LA RAPSODIE DE
MAITRE PIERRE PLISSON,
AVOCAT DU ROI AU BAILLIAGE D’ÉTAMPES AU XVIIe SIÈCLE
PRÉFACE
PIERRE
PLISSON était le fils de Nicolas Plisson, hôtelier, et de Louise
Capperon (1). Il est né à Étampes
et a été baptisé en l’église Saint-Gilles, sa
paroisse, le lundi 22 mai 1628. Il épousa, vers 1656, Rénée
Laumosnier, fille de Jacques Laumosnier, marchand, qui fut échevin,
et d’Anne d’Aigremont. De ce mariage sont issus douze enfants; six moururent
jeunes; les autres sont:
1° Marin, né en novembre 1657, curé
de Saint Gilles d’Étampes le 23 décembre 1684, mort en fonctions
et inhumé dans l’église le 3 mars 1703. Ce prêtre a laissé
dans les registres paroissiaux des notes curieuses sur lui-même, sur
sa famille et sur différents faits intéressants de son époque;
[p.14]
2° Nicolas, né en juillet 1662, avocat
en Parlement; il succéda à son père dans la charge d’avocat
du Roi au bailliage en 1695; époux, en 1721, de Marie-Madeleine Peschart
de L’Epinay, il mourut en 1730;
3° Renée, née en juin 1664,
religieuse carmélite à Orléans sous le nom de Renée
de Jésus;
4° Antoine, né en avril 1670; «il
a été six mois capucin, sept mois récollet, et il est
à présent (1689) novice chez les Pères de la Merci à
Paris. Dieu lui fasse la grâce de prospérer», dit
Marin, son frère aîné;
5° Marie-Angélique, née en août
1672, plus tard femme de Julien Guyot de La Barre, avocat en Parlement, président
du grenier à sel;
6° Anne, née en février 1677,
qui épousa Martin-Gabriel Gallier, officier de cavalerie.
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(1) Ils décédèrent tous les deux,
en 1652. Leur pierre tombale existe encore en l’église Saint-Gilles
d’Étampes (cf. Léon Marquis, Les rues d’Étampes,
p. 214).
Signature de Marin Plisson, fils de Pierre Plisson
et curé de Saint-Gilles d'Étampes (1684-1703)
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Échevin,
grenetier au grenier à sel, conseiller de Mademoiselle de Montpensier,
avocat du Roi, charge dans laquelle il fut installé le 3 octobre
1651, Pierre Plisson a laissé la réputation d’un magistrat
intègre et sage. Il mourut le jour de la Chandeleur 1695 et fut inhumé
le lendemain au côté gauche du chœur de l’église de Saint-Gilles.
Sa veuve vint l’y rejoindre dix ans après, à l’âge de
66 ans.
Pierre Plisson, contemporain de Dom Basile Fleureau
(1), nous a laissé, sous le titre par
trop modeste de Rapsodie, une œuvre précieuse, peu [p.15] connue, qui complète celle du savant
Barnabite, et qui, sans avoir la même importance, l’égale peut-être
en intérêt par ses détails plus particuliers, plus Étampois,
peut-on dire; cependant, bien qu’elle soit une source très appréciable
de documents sur l’histoire locale, elle n’a pas été publiée.
Notre confrère, M. Léon Marquis, auquel nous sommes reconnaissants
de nous l’avoir fait connaître, en a donné dans Les Rues d’Étampes
(pp. 409-423) des extraits qui peuvent faire juger de l’ensemble, mais qui
ne suffisent pas pour montrer tout le mérite de l’ouvrage.
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(1) Pierre Plisson,
né en 1628, est mort en 1695. Nous croyons avoir établi que
dom Basile Fleureau est né en 1612 (Bulletin de la Société
de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix (1901). Notre confrère,
M. Paul Plisson a démontré qu’il est mort en 1674 (même
recueil, 1898).
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Ainsi
qu’il le dit lui-même, Pierre Plisson avait mis au coffre de la Ville
un premier manuscrit traitant principalement de l’Hôtel-Dieu, et renfermant,
indépendamment de certains chapitres reproduits plus tard dans la
Rapsodie avec quelques variantes que nous ferons ressortir,
un document important qui ne figure pas dans celle-ci, intitulé: «Règlement
des droits de l’exécuteur de la haute justice du Bailliage (1)».
Qu’est devenue la Rapsodie elle-même?
Il est probable qu’après le décès de l’auteur elle est
restée dans sa famille, pour de là passer en diverses mains
et se trouver enfin, vers les dernières années du XVIIIe siècle,
dans la bibliothèque de la famille Geoffroy, ainsi que nous le dirons
plus loin.
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(1) Nous avons reproduit
ce document dans la notice publiée par les Annales du Gatinais
(1904) sous le titre Le dernier Exécuteur des Sentences criminelles
du Bailliage d’Étampes et le droit de Havage.
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Quoi
qu’il en soit, le manuscrit déposé par Plisson, de son vivant,
était toujours demeuré aux archives de la ville, d’où
M. Picart, lieutenant général [p.16]
du bailliage, le retira pour le consulter «parce qu’il contenait plusieurs
notes et observations fort anciennes concernant la police urbaine».
Il l’avait en sa possession en 1764; or Étampes
soutenait à cette époque un procès contre Desmorets,
l’exécuteur des hautes œuvres, au sujet du droit de havage, et l’on
savait que dans le livre de Me Plisson étaient reproduits certains
titres pouvant être utiles en cette affaire — le règlement des
droits de l’exécuteur notamment, ce qui prouve bien que c’était
la première œuvre de Plisson que l’on possédait et non la Rapsodie.
M. Hochereau, maire, fut chargé de le réclamer
à M. Picart. Celui-ci le remit aussitôt, contre récépissé,
à la condition qu’il lui en serait délivré une copie
et que l’original lui serait communique à première réquisition,
s’il en avait besoin.
En rendant compte du succès de sa mission
à l’Assemblée municipale, le maire fit l’éloge de Me
Pierre Plisson:
«Ce registre doit paraître aux
yeux des vrais citoyens moins précieux pour les choses qu’il renferme,
quelque intéressantes qu’elles soient, que parce qu’il est le fruit
des travaux d’un magistrat en qui l’amour de la patrie était égal
à l’intégrité, et qui, dans des temps de trouble et de
confusion, avait mis tous ses soins à recueillir les débris
du naufrage de cette ville pour conserver à la postérité
la mémoire des événements dont les monuments avaient
été à jamais détruits par le désastre des
guerres civiles, et dont la plupart seraient restés dans l’oubli par
la perte des titres particuliers et des minutes des dépôts publics.»
Le sieur Huet, praticien, que la municipalité
chargea du travail, fit probablement deux copies du [p.17] manuscrit (qui disparut à cette époque
et n’a pas été retrouvé). L’un des exemplaires fut
envoyé à M. Picart en 1774; il en donne reçu sur le
second en ces termes:
«Je soussigné reconnais que le
double du présent registre m’a été remis conformément
à la délibération de l’Assemblée [municipale]
du 7 mai 1767; à Étampes, le 15 janvier 1774, signé:
Picart.»
Il nous semble donc bien que c’est cette seconde
copie qui est à la mairie, en un volume in-folio cartonné, simplement
intitulé: «Registre de Notes et Remarques», se
composant d’abord de huit feuillets numérotés de 1 bis à
3 bis et ensuite de 177 feuillets dont le premier porte en tête: «Paraphé
au désir de la délibération du 7 mai 1767, signé
Hochereau, maire,» et le dernier, à peu près la même
mention, suivie du récépissé ci-dessus du lieutenant-général.
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Nous
insistons sur ce point afin de bien montrer que Pierre Plisson nous a laissé
deux ouvrages distincts, tout en ayant des parties communes, puisque le premier
a surtout pour objet ce qui se rapporte à l’état de l’Hôtel-Dieu
au XVIIe siècle, après le siège d’Étampes. Il
est à regretter que ce premier manuscrit soit perdu, ayant été
écrit de la main de l’auteur, comme la Rapsodie qui fort heureusement
est maintenant aux archives municipales. C’est un gros volume in-folio, recouvert
de parchemin qui contient du feuillet 1 au feuillet 67 des actes et délibérations
du corps de Ville de 1658 à 1670, extrêmement intéressantes,
surtout pendant la période où était maire René
Hémard, l’auteur de La Guerre d’Étampes [p.18] et des Restes de la Guerre d’Étampes
(1), célèbre par ses démêlés
avec le puissant ministre Louvois, que notre savant confrère, M. Paul
Pinson, nous a racontés dans le Bulletin historique et archéologique
de Corbeil et d’Étampes en 1901, sous le titre «Une page
inédite de l’Histoire municipale d’Étampes au XVIe siècle.
Démêlés du Maire et des Echevins avec le ministre Louvois
au sujet de la garnison des chevau-légers du Dauphin» (1669).
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(1) Édités
par M. Paul Pinson.
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Au feuillet 68, on lit cette note qui parait avoir été
écrite par Pierre Plisson:
«Le sieur Hémard, lieutenant particulier,
s’est acquitté si dignement de la charge de maire avec tant de vigueur
et avec une si sage conduite, que si cette vérité constante
n’estoit cognue de tout ce qu’il y a d’honnestes gens en cette ville, j’en
ferois l’éloge, c’est pourquoy je me contenteray de terminer ce discours
par cet hexamètre
Ad qualem sibi non vidit
nec habere sequentem.
Des
feuillets blancs (2) suivent dont M. Louis Geoffroy-Château (3) a employé
une partie pour y mettre des notes; enfin la Rapsodie commence au
feuillet 130 et finit le registre à la page 218.
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(2)
A la page 128 est inscrite cette mention d’une écriture du temps: «Le
30e jour du juillet 1683, Marie-Thérèse, infante d’Espagne,
épouse de Louis le Grand, XIV du nom. décéda à
Versailles: le 2e du mois d’août suivant, le cœur fut porté au
Val-de-Grâce et le 10e son corps fut porté en l’église
de Saint-Denis avec toute la pompe due à une si grande princesse».
(3) Louis-Napoléon
Geoffroy est né à Étampes en 1803.
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Ce livre,
nous apprend M. Léon Marquis, n’est rentré à la mairie
qu’en 1855 seulement, grâce au [p.19] don
de M. Louis Geoffroy-Château, neveu de Geoffroy-Saint-Hilaire, qui
en donne l’explication sur une des pages blanches:
«Depuis environ quarante-cinq ans, ce volume qui contient des documents
si intéressants sur notre ville d’Étampes, se trouve dans
notre bibliothèque. J’ai toujours eu la pensée de le rendre
aux archives de la ville et, avant de le faire, j’ai voulu réunir
ici, sur des pages vides, quelques notes qui concernent Étampes.
«Quant à ce volume lui-même,
j’ignore comment il est entré dans la bibliothèque de ma famille;
sans doute il aura servi au commencement de ce siècle, ou à
la fin du siècle précédent, à préparer
des travaux judiciaires à l’un de mes deux grands-pères paternel
et maternel, M. Geoffroy, procureur, avoué et magistrat è Étampes,
ou M. Champigny, procureur, avoué et magistrat à Étampes;
morts, le premier M. Geoffroy (Jean-Girard), chez son fils, M. Geoffroy-Saint-Hilaire,
membre des instituts de France et d’Égypte, à Paris, et le
second, M. Champignv (Jean), à Paris, le 3 septembre 1810. (M. Jean-Gérard
Geoffroy est mort le 21 juillet 1804.)
«J’ai voulu conserver ici le souvenir de
ces deux hommes éminents et respectables qui jouissaient d’une grande
estime dans notre ville et y ont rendu de grands services.
« Je demande aussi à placer à
côté du nom de mon illustre oncle, M. Geoffroy, né à
Étampes le 15 avril 1772, et mort à Paris le 19 juin 1844,
celui de mon père, M. Geoffroy Château (Marc-Antoine), major
du génie, officier d’un grand mérite, ayant fait les campagnes
d’Égypte et d’Allemagne, distingué particulièrement
par l’empereur Napoléon, et qui, né à Étampes
le 18 octobre 1774, est mort à Augsbourg (Bavière), le 25 fevrier
1806, dans la campagne d’Austerlitz.
«A Paris, ce 23 août 1855; Signé:
Louis Geoffroy-Château, juge à Paris.»
Les notes de M. Louis
Geoffroy, auquel tous ceux qui s’attachent à l’histoire d’Étampes
doivent la plus [p.20] grande reconnaissance
de leur avoir conservé la Rapsodie, rappellent les origines
de la ville, ses seigneurs jusqu’en 1599: elles donnent une liste bibliographique
des ouvrages à consulter sur le siège de 1652, et une autre
des anciens auteurs qui ont parlé d’Étampes.
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Signature de Louis Geoffroy-Château
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La Rapsodie se compose de morceaux séparés,
dont certains ont été traités par Dom Basile Fleureau
d’une manière plus générale, et de discours de l’avocat
du Roi.
L’une des parties les plus importantes est certainement
celle qui a trait aux comptes des anciens receveurs des octrois; et une autre
est celle qui se rapporte au siège de 1652, raconté dans ses
détails intimes.
Nous pensons rendre service aux amis de notre
histoire locale en éditant, pour la première fois, cette œuvre
dont nous copierons textuellement le manuscrit, en respectant absolument
la tournure des phrases souvent naïves, parfois obscures, mais en en
modernisant l’orthographe pour la commodité de la lecture. Nous la
ferons suivre de la table analytique dressée par Me Plisson.
CH. FORTEAU.
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Toute critique, correction ou contribution
sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
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