BULLETIN MUNICIPAL D’ÉTAMPES
1ère Année - 1963 (juillet 1963), pp. 24-25.
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Le Musée
d’Étampes
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Le Musée d’Étampes
par Madame la Comtesse de Saint-Périer
La création de notre musée
remonte à près d’un siècle. Elle fut déterminée
par un legs important et assez imprévu qu’un sculpteur, né
à Etampes en 1821, Elias Robert, décida de faire en faveur
de notre ville quelques années avant sa mort, qui survint en 1874:
il s’agissait d’un ensemble de moulages représentant une grande
partie de son œuvre. Si Elias Robert n’a pas laissé, même
à Etampes, un grand souvenir en dehors des spécialistes, il
ne manquait pas d’habileté dans la pratique de son art. Elève
de David d’Angers et de Pradier, il connut une grande vogue pendant 25
ans, comme en témoignent, d’une part, les commandes qu’il reçut
pour la décoration sculptée de monuments à Paris, tels
que le Louvre, l’Opéra, le Palais de I’Industrie, aux Champs-Elysées,
démoli en 1900, d’autre part, les bustes qu’il exécuta de
personnalités connues alors à Paris et dans notre région,
le Dr Magne, les Darblay de Corbeil, les Viart de Brunehaut, plusieurs de
nos maires d’Etampes.
Le don de ces moulages, qui exigeaient un
vaste espace conduisit la Municipalité à installer un musée
dans belle demeure de Diane de Poitiers, rue Sainte-Croix. Inauguré
le 26 septembre 1875, il y resta jusqu’à la seconde guerre, en
s’enrichissant durant ces longues années. A cette heureuse époque,
bien des vestiges du passé subsistaient ça et là dans
une ville comme la nôtre qui connu à la fois tant de gloire
et tant d’épreuves. L’existence nouvelle d’un musée suscita
des acquisitions, des dons généreux, des recherches ingénieuses.
Il nous paraît juste de citer ici des noms dont nous avons conservé
la mémoire avec reconnaissance, ceux de MM. Blavet, Lenoir, Chaudé,
Sandrié, de Mme Berlière, du Dr. Bourgeois... Nous voudrions
les sauver l’oubli parce que nous leur devons s de très belles
choses, comme l’admirable tête de la statue-colonne de Notre-Dame,
soit d’émouvants témoignages, comme l’écharpe du
procureur Sédillon qui était aux côtés du malheureux
maire Simonneau lorsqu’il fut massacré Place Saint-Gilles le mars
1792, ou bien, la pierre sur laquelle Ravaillac, repris par sa criminelle
obsession, aiguisa de nouveau son couteau le 13 mai 1610. Ce ne sont plus
là des «objets», mais des parcelles de l’âme de
notre ville, qui nous rendent son passé tout proche, vivant, et
nous font ainsi mieux sentir que nous ne sommes pas des passants ou des
étrangers, mais, au contraire, liés à elle par mille
liens profonds ou subtils.
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Après la guerre et l’occupation,
dont le musée a durement souffert, il a été réorganisé
dans une aile de notre Hôtel de Ville, qui est lui-même, au
moins pour une part, un beau spécimen de 1’architecture ancienne.
Si certaines [p.25] collections
ont subi des ravages, l’attachement de quelques-uns de nos concitoyens
et l’intérêt qu’ont porté notre musée les pouvoirs
publics ont permis de le reconstituer sur un vaste plan régional.
II offre maintenant un saisissant raccourci de toute notre histoire locale,
si riche d’événements et de vicissitudes, depuis même
les âges géologiques qui sont représentés par
les solides coquilles de la mer stampienne, que recherchent avec soin, dans
nos gisements autour d’Etampes, les étudiants en géologie.
Puis, vient l’âge de la pierre, avec ses longs poignards minutieusement
travaillés, que recélaient encore des «cachettes»
de nos environs, car notre région attira les hommes dès l’aurore
de la civilisation. La prospérité gallo-romaine nous a laissé,
à Souzy-la-Briche, d’élégantes mosaïques, bien
rarement conservées dans l’Île de France, le Moyen-Age, une
somptueuse grille romane de l’Abbaye de Morigny: c’est le joyau de notre
musée, dont le renom est ainsi porté loin grâce cet admirable
travail demeuré intact, d’un humble artiste anonyme, qui le réalisa
de ses mains il y a plus de huit siècles. A la même époque,
les rois capétiens, dans leur prédilection pour Étampes,
l’embellissaient de monuments grandioses dont la plupart subsistent encore
et ceux qui ont subi les injures du temps nous ont laissé de précieux
fragments lapidaires rassemblés au musée. Après les
traces cruelles des guerres de religion, des rois, de l’Empire, s’ouvre
enfin une ère pacifique, mais elle voit la disparition de maintes
traditions populaires, dont nous avons gardé de pittoresques bâtons
processionnels et, plus rare encore, une belle enseigne de compagnonnage,
qui provient d’une ancienne auberge de «compagnons» de la rue
Saint-Jacques. Enfin, après nos tableaux du XVIIIe siècle
dont un Hubert Robert, une intéressante iconographie de nos personnages
notables et de nos sites anciens, les artistes modernes nous apportent leur
vision neuve. Le meilleur d’entre eux est un enfant d’Etampes, Narcisse Berchère,
élève de Fromentin et comme lui orientaliste, dont nous avons
un ensemble d’aquarelles lumineuses, évoquant l’Afrique ou le charme
de nos vieilles rues d’Etampes. Bientôt, nous espérons y
ajouter des œuvres d’autres artistes étampois, au talent reconnu,
tels que Mme Camas, Philippe Lejeune.
Le musée d’Etampes est à l’image
de sa ville. Petite par son territoire, «une longue rue» disait
Charles-Quint, elle est grande par son histoire et par les pathétiques
efforts qu’elle a si souvent renouvelés pour dominer ses épreuves
et recommencer à vivre. Cette grandeur s’exprime aussi bien dans
la beauté de ses monuments que dans la qualité des pièces
rares de son musée et elle s’impose à tout homme sensible,
même non averti.
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