La porte de l’église
Saint-Basile d’Étampes (1845)
Enquête préliminaire (8 juillet 2010)
La
porte actuelle de l’église Saint-Basile constitue un remarquable travail
de ferronnerie précisément daté de 1845. Elle a été
réalisée lors d’une des nombreuses campagnes de restauration
de l’église qui ont été effectuées de 1826 à
1876 à l’initiative du très dynamique curé Louis-Alexis
Buffet, qui réussit à sauver cette église, par son
obstination indomptable et ses efforts continuels, malgré la volonté
de la municipalité qui voulait la détruire.
A l’initiative de Bernard Paillasson,
sacristain tout dévoué à ce monument magnifique, nous
mettons en chantier cette page, consacrée à cette porte. Nous
avons commencé mercredi dernier par déchiffrer cette inscription,
qu’il venait de nettoyer soigneusement à cet effet, et par regarder
ensuite ce qu’on trouvait à ce sujet dans les registres d’état
civil.
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1. L’inscription
portée en bas de la porte
L’un des seuls auteurs qui en parlent, Léon
Marquis, attribue en 1881 cette porte à un certain Tabart, serrurier.
Il n’a visiblement pas pris la peine de déchiffrer ni encore moins
de traduire l’inscription qui court au bas de cette porte, et dont voici le
texte.
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Tabart ligno, ferro Duranton Stampis fabricantibus, anno
MLCCCXV ex donis fidelium fores istas ecclesiae Sancti Basilii Stampensis
vir quidam restituit.
Ce qui peut
se traduire ainsi: “Un certain homme, grâce aux dons des fidèles,
a fait refaire ces portes de l’église Saint-Basile d’Étampes,
fabriquées à Étampes, par Tabart en ce qui concerne
le bois et par Duranton en ce qui concerne le fer”. On notera la modestie avec laquelle se désigne lui-même
le maître d’œuvre, qui sauva cette église de la destruction
et consacra cinq décennies à la restaurer patiemment, à
savoir l’abbé Louis-Alexis Buffet.
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2. Premières données sur le menuisier, Tabart
Les registres d’État Civil étampois
conservent l’acte de mariage d’un certain Jean-Baptiste Narcisse Tabart,
en date du lundi 24 juin 1844. C’est un serrurier alors âgé
de 27 ans, qui se marie alors à mademoiselle Julie Sophie Flisat, femme
de chambre âgée de 22 ans et résidant rue de la Porte-Dorée,
née à La Chaussée-sur-Marne près de Vitry-le-François.
Lui-même vit au n°64 de la rue Saint-Jacques, chez sa mère,
veuve de Narcisse Protais Tabart, en son vivant garde-moulin.
Cependant, ce n’est pas notre homme, puisque ce n’est
pas un serrurier que nous cherchons, mais un menuisier. Il faut donc chercher
dans son entourage familial. Précisément, les témoins du mariage sont ses oncles Henri Alexandre Tabart,
tourneur en bois de 43 ans, et Adolphe Stanislas Tabart, menuisier
de 41 ans.
C’est ce dernier qui doit faire notre affaire, puisqu’il
est menuisier. Il était né le 12 mai 1802, alors prénommé
Stanislas Adolphe. L’inversion des deux prénoms tend à démonter
qu’Adolphe était son prénom d’usage.
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3. Premières
données sur le serrurier, Durenton
Quant à notre
serrurier, Durenton, nous ne saurions
rien de lui, s’il n’avait pas eu l’infortune de voir mourir à Étampes
le fils que venait de lui donner sa jeune épouse.
Le lundi 5 janvier 1846 en effet, à 1 h de l’après-midi, est
enregistré le décès de Pierre Étienne Duranton,
mort l’avant-veille, âgé de 5 mois, natif d’Aubusson dans la
Creuse, fils de Joseph Duranton, serrurier âgé de 27 ans et
de Marie Louise Élisa Lefaure, âgée de 22 ans.
L’acte de décès est signé du
maire lui-même, Albin Nicolas Pommeret de Varenne, du père
(“Duranton Joseph”) et de son frère aîné Pierre Michel Duranton, âgé de 31 ans (“Duranton fils
aîné”).
L’enfant
étant né en juillet-août 1845 à Aubusson, il
apparaît que les frères Duranton ne sont venus à Étampes
que dans la deuxième semestre de cette même année pour
y réaliser les ferrures désirées par l’abbé Buffet,
curé de Saint-Basile.
Au moment du décès, Joseph Duranton et
sa femme résident au n°88 de la rue Saint-Jacques, comme sans
doute aussi le frère aîné de Joseph. Ce numéro
n’existe plus, le bâtiment qui y correspondait ayant été
absorbé par le n°90, site de l’ancien garage Sergent, qui lui
même passe pour occuper le site d’une ancienne auberge. Il s’agit dans
doute de celle que Léon Marquis, dans sa liste des auberges de la
rue Saint-Jacques, situe en face de la rue Pavé, “l’auberge du Rossignol,
tenue autrefois par Parquois, et supprimée vers 1844” (plutôt
que le numéro 84 supposé par Frédéric Gatineau,
Étampes en lieux et places, p. 111, qui
est tout à fait au droit de la rue Pavée, mais correspond à
une petite maison). C’était devenu de son temps, en 1881, “l’enseigne
d’un marchand de vin”. On peut donc supposer que Joseph Duranton et sa jeune
épouse résidaient dans une chambre louée de cette auberge.
4. Premières
conclusions et appel à contributions
Il apparaît
donc en première analyse que la porte de Saint-Basile a été
réalisée pendant le deuxième semestre de l’an 1845 par
une équipe constituée d’une part d’au moins un menuisier, Adolphe
Stanislas Tabart, sans doute assisté de son frère aîné
Henri Alexandre, tourneur en bois, et peut-être de leur neveu Jean-Baptiste
Narcisse, serrurier; et d’autre part de deux frères, serruriers chevronnés
venus spécialement d’Aubusson, à savoir Pierre Michel Duranton,
et son frère cadet Joseph, ce dernier accompagné de son épouse
Marie et de leur enfant en bas-âge Pierre Étienne.
Nous faisons donc
appel à toute personne qui serait susceptible de nous aider à
continuer cette enquête:
(1) Nous avons besoin d’une personne capable de décrire
dans les termes de l’art le beau travail de ferronnerie exécuté
par les frères Duranton.
(2) Il serait bon de trouver le modèle médiéval
qu’ils ont suivi, certainement tiré de quelque manuel ou dictionnaire
de référence, tels que ceux de Viollet-le-Duc.
(3) Nous sommes aussi preneurs de toute donnée
relative aux frères Duranton, qui étaient peut-être
d’Aubusson, ou bien des compagnons itinérants qui ont dû laisser
des traces ailleurs qu’à Étampes.
Devenez co-auteur de cette page!
Bernard Gineste, juillet 2010.
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