Vieux souvenir. La fin d’un député        On a appris lundi que M. Gustave Hubbard, ancien député de Seine-et-Oise, avait été trouvé mort dans son appartement à Paris où il vivait seul; le décès remontait à une vingtaine de jours.
M. Hubbard qui avait abandonné depuis longtemps la lutte pour l’écharpe de député avait repris du service à l’occasion des élections sénatoriales du 9 janvier dernier et il avait obtenu 83 voix. Mais ce n’était plus le Hubbard que nous avons connu à Étampes en 1906. Cette année-là, le comité directeur du parti radical-socialiste l’avait désigné pour combattre M. Amodru, que tout le monde considérait comme imbattable.      La tâche était rude. M. Hubbard l’entreprit dès le mois de janvier. Sa première conférence au Casino d’Étampes fut un triomphe; des délégations de tous les comités radicaux socialistes de l’arrondissement s’y étaient rendus et quand le candidat apparut à la tribune il était acclamé comme le Messie.	Hubbard
Ce fut bien autre chose encore quand l’orateur prit la parole. Beau gars et doué d’une voix à la formidable et prenante, il eut bientôt comme suspendu à ses lèvres une assistance qui comprenait plus d’un millier d’auditeurs. C’était comme saint Jean Chrysostome* une chaîne d’or qui partait de sa bouche.     Habilement il exposa le tableau des maux dont le monde politique souffrait à cette époque, et s’offrit à appliquer les remèdes qu’il préconisait et qui ne tendaient rien moins qu’à renverser sens dessus dessous l’ordre social. Il fallait l’entendre flétrir l’armée, la marine, la magistrature, le Parlement et quand, dans une phrase magique il lança avec toute la force d’un organe merveilleux sa conclusion, l’Internationale, à gorges déployées, retentit dans la salle. A la sortie, il aurait conduit où il aurait voulu la foule qui l’acclamait.	* Saint Jean Chrysostome, père de l’Église, archevêque de Constantinople mort en 407, réputé pour son éloquence et dont le surnom Chrysostome signifie en grec Bouche-d’or. Notons à titre de curiosité que Notre-Dame d’Étampes conserve un curieux bras-reliquaire de ce saint évêque (B.G.).
Puis ce fut la visite une par une des 70 communes de l’arrondissement avec une escorte de fervents qui partout lui donnait l’illusion d’un accueil sympathique. Peu de résistance, si ce n’est à Pussay où eurent lieu des scènes inénarrables dans deux salles contiguës d’un hôtel où se tenaient deux réunions.
Ayant consciencieusement rempli son programme de propagande électorale, il revenait le samedi soir, veille de l’élection dans cette même salle du Casino d’où sa candidature était partie en une envolée magnifique. Le public n’était-il plus le même? Dix semaines d’efforts répétés avaient-elles épuisé la résistance du candidat? Toujours est-il que M. Hubbard fit un nouvel exposé plutôt terne de son programme qui n’était d’ailleurs plus celui du début. Le contact avec nos paysans beaucerons l’avait probablement refroidi: il n’était plus question de tout chambarder, mais seulement de réformer, et les braillards qu’il avait enthousiasmés ne reconnaissaient plus leur homme.      Quand vint la traditionnelle minute de l’offre de la parole à la contradiction, l’orateur la fit pour la forme, et en effet personne ne demanda à lui répondre. Et on eut ce spectacle inédit dans les annales des batailles électorales: M. Hubbard confia à ceux qu’il espérait encore devoir être ses électeurs, que pendant sa longue campagne alors qu’il s’attendait à être énergiquement combattu, il n’avait jamais, nulle part, trouvé quelqu’un qui osât le contredire: «C’est ce qui m’a été le plus pénible», déclara-t-il.      Peut-être se rendait-il compte que sa journée du 6 mai lui apporterait une nouvelle veste et qu’il était battu par lui-même, puisque c’est précisément son trop grand talent d’orateur qui, l’obligeant, comme il le disait, à réciter des monologues, l’avait empêché d’écraser ses adversaires sous le poids de son éloquence.
Le lendemain il obtenait 3.851 voix dont 683 à Étampes, alors que son adversaire triomphait avec 6.5?9* voix sans s’être montré à ses électeurs.	* Chiffre des dizaines non imprimé.

     Léon TERRIER (directeur-gérant de l’Abeille d’Étampes), «La fin d’un député», in L’Abeille d’Étampes. Journal hebdomadaire des arrondissements de Corbeil et de Rambouillet 116/21 (samedi 21 mai 1927), p. 1.

La triste fin de M. Hubbard Ancien député de Seine-et-Oise      M. Dubié, commissaire du quartier des invalides, à Paris, était avisé, dimanche après-midi, par le concierge d’un immeuble, 90 rue Saint-Dominique, que des émanations insupportables se dégageaient d’un appartement du second étage, habité par M. Gustave Hubbard, ancien député. Celui-ci, qui était âgé de soixante neuf ans, n’avait pas été aperçu depuis une quinzaine.      Le magistrat se rendit aussitôt rue saint-Dominique et fit ouvrir par un serrurier la porte de l’appartement de l’ancien parlementaire. Il ne tarda pas à découvrir dans la chambre à coucher, étendu au pied du lit, le cadavre de ce dernier.      Les premières constatations du commissaire ont permis d’établir que M. Gustave Hubbard avait été terrassé, par un malaise subit, au moment où il commençait à se déshabiller pour se coucher.      M. Gustave Hubbard était né à Madrid en 1858. Il était avocat au bareau de Paris. Il avait été chef de cabinet du sous-secrétaire d’État à la guerre en 1881. Ensuite il représenta le quatorzième arrondissement au conseil municipal de Paris. Élu en 1885 député de Seine-et-Oise, il fut réélu en 1889. Battu en 1893, il revint à la Chambre en 1901 comme député de Sisteron (Basses-Alpes). Battu en 1906, M. G.-A. Hubbard s’était depuis consacré à la propagande politique du parti radical, puis il avait rêvé de finir sa vie au Luxembourg et s’était présenté, sans aucun succès d’ailleurs, à l’avant dernière élection sénatoriale en Seine-et-Oise.

Hubbard

     Maurice DORMANN (directeur du Réveil d’Étampes), «La triste fin de M. Hubbard, ancien député de Seine-et-Oise», in Le Réveil d’Étampes. Organe de défense des intérêts locaux et agricoles de l’arrondissement (cantons d’Étampes, la Ferté-Alais, Méréville, Milly, Dourdan, Arpajon). Politique – Littérature – Agriculture – Horticulture – Commerce – Industrie. Journal des Annonces judiciaires, légales et commerciales. Républicain indépendant paraissant le samedi 45/21 (samedi 21 mai 1927), p. 1.

HUBBARD (GUSTAVE-ADOLPHE), député de 1885 à 1889, né à Madrid (Espagne) le 22 mai 1858, fils du publiciste et économiste français Nicolas-Gustave Hubbard, qui se réfugia en Espagne à la suite du coup d’État de 1851, et neveu d’Arthur Hubbard, ancien conseiller municipal de Paris, fut élevé d’abord à l’étranger, rentra en France avec sa famille en 1868, fit ses études classiques au lycée Condorcet à Paris, et suivit ensuite les cours de 1’École de droit. Reçu avocat, il plaida peu, appartint à la conférence Molé, donna quelques articles à la Petite République française, dont son père, ami particulier de Gambetta, lui avait facilité l’accès, et fut bientôt, par la protection de cet homme d’Etat, attache comme secrétaire à la commission du budget de la Chambre des députés, que présidait alors M. Henri Brisson. M. G.-A. Hubbard succédait précisément, dans cette fonction, à son père, nommé secrétaire général de la questure de la Chambre. L’activité dont il fit preuve et ses relations dans le monde opportuniste le firent désigner, sous le ministère Gambetta, comme chef du cabinet du sous-secrétaire d’Etat à la guerre. A l’avènement du ministère Freycinet, M. G.A. Hubbard reprit sa place au barreau de Paris et ne tarda pas à solliciter un mandat électif. En 1884, il se fit élire conseiller municipal du quartier Montparnasse, que son oncle avait naguère représenté; sans faire partie du groupe de l’autonomie communale, il vota le plus souvent avec les radicaux du conseil. Puis ses opinions politiques parurent s’accentuer davantage, et, lors des élections législatives d’octobre 1885, porté sur la liste républicaine radicale de Seine-et-Oise, il fut élu, au second tour de scrutin (18 octobre), le 5e sur 9 par 56,004 voix (119,995 votants, 153,342 inscrits). Il s’inscrivit à l’extrême gauche et prit presque aussitôt, dans la Chambre nouvelle, dont il était un des plus jeunes membres, une part assez active à d’importants débats. II se montra un des adversaires les plus résolus de l’expédition du Tonkin, telle que l’avait comprise le ministère Ferry, fut de la commission d’enquête nommée par la Chambre à ce sujet (décembre 1885), et vota contre les crédits. Il parut plusieurs fois à la tribune, non sans succès, et déposa, le 18 octobre 1886, de concert avec son collègue de Seine-et-Oise, M. Périllier, une interpellation au ministre des Travaux publics, relativement aux agissements de la Compagnie de Paris accusée de ne point tolérer que ses agents acceptassent des mandats électoraux et de déplacer arbitrairement ceux d’entre eux dont les manifestations politiques lui déplaisaient. M. Baïhaut, ministre, donna raison à la Compagnie et obtint le vote de l’ordre du jour pur et simple. M. Hubbard intervint encore dans plusieurs autres discussions, notamment à propos de finances. En janvier 1887, comme la majorité persistait à vouloir diminuer le taux de l’intérêt servi aux caisses d’épargne, le député de Seine-et-Oise protesta et demanda que la seule ressource nouvelle du budget ne fût pas réalisée an détriment de la petite épargne: «L’économie proposée, dit-il, doit profiter non pas au Trésor; mais à la Caisse des dépôts et consignations, qui est chargée du service des intérêts des caisses, et qui grossira d’autant sa réserve.» La Chambre se rendit à cette argumentation. L’un des premiers, M. G.-A. Hubbard se prononça contre la politique du général Boulanger. Après la démission de M. J. Grévy président de la République, il fut au nombre des députés qui songèrent à M. Sadi Carnot (Voy. ce nom) pour la première magistrature de l’État, et il fit auprès de lui une démarche dont le succès répondit à ses intentions. M. G.-A. Hubbard a voté, avec les radicaux, pour l’expulsion des princes, contre les ministères Rouvier et Tirard, pour le ministère Floquet, et s’est prononcé en dernier lieu: pour le rétablissement du scrutin d’arrondissement (11 février 18S9), contre l’ajournement indéfini de la révision de la Constitution, pour les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes, contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse, pour les poursuites contre le général Boulanger.

Hubbard

     Adolphe ROBERT (né en 1833), Edgar BOURLOTON (1844-1914) & Gaston COUGNY (1857-1908) [dir.], «Hubbard (Gustave-Adolphe)», in ID., Dictionnaire des parlementaires français, comprenant tous les membres des assemblées françaises et tous les ministres français, depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er 1889, avec leurs noms, état civil, états de services, actes politiques, votes parlementaires, etc. [in-8°; 5 volumes (t.1: A-Cay; t.2: Cay-Fes; t.3: Fes-Lav; t.4: Lav-Pla; t.5: Pla-Zuy)], Paris, Bourloton, 1889-1891, tome 3, p. 361.

Publications de Gustave-Adolphe Hubbard (1858-1927)
(avocat, littérateur, député et membre du Grand-Orient de France)