À
tire d’ailes
Étampes en 1909
Étampes
n’a pas vu augmenter dans l’année aujourd’hui défunte sa gloire
mondiale. Où êtes- vous, temps héroïques de l’affaire
de Châtenay, du diabolo et de l’attaque du train 16, quand les colonnes
des journaux d’informations se remplissaient d’interviews plus émouvantes
que celles de l’ultime agent entré le matin du crime dans la villa
de l’impasse Ronsin? Sic transit... Et dans le genre «célébrités
du jour» nous n’avons eu que le deuxième chapitre de l’affaire
du train 16 lorsqu’Albinet, l’Homme qui Nie, est venu loger du 22 février
jusqu’au 15 août, à l’hostellerie de la rue de la Prison et
aussi lorsqu’une locomotive, assurément malade du diabète,
a pris, si l’on ose dire, le frein aux dents et s’est précipitée,
fanaux baissés, sur la Sucrerie de Morigny. L’aéroplane Blériot
aurait pu nous procurer quelque illustration en venant se casser un aileron
contre la Tour de Guinette, mais il n’a pas voulu franchir les limites du
département de Seine-et-Oise, où le Patrie avait été
trop ardemment acclamé jadis.
Rayon des crimes, catastrophes et accidents? Hélas! L’année
a eu son compte, comme toutes les autres. Le malheur et la misère
ne chôment pas. Ils augmentent, régulièrement, comme
les impôts. Tragédie de Maisse où Legorju à coups
de revolver foudroya sa belle-mère et faillit tuer sa femme; bataille
à Brières-les-Scellés où le petit vacher Sellier
en revenant de la fête fut assommé à coups de talon de
soulier comme un mulot dans un silo; incendies à Boissy-le- Sec, orages
effroyables le 21 mai sur la région de Milly, rien n’y a manqué.
Et il faut y ajouter l’affaire du chien enragé de Lardy et de Chamarande,
lequel ne s’était sans doute si regrettablement échauffé
que parce que, dit-on, il avait assisté dans ce coin jadis tranquille
à l’agitation fébrile de certaines communes pendant les élections
municipales d’avril-mai...
Ces élections, ce fut le grand fait local de l’année
politique: elles n’ont pas changé grand-chose chez nous et, à
Étampes, nous avons heureusement conservé la municipalité
de la veille. N’oublions pas de mentionner l’échec fatal et voulu
de la Commission municipale des eaux qui n’a même pas été
capable de nous donner un rapport, et, par contre, le train-train régulier
de l’établissement des chemins de fer d’intérêt local
d’Étampes à Arpajon, à La Ferté-Alais, à
Milly et à Corbeil, malgré les difficultés du choix
de l’emplacement de la gare d’Étampes et aussi la belle inauguration
du tramway d’Angerville à Chartres à propos de laquelle M.
Barthou, ministre des travaux publics, passa juste 35 minutes dans notre
arrondissement, d’une gare à l’autre. Le ministre avait marché
plus vite que nos express, et, au moins, il avait stoppé chez nous,
lui! Gros succès, cette année, pour la Conférence des
Sociétés Savantes de Seine-et-Oise, qui jeta un peu d’animation
sur trois de nos journées d’été et qui nous apprit,
entre autres, pourquoi la Beauce n’a plus d’eau sans pouvoir dire assez scientifiquement
comment elle pourrait en avoir; et pour l’Exposition d’horticulture qui a
fait honneur aux jardins d’Étampes et environs. Un petit souvenir
spécial à la création, particulièrement chère
à ce journal, des Jardins ouvriers de la Caisse d’Epargne d’Étampes,
petite amélioration sociale qui deviendra une grande réforme
quand ceux qu’elle intéresse le plus comprendront qu’ils en ont été
jusqu’ici détournés parce qu’ils étaient trompés
par les pires ennemis des travailleurs, les politiciens et les démagogues.
Et voilà, à grands traits, notre bilan, à
nous, Étampois. Il n’est pas lourd, et nous n’aurons pas de peine
à avoir plus et mieux cette année. Terminons donc sur ces vers
de mirliton:
Espérons qu’à
la fin de l’an dix neuf cent neuf,
Nous pourrons vous conter quelque chose
de neuf.
Et, en effet, une année dont
le milésime porte deux fois le chiffre 9, plus un 0, qui n’est qu’un
9 sans queue, c’est bien le diable si elle ne se distingue pas et si elle
ne marque pas brillamment sa place dans la suite... d’Étampes!
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L’Abeille d’Étampes
98/1 (2 janvier 1909), p. 2 (saisie de Bernard Gineste).
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