Corpus Historique Étampois
 
Abeille d’Étampes 
Le pillage de l’église de Lardy
1er avril 1920
     
Intérieur de l'église de Lardy (détail de la carte Mulard n°7, vers 1903)
Intérieur de l’église de Lardy vers 1903 (détail de la carte postale Mulard n°7)

      Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 1920, l’église Saint-Pierre de Lardy est cambriolée et vandalisée. En voici un récit détaillé par l’Abeille d’Étampes, suivi d’un florilège d’entrefilets de la presse nationale.
Bernard Gineste, novembre 2016
  
Abeille d’Étampes
Le pillage de l’église de Lardy
N° du 10 avril 1920


Le Pillage de l’église de Lardy

     Il est des actes qui n’inspirent que le mépris: celui qui a été commis dans la nuit du mercredi au jeudi de la semaine sainte, en l’église de Lardy, est de ceux-là! Quoi, en effet, de plus stupide, de plus grossier, de plus méprisable, que d’exercer une rage sacrilège sur des objets, simplement parce que ces objets ont un caractère religieux? Ah! le beau courage qu’ils ont déployé, les vandales, en s’acharnant, dans une sécurité qu’ils savaient être complète, sur des toiles peintes, sur des statues, sur des vêtements, sur des livres!

     Et s’ils n’avaient commis des dégâts s’élevant à plusieurs milliers de francs, on serait tenté de demander à la Justice d’ignorer des êtres aussi vils, aussi pleinement stupides!

     Ces gens-là — des ivrognes, s’ils ne sont des sectaires, mais dans l’un ou l’autre cas, certainement des brutes! — ces gens-là ont voulu, par un exploit qu’ils jugeaient brillant, faire parler d’eux, se donner figure d’hommes d’action! Ils se sont lourdement trompés. Aux yeux de tous les honnêtes gens, quelle que soit l’opinion religieuse qu’ils professent, les pillards de l’église de Lardy n’apparaîtront que comme de tristes individus, aussi sots que méchants, mais aussi méprisables pour ceci que pour cela.

*
*      *

     Voici les faits:

     Le 1er avril, à 6 heures 15, en entrant à l’église pour sonner l’Angelus, M. Audry (A.), sacristain, constata avec stupeur que, au cours de la nuit, des individus avaient pénétré dans l’église et s’étaient livrés à de graves déprédations: quatorze tableaux du « Chemin de Croix », peints sur toile, avaient été lacérés à l’aide d’un instrument tranchant et jetés pêle-mêle sur les dalles; dans la sacristie, tous les ornements et objets sacerdotaux gisaient, déchirés ou piétinés, sur le parquet, dans le plus grand désordre; enfin, la corde de la cloche avait été coupée à la hauteur d’un deuxième étage et les troncs avaient été fracturés.

     M. Audry s’empressa d’avertir M. le Maire et le garde champêtre, tandis que le jeune Jaouen était dépêché auprès de M. l’abbé Ollivier (A.), curé desservant la paroisse de Lardy depuis le 20 juin 1918, mais habitant à Janville, faute d’avoir trouvé un logement en sa paroisse.

     M. Piollaine, maire de Lardy, puis M. l’abbé Ollivier, se rendirent aussitôt à l’église et firent les constatations suivantes: la grille du vitrail, placée à gauche, au-dessus de la porte d’entrée du clocher, avait été descellée et jetée à terre, au bas de cette porte ; les malfaiteurs avaient essayé de rentrer dans l’église par cette petite fenêtre; mais ils avaient dû y renoncer. Alors ils avalent songé à fracturer une porte. Mais laquelle? Les passants pouvaient les gêner s’ils choisissaient la grande porte, fermée à clef, comme d’habitude, le soir, à 9 heures, par M. Audry; ils s’attaquèrent plutôt à la petite porte du clocher, à peu près certains de n’être pas dérangés, les maisons entourant l’église étant inhabitées. A l’aide d’une pince, formant levier, ils exercèrent sur cette porte une puissante pesée; le plâtre, scellant la gâche, fut arraché et la porte céda. Ayant fracturé ensuite très facilement la porte intérieure donnant accès dans le bas-côté nord du bâtiment, les malfaiteurs purent pénétrer sous les voûtes de l’église et s’y livrer aux plus stupides actes de vandalisme. Quatorze stations du «Chemin de Croix», belles toiles peintes, mesurant 1 mètre sur 0 m. 30, furent lacérées et jetées sur le sol; un candélabre, style Empire, haut de 1 mètre, en cristal et en cuivre, don de ducs ayant habité au château d’Argentré; une girandole de l’autel principal, une petite lampe de sanctuaire, furent brisés; le tabernacle de l’autel de la Vierge fut fracturé; enfin la corde de la cloche fut coupée.

     Les malfaiteurs pénétrèrent ensuite dans la sacristie dont ils bouleversèrent tous les meubles; les plus beaux ornements sacerdotaux, les vases sacrés, le linge, les livres, les chandeliers, les tentures mortuaires, les torchères de cuivre, les bougies, en un mot, tous les objets représentant une valeur quelconque furent déchirés, froissés, brisés et piétinés sur le parquet où ils s’amoncelèrent dans un lamentable chaos; il n’est pas jusqu’aux hosties qui n’eurent à souffrir de la rage imbécile des vandales; elles furent coupées, jetées sur le sol; empressons-nous de dire qu’elles n’avaient pas été bénites et que, ainsi, les brutes ne s’acharnèrent que sur de la simple matière farineuse!

     M. l’abbé Ollivier estima, à première vue, le montant des dégâts à près de 10.000 francs. Le vol n’est certainement pas le mobile de cette stupide mise au pillage d’une église; en effet, les troncs furent bien fracturés, mais ils avaient été vidés la veille par M. le Curé, et les malfaiteurs n’en éprouvèrent pas de déception, puisqu’ils n’emportèrent aucun autre objet, de vente assez facile cependant.

     M. l’abbé Ollivier ne croit pas qu’ils aient agi par vengeance ou par animosité contre lui; il ne se connait pas d’ennemis d’aussi sotte et sauvage mentalité.

     Il faudrait plutôt rechercher les coupables parmi les individus étrangers au pays. Le Parquet d’Étampes qui, dès le jeudi après-midi, s’était transporté sur les lieux, a ouvert une enquête qu’il entend mener rapidement et à bien; des traces digitales ont été relevées sur divers objets; nos distingués magistrats, M. François, procureur de la République, et M. Frotté, juge d’instruction, parviendront certainement à tirer parti de ces indices et à frapper sévèrement les coupables.

     Quelques renseignements, un peu vagues, malheureusement, ont pu être recueillis par les gendarmes.

     C’est le jeune Guisnet Maurice, garçon boulanger chez M. Pierre, qui entendit, vers 1 h. 30, des pas d’hommes dans la rue. Ces hommes causaient assez bruyamment, ce qui amena le jeune garçon à dire à son patron, en plaisantant:
     — Voilà les voleurs des Aubrais qui sont par ici! C’est aussi Mme Courtin qui, vers 2 h. 15, entendit marcher plusieurs hommes, sur le chemin. Par contre, en gare de Lardy, aucun étranger à la localité n’a été vu descendant du train ou le reprenant.

     Les vandales habitent la région, sinon Lardy même; nous espérons leur rapide arrestation pour qu’ils répondent devant la justice d’un acte de sauvagerie que rien ne peut excuser et pour que la condamnation dont ils seront frappés fasse réfléchir ceux qui voudraient les imiter.




Annexe.
Écho de ce fait divers dans la presse nationale


     Il peut être intéressant comment à cette date se répercute dans la presse nationale un fait divers survenu dans la pays étampois ou sur ses franges (et notamment avec quel degré d’entropie, derreur ou d’approximation). On remarquera particulièrement comment se fait jour et se propage une datation erronée des faits, qui est finalement comme canonisée par une publication savante de la même année.
B.G., 2016


01. Le Petit Journal 20896 (2 avril 1920), p. 3.
Dernière heure. [...] L’église de Lardy cambriolée — Des malfaiteurs ont pénétré par effraction dans l’église de Lardy, près d’Etampes, la nuit de mercredi à jeudi où ils ont forcé le tabernacle, les troncs et les armoires de la sacristie. Ils ont enlevé tous les objets destinés au culte d’une certaine valeur et ont brisé tous les autres. Le montant du vol est important, et le parquet d’Etampes fait rechercher activement les auteurs de ce pillage et de ces actes de vandalisme.
02. La Croix 11359 (3 avril 1920), p. 4.
Faits divers — [...] L’église de Lardy cambriolée. —  Des malfaiteurs ont pénétré par effraction, dans l’église de Lardy, près d’Etampes, où ils ont forcé le tabernacle, les troncs et les armoires de la sacristie. Ils ont enlevé tous les objets destinés au culte d’une certaine valeur et ont brisé tous les autre. On recherche les auteurs de ces actes de vandalisme.
03. La Presse 5289 (6 avril 1920), p. 4.
A travers la banlieue. — [...] Etampes. — La gendarmerie d’Etampes recherche activement des individus faisant partie de la bande des cambrioleurs d’églises qui ont pillé l’église de Lardy, près d’Etampes. Après avoir fracturé les porter d’entrée, ils se sont acharnés sur les tableaux du chemin de la croix qu’ils ont lacérés, puis se sont rendus dans la sacristie où ils ont brisé tous les meubles et leur contenu. Ils se sont enfuis emportant un grand nombre de croix, de chandeliers, de calices et divers objets de très grande valeur.
04. Le Rappel 18015 (6 avril 1920), p. 4
les pilleurs d’églises. — La nuit dernière, des malfaiteurs ont cambriolé la petite église de Lardy, près d’Etampes. Après avoir fracturé les portes pour pénétrer dans l’église, les bandits se sont livrés à plusieurs actes de vandalisme. De nombreux objets de piété ont été dérobés. Bien entendu, les troncs ont été brisés et leur contenu enlevé. Les vandales ont encore lacéré plusieurs tableaux de valeur et saccagé les meubles. Une enquête est ouverte par la gendarmerie de Chamarande.
05. Le Matin 13167 (6 avril 1920), p. 2.
Les rats d’églises. — Les pilleurs d’églises continuent à opérer dans le département de Seine-et-Oise. L’autre nuit encore, ils se sont introduits dans l’église de Lardy, arrondissement d’Etampes. Après avoir fracturé les portes d’entrée ils ont dérobé un grand nombre d’objets de, piété, défoncé les troncs et lacéré tous tes tableaux du Chemin de la Croix. Ils ont brisé dans la sacristie tous les objets qu’ils ne purent emporter.
06. L’Humanité 5858 (6 avril 1920), p. 2.
Départements. — [...] Des cambrioleurs d’églises. — La gendarmerie d’Etampes recherche activement des individus faisant partie de la bande de cambrioleurs d’églises et qui, cette nuit, ont pillé l’église de Lardy près d’Etampes. Après avoir fracturé les portes d’entrée, ils se sont acharnés sur les tableaux du Chemin de Croix qu’ils ont lacérés puis se sont rendus dans la sacristie où ils ont brisé tous les meubles et leur contenu, ils se sont enfuis emportant. un grand nombre de croix, de chandeliers, de calices et divers objets de très grande valeur.
07. Le XIXe siècle 18015 (6 avril 1920), p. 4.
Faits divers. — les pilleurs d’églises. — La nuit dernière, des malfaiteurs ont cambriolé la petite église de Lardy, près d’Etampes. Après avoir fracturé les portes pour pénétrer dans l’église, les bandits se sont livrés à plusieurs actes de vandalisme. De nombreux objets de piété ont été dérobés. Bien entendu, les troncs ont été brisés et leur contenu enlevé. Les vandales ont encore lacéré plusieurs tableaux de valeur et saccagé les meubles.
08. Le Gaulois 45523 (6 avril 1920), p. 2.
Nouvelles enjeu de mots. — Départements. — [...] L’église de Lardy (Seine-et-Oise) a été pillée par des cambrioleurs et saccagée. En effet, non contents de voler les objets du culte et de fracturer les troncs, les bandits ont lacéré les tableaux.
09. Journal des débats 96 (6 avril 1920), p. 3.
Faits divers — [...] Une église au pillage. — Des malfaiteurs se sont introduits dans l’église de Lardy, près d’Étampes, ont crevé les tableaux, défoncé le tabernacle, renversé tes vases sacrés et brisé les candélabres et les lampes. Ils ont déchiré les vêtements sacerdotaux, les tentures mortuaires et les livres. Ils ont même coupé les cordes des cloches. Les dégâts sont estimés à dix mille francs.
10. Le Populaire 712 (7 avril 1920), p. 2.
Nouvelles de Province. — [...] Les dévaliseurs d’églises — Versailles, 5 avril. — La gendarmerie d’Etampes recherche activement des individus faisant partie de la bande des cambrioleurs d’églises, et qui, cette nuit, ont pillé l’église de Lardy, près d’Etampes. Après avoir fracturé les portes d’entrée, ils se sont acharnés sur les tableaux du Chemin de la Croix, qu’ils ont lacérés, puis se sont rendus dans la sacristie, où ils ont brisé tous les meubles et leur contenu. Ils se sont enfuis en emportant un grand nombre de croix, de chandeliers, de calices et divers objets de très grande valeur.
11. Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France 47 (1920), p. 92.
Chronique de l’année 1920. — [...] 5 [sic] avril. [...] L’église de Lardy (Seine-et-Oise) est pillée par des voleurs.  [...]

                                      
BIBLIOGRAPHIE

Éditions

     Abeille d’Étampes 109/15 (10 avril 1920), p. 1.

     Bernard GINESTE [éd.], «Abeille d’Étampes: Le pillage de l’église de Lardy (numéro du 10 avril 1920)
», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-19200401saccagedeleglisedelardy.html, 2016.


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