CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Abeille d’Étampes
Une conséquence inattendue de la Grande Guerre
Numéro du 28 février 1920
     
Hotel de Ville de Maisse
Hôtel de Ville de Maisse vers 1920
   
     La Grande Guerre a vidé les campagnes de ses chevaux. De nouveaux chevaux, trop jeunes ou dressés à la va-vite, causent de terribles accidents, comme ces deux-ci en février 1920, le premier à  Chalo, et le deuxième à Maisse.
B. G., 2018
    
Abeille d’Étampes
Une conséquence inattendue de la Grande Guerre
Numéro du 28 février 1920

Les Drames de la Route

     La guerre n’a pas fait seulement des ravages parmi les hommes; elle a également prélevé un lourd tribut sanglant dans les rangs de leurs plus fidèles serviteurs, les chevaux! Combien sont revenus à l’écurie, à la ferme, des braves animaux qui furent réquisitionnés? Bien peu, certainement, et c’est encore le monde des paysans qui doit supporter ce sacrifice.

     Il fallut se procurer de nouvelles bêtes à des prix exorbitants et, celles-ci étant très jeunes, leur dressage n’alla pas toujours sans difficulté, ni sans danger. C’est ainsi que nous avons à déplorer cette semaine, dans notre arrondissement, les deux terribles accidents suivants:

À Chalo-Saint-Mars

     Le 16 février, vers 14 heures, M. Tiercelin (Victor), charretier, au service de M. Simon, à Auvers-Saint-Georges, se rendit chez M. Guérin, marchand d’engrais aux Sablons, pour faire, sur sa voiture, un chargement d’engrais.

     Or, la voiture était apprêtée et le chargement commençait lorsque le cheval, une jeune bête de 3 ans, s’effraya au bruit causé par la chute du premier sac et s’emballa.

     M. Tiercelin, courageusement, se jeta aux naseaux de l’animal pour l’arrêter; mais, au moment où la voiture venait de franchir la barrière, il tomba et la roue droite lui broya la tête.

     M. Guérin se précipita à son secours, le releva et envoya quérir d’urgence M. le docteur Solon; celui-ci déclara que le transport à l’hôpital d’Étampes s’imposait pour trépaner la malheureuse victime.

     Mais, malgré les soins les plus attentifs, M. Tiercelin y expira jeudi.

     Nous nous associons à la douleur de la famille de M. Tiercelin, et nous lui présentons nos vives condoléances.

L’Abeille d’Étampes 109/9 (28 février 1920), p. 2 (saisie de B. G., 2018).
À Maisse

     
À 800 mètres environ de la ville, à une courbe de la côte dite « La Crotte », un terrible accident s’est produit vendredi matin; la principale victime, M. Dupré, un honnête agriculteur de Malesherbes, qui venait prendre possession d’une ferme à Valpuiseaux, y a trouvé une mort tragique.

     Voici les faits:

     Le 20 février, dans la matinée, quatre militaires de l’E. S. A. de Villesauvage, MM. Barré (A.), Brevet (B.), Crochet (B.) et Petitcolas (P.), se rendirent, sous la conduite du soldat de 1er classe Honegger (T.), à la gare de Maisse pour effectuer, sur un camion automobile et une remorque, le chargement de restes d’avions.

     Leur travail terminé, ils gagnèrent, sur le dit camion, l’hôtel Saint-Médard ou ils déjeunèrent.

     Après le repas, le mécanicien, le soldat Barré (A.), s’efforça de réparer les freins de sa voiture, freins qui fonctionnaient d’une façon défectueuse, puis les cinq militaires se rendirent jusqu’à Gironville pour éprouver la solidité des réparations faites par le mécanicien.

     L’aller s’effectua sans incident; au retour, ils allaient à petite allure et se trouvaient engagés dans la descente de Maisse, lorsqu’ils aperçurent, venant à eux à une vive allure, un cheval tirant une voiture sur laquelle le conducteur, tenant en mains les guides, se trouvait debout.

     Ils eurent l’intuition que ce cheval était quelque peu effrayé, et afin d’éviter tout accident, ils ralentirent autant qu’ils purent la marche du camion et se rangèrent tout à fait à droite.

     Malheureusement, alors que les deux véhicules arrivaient à hauteur l’un de l’autre, le cheval fit un brusque écart à droite, obstruant complètement la route avec la voiture. L’inévitable choc se produisit: l’avant du tracteur buta fortement dans l’arrière de la charrette, de telle sorte que le cheval fut ramené brusquement sur la gauche de la chaussée où il tomba; le conducteur fut projeté hors de la voiture et alla s’écraser la tête contre le sol où il resta inanimé, perdant le sang à flot; quant au camion, il s’immobilisait brusquement ayant son radiateur brisé.

     Aussitôt, les militaires qui, eux, en étaient quittes pour un léger choc, se portèrent au secours du charretier. Tandis que deux d’entre eux le relevaient et s’efforçaient de le ranimer, les autres voulurent s’occuper du cheval et de la voiture dont le châssis arrière et le brancard de droite avaient été brisés; mais le cheval qui n’était blessé que superficiellement, se releva d’un bond et, brusquement emballé, parti dans la direction de Gironville.

     Un jeune agriculteur, M. Petit (René), rentrait, à ce moment, des champs; il vit l’attelage s’amener sur lui en trombe et il eut besoin de tout son sang- froid pour garer sa voiture; ce fut miracle qu’un deuxième accident ne se produisît pas!

     N’ayant pu arrêter le cheval emballé, il poursuivit son chemin et arriva sur les lieux de l’accident; obligeamment, il mit une de ses bêtes à la disposition d’un militaire qui se lança à la poursuite de l’animal tandis que lui-même s’en allait rapidement chercher à Maisse, M. le docteur Streiff.

     Pendant ce temps, M. Dupré avait repris connaissance, et parvenait, non sans peine, à décliner son nom; il expliqua qu’il souffrait horriblement de violentes douleurs internes ainsi que de la tête où il portait deux plaies béantes. Les soldats cherchèrent alors à le transporter à Maisse, tandis que leur chef de corvée, M. Honegger, allait prévenir la gendarmerie.

     Le dévoué chef de brigade, M. Nicolas, ne tarda pas à arriver sur les lieux et fit quérir une voiture pour y coucher le malheureux charretier qui s’affaiblissait à vue d’œil. Bientôt, à son tour, M. le docteur Streiff rejoignait la petite caravane et, ayant examiné le blessé, diagnostiquait une fracture du crâne, nécessitant le transport d’urgence à l’hôpital d’Etampes.

     En attendant que M. le Maire ait réquisitionné une auto pour effectuer ce transport, M. Dupré était installé dans une chambre de la Mairie et y recevait des soins empressés du docteur et du personnel; mais la blessure avait été trop grave et la malheureuse victime ne tardait pas à expirer.

     L’enquête ouverte par la gendarmerie au sujet de ce triste accident a démontré que l’inconscient auteur en était le cheval, une jeune bête qui s’effrayait au passage des autos. L’endroit où il fit son écart fut nettement marqué par les traces des roues de la voiture; d’autre part, les traces des roues du camion prouvent bien que les militaires tenaient leur droite; enfin, une courbe très prononcée de la côte, à cet endroit, empêchait le conducteur du camion d’apercevoir l’attelage arrivant sur lui.

     M. Boussaingault, agent d’assurances, put donner immédiatement quelques renseignements sur la victime: quelques instants auparavant, M. Dupré. cultivateur à Malesherbes, était venu le voir pour assurer son cheval — funeste pressentiment! Il avait expliqué qu’il effectuait son déménagement pour Valpuiseaux où il prenait une ferme.

     La gendarmerie y fit aussitôt prévenir Mme Dupré qui accourut; la douleur de cette dame fit peine à voir quand elle aperçut le cadavre de celui qu’elle avait quitté plein de vie. Elle ne put donc donner aucun renseignement pour compléter l’enquête et chargea des démarches funèbres son beau- frère, M. Leduc, maire de Champmotteux.

     Cette mort tragique a causé dans toute la région où M. Dupré et sa famille sont très honorablement connus, une bien vive émotion et une profonde tristesse à laquelle nous nous associons.




Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: L’Abeille d’Étampes du 28 février 1920, p. 2.
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE 

Éditions

     ANONYME, «Les Drames de la Route», in L’Abeille d’Étampes 109/9 (28 février 1920), p. 2.

     Bernard GINESTE [éd.], «Abeille d’Étampes: Une conséquence inattendue de la Grande Guerre (n° du 28 février)», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-20-1920abeille28fevrier2dramesdelaroute.html
, 2018.

   
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