CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
 
Gervais Bardonnaud, curé de La Forêt-le-Roi
Lettre au maire d’Aigueperse
Étampes, 21 juin 1803
 
   
Lettre de Gervais Bardonnaud du 21 juin 1803
 
     Le 8 avril 1802, le corps législatif de la République française a adopté le concordat signé par le Premier Consul Bonaparte et le pape Pie VII, qui scelle la réconciliation de la France et de l’Église catholique romaine. A La Forêt-le-Roi, petit village aux confins du Dourdanais et de l’Étampois, Gervais Bardonnaud, curé, y voit l’occasion de rentrer enfin en jouissance du titre clérical que lui avait constituée dès 1775 sa tante maternelle Gabrielle Binon, à Aigueperse (Puy-de-Dôme). Sa lettre est postée dÉtampes.
     Selon le Dictionnaire de l’Académie française de 1762, «on appelle Titre clérical, & absolument Titre, Le Bénéfice sur lequel un homme est admis aux Ordres sacrés.» Il était en effet impossible de recevoir les ordres à quiconque ne disposait pas de ce «titre clérical», représentant sous l’Ancien Régime un capital minimal de 1200 à 2000 livres, qui constituait le seul revenu de la plupart des jeunes prêtres à leur sortie du séminaire.

     Merci à Michel L. Lebatisse et à l’Association culturelle d’Aigueperse et ses environs, de nous avoir communiqué d’intéressantes données sur la tante de ce curé, mentionnée précisément dans les registres de l’hospice d’Aigueperse, tout récemment dépouillés par cette association dans la perspective d’une prochaine publication.
     N’hésitez pas à nous adresser des notes sur ce document!
B.G.
 
 
Port payé
(5 décimes)

Au Citoyen
Maire de la
Commune, Canton et Ville
d’aigueperse, puÿ de dôme,
A Aigueperse.

P.72.P
ETAMPES


     La forést leroy, Canton de dourdan sad (?) 5e Arrondissement du dépt de seine et oise Le mardi 2 Méssidor an xi°, 21 juin 1803.

     Le Citoyen Gérvais Bardonnaud prêtre Curé, déssérvant la paroisse de la forést, Au Citoyen Maire de la Commune et Ville d’aiguepérse.

      Citoyen Maire,

     Apprenant, il y a longtems, que gabriélle Binon, ma tante Matérnélle et Ma Mareine, étoit décédé, a l’hospice de notre ville; jécrivis le 5 floréal dérnier, au Citoyen juge de paix, Gilliard, afin que il prit les intêrêsts des absents pour la succéssion de la ditte déffunte, [p.2] ne recevant aucune réponse du Citoyen juge de paix; je M’adrésse a vous avéc confiance, pour vous suppliér de stipulér mes intêrêts, et ceux de ma tendre et Chère Mère dans la succéssion de Gabrielle Binon soeur de ma Mère,.

     en Novembre 1775. Gabrielle, Binon par Contract passé devant Gilliard Notaire royal et ducal, a hipotèqué tous ses biens, meubles et immeubles, pour, et en ma faveur, la somme de quatre vingt francs, tournois, afin de me sérvir de titre Clérical.

     N’ayant jamais pérçue un seul denier de Cette rente, jen demande les arrérages, et sur quels fonds du livre appartenants a Ma Tante, sera situé, les quatre vingts francs qui d’après sa volonté libre, me séront [p.3] [légit]imement dûes, tant que je vivrai.

     Le Gouvérnement actuél éxigeant 300 lt pour tous les Citoyens qui se consacreront au sérvice des autels est dans la férme volonté de maintenir les titres cléricaux.

     Je vous aurai Beaucoup d’obligation, Citoyen Maire, si vous avés la charité de veiller a mes intérest dans la succession de Gabrielle Binon; on m’a assuré que élle avoit Beaucoup de déttes, La mienne est privilégié, car comme prêtre, je suis mineur.

     Jattend votre réponse avéc autant d’impatience que jai de plaisir, a vous assurér d’avance de Ma sincére Gratitude

Citoyen Maire,

votre sérviteur bien humble
Gérvais Bardonnaud
Prêtre Curé de la forest.
 
Lettre de Gervais Bardonnaud du 21 juin 1803

Lettre de Gervais Bardonnaud du 21 juin 1803


Lettre de Gervais Bardonnaud du 21 juin 1803

Sur les liens du curé de La Forêt-le-Roi avec Aigueperse

     1) Sur Gabrielle Binon

     A peine avions-nous mis ce document en ligne que nous avons été contactés par Michel L. Lebatisse, de l’Association culturelle d’Aigueperse et ses environs, qui nous a communiqué six jours plus tard d’intéressantes données sur la tante de ce curé, mentionnée précisément dans les registres de l’hospice d’Aigueperse, tout récemment dépouillés par cette association dans la perspective d’une prochaine publication.

     En effet, à ce que nous écrit fort aimablement Michel Lebatisse, «dans les comptes de l’intendant de cet hôpital, comptes soumis en 1783 au conseil d’administration de l’établissement, il est fait mention de ce nom Binon, que Bardonnaud indique comme étant celui de sa marraine». L’article en question, dans la partie consacrée aux recettes de l’hôpital, notera notamment ceci:
     [...] une chambre particulière de l’hôpital est réservée, à perpétuité, à un parent du bienfaiteur [Godemel]. Or, en 1783, ce n’est pas une, mais trois personnes, un frère et deux sœurs Binon, qui sont entrées à l’hôpital en qualité de parents de Mr. Godemel. On leur demande en conséquence une pension de 4 septiers (353,7 kg) de blé pour un prix de 56 livres.
     De ces deux sœurs Binon l’une était bien apparemment la marraine et tante maternelle de Gervais Bardonnaud; et l’autre était peut-être tout simplement sa mère. La situation financière que reflète la présence de ces trois frères et sœurs Binon à l’hospice d’Aigueperse, tirant à trois sur la corde du privilège dont ne peut théoriquement jouir que l’un d’entre eux, correspond assez bien à ce que laisse entendre Bardonnaud de sa tante: elle n’aurait laissé que des dettes.

     2) Sur le notaire Gilliard et le titre clérical de Bardonnaud

     La même association a déjà mis en ligne les références de classement des anciennes études notariales du canton d’Aigueperse. Outre qu’on y remarque dès le siècle précédent à Aigueperse les patronymes Godemel et Binon, portés par des notaires, on y notera surtout mention des archives d’un notaire Pierre Gilhiard, dont le curé Bardonnaud orthographie le nom à la française, Gilliard, archives qui concernent précisément la période 1758-1787.

     Après cela il serait bien intéressant de retrouver l’acte de constitution du titre clérical de Gervais Bardonnaud, qui n’attend peut-être que le chercheur qui ira le relever, et ce serait un intéressant exemple de collaboration entre érudits locaux que de reconstituer la trajectoire de ce prêtre, d’Aigueperse à Dourdan, et de l’Ancien Régime à l’Empire.

Bernard Gineste
avec la collaboration de Michel Lebatisse
et de
l’Association culturelle d’Aigueperse et ses environs.

Sources: Vente de ce document sur le site d’enchères en ligne eBay, mars 2006. Saisie de B.G. Suivie d’un courriel de Michel Lebatisse en date du 11 mars 2006.
   
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
      
Édition

     ANONYME (vendeur de ce courrier sur eBay en mars 2006): Le vendeur précise que la marque postale linéaire de couleur noire P.72.P  ETAMPES, a pour dimensions 29 mm sur 9 et que la taxe manuscrite de 5 décimes portée au verso répond au tarif du 20 juillet 1802. Ce courrier a une cote de 115 euro (Indice 13 de Pothion-Baudot) et il était mis en vente avec un prix de départ de 27,50 €.

     Bernard GINESTE [éd.], «Gervais Bardonnaud, curé de La Forêt-le-Roi: Lettre au Maire d’Aigueperse (1806)», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-19-18030621bardonnaud.html, 2006.

Pages en ligne sur La Forêt-le-Roi

La Forêt-le-Roi sur la Carte de Cassini de 1756
Carte de Cassini (édition de 1815)

     SECTEUR PASTORAL DE DOURDAN, «Le village de LA FORÊT LE ROI (d’après l’article de Victor Poloni paru dans le journal du secteur: Le Trait d’Union)», in ID., Dourdan et les 17 Villages du Secteur Pastoral, catholique.dourdan.free.fr/villages/v-la-foret/page.html, en ligne en 2006.

     NOTRE-FAMILLE.COM, «La Forêt-le-Roi», in ID., Villes et Villages. Essonne [collection de cartes et photos anciennes], www.notrefamille.com/v2/services-villes-villages/essone/la-foret-le-roi-_910247.html, en ligne en 2006.

     France-GEN-WEB, «Les Maires de La Forêt-le-Roi» [depuis 1793], in ID., Recensement des Maires de France à travers l’Histoire, francegenweb.org/mairesgenweb/resultcommune.php?id=3115, en ligne en 2006.

     CONSEIL GÉNÉRAL DE L’ESSONNE, «La Forêt-le-Roi», in ID., Les Communes, www.essonne.fr/index.html?1=1&SPRIN=/inf/adresse/inf_prin.htm&IDINFO=2460&SLEFT=/inf/adresse/inf_left.htm, en ligne en 2006.

     WIKIPÉDIA, « La Forêt-le-Roi», fr.wikipedia.org/wiki/La_For%C3%AAt-le-Roi, en ligne en 2006.

Sur les titres cléricaux

     CONSEIL D’ÉTAT, Arrêt du conseil d’état portant réglement pour le contrôle des contrats de mariage, collation de copies de pièces, titres sacerdotaux ou clericaux et autres actes passés par les notaires apostoliques [in-4°; acte daté de Fontainebleau le 28 octobre 1698], sans mention de lieu ni d’éditeur ni de date (1698 ou plus tard).

     CONSEIL D’ÉTAT, Arrêt du Conseil d’Etat par lequel Sa Majesté declare n’avoir entendu comprendre dans l’éxécution de l’édit du mois de décembre 1703... concernant les insinuations laïques, les constitutions de titres cléricaux... [in-4°; acte daté de Marly le 10 mai 1707], Paris, Ve F. Muguet. Autre édition: Paris, Léonard, sans date.

     CONSEIL D’ÉTAT, Arrêt du conseil d’Etat du roi qui ordonne que les titres cléricaux contenant donations d’immeubles seront insinués aux insinuations laïques, et que ceux qui ne contiendront que des constitutions de rentes viagères demeureront assujettis seulement aux insinuations ecclésiastiques, encore que pour sureté d’icelles il y ait affectation d’immeubles [in-4°; acte daté de Versailles, 27 septembre 1729], Paris, Vve Saugrain & P. Prault, 1729. Réédition: Paris, Vve Saugrain & P. Prault, 1730. Réédition: Paris, P. Prault, 1742.

      CONSEIL D’ÉTAT, Arrêt du conseil d’Etat pour le paiement des droits d’insinuation et de centième denier pour les biens immeubles abandonnés par un père à son fils, pour lui servir de titre clérical [in-4°; acte daté de Versaille le 31 mars 1739], Paris, P. Prault, 1739

     CONSEIL D’ÉTAT,  Arrêt du conseil d’Etat déchargeant les ecclésiastiques de la provinces de Bretagne du paiement des droits attribués aux offices de conservateurs généraux des décrets volontaires, créés par édit du mois de janvier 1708 pour les biens qui leur serviront de titre clérical ou patrimonial, dans lesquels ils se feront approprier suivant la coutume de ladite province [in-4°; acte donné à Versaille le 12 août 1710], sans lieu ni date (à partir de 1710).
 
     Abbé Adrien PILLON DE THURY (curé d’Ercuis), La Situation du clergé en France et l’Œuvre du sacerdoce, ouvrage confidentiel comprenant le titre clérical d’ordination, les jugements ‘ex informata conscientia’, et l’exposé de l’œuvre du sacerdoce, par Monseigneur Pillon de Thury,... au nom d’une société d’ecclésiastiques [pièce in-8°; 32 p.], Paris, au bureau du Rosier de Marie, 1867.

     DE LA LANDE, Réponses du vieux philosophe de La Lande aux adversaires du titre clérical et de l’inamovibilité ecclésiastique de tous les curés sans distinction [in-8°], Paris-Auteuil, Roussel, 1876.

Sur les Binon et notaire Gilhard/Gilliard d’Aigueperse

     Michel MIALIER, «Du côté des Archives...», in ACAS (Association Culturelle d’Aigueperse et ses Environs), Sparsae Infos n°4 (avril 2004), http://sparsae.free.fr/sparsae-infos04.htm, en ligne en 2006.

      Extrait: «Références de classement des anciennes études notariales du canton d’Aigueperse. […] Ces documents sont conservés en série E, sous-série 5 E. […] GODEMEL (1602-1608): 5 E 12/924; GILHARD (1621-1635): 5 E 12/886 […] GODEMEL Vincent (1643-1677): 5 E 12/925-958 […] GODEMEL Quintien (1678-1714): 5 E 12/959-992; BINON Jacques (1680-1699): 5 E 12/67-104 […] GILHARD Pierre (1758-1787): 5 E 12/887-92 […]».

Curiosa: deux autres lettres du 21 juin 1803

     Alain LECA [éd.], «I bagni di Guagnu (Petit historique: Archives départementales de la Corse du Sud - L.M.Genty†)», in ID., Un peuple, une langue, alainleca.ifrance.com/i%20bagni.htm, en ligne en 2006.

     Extrait: «21 juin 1803: (2 messidor An XI) lettre de M. Ottavi, maire de Soccia, au Préfet du Liamone: “de tout temps, au lieu dit ‘la Caldane’, bains de Guagno (...) une étendue de terrain occupée par un ermitage (de St Antoine) - L’ermite recevait la moitié des récoltes - (...) Aprés la Révolution, les habitants de Guagno ont commencé à occuper ces terres (...) les ont partagées entre les familles et certains les ont vendues...”»

     NAPOLÉON Ier, «Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice (lettre du 21 juin 1803)», in Robert OUVRARD [éd.], «16-30 Juin 1803», in ID., «Correspondance de Napoléon », in ID., Histoire du Consulat et du Premier Empire, www.histoire-empire.org/correspondance_de_napoleon/1803/juin_02.htm, en ligne en 2006.

     Extrait: Saint-Cloud, 21 juin 1803
     Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice
     Je désire que vous lanciez un mandat d’arrêt contre les prêtres du diocèse de la Rochelle dont les noms suivent: Kemme, Gautier, Croisetière, Archambaud, Francois, et contre l’imprimeur Commandite.
     Vous donnerez l’ordre de saisir à la fois leurs papiers, et d’envoyer ces individus en toute diligence à Paris. Faites saisir toutes les brochures qui se trouveraient chez l’imprimeur Commandite et imprimées par lui.
     Envoyez un courrier extraordinaire. Il me paraît convenable que cette arrestation se fasse par la gendarmerie. Expédiez à cet effet un capitaine, qui prendra ses mesures pour que ces individus soient arrêtés à la même heure et à la fois.



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