CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
 Pierre-Paul Rubens & Nicolas-Claude Fabri de Peiresc
Lettres sur le Nonce
qui passa à Étampes le 13 mai 1625
  avril-juillet 1625 
 
 
Pierre-Paul Rubens
 
Nicolas Peiresc
 
Pierre Dupuy
Pierre-Paul Rubens
 
Nicolas Peiresc
 
Pierre Dupuy
 
 
     Le 13 mai 1625 s’arrête à Étampes un convoi, dont le passage a dû marquer les esprits et mobiliser toutes les élites locales. Le Nonce du nouveau pape Urbain VIII, son jeune neveu le Cardinal Francesco Barberini, se dirige vers Paris avec une escorte digne de son rang, précédé d’une réputation favorable de prélat humain et cultivé.  

     Nous reproduisons ici une lettre de Rubens à Peiresc (traduite de l’italien) qui fait allusion à cette étape d’Étampes. En annexe nous citons plusieurs lettres dudit Peiresc (ou extraits de lettres, car il est parfois très prolixe) qui permettent de cerner la personnalité de plusieurs des membres de l’escorte qui fut accueillie à Étampes. en ce 13 mai 1625, et de se faire une idée, par analogie, du train de ce convoi et des répercussions de son arrivée sur la vie des cités qu’il traverse.  

     Les Étampois sont prévenus depuis plusieurs jours de l’arrivée du Nonce. Son oncle Carlo Magalotti l’a précédé, et même à Paris on sait qu’il est arrivé le 10 à Orléans et qu’il sera le 13 à Étampes. Les lettres de Rubens et de Peiresc nous font connaître quelques-uns des membres de son escorte: Girolamo Aleandro, secrétaire des lettres latines du Cardinal et grand humaniste fort apprécié de Peiresc qui l’a longuement reçu chez lui à Aix et le recommande à ses relations parisiennes, Panphilio Persico, son secrétaire pour la correspondance en langues vernaculaires, Louys Aubery, rédacteur des Bulles, Marcel Laniely, enregistreur, Jacomo Durandi, abbréviateur, les sieurs Giovanni-Battista Doni, Barto Regii, Jacomo Guidetti, De Bonnaire et De Barclay, le chevalier Cassiano Del Pozzo, l’Écossais Giorgio Coneco, le révérendissime Père Guevara, général des prêtres mineurs («un trez bel ordre nouveau»), «tous galants hommes et fort curieux» et combien d’autres membres anonymes de la suite somptueuse du Cardinal Légat.  

     Nul doute que soit conservée quelque part, en italien peut-être, une relation de l’étape que fit à Étampes le Cardinal Légat Francesco Barberini, le 13 mai 1625, si brève soit-elle. Nous la trouverons bien quelque jour.  
 

 
 
Rubens à Peiresc, 13 mai(1)
 [traduction Paul Colin]
 
 
     Cher et illustre Ami,  
 
     Madame, Sœur du Roi, a épousé hier le Duc de Chevreuse, procureur du Roi d’Angleterre, avec toute la pompe requise, et par le ministère du Cardinal de la Rochefoucauld. V. S. en apprendra les détails par les relations manuscrites et imprimées auxquelles je La renvoie, car, pour dire vrai, l’accident survenu à Son frère, M. de Valavez, m’a enlevé tout plaisir.  11 mai
     Nous nous trouvions ensemble, dans la même tribune, réservée aux Anglais de la suite des Ambassadeurs. Beaucoup de [p.12] gens y étaient montés. Tout d’un coup, le plancher de bois céda sous le poids énorme de cette foule, et je vis le frère de V. S., à ma grande terreur et à mon vif chagrin, tomber avec tous les autres. Il se trouvait à côté de moi, mais je me tenais, moi, à l’extrémité de la tribune voisine, et j’y restai sain et sauf, ut solemus aliquando duobus sellis sedere. J’eus exactement le temps de retirer ma jambe de la tribune qui s’effondrait sur celle qui restait debout. Mais impossible, sans tomber dans le vide, de quitter celle-ci. Impossible, par conséquent, de voir le frère de V. S., ni d’avoir de Ses nouvelles, de savoir s’Il était blessé ou non. J’ai dû rester — dans quelle angoisse! — jusqu’à la fin de la cérémonie. M’étant enfui, ensuite, dès que je le pus, je trouvai M. de Valavez chez Lui, blessé au front. J’en fus d’autant plus irrité que de tous ceux qui sont tombés, soit une bonne trentaine, environ, aucun n’est blessé ni même sérieusement contusionné. L’os du crâne n’est pas brisé; la chair seule est atteinte, et s’il n’y avait pas déchirure autour de la plaie, je crois qu’en peu de jours celle-ci serait cicatrisée; du moins, comme les déchirures touchent à la plaie, pourra-t-on sans danger expulser les humeurs par la même ouvertures. Grâce à Dieu, je l’ai trouvé sans fièvre, ayant eu aussitôt recours aux bons remèdes pour prévenir les complications: saignées et clystères. C’est pourquoi j’espère que dans quelques jours il sera de nouveau en bonne santé. Ce qui l’ennuie le plus, c’est que cet accident soit ainsi survenu au moment de l’arrivée du Nonce(2); il se demande s’il pourra, suivant le désir de V. S. et le sien, le saluer, lui et les gens de sa suite. On ne peut pas encore savoir le jour précis de l’entrée du Nonce à Paris. Il est seulement certain que samedi dernier, 10 mai, il est arrivé à Orléans et qu’il y a logé, et qu’il logera le 13 à Étampes. Le voyage du Nonce est at[p.13]tristé par de mauvais présages, et en particulier, par la maladie foudroyante, à peine arrivé à Paris, où il le précédait, de l’oncle du Nonce, M. Magalotti; les médecins désespèrent de le sauver; il n’ont pu vaincre sa fièvre ni par des prises de sang ni par tous les autres remèdes. Quant à moi, si M. de Valavez n’est pas sur pieds, bientôt, je ne pourrai, faute d’un introducteur, avoir le plaisir d’offrir mes hommages à tous les gens de qualité dont V. S. me donnait la liste dans Sa lettre, et qu’Elle me peignait avec les belles couleurs qui lui sont propres.   
 
Nous avions obtenu, grâce aux démarches de M. de Valavez, une place dans cette tribune très bien située, puisqu’elle se trouvait juste en face de la tribune dans laquelle se passait la cérémonie.
     Je pense surtout à M. Aleandro(3), de qui V. S. me disait qu’Elle avait appris en peu de temps beaucoup de choses très importantes, qu’en vérité Elle n’ignorait sans doute pas; pour moi, par contre, si je pouvais arriver à Lui parler dans l’intimité, je pourrais m’instruire beaucoup et rectifier beaucoup de jugements erronés. Ce serait aussi pour moi un bien grand plaisir de baiser les mains de M. le Chevalier del Pozzi et de M. Doni(4), qui jouissent tous deux d’une si grande réputation à cause de leur science de l’antiquité et de leur culture étendue.  
 
avec sa grande modestie
     Quant à mes propres affaires, je ne suis pas sans inquiétude. Elles souffrent du troubles des affaires de l’État. Car je ne peux pas, dans l’orage politique actuel, attirer l’attention sur moi sans encourir le reproche de fatiguer et d’importuner la Reine. Dans ces conjonctures, je m’emploie de mon mieux à obtenir la liquidation de mon compte avant le départ de la jeune mariée pour l’Angleterre, c’est-à-dire avant la Pentecôte. La Reine Mère et la Reine l’accompagneront jusqu’à Boulogne, et le Roi jusqu’à Amiens. Je sais, d’ailleurs, que la Reine Mère est très contente de mon travail. Elle me l’a répété à plusieurs reprises, et le répète à [p.14] qui veut l’entendre.  
 
     Le Roi m’a fait l’honneur de venir visiter la Galerie. C’était la première fois qu’il mettait les pieds dans ce palais dont la  construction remonte à environ seize ou dix-huit ans. S. M. s’est montrée très satisfaite de mes tableaux; tous ceux qui assistaient à la visite me l’ont, du moins, certifié, et en particulier M. de Saint-Ambroise, qui commentaient les œuvres, modifiant leur sens, quand il le fallait, avec beaucoup d’adresse. Je crois avoir écrit à V. S. qu’on a supprimé le tableau qui représentait la Reine quittant Paris, et que je l’ai remplacé par un autre, montrant les splendeurs de Sa régence et l’efflorescence du Royaume à cette époque. On y voit aussi la Résurrection des Sciences et des Arts grâce aux libéralités et à la munificence de S. M., que j’ai représentée assise sur un trône éclatant et tenant à la main des balances où sa prudence et sa justice tiennent le monde en équilibre.  
 
Je me trouvais précisément au lit, blessé par un bottier qui m’avais estropié en m’essayant une nouvelle chaussure. J’y suis resté dix jours, et aujourd’hui encore, quoique pouvant monter à cheval, je me ressens beaucoup de cette blessure, qui me vaut des souffrances vives et lancinantes.
     Ce sujet n’a rien à voir avec la raison d’État, et ne s’applique à personne en particulier; il plaît beaucoup, et je suis persuadé que si on s’en était remis complètement à moi, les autres sujets n’auraient soulevé ni scandale ni critiques. J’ai l’impression qu’on se heurtera à de très grosses difficultés quant aux sujets de l’autre Galerie, qui devraient, cependant, être faciles à faire et ne créer aucun incident. Le thème est si fécond et si riche qu’il devrait suffire à dix galeries, mais le Cardinal de Richelieu, bien que je lui en eusse soumis par écrit le plan succinct, est si absorbé par les affaires du Gouvernement qu’il n’a pas eu le temps de jeter un seul [p.15] coup d’œil sur mes notes. C’est pourquoi je suis résolu à m’en aller dès que j’aurai pu obtenir la liquidation de mon compte, et de leur laisser, à lui et à M. de Saint-Ambroise, le soin de m’aviser de leurs décisions, même si celles-ci bouleversent complètement mes projets, d’après leur bon plaisir, et selon leurs habitudes. J’apprendrai leurs conclusions dans un an, sans doute, à Anvers.  
 
C’est tardivement que le Cardinal s’est aperçu de ceci, et il a été fort ennuyé quand il a vu qu’on prenait les nouvelles toiles de mauvaise part.
     En somme, j’étouffe ici, et il se pourrait bien, si on ne met pas à  me payer la ponctualité que j’ai mise moi-même à servir la Reine Mère, que je n’y revienne pas facilement. Ceci en confidence, et entre nous. Pour dire vrai, d’ailleurs, je ne peux pas me plaindre de S. M., qui a des excuses très sérieuses pour tous les ennuis qui viennent d’arriver. Mais le temps passe, et je reste loin de chez moi, ce qui n’est pas sans me causer des dommages.  

     De Belgique je suis à peu près sans nouvelles. Le siège de Bréda continue sans incidents, ainsi qu’on me le dit dans des lettres du 6 mai. Je pense, quant à moi, que les choses ne s’éterniseront pas ainsi, les deux partis étant trop puissants et trop près l’un de l’autre. Pour finir, je me recommande aux bonnes grâces de V. S., et je Lui baise les mains de tout cœur.  

     De V. S. très illustre, le serviteur fidèle,  

     Pierre-Paul Rubens.  

     Cet accident survenu au frère de V. S. m’a frappé comme s’il m’était arrivé à moi-même. Car, en toutes circonstances, il ne s’est jamais lassé de me faire bénéficier de ses bons offices, dans les petites et dans les grandes choses, et on ne pourrait rien espérer de plus de son propre frère.  

     Paris, dans la chambre du frère de V. S., 13 mai 1625.

 
NOTES DE COLIN
  

     On lira avec d’autant plus de plaisir la Lettre suivante [ci-dessus] qu’elle parle des fêtes dont la Cour de France vient d’être le théâtre, en l’honneur du mariage de la sœur du Roi avec le Roi d’Angleterre. Le peintre, en effet, s’est rendu à Paris en février 1624 pour achever et placer les tableaux qui ont été commandés par Marie de Médicis. Vis-à-vis de Peiresc, resté à Aix, il joue le rôle de l’homme de Cour, informé de tout, et entraîné dans une vie frénétique et compliquée.  

     1. En italien. (Bibliothèque de La Haye.)   

     2. Le jeune cardinal Barberini, neveu du nouveau Pape, dont la mission diplomatique fut étouffée sous les fêtes, les réceptions et les honneurs.  

     3. Geronimo Aleandro, qui accompagnait le Nonce, était un humaniste romain de grande culture [Peiresc écrit: Girolamo Aleandro. B. G.].  

     4. Personnages de la suite du Cardinal. Le second nommé était un philologue et un musicologue florentin notoire. 

Source: Traduction de Paul Colin, 3e édition, 1926. Saisie: Bernard Gineste, juillet 2001.
 
 
Francesco Barberini sculpté par le Bernin vers 1623 (©2002 National Gallery of Art, Washington D.C.)
Autre portrait de Francesco Barberini, non identifié
Portrait gravé du Cardinal Francesco Barberini
 
Francesco Barberini 
sculpté par le Bernin vers 1623 
(©2002 National Gallery of Art, Washington)
Deux autres portraits 
du Cardinal Légat Barberini
(1597-1679)
 
 
 
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc 
Dix lettres sur le voyage du Nonce
1. Peiresc à son frère, 20-21 avril
[pp. 145-149]
 

     A Monsieur De Valavez,  
     gentilhomme ordinaire de la chambre du roy,  
     à Paris.  

     Monsieur mon frere,  

Nicolas Peiresc     vous aurez eu juste subject de vous plaindre de mon silence depuis quelques jours, mais je ne seray pas sans excuse quand vous aurez veu la relation cy joincte, et que je vous auray dict de plus qu’on m’a faict aller chercher Mr le cardinal legat tantost à Marseille, tantost à St Maxemin, tantost ailleurs, avec mille incommoditez, à cause que mon mal ne me permettoit pas d’aller à cheval. Je receus en partant d’Aix pour venir en ceste ville d’Avignon voz despesches du 1 et 4 de ce moys toutes ensemble avec la boitte de rusque et lettres du 20 du passé. Et emportay le tout quant et moy excepté les greffes que je laissay avec ordre de les envoyer de ma part à Mr D’Espinouse qui a des arbres bien propres à greffer, car tous les nostres de Beaugentier estoient desja remplis. J’ay laissé icy le nouveau testament pour Mr Le Cardinal legat; il ne pouvoit pas estre plus dignement employé, et si [p.146] vous vous fussiez advisé d’y faire mettre des fermoirs d’argent, il eust esté encores plus sortable. Tant y a que je demeure bien obligé à Mr Du Puy de ce moyen qu’il m’a fourny de me faire de l’honneur. Je laissay en partant les lettres adressées au procureur Blain, qui me dict qu’il satisferoit à Mr Barthez, comme aussy celles de Mr Pichon à Gazel avec ses papiers ensemble 2 pistoles pour faire sa consultation pendant mon absance.  

     J’avois prié Monsr De Meaux mon cousin de vous escrire le destail du bal tenu cette aprez disné chez le general où monseigneur le cardinal avoit diné luy neufviesme, et des differants meus pour le baptesme qui se faict demain par monsieur le cardinal, d’une part, et Madame De Montmorancy, d’aultre, sans qu’elle y soit, Made Du Hallier ayant esté choisie pour commere par le cardinal et Made D’Aubignan ayant depuis produict une lettre de Mr De Montmorancy portant pouvoir de tenir la place de sa femme; enfin cela s’est terminé amiablement et Made Du Hallier a cedé par le conseil de Made De Vedene. J’ay veu le jardin du Sr Bartolomeo et par consequant le jacinthe et la cardinale en trez bon estat, mais il n’y a poinct de filleules, et il dict qu’il ne sçaict poinct comme on les peult faire produire, encores que vous m’ayiez mandé que vous luy en aviez escript la mode. Il avoit deux jossemains d’Arabie, l’un assez beau bien que un peu maltraicté du froid, et l’aultre bien malade lequel il m’a enfin promis.  

     Je suis icy accablé des courtoisies de Mr De Mondevergues encores qu’il soit malade et de madame sa femme. Ensemble de Made De Vedene laquelle s’estoit logée ceans pour faire place à monsieur le general pour le festin d’aujourd’huy. Je fus fort favorablement receu de ce cardinal en arrivant icy la veille de son entrée; il me retint à disner le lendemain et voulut que le Sr Carlo Magalotto son oncle fut precedé [p.147] par moy, s’entretenant de tout plein de beaux discours curieux. J’aurois mille choses à vous en dire, mais j’ay trop peu de temps et je veux aller demain Dieu aydant en Arles, pour faire ce baptesme que vous sçavez, et me rendre à Aix au plustost.  

Gerolamo Aleandro (mort en 1629), Basilique romaine de San Lorenzo     J’ay traictté en passant par Aix Mr Aleandro et Mr Panphile Persico, tous deux secretaires du cardinal, l’un des lettres latines et l’aultre des vulgaires, comme aussy le Sr Gio. Battista Doni, le Sr De Bonnaire, le Sr De Barclay, le reverendissime P Guevara, general des prebstres mineurs, un trez bel ordre nouveau, grand personnage, le Sr Barto Regii, Jacomo Guidetti, et quelques aultres de la suitte mesmes, le Sr Louys Aubery Scrittor Delle Bolle, le Sr Marcel Laniely, enregistreur, et quelques aultres de la suitte. Je ne sceus jamais avoir le chevalier Del Pozzo, ne le Sr Giorgio Coneco escossois touts galants hommes et fort curieux que le cardinal m’avoit permis de retenir et gouverner en passant. Mais pour Mr Aleandro, je le tins depuis le jeudy jusques au mardy au soir, tousjours dans les livres, antiquitez et aultres singularitez, où il print bien du plaisir et m’en donna bien ma part, car j’apprenois de belles choses de luy. Vous verrez tout ce monde là, et je vous prie de leur offrir et rendre tout le service que vous pourrez, comme aussy au Sr Jacomo Durandi, abbreviateur. Mais sur touts au Sr Aleandro, et au cavalier Del Pozzo, et à MMrs De Bonnaire et Barclay, et leur procurez toutes les bonnes cognoissances et introductions que vous pourrez. Je leur debvrois bailler afforce lettres de recommandation, mais je ne le puis à present. Je verray de les envoyer dans leur chemin specialement à Messrs De Bonnaire, et Barclay pour le P Seguiran et à Mr Aleandro pour Messrs De Roissy, De Mesmes, De Lauson, Du Puy, Bignon et aultres de ma cognoissance. Je suis contrainct [p.148] de finir pour me coucher et partir matin, s’il est possible. Si je ne puis escrire demain au matin, vous ferez mes excuses comme vous pourrez et je demeureray, monsieur mon frere,  

     vostre bien humble et affectionné frere et serviteur,  
     De Peiresc.  
     D’Avignon, ce dimanche au soir 20 Avril 1625.  

     Jamais chose ne vint mieux à propos que les extraicts que vous m’envoyastes du parlement de Paris touchant les deputations faictes pour recevoir et accompagner les legats, car cela m’a servy pour convaincre ceux qui soubstenoient icy que le parlement y estoit tousjours allé tout en corps. On a bien soubstenu que le parlement de Grenoble estoit allé en corps et en robbe rouge voir le Cardinal De Medicis legat. Mais je pense qu’il y aura encores quelque restriction. Rendez tout l’honneur que vous pourrez à Monsignor Pamphilio qui a la direction de toutes les affaires et taschez de negotier avec luy, et avec le p. General des peres mineurs la permission que desire avoir Mr Maran de traicter avec un huguenot pour l’achept d’une abbayie dont il ne veut pas traicter sans en avoir permission du pape, laquelle se donne seulement de bouche et non par escript. Mr De L’Affemas en a faict vendre plusieurs de celles de Mr De Suilly. Et vous dira le chemin qu’on y tenoit. Aujourd’huy l’on y va plus retenu que devant. [p.149] Cez messieurs veullent sçavoir touts les tenants et aboutissants. Mr Maran sera de par delà. Vous agirez avec luy comme il trouvera le plus à propos, et je me promets que monsieur le cardinal escrira de bonne ancre.  

     Mr Maran m’a trompé par trop de courtoisie, car il m’a faict acroire qu’il s’estoit faict rembourcer du Sr Eschinard des fournitures qu’il avoit faictes pour moy, et je crains bien qu’il ne soit pas vray, car Mr De Bonnaire n’en sçait rien que ce qu’il luy en a dict, et Mr Eschinard ne m’en escript rien. Cez courriers de Rome icy sont tous destraquez avec cette guerre de Genes.  

     Le cardinal vouloit venir incogneu descendre droict chez nous à Aix et y disner. S’il l’eust faict, il eust trouvé de quoy s’en contenter, car nous y avions mis bon ordre pensants avoir cez aultres messieurs, mais cela fut destourné.  

     Du 21 [sur l’enveloppe].  

     Les gardes du cardinal partent aujourd’huy d’icy; demain son train commance à marcher, et luy faict estat d’aller aprez demain à petites journées. Si vous pouvez faire transcrire au net la minute que je vous envoye de la relation que j’ay dictée à mon homme, faictes le avant que la monstrer et je seray bien aise qu’elle ne coure pas.  

     J’oubliois qu’on me vient d’asseurer que le cardinal a prins les ordres sacrez de la main du vice legat, qui est une grande faveur, et qu’il ne tardera pas de celebrer la messe. 

2. Peiresc à son frère, 26 avril
[pp. 150-160]
 

     A Monsieur De Valavez,  
     à Paris.  

     Monsieur mon frere,  

     je vous escrivis en partant d’Avignon et laissay la despesche à Mr De Mondevergues afin que Mr De Bouq la peusse prendre en passant, avec charge de la mettre à la poste, si Mr De Bouc ne passoit au temps qu’il avoit dict; je ne sçay s’il l’aura faict. Je m’en allay faire en Arles le baptesme de mon cousin de Chavary avec madame la lieutenante De Fauchier, et arrivay mecredy en cette ville. Je fis tout ce voyage dans le carrosse de monsieur le premier presidant, sans lequel j’eusse souffert de bien grandes incommoditez, et du vent en allant et de la pluye en revenant, dont j’ay esté bien soulagé. Pendant mon absance vostre despesche du 8me arriva ceans et me fut envoyée en Arles aprez avoir rendu icy à leur adresse les lettres du Sr Du Chaillar et aultres. Si je l’eusse eüe en Avignon comme on le pouvoit faire, et comme j’en avois donné charge en m’en allant d’icy, je m’en fusse bien faict de l’honneur. Je receus icy la matinée d’aprez mon arrivée vostre despesche du 15me par Rabier, et celle du XI par la poste, et ay pareillement faict rendre les lettres y joinctes, à Made De Chastueil, au Sr Bonnet et au procureur Baudoin, lequel me demandoit un pacquet pour Mr De Bourdaloue que je n’avois pas eu. Maintenant que j’ay eu un peu plus de loisir de rassembler voz lettres, je tascheray d’y faire responce un peu plus exactement sur les principaux chefs. [...]   

     [p.151] [...] Le passage de ce cardinal, c’est à dire les voyages qu’il m’a fallu faire en carrosse à Marseille, St Maxemin et Avignon, et le traictement [p.152] de cez messieurs de sa suitte que nous avons eus ceans durant quelques jours, avec les dependances et le baptesme, ne me coustent guieres moings de deux cents escus, ce qui m’a absorbé tout ce que j’avois apresté pour mes affaires de Guienne, et m’a faict manger en herbe le plus liquide de mes esmoluments du palais. [...]   

     [p.154] [...] Quant au logement du cardinal en cette ville, Mr Du Barroux, qui est à Rome et qui y faisoit les affaires de Mr D’Oppede, alla prier Mr Aleandro de disposer monsieur le cardinal à prendre et accepter l’offre de la maison de Mr D’Oppede qu’il disoit avoir charge de luy faire. A quoy le cardinal respondit au Sr Aleandro, Et Come Le Comportarebbe Sr De Peiresc, et sur la presse du Sr Du Barroux, il se laissa entendre qu’il ne la refusoit pas tout à faict.  

    Mr D’Oppede me dict que Le Barroulx luy escrivoit d’avoir faict ce compliment de sa part, et qu’il debvoit y correspondre luy mesmes au passage du cardinal, mais il fit le sourd et me dict qu’il n’en vouloit rien faire. Vous pouvez penser ce que je luy dis, mais j’avois beau faire. Si j’eusse sceu cette responce du cardinal à Mr Aleandro me concernant, je luy eusse offert la nostre formellement, et il y seroit asseurement venu, à ce que j’ay peu comprendre despuis; mais je ne me serois pas osé ingerer de cela, tandis que j’ignorois sa disposition, et que je voyois qu’on luy avoit appresté le mesme logis qu’on avoit baillé au roy, et que les gents de Mr De Guise luy avoient appresté à disner; il me dict prou luy mesmes dans le carrosse lorsqu’il changea de resolution et qu’il ne voulut plus entrer à Aix, qu’il n’y avoit aultre regret si ce n’est que de ne pouvoir venir voir nostre maison, comme [p.155] il desiroit, mais j’interpretay cela à eau benitte de cour, et ne m’imaginay pas qu’il eust songé de le faire. Et me contentay de luy faire des compliments tels que je peus, et de luy dire que je m’attendois bien que, la maison n’estant digne d’y recevoir un personage de sa qualité, il ne trouveroit pas mauvais que j’y retinse quelqu’un des siens, dont il me remercia et fit des repliques qu’il y seroit fort volontiers venu luy mesmes, lesquelles j’interpretois comme ses premieres parolles.  

     Mais estant puis à Lambesc, il me reitera la mesme chose, comme aussy en Avignon, et y adjousta lors qu’il seroit volontiers passé incognito, et qu’il eust voulu estre allé descendre ou chez Mr D’Oppede ou chez nous. Ce que je creus mieux allors selon sa lettre parce que j’avois depuis veu le Sr Aleandro, dont le discours se rapportoit à celuy là.  

     Toutefoys, quand il alla à Vaucluse, je luy offris de l’accompagner sans qu’il le voulust permettre, et quand il fut sur les lieux il voulut faire collation, on le mena chez Mr D’Oppede, où il alla franchement sans se faire prier. Le rentier mit quelques fruictz sur table, dont il tasta, et beut et fit bailler quattre pistoles audict rentier, qui dict les avoir refusées. Je m’en rapporte, mais s’il y eust eu quelqu’un de la part de Mr D’Oppede, avec de quoy le recevoir honorablement, ce luy eust esté bien de l’honneur.  

     Je dis à Mr De Roes, son ageant d’Avignon, qu’il le suyvit et qu’il fit son debvoir en cela, mais il n’y voulut point aller, et envoya seulement son filz pour parler d’un differant que Mr D’Oppede a pour la pesche contre ceux de l’Isle, comme il fit sur les lieux, et obtint un mandement au vice legat pour y prouvoir. Voila l’humeur du pellerin qui ayme mieux espargner 100 escus que de conserver ou acquerir l’amitié d’un tel personage à qui il a tant d’obligation, pour ses procez. [...]   

     [p.157] [...] Mr Aleandro m’a apporté une pille de poids antiques faicte en forme de vase dans lequel entrent divers poids les uns dans les aultres quasi en la forme de noz poids de marc. Il n’avoit poinct esté veu de tout ce siecle rien de semblable; il y aura bien que de quoy entretenir un jour Mr Poullain, mais je suis si embarrassé que je ne sçaurois songer à faire cet examen exactement, comme il seroit necessaire. Il y a une onze dans le sextans, iceluy dans le quadrans, lequel est dans le triens, qui se met dans le semis, contenu par la livre, et icelle par le vase exterieur, qui estoit à mon avis le dipondius, chascun avec ses propres notes ou marques et la plupart bien conservés, si ce n’est le vase exterieur, où il manque une ance, dont le poids peult estre un peu imparfect. Les parties de l’once qui monstrent d’y avoir esté aultres foys, se sont perdües par succession de temps. J’ay par mesme moyen eu quelques mesures dignes de consideration. [...]   
   
     [p.160] [...] C’est tout ce que je vous diray pour le present et demeureray tousjours, monsieur mon frere,  
  
     vostre bien humble et affectionné frere et serviteur,  
     De Peiresc.  
     A Aix, ce sammedy 26 Avril 1625. [...]

3. Peiresc à Dupuy, 28 avril
[pp.61-62]
 

     A monsieur, Monsieur Du Puy,  
     à Paris.  

     Monsieur,  

Pierre Dupuy     je suis en grande apprehension que l’on ne vous presse de vostre voyage de Lorraine maintenant que nous avions besoing de vous dans Paris afin que vous y puissiez favorablement recevoir le Sr Girolamo Aleandro, l’un de voz meilleurs amys, que vous eussiez esté bien aise, je m’asseure, de pouvoir gratifier selon son merite et selon vostre inclination de bien faire aux personnes de si eminante vertu. Elle vous est si cognüe et non seulement à vous monsieur, mais à la plus part des gents de lettres qui sont aujourd’huy en plus d’estime dans l’Europe que je n’aurois pas bonne grace d’entreprendre de la vous represanter, seulement vous diray-je que si ses escripts l’ont rendu recommandable auprez de vous, la doulceur de sa conversation le rendrà encores davantage, ne se pouvant rien adjouster à ce qui est de son incomparable honesteté et franchise, avec quoy il communique à ses amys et ses observations et toute sa plus rare erudition. Que si le malheur vouloit que vous fussiez party lors de son arrivée, je me promets que vous aurez laissé ample charge à Mr Du Puy vostre frere pour y contribuer en vostre absance tout ce qu’il pourra, ne doubtant poinct qu’il ne le face trez volontiers, comme je vous en supplie trez humblement l’un et l’autre, demeurant à tous les deux, monsieur,  

     vostre trez humble et trez obligé serviteur,  
     De Peiresc.  
     D’Aix, ce 28 Avril 1625.  

     [p.62] Il ne fauldrà pas oublier de faire voir au Sr Aleandro non seulement les plus rares mss. de la bibliotheque du roy et de celle de Mr Du Thou, mais aussy de la vostre et surtout l’Avitus et le St Pol. Je parlay à Mgr Le Cardinal Legat et au Sr Aleandro aussy des recommandables qualitez de vostre Holstenius d’Ambourg. Ils le verront trez volontiers et si cela est conduict avec dextérité, je m’asseure qu’il le retirerà volontiers auprez de luy. 

4. Peiresc à son frère, 2 mai
[pp.168-173]
 

     A monsieur, Monsieur De Valavez,  
     gentilhomme ordinaire de la chambre du roy,  
     à Paris.  

     Celle cy ne sera que pour accompagner trois despesches que je viens de faire, l’une pour Mr Aleandro, l’aultre pour Mr De Barclay et Mr De Bonnaire, son oncle, et la troisiesme pour Mr Le Chanoine Maran, auxquels vous rendrez, s’il vous plaict, les lettres que j’escriptz pour eux respectivement, prenant occasion, si vous pouvez, de les accompagner chez ceux auxquels j’escripts lorsqu’ils les vouldront rendre. Vous y pourrez faire adjouster des queües volantes avec nostre cachet avant que les rendre, et y jetter les ieux, pour vous conformer comme vous pourrez à mes intentions, et suppleer ce que je n’ay peu escrire plus au long, que vous suppleerez aiseement. Quand à celles du Sr Aleandro, il y en a plusieurs que je trouverois à propos de faire rendre par aultres mains que celles dudict Sr Aleandro, afin qu’ils l’aillent visiter luy à l’advance comme de raison, si faire se peult, ou qu’ils se trouvent en lieu où il les puisse voir commodement, en cas qu’ils fissent scrupule de l’aller visiter, comme Mr Grottius, et Mr Saulmaise. Je pense qu’ils ne feront pas difficulté de se rendre chez Mr De Thou, ou chez Mr Rigault, afin qu’il les y trouve quand il s’y acheminera. J’ayme si cordialement ce personage que je vouldrois bien pouvoir contribüer quelque chose à son contentement, et si faire se pouvoit à son advancement. Sa vertu et sa doctrine sont desja cogneües et estimées de plusieurs dans Paris, sa presence en fera redoubler l’estimation, [p.169] et je vouldrois bien en faire publier si fort le committimus, que le bruict en peust retentir jusques au delà des monts, s’il ne le trouve pas mauvais. Et pour ne demeurer dans les simples termes de le faire cognoistre aux gents de lettres, je vouldrois bien que le renom en parvinst jusques aux oreilles de messieurs les principaux ministres. C’est pourquoy je vouldrois bien que par Messrs De Lomenie, Le Beauclerc, Erouard, et aultres semblables, il se trouvast quelque pretexte pour le faire presenter chez Mr D’Herbault, qui a le despartement de Rome, et s’il y avoit moyen de faire que monseigneur le chancelier monstrast quelque desir de le cognoistre, je le desirerois encores plus. Voire jusques à Mr Le Cardinal De Richelieu, s’il se trouvoit quelque moyen d’introduction, et qu’il ne l’aye pas desagreable, car cela ne luy seroit peult estre pas inutile quelque jour. Tant y a que pour le moings, je suis bien d’advis que vous trouviez quelque moyen de le faire demander, ou voir par monsieur frere du roy, sur le subject des antiquitez, par Mr De Metz, Mr De Moret, Mr De Fetan, Mr De Mercure sur le subject de la bibliotheque Mste, voire par monsieur le premier presidant de Verdun et par monsieur le procureur general, s’il y veult consentir, à quoy Mr Passard et Mr Du Puy vous serviront fort bien. Et tousjours [p.170] suis je bien d’advis que vous preniez le temps propice pour luy faire voir sans foulle et à son aise le camayeul de la sainte chappelle et le cantharus d’Agathe de St Denys avec les aultres singularitez qui y sont, à sçavoir d’aultres calices d’Agathe, de cristal en forme de cantharus qui estoient hors d’usaige si ce n’est avec la canule comme faict le pape, et qui ressemblent les calices gravez aux tombeaux des anciens crestiens, la padene avec les poissons d’or, un grand crucifix gravé en une grosse ovale de crystal bien ancien, les plaques du devant de l’autel de St Denys, etc., en compagnie, s’il est possible, de Mr Bignon, et de peu de gents, car d’attendre que monseigneur le cardinal y aille, il y auroit bien du temps à perdre, et la foulle osteroit le principal plaisir. Plustost y retourner aprez quant et luy. Vous luy pourrez faire voir les galeries du Louvre et quelques uns des principaux ouvriers. Mais sur touts Monsr Alleaume, pour voir son esguille qui monstre le pole, sa perspective reguliere, et ses aultres singularitez, sans oublier Mr Du Moustier, pour qui je vous ay envoyé une bouteille de l’huille de scorpion de cet excellent ouvrier d’Avignon qui est mort, laquelle j’ay recouvré avec grande peine, mais avec le plus grand heur du monde. Et faictes l’advertir à l’advance qu’il modere un peu son language devant cez messieurs. [...]   

     Si vous pouvez prendre quelque occasion où vous peussiez traicter chez la Coiffier Mr Aleandro et Mr Maran, il n’y auroit poinct de danger, mais sans superfluité, comme vous fictes aultres foys cet ageant, et si Mr Bignon en [p.171] vouloit estre, cela purgeroit tout le crime ou le vice du lieu. Si ce n’est que vous peussiez faire la partie, le jour que vous irez à St Denys, dans la chambre de quelque moyne, comme pourroit estre le moine Colletet, mon nommé sur Guistres, que Mr De L’Affemas m’avois mis en main et qui est gentil garçon; et par occasion quand vous y serez, tousjours seray je bien aise que vous le sallüiez de ma part, pour m’entretenir en ses bonnes graces, et de monsieur son oncle, qui estoit le prieur, s’il me samble. Il fault le mener encores chez Mr Des Iveteaux, et Mr Aleandro et Mr Le Chevalier Del Pozzo, et Mr De Bonnaire, parce qu’il est fort officieux, et peult avec son carosse les conduire quelques foys ailleurs, et leur rendre des bons offices, à la cour.  

     Mr D’Abattia m’a embarrassé de ses vers. Vous en aurez deux coppies que vous pourrez bailler à Mr Aleandro, lequel en usera comme il jugera plus à propos; la dedicace qu’il adjouste au Cardinal De La Valette semble nous oster le moyen de les faire presenter à S S comme l’autheur eust desiré.  

     [...] Pour le surplus je vous [p.172] escriray un peu plus à loisir, car je suis grandement las d’escrire tant de lettres, et je va envoyer le pacquet chez monsieur le premier presidant pour estre porté par le courrier que Mr De Guise dict avoir retenu, et debvoir venir prendre sa despesche aujourd’huy ou demain, demeurant, monsieur mon frere,  
  
     vostre bien humble et affectionné frere et serviteur,  
     De Peiresc.  
     D’Aix, ce 2 May 1625.  

     [p. 173] J’escripts à Mr Rubens que Mr Aleandro a prins grand plaisir à la veüe des empreintes des grands camayeuls d’Auguste et au dessain de celuy de l’empereur. Cela vous pourra bien fournir quelque occasion de vous enquerir de luy, ou de faire que Mr Aleandro s’enquiere de luy, s’il a jamais faict un dessain de celuy de la sainte chapelle qu’il vouloit faire avec les vives couleurs des habillements anciens, et les figures d’un pan de long pour voir si cela le pouvoit remettre dans le souvenir de la promesse qu’il m’en avoit faicte la derniere foys que je le vis pour l’accompagner du tableau que j’ay de celuy de l’empereur, où les figures sont de mesme proportion bien que en grisaille et non en couleurs. 

5. Peiresc à son frère, 11 mai
[pp.174-175]
 

     A monsieur, Monsieur De Vallavez,  
     à Paris.  

     Monsieur mon frere,  

     j’ay esté bien malheureux en ce que ma despesche pour Mr Aleandro qui avoit attendu quelques jours chez Mr D’Oppede le passage du courrier de Mr De Guise, par opiniastreté de Mr La Fagoüe, demeura sans qu’on la luy baillast à son passage. Et Dieu sçait comme elle arrivera tard. Je m’en suis cuidé fort piquer avec luy, mais à cette heure son mariage le tient tout destracqué, et je crains bien qu’il ne coure fortune de perdre son maistre. Il s’est logé avec sa femme au quartier du logis de son beau pere que tenoit Boissely. [...]  

     [p.175] [...] J’ay receu voz despesches du 22, 25, 29 du passé et 2 de ce moys, et ay rendu toutes les lettres qui y estoient joinctes, ayant porté moy mesmes cette aprez disnée à Mr Le Presidant Seguiran son pacquet et ses lettres surannées, que je m’estonne que vous n’ayez faict accompagner d’une lettre de suranation et validation des payes escheües depuis l’an 1623 qu’elles sont dattées. Il m’a faict voir ce qu’on luy escrivoit du bon acceuil du roy entretien de Mr De Bouq, à qui j’ay bien de l’obligation de l’honneur de son souvenir, et des surabondantes honnestetez dont il me comble sans mesure à son acoustumée; je le felicite de sa faveur, et luy souhaicte le succez de son voyage conforme à ses desirs.  

     Je seray bien marry que vous perdiez la veüe des ceremonies de ce mariage, mais je serois bien plus marry si vous perdiez l’occasion d’aller au devant de monseigneur le cardinal.  

     J’ay rendu vostre lettre au cousin D’Orves, qui m’a dict qu’il payeroit Mr Gaillard, et l’a esté voir, mais ses lettres ne sont pas encor arrivées, et il en a grande faulte en son procez. Nous avons esté infiniment aises d’apprendre par les lettres de Mr D’Erbault et de vous, que le nonce disoit que le cardinal se loüoit de nous, et en avoit remercié le roy afin de faire clorre la bouche à ceux qui persistoient à dire qu’il estoit malcontant. Il est tard, et je suis constrainct de finir, demeurant, monsieur mon frere,  
  
     vostre bien humble et affectionné serviteur,  
     De Peiresc.  
     D’Aix, ce dimanche au soir XI May 1625. 

6. Rubens à Peiresc, 13 mai(1)
 [traduction Paul Colin]
 
 
     Cher et illustre Ami,  
 
Pierre-Paul Rubens     Madame, Sœur du Roi, a épousé hier le Duc de Chevreuse, procureur du Roi d’Angleterre, avec toute la pompe requise, et par le ministère du Cardinal de la Rochefoucauld. V. S. en apprendra les détails par les relations manuscrites et imprimées auxquelles je La renvoie, car, pour dire vrai, l’accident survenu à Son frère, M. de Valavez, m’a enlevé tout plaisir.  11 mai
     Nous nous trouvions ensemble, dans la même tribune, réservée aux Anglais de la suite des Ambassadeurs. Beaucoup de [p.12] gens y étaient montés. Tout d’un coup, le plancher de bois céda sous le poids énorme de cette foule, et je vis le frère de V. S., à ma grande terreur et à mon vif chagrin, tomber avec tous les autres. Il se trouvait à côté de moi, mais je me tenais, moi, à l’extrémité de la tribune voisine, et j’y restai sain et sauf, ut solemus aliquando duobus sellis sedere. J’eus exactement le temps de retirer ma jambe de la tribune qui s’effondrait sur celle qui restait debout. Mais impossible, sans tomber dans le vide, de quitter celle-ci. Impossible, par conséquent, de voir le frère de V. S., ni d’avoir de Ses nouvelles, de savoir s’Il était blessé ou non. J’ai dû rester — dans quelle angoisse! — jusqu’à la fin de la cérémonie. M’étant enfui, ensuite, dès que je le pus, je trouvai M. de Valavez chez Lui, blessé au front. J’en fus d’autant plus irrité que de tous ceux qui sont tombés, soit une bonne trentaine, environ, aucun n’est blessé ni même sérieusement contusionné. L’os du crâne n’est pas brisé; la chair seule est atteinte, et s’il n’y avait pas déchirure autour de la plaie, je crois qu’en peu de jours celle-ci serait cicatrisée; du moins, comme les déchirures touchent à la plaie, pourra-t-on sans danger expulser les humeurs par la même ouvertures. Grâce à Dieu, je l’ai trouvé sans fièvre, ayant eu aussitôt recours aux bons remèdes pour prévenir les complications: saignées et clystères. C’est pourquoi j’espère que dans quelques jours il sera de nouveau en bonne santé. Ce qui l’ennuie le plus, c’est que cet accident soit ainsi survenu au moment de l’arrivée du Nonce(2); il se demande s’il pourra, suivant le désir de V. S. et le sien, le saluer, lui et les gens de sa suite. On ne peut pas encore savoir le jour précis de l’entrée du Nonce à Paris. Il est seulement certain que samedi dernier, 10 mai, il est arrivé à Orléans et qu’il y a logé, et qu’il logera le 13 à Étampes. Le voyage du Nonce est at[p.13]tristé par de mauvais présages, et en particulier, par la maladie foudroyante, à peine arrivé à Paris, où il le précédait, de l’oncle du Nonce, M. Magalotti; les médecins désespèrent de le sauver; il n’ont pu vaincre sa fièvre ni par des prises de sang ni par tous les autres remèdes. Quant à moi, si M. de Valavez n’est pas sur pieds, bientôt, je ne pourrai, faute d’un introducteur, avoir le plaisir d’offrir mes hommages à tous les gens de qualité dont V. S. me donnait la liste dans Sa lettre, et qu’Elle me peignait avec les belles couleurs qui lui sont propres.   
 
Nous avions obtenu, grâce aux démarches de M. de Valavez, une place dans cette tribune très bien située, puisqu’elle se trouvait juste en face de la tribune dans laquelle se passait la cérémonie.
     Je pense surtout à M. Aleandro(3), de qui V. S. me disait qu’Elle avait appris en peu de temps beaucoup de choses très importantes, qu’en vérité Elle n’ignorait sans doute pas; pour moi, par contre, si je pouvais arriver à Lui parler dans l’intimité, je pourrais m’instruire beaucoup et rectifier beaucoup de jugements erronés. Ce serait aussi pour moi un bien grand plaisir de baiser les mains de M. le Chevalier del Pozzi et de M. Doni(4), qui jouissent tous deux d’une si grande réputation à cause de leur science de l’antiquité et de leur culture étendue.  
 
avec sa grande modestie
     Quant à mes propres affaires, je ne suis pas sans inquiétude. Elles souffrent du troubles des affaires de l’État. Car je ne peux pas, dans l’orage politique actuel, attirer l’attention sur moi sans encourir le reproche de fatiguer et d’importuner la Reine. Dans ces conjonctures, je m’emploie de mon mieux à obtenir la liquidation de mon compte avant le départ de la jeune mariée pour l’Angleterre, c’est-à-dire avant la Pentecôte. La Reine Mère et la Reine l’accompagneront jusqu’à Boulogne, et le Roi jusqu’à Amiens. Je sais, d’ailleurs, que la Reine Mère est très contente de mon travail. Elle me l’a répété à plusieurs reprises, et le répète à [p.14] qui veut l’entendre.  
 
     Le Roi m’a fait l’honneur de venir visiter la Galerie. C’était la première fois qu’il mettait les pieds dans ce palais dont la  construction remonte à environ seize ou dix-huit ans. S. M. s’est montrée très satisfaite de mes tableaux; tous ceux qui assistaient à la visite me l’ont, du moins, certifié, et en particulier M. de Saint-Ambroise, qui commentaient les œuvres, modifiant leur sens, quand il le fallait, avec beaucoup d’adresse. Je crois avoir écrit à V. S. qu’on a supprimé le tableau qui représentait la Reine quittant Paris, et que je l’ai remplacé par un autre, montrant les splendeurs de Sa régence et l’efflorescence du Royaume à cette époque. On y voit aussi la Résurrection des Sciences et des Arts grâce aux libéralités et à la munificence de S. M., que j’ai représentée assise sur un trône éclatant et tenant à la main des balances où sa prudence et sa justice tiennent le monde en équilibre.  
 
Je me trouvais précisément au lit, blessé par un bottier qui m’avais estropié en m’essayant une nouvelle chaussure. J’y suis resté dix jours, et aujourd’hui encore, quoique pouvant monter à cheval, je me ressens beaucoup de cette blessure, qui me vaut des souffrances vives et lancinantes.
     Ce sujet n’a rien à voir avec la raison d’État, et ne s’applique à personne en particulier; il plaît beaucoup, et je suis persuadé que si on s’en était remis complètement à moi, les autres sujets n’auraient soulevé ni scandale ni critiques. J’ai l’impression qu’on se heurtera à de très grosses difficultés quant aux sujets de l’autre Galerie, qui devraient, cependant, être faciles à faire et ne créer aucun incident. Le thème est si fécond et si riche qu’il devrait suffire à dix galeries, mais le Cardinal de Richelieu, bien que je lui en eusse soumis par écrit le plan succinct, est si absorbé par les affaires du Gouvernement qu’il n’a pas eu le temps de jeter un seul [p.15] coup d’œil sur mes notes. C’est pourquoi je suis résolu à m’en aller dès que j’aurai pu obtenir la liquidation de mon compte, et de leur laisser, à lui et à M. de Saint-Ambroise, le soin de m’aviser de leurs décisions, même si celles-ci bouleversent complètement mes projets, d’après leur bon plaisir, et selon leurs habitudes. J’apprendrai leurs conclusions dans un an, sans doute, à Anvers.  
 
C’est tardivement que le Cardinal s’est aperçu de ceci, et il a été fort ennuyé quand il a vu qu’on prenait les nouvelles toiles de mauvaise part.
     En somme, j’étouffe ici, et il se pourrait bien, si on ne met pas à  me payer la ponctualité que j’ai mise moi-même à servir la Reine Mère, que je n’y revienne pas facilement. Ceci en confidence, et entre nous. Pour dire vrai, d’ailleurs, je ne peux pas me plaindre de S. M., qui a des excuses très sérieuses pour tous les ennuis qui viennent d’arriver. Mais le temps passe, et je reste loin de chez moi, ce qui n’est pas sans me causer des dommages.  

     De Belgique je suis à peu près sans nouvelles. Le siège de Bréda continue sans incidents, ainsi qu’on me le dit dans des lettres du 6 mai. Je pense, quant à moi, que les choses ne s’éterniseront pas ainsi, les deux partis étant trop puissants et trop près l’un de l’autre. Pour finir, je me recommande aux bonnes grâces de V. S., et je Lui baise les mains de tout cœur.  

     De V. S. très illustre, le serviteur fidèle,  

     Pierre-Paul Rubens.  

     Cet accident survenu au frère de V. S. m’a frappé comme s’il m’était arrivé à moi-même. Car, en toutes circonstances, il ne s’est jamais lassé de me faire bénéficier de ses bons offices, dans les petites et dans les grandes choses, et on ne pourrait rien espérer de plus de son propre frère.  

     Paris, dans la chambre du frère de V. S., 13 mai 1625.

 
7. Peiresc à son frère, 23 mai
[pp.178-180]
 

     A monsieur, Monsieur De Vallavez,  
     à Paris.  
     Monsieur mon frere,  

     tout presantement je viens seulement de recevoir vostre despesche du 8.  [...] [p.179] [...] J’ay recouvré de Marseille la responce de la lettre que vous avoit baillée Mr Rubens, et la vous envoye accompagnée d’une mienne. Ensemble une lettre pour Mr Aleandro au Sieur Fouquet, laquelle estoit demeurée en arriere dernierement; vous la luy pourrez bailler si elle y est à temps. [...]   

     [p.180] [...] Demeurant, monsieur mon frere,  
      
     vostre trez affectionné frere et serviteur,  
     De Peiresc.  
     D’Aix, ce 23 May 1625. 

8. Peiresc à son frère, 24 mai
[pp.183-184]
 

     A Monsieur De Valavez.  

     Monsieur mon frere,  

     nous sommes attendants en grande impatiance voz premieres despesches pour voir à quoy se seront resolus cez messieurs du parlemant sur les facultez et receptions de monsr le legat, mais je crains bien que nous ne passions longtemps sans avoir de voz nouvelles et que vostre voyage d’Orleans ne vous aye empesché de nous escrire aussy bien que de voir le balet de la royne, car cez voyages destracquent bien le monde principalement quand on est assubjetty à des compliments si assideus comme sont ceux qui se randent aux italliens. C’est pourquoy je ne trouveray pas estrange quand nous passerions encores huict jours sans avoir de voz lettres pour vous donner le loisir d’aller à Orleans et d’en revenir avec cette grosse compagnie.[...]   

     [p.184] [...] [De la main de Peiresc.] la fin de la feuille me faict finir, demeurant, monsieur mon frere,   

     vostre trez affectionné frere et serviteur,  
     De Peiresc.  
     D’Aix, ce 24 May 1625. 

9. Peiresc à Dupuy, 3 juin
[pp.62-64]
 
  
     A monsieur, Monsieur Du Puy,  
     advocat en la cour à Paris.  

     Monsieur,  

Pierre Dupuy     j’ay receu vostre despesche du 9 du passé avec l’observation de Mr Rigault sur ce lieu de Tertullian que j’ay trouvée extremement belle et curieuse, dont je vous remercie bien humblement, ensemble des bonnes nouvelles de Mr Du Puy vostre frere, dont il vous plaict de me faire part et de l’esperance que vous me donnez de me faire voir une relation exacte de ce qui s’est passé au parlement sur les facultez et [p.63] reception de Mr Le Cardinal Legat, en quoy vous m’obligez infiniment, comme aussy aux assurances qu’il vous plaict me donner de l’honneur de vostre amitié, dont je tascheray de me rendre digne en vous servant en tout ce que nous pourrons mon frere et moy. J’ay esté bien aise d’entendre que le Solin de Mr Saulmaise et les conciles du P Sirmond s’advancent et attends impatiemment le livre de Mr Grottius de jure belli. Je plains bien le pauvre Erpenius et crains grandement que son decez n’interrompe l’edition de tant de belles pieces orientales qu’il avoit en main, et possible encores l’accomplissement de son histoire sarracenique. Vous verrez possible de par de là le reverendissime Pere Guevara, general de l’ordre des clercs mineurs, qui estoit icy à la suite de Mr Le Cardinal Barberin, lequel il aurà suivy de prez s’il n’est arrivé en mesme temps. C’est un personage qui est en grande creance et reputation dans l’Italie. Ceux de son ordre ont eu du pape la direction de l’impremerie des bibles et autres livres ez langues orientales et ont entr’eux des persones grandement doctes et bien versées en cez langues là. S’ils avoient une maison dans Paris, ils y feroient des merveilles et pourroient suppleer à une bonne partie de la perte du dict Erpenius. On dict que leur institut est fort beau et fort different de celuy des peres jesuistes. Mais cet homme cy est d’une trez belle et gratieuse conversation et meriteroit bien d’estre cogneu de Mr vostre frere et de vous, et de ces autres messrs qui font florir les belles lettres dans Paris. Je suis bien obligé à Mr Du Thou de l’honneur de son souvenir, et vous supplie l’asseurer et Mr vostre frere de mon trez humble service, estant bien marry que nous n’ayons rien icy qui merite d’aller jusques à vous, à faulte d’autre chose je vous envoye une action ou deux du P Le Febvre [p.64] qui ont esté estimées en Italie, mon frere vous dirà qui il est et je demeureray, monsieur,  

     vostre trez humble et obligé serviteur,  
     De Peiresc.  
     D’Aix, ce 3 Juin 1625.

10. Peiresc à son frère, 4-5 juin
[pp.188-193]
 
  
     A monsieur, Monsieur De Vallavez,  
     à Paris.  

     Monsieur mon frere,  

     ce feust une grande fourtune pour moy que vostre despesche du treiziesme du mois passé n’arriva point en son temps, ains vint conjoincte avec celle du seiziesme, laquelle par hazard j’ouvris la première, car si j’eusse veu l’aultre toute seule je feusse demeuré en grande transse, attendu l’apparance qu’il y avoit que vostre mal ne feust beaucoup plus grand que vous ne disiez et que vostre escripteure en cette lettre là estoit si alterée et si desguisée qu’il n’y avoit que bien peu de vestiges de vostre caractere ordinaire, et la description [p.189] que m’avoit faicte Monsr Rubens de la hauteur de cest eschaffault et de la proffondeur du lieu jusques où alla vostre cheute, me faisoit fremir, et m’eust empeché de pouvoir croire que le mal feust si leger comme vous disiez. Il fault loüer Dieu de la grace qu’il vous a faicte vous preservant en un sy grand peril et vous faisant sortir à si bon marché d’une telle cheute et d’une si dangereuse blessure à la teste. Car c’est une merveille quasi incroyable de vous estre peu garentir de fiebvre comme vous dictes, veu que le mal ne vous permettoit pas de mascher. L’un de mes plus grands regrets à cette heure cy est que vous ne vous soyez trop tost dispancé de sourtir et d’aller faire des compliments envers Mr Le Cardinal Legat et cez messieurs de sa suitte. Car les blessures de teste sont longuement dangereuses. Dieu vueille avoir bien conduict le tout. Vostre despesche du vingtiesme survenüe depuis (où j’ay apprins le progrez de l’amendement de vostre santé) m’a consolé d’une part et neantmoins augmenté mon aprehension d’aultre, voyant que vous aviez voulu sy tost sortir, et qu’aviez mesme vouleu vous hazarder d’aller voir monseigneur le cardinal hors la ville, si Mr Alleandro ne vous en eust dissuadé. Conservez vous pour l’honneur de Dieu et ne vous precipitez en rien, car cez messieurs sont si courtois et si discrets qu’ils vous excuseront aisement, ayant sceu la fortune que vous avez coureu et la qualité de vostre blessure.  
   
     [...] [p.190] [...] [Tout le reste de la lettre est de la main de Peiresc.] Je me sents grandement obligé à Mr De Bouc mon frere et à Mr Aguillenqui mon cousin de la peine qu’ils ont prinse à faire quelques compliments pour vous envers cez messieurs d’Italie, et suis infiniment aise qu’ils se soient rencontrez là pour vous soulager d’aultant, et vous empescher de vous precipiter à sortir, avant qu’estre guary. Mr Rubens me mande qu’il vouloit y contribüer aussy de son costé ce qu’il pourroit, pour vostre soulagement. Je les en remercieray et les serviray en revanche comme je doibs. [...]  
   
     [p.192] [...] Je prie à Dieu qu’il vous reguerisse bien, et vous prie de ne vous pas precipiter. Mr De Lomenie vous fera part de ce que je luy envoye et je finiray demeurant, monsieur mon frere,  
  
     vostre bien humble et affectionné serviteur,  
     De Peiresc.  
     D’Aix, ce 4 Juin 1625.  
   
    [...] J’ay oublié d’escrire à Mr Aleandro que j’ay envoyé à Rome son fagot de livres par une barque qui porte le Sr Correggia que vous cognoissez, lequel aura soing du fagot, et de le faire preserver des [p.193] geneuois si la barque estoit prinse. L’adresse en est au Cardinal Ste Susanne et la barque partit de Marseille lundy au soir.  
Du 5 Juin 1625 au matin. [...] 

11. Peiresc à Dupuy, 26 juillet
[pp.64-66]
 

     A monsieur, Monsieur Du Puy,  
     à Paris.  
  
     Monsieur,  

Pierre Dupuy     aussy tost que j’ay apprins vostre heureux retour chez vous, je n’ay pas voulu manquer de m’en conjouyr avec vous comme je faicts de tout mon coeur, tant pour l’interest du Sr Aleandre, qui desiroit avec tant de passion d’avoir l’honneur et le bien de vous voir, que pour le vostre mesmes, sçaichant bien que quand vous estes esloigné de vos muses et de vostre bibliotheque vous estes comme hors de vostre element. Oultre l’interest du public et de tous vos amys et serviteurs qui se prevalent tant de vostre honesteté quand vous estes au lieu de vostre sesjour ordinaire et qui y reçoivent tant de prejudice lors qu’ils n’ont le moyen de recourir à vous à leur besoing. Mais surtout le Sr Aleandro s’en seroit retourné en Italie avec un extreme regret, s’il n’eust peu jouyr de vostre presence tant souhaictée et je m’asseure que vous eussiez esté bien marry aussy de ne l’avoir veu luy et de n’avoir gousté son ingenuité et la doulceur de sa conversation, dont je ne doubte point que vous ne receviez grande satisfaction comme reciproquement luy de la vostre. Au surplus il y a quelques jours que le procureur [p.65] du Sr Barthe m’envoy à ceans un pacquet pour luy, depuis lequel temps il ne s’est faict aulcune despesche à Paris que j’aye sceüe. Vous le luy pourrez faire tenir, et s’il a de responce à envoyer je la feray soigneusement rendre. [...]  

     [p.66] [...] Sur quoy aprez vous avoir supplié de me conserver l’honneur de vos bonnes graces et de m’ayder à conserver celles de Monsr De Thou et de Mr vostre frere, je demeureray à jamais, monsieur,  

     vostre trez humble et trez obligé serviteur,  

     De Peiresc.  

     D’Aix, ce 26 Juillet 1625. 

     Source: Édition de Tamizey de Larroque, numérisée par l'INALF en 1961 en mode texte et mise ligne par la BNF en 2000. Sélection et remaniements typographiques: Bernard Gineste, novembre 2001.
 
 
 
ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
Élie Faure
 
AVANT-PROPOS DE L’ÉDITEUR
[DES LETTRES DE RUBENS]
[vol I, pp. I-II]
 
     La Correspondance de Rubens n’est pas inédite. Au cours du siècle dernier, à plusieurs reprises, on en a donné des fragments ou des recueils incomplets. Émile Gachet (1840), avec la collaboration de Gachard, William Hookham Carpenter (1845), Noël Sainsbury (1859) — ces deux derniers en anglais, — Armand Baschet (1866) dans la Gazette des Beaux-Arts, et Rosenberg, — celui-ci en allemand — ont successivement publié soit quelques-unes, soit un plus ou moins grand nombre de ses lettres. La plupart, d’ailleurs, se sont copiés les uns les autres et ont traduit des traductions, sans recourir aux textes originaux, si bien qu’au moment où Charles Ruelens entreprit (1887) de donner une édition définitive de la correspondance du Maître, on ne pouvait guère considérer les travaux précédents que comme des indications de sources. Ruelens, puis Max Rooses publièrent un énorme «Codex» en six tomes où s’entassent pêle-même un monceau de documents, dont les quatre cinquièmes ne se rapportent qu’indirectement à l’artiste. Ce travail considérable, dont le dernier volume n’a paru qu’en 1909, est un monument digne, à plus d’un égard, d’admiration. Mais il souffre d’avoir été rédigé dans un souci du mot à mot qui enlève toute simplicité et toute vie à la traduction. En outre, le classement défectueux et l’excès des commentaires d’intérêt local en rendent la lecture un peu pénible.  
     Nous avons pensé qu’une traduction nouvelle, plus libre, [p.II] de la correspondance de Rubens, s’imposait à une époque où tout ce qui touche les peintres, de près ou de loin, provoque une curiosité parfois passionnée. Cette traduction, moins servile que vivante, a été entreprise par M. Paul Colin non pas sur des textes de seconde main, mais sur les originaux eux-mêmes. Ils avaient subi, en effet, des déformations et interpolations fréquentes. Rubens et ses correspondants usaient volontiers de l’italien, c’est-à-dire d’une langue qui n’étaient pas leur langue maternelle et qu’ils maniaient, pour la plupart, assez maladroitement. La présente publication, dans son esprit entièrement nouvelle, a permis à M. Colin de redresser le sens de plusieurs textes et de corriger un nombre infini d’erreurs de détails. Ce fut une besogne longue, difficile, ingrate, qui met en valeur autant sa patience et sa volonté d’aboutir, que sa parfaite connaissance des qutre ou cinq langues qu’il était nécessaire de comprendre pour la mener à bonne fin. [...] 
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
   
   
Manuscrits

     Lettre originale de Rubens en italien, conservée à la Bibliothèque de La Haye (selon COLIN 1927).   
     

Éditions

     Voyez, pour Rubens, la notice d’Élie FAURE ci-dessus reproduite.   
   
     Charles RUELENS & Max ROOSES, «Codex» [titre de lédition critique à préciser; 6 vol.], 1886-1909 [Rubens].  
   
     Paul COLIN, P.-P. Rubens. Correspondance, traduite et annotée. II. Chronique de Flandre (1625-1629). 3e édition [III+253 p.], Paris, G. Crès & Cie [«Bibliothèque dionysienne»], 1927, pp. 11-15 [Lettre à Peiresc n°3, traduite de l’italien sur le texte de ROOSES].  

     Philippe TAMIZEY DE LARROQUE [ed.], Lettres de Peiresc. Vol. I: Lettres de Peiresc aux frères Dupuy. Décembre 1617-décembre 1628 [309 p.], Paris, Imprimerie Nationale [«Collection de documents inédits sur lhistoire de France. 2e série»], 1888 [d’où une édition numérique (en mode texte, 485 Ko), Paris, INALF («Frantext», Q859) 1961, mise en ligne par la BNF, gallica.bnf.fr (2000), N089279], aux pages sus-indiquées.  

     Philippe TAMIZEY DE LARROQUE [ed.], Lettres de Peiresc. Vol. VI: Lettres de Peiresc à sa famille et principalement à son frère. 1602-1637 [276 p.], Paris, Imprimerie Nationale [«Collection de documents inédits sur lhistoire de France. 2e série»], 1896 [d’où une édition numérique (en mode texte, 480 Ko), Paris, INALF («Frantext», Q866) 1961, mise en ligne par la BNF, gallica.bnf.fr (2000), N089284], aux pages sus-indiquées. 

     Bernard GINESTE [éd.], «Pierre-Paul Rubens & Nicolas-Claude Fabri de Peiresc: Lettres sur le Nonce qui passa à Étampes en mai 1625, avril-juillet 1625», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-rubens-peiresc.html, janvier 2003 
       

Études

     Petrus GASSENDI [Pierre GASSENDI], Viri illustris Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc Senatoris Aquisextiensis [«Vie du célèbre Nicolas Claude Fabri de Peiresc, conseiller au Parlement d’Aix-en-Provence»], 1644; réédition: «Viri illustris Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc Senatoris Aquisextiensis», in ID., Opera omnia [Œuvres complètes; 12+740+34 p.], Lugduni [Lyon], L. Anisson [fac simile: Stuttgart, F. Frommann, 1964, d’où l’édition numérique (en mode image) de la BNF, gallica.bnf.fr (2001), N025467], t. V, pp. 237-350 [«Barberini Cardinalis Legatio in Galliam»: pp. 295-296].  
     Traduction anglaise: The Mirrour of the true Nobility & Gentility being the Life of the Renowned Nicolaus Claudius Fabricius Lord of Peiresk, Senator of the Parliament at Aix, written by the Learned Petrus Gassendus, Professor of the Mathematicks to the King of France, Englished by W. Rang, Doctor of Physicks, London, Humphrey Moseley, 1657 [dont quelques pages en en ligne (en mode image) sur le site bruxellois de la Fondation Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, peiresc.org, à la page: http://www.peiresc.org/life01.htm (novembre 2001)].  
     Traduction française de R. Lassalle, Gassendi, Vie de l'illustre Nicolas-Claude Fabri de Peiresc,conseiller au Parlement d'Aix [22 cm; 351 p.; illustr.; avec la collaboration d’Agnès Bresson; préface de Jean Emelina; bibliographie p. 326; index], Paris, Belin [«Un savant, une époque»], 1992. Dont une édition numérique en mode texte par la BNF, 1995, mise en ligne, gallica.bnf.fr, en ligne en 2002.   
    
     Max ROOSES, Rubens [en néerlandais], 1886-1892; dont une traduction française: Rubens, sa vie et ses oeuvres [gros.in-4°; VIII+668 p., figures et planches; traduit du néerlandais par Louis Van Keymeulen], Paris, E. Flammarion, 1903. 
  
     Dr Félix CHAVERNAC, Peiresc accusateur de Cujas (Lettre de Peiresc à Aléandre, 19 avril 1617) [in-8° (24 cm), 20 p.], Aix, J. Remondel-Aubin, 1895. 
  
     Chanoine Félix GUILLIBERT, Peiresc [in-32 (15 cm); 38 p.; pièce ], Aix, dépôt central de La Croix, 1895 
  
     Isaac BULLART, Peiresc, 1580-1637. P. N. C. (Peiresc Nicolas-Claude), notice historique publiée à loccasion de la dédicace du monument élevé sur la place de lUniversité à Aix, le 10 novembre 1895, à limmortel Provençal [extrait de LAcadémie des Sciences et des arts du chevalier Bullart; in-16, 32 p.], Aix, J. Nicot, 1895. 
      
     Élie FAURE [directeur de la «Bibliothèque dionysienne»], «Avant-Propos de l’éditeur», in Paul COLIN, P.-P. Rubens. Correspondance, traduite et annotée. I. Vie publique et intellectuelle. 3e édition [XVIII+331 p.], Paris, G. Crès & Cie [«Bibliothèque dionysienne»], 1927, pp. I-XII & XIII-XVIII.   
   
     Paul COLIN, «Introductions», in ID., P.-P. Rubens. Correspondance. 3e édition [2 vol.], Paris, G. Crès & Cie [«Bibliothèque dionysienne»], 1927, t. I, pp. XIII-XVIII & t. II, pp. I-III.  

     P. HUMBERT, Peiresc, le Pic de la Mirandole français, 1933.  

     Pierre DAYE, Rubens [in-8°; 248 p.; planches], Paris, Albin Michel, 1941. 
  
     Francis W. GRAVIT, The Peiresc papers [in-8°; 57 p.], Ann Arbor, University of Michigan press [«Contributions in modern philosophy» 14], 1950.  
     
     Georges CAHEN-SALVADOR, Un grand humaniste: Peiresc, 1580-1637 [in-8° (210 x 140), 320 p., pl., portraits], Paris, Albin Michel, 1951..    
  
     Leo VAN PUYVELDE (1882-1965), Rubens [in-4°; 243 p.; 1ère édition de 3], Paris & Bruxelles, Elsevier [«Les Peintres flamands du XVIIe siècle»], 1952, réimpr. 1959; Rubens [in-16 (20 cm), 288 p., illustr. en noir et en couleur; 2e édition], Paris & Bruxelles, Meddens [«Art et savoir»], 1964. Rubens [21 cm, 178 p., illustr. en noir et en couleur; 3e édition, bibliographie p. 178], Bruxelles, Meddens, 1977.  
   
     Marie de MISEREY, Rubens [in-16 (18 cm), 128 p., planches, portrait; préface du R. P. Alphonse de Parvillez, s.j.], Paris, Caritas [«Visages et souvenirs»], 1956 
  
     Cecilia RIZZA, Peiresc e lItalia [in-4° (25 cm); VIII+353 p., 5 planches, errata prefazione (en français) di Raymond Lebègue], Torino [Turin], G. Giappichelli [«Università di Torino. Fondazione Parini Chirio»], 1965. 
  
     Paul DIBON, «Les échanges épistolaires dans l’Europe savante du XVIIe siècle» in Revue de Synthèse, IIIe série, n° 81-82 (janvier-juin 1976), pp. ...40... 

     David JAFFÉ, Rubens’ self-portrait in focus, 13 August-30 October 1988, Australian national gallery, Canberra [30 cm; 64 p.; illustr. en noir et en couleur ; exposition],Brisbane, Boolarong Publications, 1988 
   
     Anne REINBOLD [dir.], Peiresc ou La passion de connaître. Colloque de Carpentras, novembre 1987 [24 cm; 206 p.; illustr.; notes bibliographiques;  préface de Pierre Costabel], Paris, J. Vrin [«Histoire des idées et des doctrines»], 1990. 

     Agnès BRESSON [du C.N.R.S., URA 40100], «Les correspondants de Peiresc», in Les Publications historiques de Peiresq, Peiresq, 1992 [article en ligne sur le site bruxellois de la Fondation Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, peiresc.org, à la page: http://www.peiresc.org/Corresp.html (en novembre 2001)]. 
     [L’auteur annonce dans sa note 10 que «Christiane Berkvens-Stevelinck et Peter J.A.N. Rietbergen préparent l’édition des Lettres de Peiresc au cardinal Francesco Barberini»]. 
  
     David JAFFÉ, Rubens and his Friends, some New Letters, Warburg Institute [«Surveys and Textes» 22], 1992 [ou peu après]. 
  
     Peter N. MILLER (1964-), Peiresc's Europe. Learning and virtue in the seventeenth century [24 cm ; XV+234 p.; notes bibliographiques, index], New Haven, Yale university press, 2000 
    
     Voyez aussi le SITE DE LA FONDATION NICOLAS-CLAUDE DE PEIRESC, à l'adresse suivante: http://www.peiresc.org/NICOLASACC.html (en novembre 2001). 
  
     Douglas LINDER, «The Trial of Galileo: Key Figures», in Famous Trials. Trial of Galileo Galilei, 1633 [page web], http://www.law.umkc.edu/faculty/projects/ftrials/galileo/keyfigures.html#barberini, 2002 [cette page montre le comportement fort honorable de Francesco Barberini à l’occasion du procès de Galilée, quelques années plus tard]. 
  
     NATIONAL GALLERY OF ART, WASHINGTON D.C., «Gian Lorenzo Bernini, Italian; Monsignor Francesco Barberini, c. 1623», in Art in Time [site web], http://www.nga.gov/cgi-bin/pinfo?Object=45918+0+none, 2002  [description et commentaire de ce portrait du Bernin, daté de deux ans avant la venue du Légat en France]. 
  
     ANONYME, «Documentazione ed altri munumenti», in Basilica San Lorenzo [site web], http://www.basilicasanlorenzo.it/documentazione.htm, 2002 [sur le portrait anonyme de Gerolamo Aleandri, dans la chapelle s. Ciriaca de la basilique romaine San Lorenzo] 

   

 
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