CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Suzanne de Poilloüe de Saint-Périer
 Le Musée d’Étampes
1963

Une salle du Musée. Mosaïques anciennes  
Une salle du Musée. Mosaïques anciennes
 
    Nous donnons ici un article publié en 1963 par la comtesse de Saint-Périer à l’intention du public étampois, dans le premier numéro du Bulletin Municipal édité par Mme Suzanne Vayne, maire d’Étampes.
 
BULLETIN MUNICIPAL D’ÉTAMPES
1ère Année - 1963 (j
uillet 1963), pp. 24-25.
Le Musée d’Étampes
 

Le Musée d’Étampes
par Madame la Comtesse de Saint-Périer


       La création de notre musée remonte à près d’un siècle. Elle fut déterminée par un legs important et assez imprévu qu’un sculpteur, né à Etampes en 1821, Elias Robert, décida de faire en faveur de notre ville quelques années avant sa mort, qui survint en 1874: il s’agissait d’un ensemble de moulages représentant une grande partie de son œuvre. Si Elias Robert n’a pas laissé, même à Etampes, un grand souvenir en dehors des spécialistes, il ne manquait pas d’habileté dans la pratique de son art. Elève de David d’Angers et de Pradier, il connut une grande vogue pendant 25 ans, comme en témoignent, d’une part, les commandes qu’il reçut pour la décoration sculptée de monuments à Paris, tels que le Louvre, l’Opéra, le Palais de I’Industrie, aux Champs-Elysées, démoli en 1900, d’autre part, les bustes qu’il exécuta de personnalités connues alors à Paris et dans notre région, le Dr Magne, les Darblay de Corbeil, les Viart de Brunehaut, plusieurs de nos maires d’Etampes.
 
     Le don de ces moulages, qui exigeaient un vaste espace conduisit la Municipalité à installer un musée dans belle demeure de Diane de Poitiers, rue Sainte-Croix. Inauguré le 26 septembre 1875, il y resta jusqu’à la seconde guerre, en s’enrichissant durant ces longues années. A cette heureuse époque, bien des vestiges du passé subsistaient ça et là dans une ville comme la nôtre qui connu à la fois tant de gloire et tant d’épreuves. L’existence nouvelle d’un musée suscita des acquisitions, des dons généreux, des recherches ingénieuses. Il nous paraît juste de citer ici des noms dont nous avons conservé la mémoire avec reconnaissance, ceux de MM. Blavet, Lenoir, Chaudé, Sandrié, de Mme Berlière, du Dr. Bourgeois... Nous voudrions les sauver l’oubli parce que nous leur devons s de très belles choses, comme l’admirable tête de la statue-colonne de Notre-Dame, soit d’émouvants témoignages, comme l’écharpe du procureur Sédillon qui était aux côtés du malheureux maire Simonneau lorsqu’il fut massacré Place Saint-Gilles le mars 1792, ou bien, la pierre sur laquelle Ravaillac, repris par sa criminelle obsession, aiguisa de nouveau son couteau le 13 mai 1610. Ce ne sont plus là des «objets», mais des parcelles de l’âme de notre ville, qui nous rendent son passé tout proche, vivant, et nous font ainsi mieux sentir que nous ne sommes pas des passants ou des étrangers, mais, au contraire, liés à elle par mille liens profonds ou subtils.

Une salle du Musée. Mosaïques anciennes
       Après la guerre et l’occupation, dont le musée a durement souffert, il a été réorganisé dans une aile de notre Hôtel de Ville, qui est lui-même, au moins pour une part, un beau spécimen de 1’architecture ancienne. Si certaines [p.25] collections ont subi des ravages, l’attachement de quelques-uns de nos concitoyens et l’intérêt qu’ont porté notre musée les pouvoirs publics ont permis de le reconstituer sur un vaste plan régional. II offre maintenant un saisissant raccourci de toute notre histoire locale, si riche d’événements et de vicissitudes, depuis même les âges géologiques qui sont représentés par les solides coquilles de la mer stampienne, que recherchent avec soin, dans nos gisements autour d’Etampes, les étudiants en géologie. Puis, vient l’âge de la pierre, avec ses longs poignards minutieusement travaillés, que recélaient encore des «cachettes» de nos environs, car notre région attira les hommes dès l’aurore de la civilisation. La prospérité gallo-romaine nous a laissé, à Souzy-la-Briche, d’élégantes mosaïques, bien rarement conservées dans l’Île de France, le Moyen-Age, une somptueuse grille romane de l’Abbaye de Morigny: c’est le joyau de notre musée, dont le renom est ainsi porté loin grâce cet admirable travail demeuré intact, d’un humble artiste anonyme, qui le réalisa de ses mains il y a plus de huit siècles. A la même époque, les rois capétiens, dans leur prédilection pour Étampes, l’embellissaient de monuments grandioses dont la plupart subsistent encore et ceux qui ont subi les injures du temps nous ont laissé de précieux fragments lapidaires rassemblés au musée. Après les traces cruelles des guerres de religion, des rois, de l’Empire, s’ouvre enfin une ère pacifique, mais elle voit la disparition de maintes traditions populaires, dont nous avons gardé de pittoresques bâtons processionnels et, plus rare encore, une belle enseigne de compagnonnage, qui provient d’une ancienne auberge de «compagnons» de la rue Saint-Jacques. Enfin, après nos tableaux du XVIIIe siècle dont un Hubert Robert, une intéressante iconographie de nos personnages notables et de nos sites anciens, les artistes modernes nous apportent leur vision neuve. Le meilleur d’entre eux est un enfant d’Etampes, Narcisse Berchère, élève de Fromentin et comme lui orientaliste, dont nous avons un ensemble d’aquarelles lumineuses, évoquant l’Afrique ou le charme de nos vieilles rues d’Etampes. Bientôt, nous espérons y ajouter des œuvres d’autres artistes étampois, au talent reconnu, tels que Mme Camas, Philippe Lejeune.

     Le musée d’Etampes est à l’image de sa ville. Petite par son territoire, «une longue rue» disait Charles-Quint, elle est grande par son histoire et par les pathétiques efforts qu’elle a si souvent renouvelés pour dominer ses épreuves et recommencer à vivre. Cette grandeur s’exprime aussi bien dans la beauté de ses monuments que dans la qualité des pièces rares de son musée et elle s’impose à tout homme sensible, même non averti.

La gille romane provenant de la'Abbaye de Morigny
 
Source: texte d’un exemplaire des Archives municipales, saisi par Bernard Gineste, mai 2005.
BIBLIOGRAPHIE

Éditions

     Suzanne de SAINT-PÉRIER,
«Le Musée d’Étampes», in Bulletin Municipal d’Étampes n°1 (juillet 1963), pp. 24-25.

     Bernard GINESTE [éd.], «Suzanne de Saint-Périer: Le Musée d’Étampes (1963)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-saintperier1963musee.html, mai 2005.

Suzanne de Saint-Périer

     Bernard GINESTE [éd.], «Le Comte de Saint-Périer et son épouse: une bibliographie», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cbe-saint-perier.html, 2003.


Sur le Musée d’Étampes

     COLLECTIF, «Éphéméride du Musée d’Étampes», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-21-ephemeridedumusee.html, 2003.

     Bernard GINESTE, «Bibliographie du Musée d’Étampes», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cbe-museedetampes.html, depuis2010.
         

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