Portrait de Philippe Lejeune par André
Jude
[PRÉFACE
DE NATHALIE GOBIN]
Philippe Lejeune, né en 1924, élève
de Maurice Denis et de Cennino Cennini, n’a fait aucune impasse, au détriment
de son confort intellectuel.
«De mon temps, Monsieur, on n’arrivait pas»
(Degas)
Ceci est un carnet de voyage, la trace d’une vie
que l’on suit à la piste comme un itinéraire dont le dessin
sur la carte refuse, sauf une, toutes les voies offertes à chaque
croisement.
Les nuages, ce milieu qui fait se rejoindre le ciel
et la terre nous paraît être l’image même d’une barrière
initiatique — Ce serait en somme la frontière qu’il faut dépasser
pour accéder à la pureté d’un ciel limpide et infini,
le symbole d’une mort qui voile et d’une naissance qui révèle,
nuée sur laquelle se projettent des ombres comme sur le mur de la
caverne de Platon.
Nathalie Gobin
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L’atelier de la Vigne dessiné par Valérie
Le Signor |
[PRÉFACE
DE JÉRÔME LEJEUNE]
«Vous
autres scientifiques, sous désarticulez le monde, vous le réduisez
en morceaux. Tel l’enfant qui démonte un réveil-matin, vous
rejetez les pièces en trop. Et si votre univers remonté tant
mal que bien égrène encore des prédictions, parfois
réalisées, alors vous affirmez la justesse de vos modèles
amputés.
Le philosophe considère tout autrement
les choses, il ne cherche qu’à les montrer.
— Voyez cette puissante montagne et cette
bâtisse près du sommet et sur la crête au-dessus, à
la limite des névés, ce terrain parsemé de points
minuscules. Tiens, l’un d’eux vient de bouger.
— Ce sont des chamois, d’une agilité
extrême et d’approche fort difficile, Il faut les admirer de loin
pour les discerner tout à fait.
Puis après un silence:
— Un homme dit à l’autre: regarde, vois-tu
ce que je vois?... et pendant un instant tous deux contemplent la beauté.
— C’est cela la philosophie».
Cet enseignement de Baldwin Schwartz me revenait
en mémoire devant un tableau de Philippe.
Son art est-il philosophique?
Mène-t-il au discernement?
Ce serait oublier que le cerveau qui regarde
utilise tour à tour les réseaux différents pour enregistrer
les couleurs ou pour analyser les formes et ce troisième encore pour
appréhender le temps.
La peinture peut certes sublimer formes et couleurs
et les isoler pour toujours du flux du réel qui passe.
Mais peut-on véritablement négliger
la durée?
Voyez ces tons amoncelés, ces nuances
qui tantôt s’opposent ou se répondent, pure harmonie colorée.
Progressivement en émergent formes, figures, paysage, sujet. Le
titre vous sera donné par après; le temps ainsi fera son
œuvre.
La démarche du philosophe et le cheminement
de l’artiste se répondent en ceci:
— la sagesse conduit de l’admiration au discernement,
— l’art commence à l’enchantement et
mène à la révélation.
— Voyez.
Jérôme LEJEUNE
de l’Institut
de l’Académie pontificale des sciences
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L’atelier de la Vigne
dessiné par Valérie Le Signor
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[PRÉFACE
DE PHILIPPE ÉLOY]
J’ai toujours eu une grande admiration pour
l’œuvre de Philippe Lejeune.
Lorsque j’ai eu la chance d’y être initié
par un de mes amis, ce fut un choc, une révélation. Après
avoir, pendant des années, assidûment visité des expositions.
des ateliers, la Cité Internationale des Arts, je me suis attaché
à son oeuvre et ai eu la chance de collectionner. petit à
petit. avec amour et enthousiasme, certaines huiles ou aquarelles, quelques
portraits.
Ses sujets ne sont jamais conçus d’avance ils sont, au départ.
imprévisibles, mais toujours imprégnés d’un christianisme
émouvant.
Parfois on pense à Jérôme
Bosch, à Fra Angelico ou au Gréco, quand on cherche une inspiration.
mais on s’aperçoit vite que sa palette n’appartient qu’à
lui, Philippe Lejeune. par la diversité de sa gamme chromatique,
de ses glacis, de ses lumières. par le contraste entre la légèreté
de ses flous poétiques et la netteté des visages de ses personnages.
Philippe Eloy
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L’atelier de la Vigne
dessiné par Valérie Le Signor
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[PRÉFACE
ATTRIBUÉE A XAVIER DUGOUIN]
Le Temps et l’Affaire
Imagine-t-on un peintre quittant son atelier,
posant ses pinceaux avec l’idée qu’il va prendre enfin le temps
de vivre? Pour Lejeune — et tous les vrais artistes sont dans ce cas —
n’ayant fait que peindre, la peinture devint nécessairement le lieu
de son aventure, et cette aventure devint sa vraie vie,
Le but de son voyage était de se trouver
lui-même. C’est une ambition qui coûte cher et conduit à
une découverte qui étonne toujours et déçoit
souvent, il faut se résigner à n’être que soi.
Mais pour partir ainsi à la découverte,
il faut bien cependant nommer sa destination. On fait appel alors au nom
d’un autre, au nom de celui que l’on voudrait être et que, par définition,
on ne sera jamais. Le nom de la gare d’arrivée n’est pas inscrit
sur le billet, la destination demeure inconnue, la peinture est toujours
l’objet d’un détournement.
Lejeune a pourtant décidé de partir,
c’est la banalité même. Ce qui l’est moins, c’est qu’il n’est
pas descendu en marche.
Embarqué pour l’île de son rêve,
Fra Angelico. il est arrivé chez lui. Déception raffinée
mais qui réjouit ceux qui aiment sa peinture, qui n’ont que faire
d’une redite et veulent découvrir une voix nouvelle. Une voix qui
tienne sa partie dans la grande chorale, consonante, bien sûr, mais
avec un timbre nouveau suivant la partition classique, mais sans imiter personne,
enrichissant l’accord par une inflexion inouïe. Dans l’orchestre de
l’histoire de l’Art, constitué exclusivement de solistes, chacun
ne peut improviser qu’une «cadence», mais chacun choisit son
instrument (heureusement que les timbales ou les triangles ne sont l’objet
que de vocations modérées). Si tous étaient timbaliers,
ce serait du simple tapage, si chacun jouait de son côté, une
cacophonie, si les pianistes aphones s’avisaient de chanter et les chanteurs
d’instinct d’écrire «L’art de la fugue», l’aventure n’aurait
pas lieu.
Son voyage n’est pas achevé, il s’est
embarqué voilà plus de cinquante ans (ses premières
œuvres sont de 1938).
Le rapprochement de ces quelques images donnera,
je l’espère, le sentiment d’une sorte de nécessité.
Lejeune demeure devant son chevalet comme il tiendrait un pupitre à
l’orchestre. original et respectueux. La partition est toujours nous elle
puisque l’interprète la met au monde chaque fois en une création
continuée. Le peintre doit donc vivre cette cruelle alternative.
Il doit s’absenter de son œuvre pour la laisser vivre et la confier à
un interprète qui ne peut être que lui-même. “Drôle
de ménage” entre l’exécutant et le compositeur. Choisir serait
conclure, l’art n’y survivrait pas.
En Ile de France, le 15 novembre
1992
Xavier Dugouin
Président du Conseil Général
Député de l’Essonne
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L’atelier de la Vigne dessiné
par Valérie Le Signor
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[AVANT-PROPOS
DE PHILIPPE LEJEUNE]
Les artistes savent
quelle modeste part ils occupent dans la réussite d’une œuvre. Ils
n’ont que l’argument de leur présence sans quoi rien ne se serait
produit. Plaidant pour nos fautes, il faut aussi nous défendre d’avoir
voulu ce qui est arrivé d’heureux.
Je n’ai jamais
formé le projet d’avoir un atelier. Encore moins d’assister à
la naissance de ce qu’il faut bien appeler une «école».
«Je n’ai pas voulu cela», disait quelqu’un. Il s’agissait d’un
crime, mais Monsieur Vincent l’aurait dit de ses œuvres. Voulu ou non, cet
atelier existe à Étampes et mes élèves me dépassent
comme il doit arriver si le maître a tenu son rôle.
Tout ce qu’on
peut dire du succès, c’est qu’il n’est pas rédhibitoire et
qu’il appartient à ces oligo-éléments dont on a bien
du mal à se passer.
Un atelier! Nommer
le contenant pour désigner ce qu’il renferme, c’est la pudeur des
peintres qui s’attachent à la forme pour dire l’inexprimable qu’elle
contient.
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Le Lycée
(huile sur bois, s.d.)
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Misereor super turbam
(détrempe à la caséine, 1938) |
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La Résurrection
(huile sur toile, s.d.)
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Le fils de Paul Gauguin
(huile sur toile, s.d.)
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Les fils de Tubal Caïn
(huile sur toile, s.d.)
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La Résurrection de
Lazare
(huile sur toile, s.d.)
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Un royaume pour ceux qui leur
ressemblent (huile sur toile, s.d.)
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La réponse de la solitude
(huile sur bois, s.d.) |
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Les filles de Lot
(huile sur toile, s.d.) |
Autoportrait à Ischi
(huile sur toile, s.d.)
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Le martyre de saint Sébastien
(huile sur panneau, s.d.)
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Portrait de Jean-Paul Dormann
(huile sur toile , s.d.)
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Portrait de Rémy Lejeune
(huile sur toile, s.d.)
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Portrait de Sophie
(huile sur bois, s.d.)
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Portrait de ma mère
(huile sur bois, s.d.)
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L’annonce aux bergers
(huile sur toile, s.d.)
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Le droit d’asile
(huile sur toile, s.d.)
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La vocation des apôtres
(huile sur bois, s.d.)
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La nativité
(huile sur toile, s.d.)
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La résurrection de
Lazare
(huile sur toile, s.d.)
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Le jardin des oliviers
(huile sur toile, s.d.)
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La mission de saint Roch
(vitrail, s.d.)
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Jésus chassant les
marchands du Temple (huile sur toile, s.d.)
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Jésus au milieu des
docteurs
(huile sur toile, s.d.)
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La résurrection des
morts en Beauce
(huile sur toile, s.d.)
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Les docteurs de l’Eglise
(huile sur bois, s.d.)
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Le reniement de saint Pierre
(huile sur bois, s.d.)
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L’adoration des bergers
(huile sur bois, s.d.)
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L’onction à Béthanie
(huile sur toile, s.d.)
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Les marchands du Temple
(huile sur toile, s.d.)
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Les Pères de l’Eglise
(huile sur panneau, s.d.)
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La descente de croix
(huile sur toile, s.d.)
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La transverbération
de sainte Thérèse
(huile sur panneau, s.d.)
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Le songe de Jacob
(huile sur bois, s.d.)
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Elie et Elisée
(huile sur panneau, s.d.)
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La nuit obscure de saint
Jean
(huile sur panneau, s.d.)
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La mort de la Vierge
(huile sur bois, s.d.)
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La condition des pécheurs
(huile sur toile, s.d.)
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Le sermon sur la montagne
(huile sur bois, s.d.)
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Tolle et lege
(huile sur panneau, s.d.)
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L’acte des apôtres
(huile sur toile, s.d.)
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Le Lycée
(huile sur bois, s.d.)
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[POSTFACE AUTOBIOGRAPHIQUE]
Je suis né
à Montrouge, Seine, le 15 novembre 1924.
Ma mère était
très musicienne et tenait la partie de violon dans un quatuor d’amateurs.
Mon père traversa
la vie en compagnie de Montaigne et d’Eschyle qu’il lisait dans le texte.
J’ai appris à
lire dans les livres qu’il avait annotés et ce que j’ai compris,
c’est ce qu’il avait aimé.
Études classiques
au collège Stanislas à Paris.
À 13 ans, grâce
à ma mère, je suis un habitué du Louvre.
En 1941, je suis
accepté par Maurice Denis dans son “Atelier d’Art Sacré”
de la place Furstenberg. Je profite des conseils de Georges Desvallières
et deviens élève de Jean Souverbie. J’obtiens une bourse
de voyage au Prix National en 1948. Séjour en Océanie. Je
me marie en 1951 et ai le bonheur d’avoir trois filles.
Pendant onze ans, et
sans interrompre la peinture, j’exécute les maquettes. cartons et
peintures sur verre de vitraux. Nombreuses églises en Normandie
et en Bretagne.
À partir de
1960, des contrats réguliers me permettent de vivre de mes tableaux
Connaissance des Arts,
Galerie de Paris. collectionneurs. Galerie Gorosane.
En 1968, voyage au
Népal et séjour en Inde.
Ouverture d’un atelier
d’Arts plastiques à Étampes, atelier qui demeure en s’agrandissant
toujours.
En 1970, ouverture
d’un atelier de peinture et gravure en milieu carcéral à
Fleury-Mérogis.
En 1974, je suis nommé
“sur œuvres” conservateur du Musée d’Étampes.
J’expose régulièrement
au Salon des Artistes français, où j’ai obtenu, en 1989,
la Médaille d’Honneur. La Fondation Taylor m’a honoré du
Prix Baudry.
Je demeure
attaché à la peinture d’histoire d’inspiration biblique, sans
négliger le portrait.
Mes élèves
me font beaucoup d’honneur et les récompenses qu’ils obtiennent
aux concours de l’Institut me laissent croire au bien-fondé de mes
conseils.
Talis vita mea...
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