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Cette lettre de Rubens donne le point de vue du célèbre peintre
flamand, diplomate et espion à ses heures, sur César de Bourbon,
duc de Vendôme et d’Étampes, qu’il eut l'occasion de rencontre
lors du passage de ce Prince à Anvers. Il l’écrit à
son correspondant parisien Pierre Dupuy, dont le frère précisément
appartenait à la suite du Duc de Vendôme.
Fils de Henri IV et de sa favorite Gabrielle d’Estrées, duchesse d’Étampes, César de Bourbon prenait rang dans le royaume immédiatement après les princes du sang. Après avoir épousé la fille du duc de Mercœur, et lui avoir succédé dans le gouvernement de la Bretagne, il fut mêlé à différentes conspirations des grands sous Louis XIII, au point d’être incarcéré, de 1626 à 1630. Enfin élargi, mais privé de son gouvernement, il voyagea plusieurs années à l’étranger. |
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Très cher Monsieur, Je dois à V. S. [Votre Seigneurie] les réponses à deux lettres, celle du 17 janvier et celle du 10 février, que j’ai reçues des mains de Son frère, quand celui-ci m’a fait l’honneur de me rendre visite, et par Sa grande amabilité et Son exquise courtoisie, m’a montré qu’Il est réellement le frère de V. S. Je crois que le Duc son maître a quitté notre pays sans beaucoup de regret. Il m’a raconté lui-même, en effet, qu’il n’a pas eu beaucoup à se louer des marquis d’Aytona et de Léganès, qui, de leur côté, ont été très indignés et très scandalisés de ses manières d’agir. Le duc de Vendôme, en effet, se faisait appeler Altesse et recevait la visite des Grands d’Espagne en les attendant de pied ferme dans son salon, et en n’esquissant même pas, à leur sortie, le geste de les reconduire. La chose a paru d’autant plus ahurissante que [p.250] le prince de Condé s’était contenté du titre d’Excellence et s’était soumis aux usages de notre Cour. Les incidents de Bruxelles ont eu des conséquences: à son arrivée et à son départ d’Anvers, il ne fut salué que par un seul coup de canon, et on lui refusa l’entrée de la citadelle. Il en fut très mortifié, et moi-même, j’ai éprouvé de très vifs regrets à le voir s’en aller avec au cœur un tel ressentiment. Il est vrai qu’il se déclarait tout à fait satisfait de la réception que lui avait faite le Sérénissime Infante. Voici un de ses hauts-faits à Bruxelles; le jeune prince de Chimay étant venu le voir, le duc de Mercœur voulut, à son départ, le reconduire, mais son père le retint; ce geste fut pris ici de très mauvaise part. Pour le reste, il est parti sans rendre la visite que les deux marquis lui avait faite, en se faisant excuser par un page, au soir, sous prétexte d’une indisposition. Mais laissons ce Prince errer de par le Monde. Il ne manquera pas de recevoir les hommages dus à ses mérites et à son rang, et examinons plutôt les nouvelles de la Cour de France; elles sont, certes, très importantes, et il faut prier Dieu que la catastrophe ne soit pas irréparable. Je suis bien content que les discussions sur les dimensions des tableaux avec l’abbé de Saint-Ambroise m’ait retenu, pendant quatre mois et plus, de me mettre à l’ouvrage. On dirait vraiment qu’un bon génie m’a empêché de m’aventurer plus avant, car je tiens tout ce que j’ai fait jusqu’à présent pour du temps perdu; j’estime qu’un personnage éminent doit finir par renoncer à ses projets, et le souvenir de ma première aventure me fera prendre désormais de telles précautions, que je ne m’embarquerai plus sur de vagues espoirs. Somme toute, les Cours sont livrées à trop de hasard, et celle de France beaucoup plus qu’une autre. Mais il est difficile de bien apprécier les choses qui se passent au loin, et c’est pourquoi je me tairai, plutôt que de juger à la légère. Nous nous préparons à la guerre avec plus d’ardeur que jamais, l’Espagne nous ayant donné plus d’argent que de coutume, et toutes les provinces étant résolues de faire un surême effort pour entretenir, de leurs propres deniers, une armée imposante: aussi pouvons-nous espérer que les progrès de l’ennemi seront coupés cette année. N’ayant rien d’autre à dire à V. S., je me recommande très humblement à Ses bonnes grâces et à celles de Son frère, et je baise Leurs mains à tous deux, restant toujours De V. S. très illustre, le très fidèle serviteur, Pierre-Paul RUBENS Le Marquis de Santa-Cruz arrive de Milan pour prendre le commandement des armées royales en Flandre. On croit qu’il est déjà en route. Je peux trouver ici les livres que V. S. énumère dans Sa lettre, et en particulier ceux de l’Empereur Julien et des Astrologues grecs. Il est donc inutile de me les envoyer. Je n’en reste pas moins très reconnaissant à V. S. de me les avoir offerts.
Anvers, 27 mars 1631.
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Nous avons pensé qu’une traduction nouvelle, plus libre, [p.II] de la correspondance de Rubens, s’imposait à une époque où tout ce qui touche les peintres, de près ou de loin, provoque une curiosité parfois passionnée. Cette traduction, moins servile que vivante, a été entreprise par M. Paul Colin non pas sur des textes de seconde main, mais sur les originaux eux-mêmes. Ils avaient subi, en effet, des déformations et interpolations fréquentes. Rubens et ses correspondants usaient volontiers de l’italien, c’est-à-dire d’une langue qui n’étaient pas leur langue maternelle et qu’ils maniaient, pour la plupart, assez maladroitement. La présente publication, dans son esprit entièrement nouvelle, a permis à M. Colin de redresser le sens de plusieurs textes et de corriger un nombre infini d’erreurs de détails. Ce fut une besogne longue, difficile, ingrate, qui met en valeur autant sa patience et sa volonté d’aboutir, que sa parfaite connaissance des qutre ou cinq langues qu’il était nécessaire de comprendre pour la mener à bonne fin. [...] |
Collection particulière (du moins en 1927).
Voyez la notice d’Élie Faure ci-dessus reproduite.
Max ROOSES, Rubens [en néerlandais], 1886-1892;
dont une traduction française: Rubens, sa vie et ses oeuvres
[gros.in-4°; VIII+668 p., figures et planches; traduit du néerlandais
par Louis Van Keymeulen], Paris, E. Flammarion, 1903.
David JAFFÉ, Rubens’ self-portrait in focus, 13 August-30 October
1988, Australian national gallery, Canberra [30 cm; 64 p.; illustr.
en noir et en couleur ; exposition],Brisbane, Boolarong Publications, 1988.
Dom Basile FLEUREAU, «Sur César de Vendôme» [Brefs extraits des Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes relatifs à ce Duc d’Étampes], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-cesardevendome.html, 2003. Bernard GINESTE, «Jeton de César de Vendôme de 1601» [dessin et commentaire de Jacques de Bie de 1634, avec un exemplaire vendu par la cgb en 2000],in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cne-001-jetoncesar1.html, 2003. Bernard GINESTE, «César de Vendôme. Bibliographie dynamique», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cbe-cesardevendome.html, 2003. |
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