
Le brigadier de gendarmerie Dormoy est tué près de Mondésir
par le bandit Renard; les gendarmes rejoignent les bandits près d’Étampes
et tuent Britannicus. Renard est arrêté à la gare d'Étréchy
et le 9 novembre il est condamné à mort. La population fait
de belles obsèques au brigadier Dormoy que le colonel Thiébault
donne en exemple. Un garçon d’hôtel d’Étampes vole 800
francs à une bonne et va dissiper ce magot en une nuit d’orgie aux
Halles: 13 mois de prison. Le 17 novembre, de jeunes voyous assaillent,
en pleine rue Saint-Jacques, une jeune fille d’Étampes pour lui voler
son réticule.
Accidents et faits divers. Le plus grave est la mort à
Chamarande du puisatier Claveau que les soldats du génie retirent
après 24 heures du puits où il est resté enseveli par
un éboulement. Le 28 août, en gare de Monnerville, une locomotive
enfonce un butoir et tombe sur la route: le pauvre mécanicien est
tué et retiré de dessous sa machine où il est resté
à son poste la main sur la manette.
À la Saint-Michel l’orage fait
tomber deux arbres et une baraque est écrasée. À Milly,
M. Boussaingault tue un bel aigle de 2 m. 05 d’envergure.
Nos champs d’aviation ont
été très actifs. Hélas! Il nous ont donné
aussi des deuils: Suzanne Bernard (10 mars), le capitaine Jost (30 mars),
le capitaine Echeman (15 mai), le maréchal des logis Laurent (21
novembre). Ayons aujourd’hui une pensée pour ces malheureuses victimes
du progrès.
La performance la plus remarquable que
nous ayons vue est celle de Fourny, qui le 17 septembre, a fait 1017 kilomètres
sans atterrir en 11 heures 1 minute. Notre ville est restée une cité
des oiseaux. Pourtant, il faut bien reconnaître qu’elle n’a pas marché
avec beaucoup d’enthousiasme pour la souscription de l’aviation, n’était
la belle représentation de La Fille de Madame Angot qui a été
donnée le 21 avril au Théâtre d’Étampes, et la
Matinée des Dames françaises du 22 avril au profit de l’aviation
sanitaire. Et voici qu’on va nous enlever notre École militaire d’aviation
au profit de notre puissante voisine Orléans. Notre ville montrera
du moins sa reconnaissance pour les aviateurs militaires en s’associant
au projet de monument dont l’idée a été formulée
ici même et que le Conseil municipal a favorablement accueillie.
Et maintenant, souhaitons
aux Étampois qu’en 1913, le Conseil municipal fasse d’utiles réformes
et de bons budgets, que nos sociétés de préparation
militaire recrutent de nouveaux adhérents, que nos aviateurs élèvent
plus haut encore le drapeau des aérodromes étampois, que le
prix des loyers et de la vie diminue un peu et que la paix et l’union règnent
parmi nous. Ainsi soit-il!
Moustique.
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L’Abeille d’Étampes
101/52 (28 décembre 1912), p. 1 (saisie de Bernard Gineste).
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