Gustave Jumentié,
professeur de philosophie à Étampes
Collège d’Étampes, 20 rue Saint-Antoine,
1873-1875
1848
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Naissance
à Blévy. — Né le 27 mai 1848 Blévy,
petit village du département d’Eure-et-Loir d’un père instituteur. |
Cf. infra 1874 et
1909.
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1866
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Dialogue de jeunesse sur
le spiritisme. — Paru dans
une revue spirite.
Variétés
LE SPIRITISME AU BANQUET UNIVERSITAIRE DE LA SAINT-CHARLEMAGNE
Le collège de C*** est
un des meilleurs et des plus florissants collèges de l’académie
de Paris. Lundi dernier, 29 janvier, pour fêter la Saint-Charlemagne,
la grande solennité des écoliers, une nombreuse assistance
prenait place dans cet établissement à des tables chargées
de plats et de douceurs. Aux premiers mets, solides et appétissants,
tels qu’il les fallait pour apaiser les pressants désirs dé
l’estomac, succédèrent bientôt d’autres mets d’une nature
plus subtile |236 et destinés à nourrir l’esprit, à
charmer l’âme, à fortifier le cœur. Successivement les meilleurs
élèves, jeunes gens blonds, gais, droits, vinrent tirer leur
révérence à M. le Maire, l’un pour réciter des
vers admirables, l’autre pour déclamer un beau morceau de littérature;
celui-là, archéologue habile, pour mettre sous nos regards
distraits sur période cicéronienne; celui-là, appuyé
nonchalammant sur la muse française, pour narrer avec art un épisode
de l’histoire industrielle contemporaine. Eh ! bien, malgré ce spectacle
si beau et si élevé, là ne fut pas pour moi, spirite,
l’intérêt le plus dramatique de ce banquet traditionnel.
Les enfants brûlés craignent le feu, dit-on,
et moi, qui pour avoir une fois seulement causé spiritisme, avais
reçu d’assez fortes brûlures, je ne pouvais m’imaginer que
d’autres, plus imprudents ou plus téméraires, songeassent
un instant à évoquer dans, cette grave et solennelle circonstance
l’épineuse, la terrible, la brûlante question. Or il n’en fut
rien. Non seulement au banquet on osa nous servir du spiritisme, mais librement,
publiquement, officiellement, le plat merveilleux circula comme par enchantement,
et tout le monde en goûta avec une avidité qui témoignait
d’un appétit imposant.
D’abord, avec un aplomb dont il ne comprenait peut-être pas trop
lui-même l’opportunité et la signification, l’Inspecteur d’académie,
dans une allocution fine et agréable, nous convia tous à une
nouvelle Saint-Charlemagne, et déjà la partie jeune de son
auditoire le devançant dans ce qui semblait l’expression de sa pensée,
murmurait à voix basse: à l’année prochaine,
» lorsque le malicieux et espiègle Inspecteur, d’un bond s’élançant
au-delà de l’existence actuelle, prenant en Esprit place à
une table qui ne doit se dresser que bien plus tard, exprima le souhait de
nous voir tous réunis sous son sceptre pacifique, plus heureux encore
qu’en ce |237 moment, au banquet de la Saint-Charlemagne
en... «1867, crièrent les étourdis, en 66;» en
1966, corrigea l’Inspecteur, accueilli par un tonnerre d’applaudissements.
Ce ne fut là qu’un prélude, qu’une manœuvre
si vous voulez. Bientôt deux élèves, à la mine
distinguée, se levèrent et prononcèrent un dialogue
dont ils étaient loin de comprendre la portée et qui fera
assurément époque pour plusieurs de leurs condisciples. Ce
dialogue roulait tout entier sur le spiritisme; l’idée première
en avait été suggérée par un des principaux
membres de la conférence de Saint-Vincent de Paule. Un autre membre
de cette même société avait vivement poussé l’idée
et s’était chargé d’en presser l’exécution orthodoxe.
Tout était donc prévu, arrêté et disposé
d’avance, et au milieu du silence général, en présence
des principales notabilités de la ville, de professeurs nombreux et
savants, de quatre-vingt-dix jeunes gens, l’honneur de leur classe, d’invisibles
aussi, je n’en saurais douter, plus nombreux encore et plus attentifs, le
dialogue suivant s’établit. Nous allons le rapporter textuellement,
car pour une foule de raisons il nous paraît utile d’en conserver l’exacte
teneur.
LA SAINT-CHARLEMAGNE DE 1866.
— DIALOGUE SUR LE SPIRITISME
— J. Depuis quelque temps, mon
cher ami, tu me parais d’un caractère si sérieux et si sombre
que je n’ose presque plus t’aborder. Tu sembles arraché aux intérêts
de la terre pour ne plus vivre qu’en contemplation dans les hautes régions
de la métaphysique. Toi que j’ai connu d’une humeur si enjouée,
c’est à peine si, au milieu de ce festin splendide, tu consens à
dérider ton front. D’où peut venir un si grand changement?
— C. La philosophie a eu le privilège de modifier entièrement
mes dispositions naturelles, car depuis que je me suis occupé de
ses abstraites conceptions, je ne songe plus qu’à chercher la vérité
dans les œuvres des grands penseurs modernes. En ce moment j’étudie
une doctrine nouvelle, toute |238 pleine d’idées
sublimes, d’idées qui élèvent l’âme plus haut
que ne sauraient parvenir les meilleures intelligences humaines; en un mot
j’étudie le spiritisme.
— J. Tu veux dire le spiritualisme moderne?
— C. Non, mais le spiritisme.
— J. Eh quoi! tu as pu te laisser séduire par une rêverie
si peu sensée?
— C. Une rêverie si peu sensée! Oserais-tu flétrir
de ce nom une doctrine qui montre si clairement l’immortalité de
l’âme et qui vient confirmer d’une manière irréfutable
les belles conceptions de la philosophie ?
— J. Telles sont, il est vrai, les prétentions du spiritisme.
Mais où va-t-il puiser ses preuves? quels sont ses arguments?
— C. Les faits. Il nous met en communication avec les Esprits
de ceux que nous avons aimés sur la terre; il établit entre
eux et nous des rapports directs, palpables, et comble en partie le vide
de l’absence.
— J. Que c’est magnifique! Mais voudrais-tu m’expliquer comment
on peut obtenir un si grand résultat ? C’est sans doute par l’intermédiaire
des tables tournantes. mais alors pourquoi ne fais-tu pas remonter l’origine
du spiritisme à Galilée qui, plus heureux que vous, a fait
tourner la terre? Mais tu veux peut-être parler de ces Esprits frappeurs,
vains fantômes d’une imagination malade qui me rappellent le loup-garou
de nos pères.
— C. Trêve à tes fades plaisanteries! Quoi, tu
traites de chimères des faits attestés par des personnes dignes
de la plus entière confiance. Tu te moques des tables tournantes
et pourtant n’est-il pas très étonnant que ces tables se mettent
en mouvement au moindre contact. Explique-moi ce phénomène
d’une manière satisfaisante et alors; j’ajouterai foi à ta
parole.
— J. Certes, je ne serai pas assez insensé, mon pauvre
ami, pour discuter avec toi sur de folles rêveries, dont le monde
est aujourd’hui complètement désabusé; et quand on
ne fait plus que rire des Esprits, je n’irai pas, par une vaine discussion,
donner à vos idées plus de poids, qu’elles ne méritent
et leur faire l’honneur d’une réfutation sérieuse. Les admirables
expériences des Davenport ont montré quelle était votre
puissance et la foi qu’il fallait avoir en vos miracles. Mais heureusement
ils ont reçu la juste punition de
leur fourberie, et après quelques jours d’un triomphe éphémère,
ils ont été forcés de quitter leurs tréteaux
et nous ont |239 prouvé une fois de plus
qu’il n’y a pas loin du Capitole à la roche tarpéienne. (Applaudissements.)
— C. Allons ! n’insulte pas aux victimes du sort. Les Français,
qui passent pour le peuple le plus généreux, se sont-ils conduits
noblement à leur égard, je le demande?
— J. Belle merveille que cette armoire dont un célèbre
prestidigitateur a si bien dévoilé le secret! Plains donc
ces aventuriers qui, après avoir trop longtemps abusé de la
confiance du public, ont enfin vu démasquer leur charlatanisme.
— C. Je vois bien que tu n’es pas chaud partisan du progrès.
Toutes les sciences à leur origine ont eu leurs détracteurs.
N’a-t-on pas vu Fulton repoussé par l’ignorance, et son admirable
invention méconnue, repoussée, flétrie par des hommes
qui, ne pouvant atteindre à la hauteur de son génie, le regardaient
comme un fou. N’a-t-on pas vu également Lebon, maltraité dans
sa patrie, aller mourir dans la misère ? Et pourtant aujourd’hui
les mers sont sillonnées de bateaux à vapeur et le gaz répand
partout sa vive clarté.
— J. Oui, mais ces inventions reposaient sur des bases solides;
la science était le guide de ces génies et devait forcer la
postérité plus éclairée à réparer
les erreurs des contemporains de ces grands hommes. Mais quelles sont les
inventions des Davenport, quel est le secret de leur science ? Tout le monde
a pu l’admirer ce singulier secret, tout le monde a pu applaudir à
l’ingénieux mécanisme de leur baguette; voilà tout
ce dont sont capables les spirites: abuser la confiance du public pour s’enrichir
à ses dépens, c’est là l’unique but de vos médiums,
ces gens que je puis sans crainte gratifier hautement du titre de charlatans,
je dirai plus, de fourbes et d’escrocs.
— C. Tu me sembles fort ignorant des choses spirites. Sache
qu’il y a des gens très, instruits et très respectables parmi
les médiums, et dont la conviction est aussi désintéressée
que profonde.
— J. Cela n’est que trop vrai, mais qu’est-ce que cela prouve?
Que le bon sens n’est pas une chose si commune que l’on pense, et comme l’a
dit le poète de la raison, un «sot trouve toujours un plus sot
qui l’admire.»
— C. Boileau n’aurait pas parlé de la sorte s’il avait
connu les tables tournantes.
— J. Moi, je n’ai jamais pu mouvoir le plus léger guéridon.
— C. C’est que tu es un profane; pour moi jamais table n’a
résisté.
— J. Tu me ferais trembler pour la table de la Saint-Charlemagne
|240 si l’appétit des convives
ne l’avait si prudemment dégarnie.
— C. Mais prends-tu tes plaisanteries pour des raisons? Tu
ne prouves-rien, tu ne réfutes rien.
— J. C’est que la doctrine n’est rien, c’est une chimère,
une vapeur, une fumée, un gaz incolore, impalpable (j’aime mieux
le gaz d’éclairage). — Ô Michel Cervantes! faut-il que tu sois
né deux siècles trop tôt! C’est à ton immortel
Don Quichotte qu’il appartiendrait de réduire en poudre le spiritisme.
Il a brandi sa lance valeureuse contre les moulins à vent, et pourtant
ils tournaient bien ceux-là! Comme il aurait pourfendu les armoires
parlantes et tournantes! Et toi, son fidèle écuyer, Sancho
Pança, c’est ta philosophie profonde, c’est ta morale sublime qui
serait seule digne de dénouer ces graves théories!
— C. Vous avez beau dire, Messieurs les philosophes, vous
niez le spiritisme parce que vous ne savez qu’en faire, parce qu’il vous
embarrasse. (Applaudissements.)
— J. Oh! il ne me cause aucun embarras et je sais bien ce
que j’en ferais si j’avais voix au chapitre. Spirites, magnétiseurs,
somnambules, armoires, plumes médianimiques, tables parlantes, chapeaux
tournants, avec les têtes qu’ils ombragent, je les enverrais tous
faire un tour à Charenton.
À ce dialogue nous n’ajouterons qu’une
réflexion. Nos adversaires, qu’ils s’appellent Paulistes, cléricaux,
ou jésuites, se sont montrés là comme partout, frappant
aveuglément d’estoc et de taille tout ce qui ne partage pas avec
enthousiasme leur absolutisme religieux. Quant au fait d’appeler dans une
circonstance solennelle l’attention de plus de 120 personnes intelligentes
et, éclairées sur la question la plus grave des temps présents,
quelle que soit la pensée intime et réelle qui l’ait provoqué
regretter nous nous en félicitons grandement. Il était impossible,
dans cette circonstance, de faire davantage au profit du spiritisme.
POLÉMIQUE SPIRITE
Nous lisons dans le Journal de Chartres, du 11 mars
1866:
«Pour clore la séance, deux élèves
de philosophie, MM. Ernest Clément et Gustave Jumentié, ont
mis sur le tapis, dans un dialogue vif et animé, une question qui
a le privilège de passionner aujourd’hui bien des têtes: nous
voulons dire le spiritisme.»
(Suit le dialogue rapporté
dans le n° 34, page 237, de l’Union.)
Le compte-rendu ajoute:
«Quelques personnes s’étonneront, se scandaliseront
peut-être de voir les élèves du collège de Chartres
aborder sans autres armes que la plaisanterie une question qui s’intitule
la plus sérieuse des temps modernes. Franchement, après l’aventure
toute récente des frères Davenport, peut-on reprocher à
des jeunes gens de s’être égayés de cette mystification.
Cet âge est sans pitié.
«Sans doute on pourrait, en retournant une de leurs
phrases d’emprunt, apprendre à ces malins enfants que les grandes
découvertes passent souvent par la roche Tarpéienne avant
d’arriver au Capitale, et que pour le spiritisme le jour de la réhabilitation
n’est peut-être pas éloigné. Déjà les
journaux nous annoncent qu’un musicien de Bruxelles, qui est en même
temps spirite, prétend être en rapport avec les Esprits de
tous les compositeurs morts, qu’il va nous transmettre leurs inspirations
et que sous peu nous aurons des |149 œuvres
vraiment posthumes des Beethoven, des Mozart, des Weber, des Mendelssohn...
«Eh bien! soit; les écoliers sont de bonne composition:
ils ont voulu rire, ils ont ri; quand il sera temps de faire des excuses,
ils en feront. »
Dans ces quelques paroles, du reste si convenables, si mesurées
et si bienveillantes, se reflète toute une situation qui nous semble
trop grave pour ne pas permettre une remarque.
Non-seulement le judicieux auteur de cet article, mais une
foule de personnes sincères, loyales et éclairées, se
font du spiritisme l’idée la plus fausse, quelquefois la plus étrange
et la plus ridicule qu’il soit possible de concevoir. A leurs yeux, les
Davenport, tel ou tel médium, tel ou tel prestidigitateur, telle
ou telle excentricité, telle ou telle contrefaçon, le fantastique
, le surnaturel, le diabolique, l’absurde, le grotesque, l’impossible, la
rêverie ou les promesses d’un spirite inintelligent, voire même
la calomnie et les injures d’un ennemi déloyal, tout en un mot est
le spiritisme, excepté le spiritisme lui-même, et en conséquence
comme s’il s’agissait uniquement d’applaudir l’habileté plus ou moins
grande d’un artiste à faire un tour difficile, chacun met, à
son approbation, à ses éloges, à sa foi une condition
spéciale et singulière. Pour croire, un paysan veut qu’on
lui donne une recette peu coûteuse pour se débarrasser d’une
maladie ou pour obtenir dans l’œuvre mystérieuse de la reproduction
tel sexe préférablement à tel autre moins productif;
l’écolier paresseux, au jour terrible de l’examen, voudrait fournir
des preuves patentes de médiumnité à ses juges sévères
et incrédules; un physicien exige que les Esprits démontrent
clairement, comme lui-même l’enseigne, que la lumière n’est
que l’éther en mouvement; un botaniste qu’on lui Casse connaître
une plante nouvelle; un linguiste qu’à Paris on s’exprime en bon
chinois; un amant demande |150 la clef des cœurs,
un marchand la mercuriale de la semaine prochaine, un mathématicien
la solution longtemps poursuivie d’un problème transcendantal, un
astronome une nouvelle planète au bout de sa lunette. Tous confondent
le spiritisme avec leurs besoins, leurs désirs, leurs erreurs, leurs
superstitions, leurs préjugés ou leurs passions. Le moindre
mal qui en résulte ce sont, dans la discussion, les plus ébouriffants
quiproquos: farfadets rieurs, incommodes, turbulents qui, à mesure
que le discours grandit et que la question se développe, s’agglomèrent
de plus en plus nombreux, tourbillonnent, se démènent dans
un chassé-croisé satanique autour de l’imprudent orateur et
réussissent souvent à désarçonner le jouteur le
plus adroit. Dans l’intérêt donc plus encore des personnes peut-être
que des choses, nous dirons à tous ceux qui veulent parler pour ou
contre le spiritisme: « Avant d’en parler, de le plaisanter ou de l’exalter,
de le repousser ou de l’admettre, apprenez à le connaître, examinez-en
soigneusement et impartialement les faits, les tendances, la doctrine, la
morale, le but surtout. Vous ne tarderez pas à vous apercevoir que
vous êtes tombé dans la plus grossière des méprises
et que ce qui vous paraissait bel et bien être ce maudit spiritisme
n’en était pas même la caricature mal faite. Les coups vigoureux
que vous avez assénés avec une bonne foi vraiment naïve
ont porté à faux et si, réflexion faite, vous en voulez
réellement au spiritisme, toute la campagne est à recommencer.»
Qu’est-ce donc que le spiritisme?
Nous-mêmes spirites nous pouvons être séparés
sur des points extrêmes et ne pas toujours très bien nous entendre
dans les opérations lointaines, difficiles et nombreuses que nous
poursuivons individuellement, mais il est des questions fondamentales qui
nous rallient tous et particulièrement quand il s’agit de définir
le spiritisme nous n’avons tous |151 qu’une
seule et même réponse. Notre spiritisme, le spiritisme des spirites,
consiste essentiellement à respecter religieusement le caractère
providentiel des rapports médianimiques constatés de nos jours
et à pratiquer sans distinction d’opinion, de race ou de conviction,
la loi de la charité, la fraternité universelle. Quiconque
accepte sans restriction cette large base de notre symbole est des nôtres,
et sans porter une cocarde spéciale ou un acte notarié quelconque,
il est toujours sûr de rencontrer dans nos réunions, de la part
de tous ceux qui les fréquentent, visibles et immortels, l’accueil
le plus sympathique, les encouragements les plus sincères et les plus
flatteurs.
Quômes d’Arras.
|
Union spirite bordelaise 1/34 (8 février
1866), pp. 235-240 (pour la première partie) et 1/46 (15 avril
1866), pp. 148-151 (pour la deuxième partie).
|
1868
|
Première nomination.
— “Instruction
secondaire. — Lycées de Paris et de Versailles. [...] (23 septembre
1868.) — Collége Rollin. — M. Jumentié (Gustave-Alfred), bachelier
ès lettres et bachelier ès sciences, est nommé maître
d’études auxiliaire au collége Rollin.”
|
Revue de l’instruction publique en France
et dans les pays étrangers 28/28 (8 octobre 1896), p. 461. |
1874
|
Mariage à
Étampes. — “N°16 — Jumentié et Poisson
— Du jeudi douze février mil huit cent soixante quatorze, onze heures
du matin. — Sont comparus devant nous Étienne Auguste Decolange,
adjoint spécialement délégué par le maire d’Étampes,
officier de l’état civil de la dite ville. — le sieur Alfred Gustave
Jumentié, professeur de philosophie au collège communal de
cette ville, agé de vingt cinq ans, demeurant àÉtampes,
rue Pavée numéro huit, né en la commune de Blevy (Eure
et Loir) le vingt cinq mai mil huit cent quarante huit, fils majeur de Léger
Désiré Jumentié, isntituteur, agé de cinquante
ans et de désirée Clémentine Martin, son épouse,
agée de quarante six ans, demeurant en la dite commune de Blevy.
— Et la demoiselle Mathilde Marie Poisson, sans profession, agée
de vingt un ans, demeurant chez sa mère, née à Étampes
le quinze novembre mil huit cent cinquante deux, fille majeure de feu Joseph
Désiré Poisson, décédé à Étampes
le huit février mil huit cent soixante trois, et de Marie Eugénie
Sevestre, sa veuve, agée de quarante quatre ans, domiciliée
de ctte ville rue Sainte Croix numéro quatorze. Lesquels nous
ont présenté leurs actes de naissance, l’acte de décès
du père de la future, un certificat délivré par maître
Daveluy, notaire à Étampes, constatant que les futurs époux
ont fait un contrat de mariage, les actes de publication du présent
mariage faits en cette ville les dimaches premier et huit février
courant sans opposition. — Et après avoir visé pour être
annexés l’acte de naissance du futur, le certificat délivré
par le notaire et les actes de publication, nous en avons donné lecture
aux parties comparantes assistées des quatre témoins ci-après
nommés et qualifiés, ainsi que du chapitre six du titre du
mariage sur les droits et devoirs respectifs des époux. — Ensuite,
nous avons reçu la déclaration du sieur Alfred Gustave Jumentié
qu’il prend pour sa légitime épouse la demoiselle Mathilde
Marie Poisson et celle de la demoiselle Mathilde Marie Poisson qu’elle prend
pour son légitime époux le sieur Alfred Gustave Jumentié.
— En conséquence, nous avons déclaré au nom de la loi
que le sieur Alfred Gustave Jumentié et la demoiselle Mathilde Marie
Poisson sont unis par le mariage. — Tout ce que dessus fait à Étampes,
en l’hôtel de la mairie, les portes ouvertes, les dits jour, mois
et an en présence et du consentement des père et mère
de l’époux, de la mère de l’épouse, et aussi en présence
des sieurs Alphonse Adrien Jumentié, marchand de tissus, agé
de cinquante sept ans, oncle paternel de l’époux demeurant à
Saint Léger des Aubées (Eure-et-Loir), Édouard Jacques
Théodore Ruelle, principal du collège de cette ville, agé
de trente trois ans, Claude Gaspard Bellon, marchand de nouveautés
agé de soixante ans, domiciliés de cette ville, et Jacques
Poisson, rentier, agé de soixante quinze ans, aïeul paternel
de l’épouse, demeurant en la commune de Chalo Saint Mard (Seine et
Oise) qui ont signé avec les époux, les père et mère
de l’époux, la mère de l’épouse et nous adjoint susnommé
après lecture faite. — [Signé:] M. M. Poussin — A. G. Jumentié
— Jumentié — C. Martin — Sevestre — Bellon — E. Ruelle principal —
Jumentié — Poisson — Decolange.”
|
AD91 4E 1323 (saisie de B.G.,
2018)
Le collège d’Étampes (lavis de Narcisse Berchère)
|
1909
|
Nécrologie.
— “M JUMENTIÉ —
Lundi dernier, 1er février, ont été
célébrées à Paris, à Saint-Honoré-d’Eylau,
les obsèques d’un des très dignes et très sympathiques
anciens professeurs de notre collège, M. Gustave Jumentié,
décédé professeur honoraire du lycée Janson-de-Sailly,
à l’âge de soixante ans. Marié à une jeune fille
d’Étampes, il fut pendant trois années, de 1872 à 1875,
notre concitoyen; nommé ensuite à Clermont, il passa de là
à Paris où il termina brillamment sa carrière. À
l’issue de la cérémonie religieuse, M. Poirier inspecteur honoraire
d’académie, proviseur du lycée Janson-de-Sailly fit, en un
très émouvant discours que nous sommes heureux de reproduire,
l’éloge du défunt. Le corps fut ensuite transporté à
Etampes où, à l’issue d’un service à Notre-Dame, il
fut inhumé dans un caveau de famille. Voici l’éloge prononcé
par M. le Proviseur Poirier: —
«Un deuil cruel nous réunit autour
de ce cercueil. La mort soudaine et prématurée de notre regretté
collègue, M. Jumentié, nous cause une profonde douleur et vient
dire brutalement la vanité des vœux que, dans notre confiance en l’avenir,
nous avions formés pour lui. —
«C’est hier qu’il nous a quittés,
de son plein gré sans que les exigences de l’âge ou du service
ne l’y eussent forcé. Dans notre fête intime des adieux aucune
parole de regret ne s’était fait entendre, ni de sa part, ni de la
nôtre: nous le félicitions, il se réjouissait de prendre
un repos bien gagné au milieu de sa chère famille, à
côté de son lycée Janson de Sailly où s’était
passée heureusement la plus grande partie de sa vie universitaire,
auquel l’attachaient tant de vives sympathies. Et voilà que brusquement,
après peu de mois, toutes ces espérances se sont évanouies
! Il ne reste plus aux siens, au milieu de leurs larmes, que le souvenir
de sa bonté, de son dévouement affectueux, et à nous,
ses collègues, que le spectacle, réconfortant sans doute, d’une
vie tout, entière consacrée au travail, au devoir, à
l’Université. — «Gustave Jumentié était né le 27 mai
1858 [lisez 1848] Blévy, petit village du département d’Eure-et-Loir.
Son père, instituteur, fut son premier maître. Il aimait à
redire les impressions heureuses de ses premières années, il
voulait même les écrire un jour. Il se plaisait à confier
à ses intimes le culte qu’il avait voué au guide de ses premiers
pas. Son père était en effet un esprit ouvert au progrès,
respectueux du présent et du passé, un de ces instituteurs
comme il en reste tant en France heureusement, malgré certaines tendances
déplorables. — «Les leçons paternelles l’avaient habilement préparé
aux études secondaires, qu’il fit excellentes dans son petit collège
de Chartres; aussi put-il penser, le baccalauréat conquis, à
aborder le rude labeur qui ouvre honorablement la carrière de l’enseignement.
— «Ses
premiers travaux furent interrompus par la guerre. Quoiqu’il fût couvert
par son engagement décennal, quoiqu’il fût éloigné
du théâtre des hostilités, il se trouvait en effet à
cet instant répétiteur au lycée d’Alger, il ne songea
pas à se soustraire à ses devoirs de Français et de
patriote. Il s’engagea dans une compagnie franche qui fut bientôt versée
dans l’armée de Garibaldi. Il partagea courageusement toutes les fatigues,
toutes les privations, tous les dangers de cette héroïque division
de Bourgogne qui soutint les efforts de l’armée de l’Est, dernier
espoir de la France vaincue. —
«Libéré le 18 mars 1871,
à Mâcon, il revint dans son village natal prendre un repos
qui s’imposait En octobre suivant il se remettait au travail avec ardeur
et conquérait bientôt la licence ès-lettres. —
«La possession de ce grade lui permettait
de solliciter emploi de professeur de collège: il obtint la chaire
de philosophie à Étampes. C’est dans cette ville qu’il rencontra
et associa à sa vie celle qui le pleure aujourd’hui, et qui fut par
sa haute intelligence et son dévouement le charme de son foyer. —
«En 1877 il obtint la première
place au concours de l’agrégation de l’enseignement spécial,
ce succès lui valut d’être appelé directement dans l’important
lycée de Clermont-Ferrand. —
«Rassuré sur son avenir universitaire,
il eût pu dès lors donner aux loisirs les rares moments que
lui laissait l’accomplissement de ses devoirs professionnels; mais son ambition
n’était pas satisfaite, sa passion pour l’étude l’incitait
à aller plus loin, et, pour donner un but précis à ses
nouveaux travaux, il entreprit la préparation de l’agrégation
d’histoire. Des préoccupations plus urgentes le détournèrent
de ce projet, mais il n’en continua pas moins ses études historiques
vers lesquelles le poussaient ses goûts et qui orientèrent définitivement
ses préférences de professeur. —
«C’est au milieu de ses travaux historiques
que je le rencontrai, en 1878, pour la première fois. Il m’a donné
dès l’abord, et m’a laissé l’impression d’un jeune maître
intelligent, ardent au travail, d’un esprit vigoureux et vif, plein de ta
joie de vivre utile aux siens et à ses élèves. —
«À la rentrée des classes
de 1881, l’administration supérieure récompensait ses mérites
en l’appelant jeune encore à une chaire du lycée Janson de
Sailly. Un grand nombre des collègues qui l’accueillirent alors dans
notre maison sont encore parmi nous et pendant les 22 ans que Jumentié
devait y demeurer il en rencontra bien d’autres, tous sont devenus et restés
ses amis. Son bienveillant accueil, son allure modeste, son humeur toujours
égale, heureux mélange de finesse et de bonté, attiraient
et retenaient les cœurs. —
À la douleur qui nous oppresse, nous
ses amis au moment où nous déplorons sa perte, sachons mesurer
celle qui accable les siens. Je sens mes paroles impuissantes à apporter
une consolation la compagne de sa vie, à ses filles qu’il entourait
de tant de sollicitude, à son fils dont il suivait avec un légitime
orgueil les travaux et les succès.» —
L’Abeille, qui plus d’une fois se fit
l’écho des succès du distingué professeur, tient à
se joindre à ses amis pour présenter à sa veuve et à
ses enfants l’expression de sa profonde sympathie.”
|
L’Abeille d’Étampes
98/6 (6 février 1909), p. 3 (saisie de B.G., 2018)
|
B.G., depuis 2018.
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sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
|