Marche de l’Arquebuse d’Étampes
partition pour deux violons, fin XVIIIe siècle
Gérard Dôle est un écrivain, auteur d’histoires fantastiques,
et auteur-compositeur-interprète, chercheur en ethnomusicologie.
Il nous généreusement adressé le 30 décembre
2010 le scan d’un feuillet de sa collection d’un grand intérêt
pour l’histoire de la ville d’Étampes, avec l’autorisation de le reproduire,
moyennant seulement la mention de sa provenance, à savoir de sa collection
personnelle. Il faut se féliciter que tous les collectionneurs ne
soient pas jaloux des trésors qu’ils ont amassés, et nous pensons
que tous ceux qui auront à faire usage de cette partition se feront
un devoir de continuer à préciser quelle est sa provenance.
Ce feuillet provient
apparemment, selon Gérard Dôle, d’un “recueil de danses pour
deux violons datant de la fin du XVIIIeme siècle comme il s’en faisait
beaucoup alors”.
De fait la typographie de cette partition paraît
bien caractéristique de l’Ancien Régime, et le morceau lui-même,
de l’avis d’un autre musicien que je viens de consulter, pourrait être
plus ancien que cela. Il est bien certain en tout cas que cette partition
est destinée à deux violons, ne serait-ce que par les signes
qui surmontent les notes ci-contre, et qui ne peuvent être rendus que
par des instruments à corde.
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Sur l’Arquebuse
d’Étampes, nous rappellerons ici pour l’instant l’essentiel tel qu’il
a été résumé par le comte de Saint-Périer,
et, en attendant d’autres publications prochaines par notre Corpus sur ce sujet, nous y joindrons
seulemnt ce qu'en a écrit Léon Marquis d'une manière
plus étendue.
Résumé du comte de
saint-Périer (1938)
“A la même époque [vers 1563], les habitants d’Étampes, désireux
d’épargner aux jeunes gens les dangers de l’oisiveté et «l’occasion
d’aller fréquenter les tavernes et jeux scandaleux», obtinrent
du roi Henri II l’autorisation d’organiser des jeux d’arbalète et
d’arquebuse, avec un concours et l’exemption d’impôts durant un an pour
[p.36] les vainqueurs. Le concours
eut lieu chaque année le 1er mai sur une place d’Étampes celui
qui abattait le «papegaut», l’oiseau de bois monté sur
un mât, du trait de son arbalète, était proclamé
roi des arbalétriers, et celui qui triomphait de même en tirant
à l’arquebuse, roi des arquebusiers. L’un et l’autre recevaient un
mouton d’or ou quarante sols tournois. L’hôtel de l’Arquebuse, où
se faisaient les exercices, longtemps situé rue Saint-Jacques, fut
transféré au XVIIIe siècle sur le Port, à l’emplacement
du casino actuel; il était alors le siège d’une compagnie nombreuse
de chevaliers, au somptueux costume, dont un portrait conservé au musée
d’Étampes nous donne quelque idée. Ils se réunirent pour
la dernière fois le 15 août 1790 et firent la remise de leurs
drapeaux, qui furent suspendus à la voûte de Notre-Dame.”
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René de Saint-Périer,
La grande histoire d’une petite ville: Étampes,
Étampes, Édition du Centenaire de la Caisse d’Épargne,
1938, pp. 35-36.
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Notes de Léon
Marquis (1881)
Les arquebusiers d’Étampes (...)
furent en effet établis dans cette ville par le roi Henri III, suivant
lettres patentes du 21 mai 1549, octroyant aux vainqueurs des prix et des
exemptions diverses d’impôts.
Henri IV, en 1605, retrancha l’exemption
sur le droit de gabelle.
Les autres exemptions d’impôts
furent successivement abolies, suivant d’autres arrêts et édits,
durant les XVIIe et XVIIIe siècles. Par un arrêt de 1727,
Louis XV dit que celui qui aura abattu l’oiseau trois années de
suite jouira, sa vie durant, de toutes exemptions de droits de tailles,
aides et autres impositions. Charles Périer, marchand d’Étampes,
roi de l’oiseau et capitaine des grenadiers [p.68] de la compagnie, jouissait de
ce privilège pour avoir abattu l’oiseau en 1733, 1734 et 1735 (l).
Par un autre arrêt du 25 mai
1728, concernant spécialement les arquebusiers d’Étampes,
le nommé Antoine Parisot, marchand, qui était roi de
l’oiseau, se croyait exempt de divers droits montant à 33 livres
pour onze poinçons de vin. Sur son refus de payer, Pierre Brossard,
sous-fermier des aides, le poursuivit, et il en résulta cet arrêt
du Conseil d’Etat qui supprime les exemptions de droits d’aides et d’octroi
aux arquebusiers d’Étampes, leur conservant toutefois divers
privilèges (2).
En 1754, leur drapeau était: «fond blanc avec croix bleue,»
et leur guidon: «fond blanc avec un soleil d’or rayonnant à
seize pointes dans lesquelles est enlacée la devise: Nec pluribus
impar (3).»
Leur dicton était en 1778: «les sables, ou les écrevisses.»
Air:
Ne v’la-t-il pas que j’aime.
Nous n’allons pas
à reculons
Comme les écreyisses.
Vaincre et mourir pour les Bourbons,
Voilà tous
nos délices (4).
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(1) Manuscrits particuliers.
(2) V. la note 14.
(3) Revue de Champagne
et de Brie, février 1880.
(4) Recueil de pièces
sur les arquebusiers de Meaux, p. 122.
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Le dicton de 1754 était: «les sables d’Étampes.»
Le sable de stérilité
De toute
part est le symbole;
Entre
nos mains, sur ma parole,
Il désigne
fertilité.
Certes,
la Marne, sur la rive,
N’en
peut autant compter les grains
Que
la beauté qui nous captive
Donne
à nos cœurs de souverains (5).
Les arquebusiers de presque toutes les compagnies du royaume se réunissaient
de temps en temps, tantôt dans une ville, tantôt [p.69] dans une autre, pour concourir
au prix général de l’arquebuse de France, ce qui était
l’occasion de banquets, bals et feux de joie.
Le registre des délibérations
de la compagnie royale de l’arquebuse d’Étampes, qui est à
la bibliothèque municipale, donne des renseignements sur les faits
et gestes de la compagnie au XVIIIe siècle; il nous apprend qu’elle
prit part aux concours de Compiègne, en septembre 1729; Châlons-sur-Marne,
en septembre 1754; La Ferté-sous-Jouarre, en septembre 1767;
Montereau, en août 1773; Saint-Quentin, en septembre 1774; Meaux,
en 1778; Nogent en septembre 1783.
En outre, elle faisait partie du concordat
qui eut lieu à Paris le 18 décembre 1775, et auquel prirent
part quarante-huit compagnies. |
(5)
Revue de Champagne et de Brie de 1879.
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Au prix général qui fut tiré à Compiègne
le 4 septembre 1729, le capitaine et les chevaliers, au nombre de dix,
avaient à leur tête deux tambours, un hautbois et un marqueur
petite livrée du roi. Tous étaient en uniforme de drap
gris de fer, boutons d’argent des deux côtés, vestes de chamois
galonnées en plein, chapeaux bordés d’argent aux plumets
blancs et cocardes noires (l).
Au prix général de l’arquebuse
de Châlons-sur-Marne, en 1754, le capitaine de la compagnie d’Étampes
était Adrien-Constant-Esprit Regnault des Barres, capitaine,
gouverneur et grand bailli pour le roi des ville, château et duché
d’Étampes, baron de Laaz, seigneur de Villeneuve-sur-Auvers et
autres lieux, ancien capitaine commandant des dragons wallons de la garde
de l’empereur Charles VII. Il faisait partie du conseil ou jury du prix
général de Châlons. |
(1)
Legrand, Notice sur l’arquebuse de Compiègne, 1846, in-8.
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Un mémoire qui fut fait à l’occasion de ce prix dit que
la compagnie d’Étampes se pique d’observer la discipline militaire
des dragons, et que les autres compagnies n’osent pas se flatter d’être
commandées par des hommes de cette distinction (2).
Leur costume était alors: habits-vestes
rouges, parements et collets bleus, agréments d’or, chapeaux
bordés d’or, plumets blancs (3).
En 1774, il y avait en France quarante-huit
compagnies de l’arquebuse [p.70] et
celle d’Étampes, la plus nombreuse après celle de Sainte-Menehould,
comptait cinquante-cinq arquebusiers qui furent réduits à
quarante en 1775.
La compagnie d’Étampes assista
au prix général de Meaux en 1778; son uniforme était
changé. Ils portaient alors: habit écarlate, collet, revers,
parements, veste et culotte chamois, doubles galons d’or aux manches
des officiers, comme aux revers et collet de l’habit; veste pareillement
galonnée, double épaulette en or aux capitaine-commandant,
major et capitaine des grenadiers, pareille épaulette à
cordelière aux autres officiers; gros et petits boutons plats de
cuivre doré empreints d’une couronne de France; une sablière
au-dessous, une butière en arc et des flèches en croix;
bas de soie blancs, chapeau uni avec plumet blanc, cocarde blanche et une
plume, col noir et queue uniforme.
Les sapeurs portent moustaches, tabliers
blancs, bonnets de grenadiers, sabres surdorés et haches militaires;
les grenadiers, moustaches, bonnet de poil, celui du capitaine enrichi
d’un gland d’or pur, et celui des autres sapeurs et grenadiers de glands
d’or et soie avec plumes blanches ou sultanes, et cocardes blanches, guêtres
blanches, sabres surdorés, fusils et baïonnettes, cheveux
tressés et relevés; même uniforme pour les chevaliers,
sans aucun galon, qu’une épaulette en or sans cordelière.
Voici les noms des arquebusiers d’Étampes
en 1775: Bigault, capitaine en chef; Creuset, major; Perrier, capitaine
des grenadiers; Hémard, aide-major; Perrier, lieutenant; Desforges,
lieutenant; Chazottier, maréchal-des-logis; l’abbé Ruelle,
doyen de Milly, aumônier; Boivin l’aîné, Dablay, Boivin,
Le Lièvre de la Lande, Conti, Rigault fils, Bourgeois, Conti,
Choiseau, Perrier, Beschu, Thibout, de la Borde, Godin le jeune, Gervaise,
Godin, Chevallier, Darblay, Darblay, Chevallier, Guettard, Houdry, Louis
Lejeune, Hénin de Chérel, Ruelle, Mainfroy, Creuset, Barbot,
Dolimier, Landry, de la Place, Bonté. |
(2)
Revue de Champagne et de Brie , février 1880.
(3) Id.,
1879.
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Le 27 mai 1789, de la Borde fils fut nommé colonel de la compagnie,
qui se réunit le mois suivant à l’occasion de l’établissement
de la rosière d’Étampes.
Le 15 août 1790, jour de la procession
en l’honneur du vœu de Louis XIII, eut lieu à l’église
Notre-Dame une cérémonie pour la
[p.71] dissolution de la compagnie, où
fut faite, selon les termes du registre des délibérations,
«la remise de ses drapeaux et guidon qui l’ont toujours conduite
dans le champ de l’honneur et de la gloire.»
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Bernard Gineste, 2 janvier 2011.
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